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Bulletins de l'Oratoire > N°791 de juin 2012
La musique, élixir de vie
La musique adoucit les mœurs. Qui n’a jamais allumé sa chaîne hi-fi pour diffuser une musique plaisante alors que le moral était au plus bas ? Qui n’a jamais écouté une chanson familière, un morceau adoré, alors qu’il était en colère, agacé, déprimé, perdu peut-être ? Saül l’avait bien compris, qui demande à David de jouer de la harpe lorsqu’il est tourmenté par de vieux démons, par des pensées troublantes qui l’obsèdent et l’empêchent de trouver la sérénité, la quiétude (1 S 16/14-23). David fait office de thérapeute en offrant au roi Saül une manière simple de retrouver un peu d’harmonie intérieure : David crée une harmonie extérieure qui va produire cette harmonie intime à laquelle nous aspirons lorsque la vie est difficile. Lorsque David jouait, Saül respirait plus facilement, il se sentait mieux et l’esprit qui le tourmentait le laissait tranquille.
Comment expliquer que la musique ait un tel effet sur une personne ? Comment expliquer que la musique puisse, littéralement, nous transporter, nous élever, nous transformer parfois, nous faire pleurer, nous faire sourire, nous faire fermer les yeux, nous faire resserrer les doigts sur ceux de l’être aimé, nous endormir ou nous ragaillardir ?
C’est que la musique n’est pas que le son que l’on entend, ce n’est pas que du bruit : la musique est une langue ! La musique est d’abord une langue, avec son écriture, son vocabulaire, sa grammaire, sa syntaxe, et son sens. La musique est une langue et, à ce titre, elle produit des textes qu’on appelle partitions et qui, à la manière de tout texte, doivent être interprétés pour être compris. Nous avons tous l’intuition que certaines musiques nous parlent, alors même qu’il n’y a pas de paroles qui les accompagnent. Certaines musiques nous parlent et nous font un effet semblable à certains discours. La musique peut adoucir les mœurs comme certaines paroles amicales viennent mettre un peu de baume sur nos blessures ou augmenter le plaisir que nous ressentons à tel ou tel instant de notre vie.
La musique adoucit les mœurs, elle contribue à guérir certaines blessures, elle permet de franchir certains caps difficiles.
En 1937 paraît chez l’éditeur Denoël une plaquette, anonyme, ayant pour titre “Les nouvelles révélations de l’être.” L’ouvrage est anonyme, mais c’est Antonin Artaud qui l’a composé. Il s’agit du dernier livre de cet auteur emblématique du XXème siècle avant son internement en hôpital psychiatrique à Rodez. Pendant 6 ans, Antonin Artaud connaîtra une traversée du désert anonyme, privé de son nom, privé de son être, privé de son identité, privé de suffisamment de force intérieure pour être lui-même.Vers 1943, encore soumis à la psychiatrie dans sa forme la plus violente (des électrochocs qui produisent des comas), il écrit à son médecin : “je crois qu’il serait excellent pour moi de me mettre à un travail précis et objectif. Voudriez-vous me faire communiquer le livre de Lewis Caroll The Looking Glass ? Je ferai cette traduction en demeurant très près du texte, mais en m’efforçant de retrouver en français la vie originale de son esprit.”
S’efforcer de retrouver la vie ! Voilà le but qu’Antonin Artaud se donne : retrouver la vie et le nom perdu-effacé, anesthésié. C’est par le détour d’une œuvre dans une langue qui ne lui est pas maternelle qu’Antonin Artaud perçoit un espoir de salut. C’est en s’ouvrant à un ailleurs, à une richesse extérieure et étrangère, en allant plus avant, en se tenant hors de la cellule dans laquelle il est désormais reclus qu’il va, au sens strict du terme, pouvoir exister. Il n’en va pas autrement pour Saül et pour tous ceux qui veulent échapper à une vie qui se replie désespérément sur soi. Ecouter David revient, pour Saül, à ne pas écouter seulement sa propre voix, son propre désir, mais à s’ouvrir à une autre culture. La musique est histoire d’ouverture, c’est la raison pour laquelle elle a toute sa place dans la Bible dès lors qu’il s’agit de célébrer Dieu qui ouvre un avenir qui semble bouché, et que la musique a eu sa place, au temps de la Réforme, qui a perçu qu’il y avait là un langage, un mode d’expression conforme à l’esprit du Christianisme que les réformateurs voulaient remettre au goût du jour.
C’est dans cette perspective que la musique a toujours une place de choix à l’Oratoire du Louvre. Les articles rassemblés dans ce dossier nous aident à découvrir ce patrimoine qui ne se contente pas d’adoucir les mœurs, mais s’efforce de nous rendre plus vivants.
par James Woody
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La spiritualité de Bach
Louis Pernot, pasteur à l’Eglise Réformée de l’Etoile et luthiste baroque,
évoque la foi d’un compositeur bien connu.
Bach était croyant, cela est bien connu. Cela l’a inspiré évidemment pour toutes ses œuvres religieuses : les cantates, les chorals, et bien sûr les Passions. Les textes religieux qui les constituent sont, par lui, rendus vivants, profonds, il agit comme un peintre, comme un créateur qui donne vie, sentiment et intelligence à des textes dont la valeur est inégale.
Mais l’inspiration de Bach se voit aussi dans ses œuvres profanes. Lorsqu’il a été dans une ville calviniste où la musique d’Eglise n’était pas bienvenue, il a composé ses principales œuvres instrumentales. Là, point de parole, ni de référence biblique, pourtant ce sont là de véritables œuvres religieuses, simplement par l’esprit dans lequel elles ont été écrites.
Bach mettait habituellement au bas de ses œuvres ces trois lettres : S.D.G. signifiant: « Soli Deo Gloria », « pour la seule gloire de Dieu ». C’est la clé de sa démarche : il composait non pour les hommes, mais pour Dieu, et il se comportait là en totale cohérence avec la mystique protestante.
Les Réformateurs ont insisté sur le fait qu’il ne doit pas y avoir de séparation entre le sacré et le profane, non pas que rien ne soit sacré, mais parce que tout est sacré. Il n’y a donc pas d’actes religieux qui seraient des rites ou des actes particuliers, l’objectif est que tous les actes de toutes nos journées deviennent des actes religieux. Ainsi l’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain, tout ce que l’on fait peut devenir une prière, si c’est fait pour Dieu et toute activité, même la plus simple, le protestant la fera non pour lui, mais pour Dieu.
Bach a composé ses œuvres « pour la seule gloire de Dieu », c’est-àdire pour plaire à Dieu, et non aux hommes. Cela lui a valu sans doute d’être relativement incompris de son vivant, ses contemporains n’ont jamais su apprécier à leur juste valeur ces œuvres qui les dépassaient.
Ce qui est intéressant, c’est que Bach en avait totalement conscience. Il aurait pu faire de la musique « mondaine », il était tout à fait capable de plaire à ses contemporains, il aurait pu avoir plus de gloire, plus d’argent, des postes plus prestigieux, mais il a refusé cette tentation. Il n’était pas un génie incompris parce qu’étranger à son monde, il était un croyant cherchant à plaire à Dieu plutôt qu’aux hommes, il faisait alors le mieux qu’il pouvait, même si ce pouvait être trop souvent des « perles aux pourceaux » vis à vis de ses contemporains.
Et on a la preuve que Bach savait très bien ce qu’il faisait, qu’il savait ce qu’il aurait pu faire pour plaire aux hommes, cette preuve ce sont les cantates 22 et 23.
Le 7 février 1723 Bach concourt en vue de l’obtention du poste de Cantor à Leipzig, et il doit, pour cela, donner une cantate de sa composition. Il écrit une cantate qui nous est parvenue sous le numéro 23. Cette cantate est une pure merveille, c’est une petite cantate toute faite de finesse, d’intériorité, d’originalité. Elle ne cherche pas les effets faciles, pas de grand chœur d’entrée, une instrumentation simple, une forme réduite au minimum avec juste trois numéros : un duo soprano alto, puis un récitatif et un chœur. Difficile de faire moins dans la forme, et de faire plus complexe musicalement. La pureté, le dépouillement et la profondeur à l’état pur.
Mais avant lui, parmi les autre candidats, un nommé Graupner avait donné une cantate qui avait enthousiasmé le Conseil municipal. Bach connaissait bien Graupner, et aussi le style de ses œuvres dont on comprend, avec le recul, qu’elles n’aient pas laissé une grande trace dans l’histoire ! Bach saisit qu’il n’a aucune chance de plaire avec sa cantate dont les subtiles complexités et l’anticonformisme ont toute chance de ne pouvoir être comprises par le jury. Il en compose alors rapidement une autre, pour plaire, dans le but de réussir son concours et donc de séduire le jury. Cette cantate, elle nous est aussi parvenue, elle porte le numéro 22 (elles ont été numérotées à l’envers...). On ne peut pas dire que cette dernière œuvre soit vilaine, mais elle est beaucoup moins originale et intéressante que l’autre. Elle répond enfin aux critères formels et classiques que désirait la bourgeoisie. Elle a, comme il le fallait normalement, un chœur d’entrée et un choral final avec airs et récitatifs entre les deux. Elle comporte enfin les 5 numéros minimums, et surtout elle est beaucoup plus facile d’accès. Il y a bien dans le numéro d’entrée une utilisation contrapontique du chœur d’assez bel effet, mais celle-ci est assez élémentaire pour être facilement compréhensible. Ensuite deux airs simples, suffisamment dansants pour plaire, séparés par un récitatif plein d’effets évidents et de clichés. Bref, tout cela n’est pas de la plus haute volée. Cette cantate a eu le plus grand succès, Bach ne s’y était pas trompé.
Cela montre que Bach savait très bien faire de la musique pour plaire quand il le voulait. C’est sa foi qui a donné à sa musique la transcendance qui nous saisit aujourd’hui. Certes il était doué, mais sans sa foi, sa musique n’aurait sans doute pas eu cette dimension extraordinaire que nous lui connaissons. Et même ses œuvres profanes sont des louanges à Dieu, des témoignages d’une conviction profonde qui a toujours animé les protestants et qui devrait encore être la base de notre foi : « Quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu ».
par Louis Pernot
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A propos de Gustav Leonhardt
Le grand organiste Gustav Leonhardt avait ses préférences en ce qui concerne la mélodie des cantiques de « Louange et Prières ».
Il était, dans les années 70, l’organiste titulaire de l’Église wallonne d’Amsterdam dont j’étais alors un des pasteurs et il m’en avait fait la remarque à l’issue d’un culte que j’avais présidé. Il avait évalué le choix de mes cantiques avec beaucoup de tact, sur le ton calme et flegmatique mais très net et affirmatif qui caractérise les Hollandais. Et j’ai clairement compris que pour tout esprit normalement conscient de l’importance de la musique, tout n’était pas chantable.
Il m’a gentiment proposé d’emprunter mon exemplaire de Louange et Prières et d’y mentionner en tête de chaque cantique la valeur de sa mélodie : TB, B, M, TM selon qu’objectivement elle était Très Bonne ou Très Mauvaise (ce précieux recueil est actuellement entre les mains des pasteurs de l’Oratoire).
Gustav Leonhardt et son épouse Marie étaient des membres actifs de la paroisse. Gustav venait de me demander d’y faire sa confirmation (Confirmer à l’âge adulte était courant aux Pays-Bas), ils participaient tous deux à un groupe biblique de jeunes adultes ; Marie était monitrice de l’école du dimanche et leurs filles suivaient avec moi leur catéchisme.
Les concerts que Gustav Leonhardt organisait aux Pays-Bas et ailleurs en Europe, ainsi que l’ensemble Leonhardt Consort auquel participait Marie, remarquable violoniste, attiraient dans notre église de nombreuses curiosités. Mais malgré toutes nos supplications, son puritanisme calviniste lui interdisait d’agrémenter les cultes de la musique magnifique qu’il donnait aux salles de concert : « On vient au culte pour prier Dieu et non pour se laisser distraire par la musique. L’organiste doit seulement aider les paroissiens à chanter et, par son jeu discret, créer une atmosphère de silence intérieur. Si l’on remarque l’organiste c’est qu’il a mal joué ! »
Notre paroisse organisait des cultes de jeunes. Ceux-ci n’étaient en rien impressionnés par l’organiste prestigieux qu’était Gustav Leonhardt. Ils me demandaient de sortir de la seule musique de Bach qu’il jouait, certes magnifiquement mais de manière parfaitement puritaine. Ils voulaient de la musique moderne. Cela fit toute une histoire et il me fallut souligner au Consistoire (c’est ainsi qu’on appelait le Conseil Presbytéral) que les jeunes venaient par centaines à ces cultes qui drainaient les lycées de la ville pour que Gustav Leonhardt accepte à son corps défendant, non pas bien sûr de jouer lui-même de la musique moderne mais qu’un autre organiste le remplace à ces occasions.
par Gilles Castelnau
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La place du chant dans le culte
La place du chant dans le culte réformé illustre à sa manière les grands principes de la Réforme. Première singularité au XVIème siècle, le chant dans le culte réformé est à l’usage de tous, clercs et laïcs, hommes et femmes, en langue vernaculaire, dans la ligne du sacerdoce universel.
Voici brossé à grands traits un tableau de notre patrimoine musical, avec quelques travaux pratiques en italiques.
Jean Calvin |
Calvin, les Psaumes,
gloire au Père, Sola scriptura
Pour Calvin, la musique ne doit pas divertir, détourner du texte. Elle est le support des mots avec lesquels l’assemblée répond à Dieu. Les mots utilisés ne peuvent qu’être repris de l’Ecriture, l’homme lui-même ne pouvant pas faire mieux. Ainsi sont utilisés principalement les 150 Psaumes, les cantiques de Marie et Siméon, le Notre Père, les Béatitudes, paraphrasés en français. Calvin fit appel aux meilleurs musiciens pour trouver, composer ou reprendre, les mélodies les plus aptes à être mémorisées, et à illustrer les textes.
Chantez le psaume 42 Comme un cerf altéré brame, vous entendrez les trompes de cet air de chasse.
L’assemblée répond d’une seule voix, les psaumes sont donc chantés au temple à l’unisson, par toute l’assemblée. Il n’y a pas de soliste, de chorale. Une syllabe par note, pas de vocalises, c’est plus facile pour une exécution collective. Les harmonisations à plusieurs voix, les versions en contrepoint ou les motets sur ces mêmes textes sont destinés à l’usage familial. Les textes ont une cohérence propre, donc toutes les strophes doivent être chantées. Dieu étant là pour entendre, il est inutile de lui répéter les choses, donc pas de redite, pas de refrain.
Chantez maintenant le Psaume 36 O Seigneur ta fidélité,
puis le Psaume 68 Que Dieu se montre seulement. Oui, vous avez raison, c’est la même mélodie. Mais vous ne lui avez donné instinctivement ni le même tempo ni le même caractère. Vous venez de mettre en pratique ce que Calvin attendait : une mélodie au service d’un texte, un tempo propre aux paroles chantées ou parlées. Car on chante comme on parle plus lentement une confession du péché qu’une annonce du pardon. Il ne faut pas chanter en général plus ou moins vite, il faut chanter de manière adaptée aux paroles prononcées. En chantant le psaume, le texte pensé est porté par une musique qui donne le temps.
Martin Luther
jeune |
Luther, les chorals,
gloire au Fils, Sola fide
Pour Luther, le texte et la musique sont deux versants qui forment un tout.
Pour les textes, Luther a souhaité ajouter aux textes bibliques (C’est un rempart adapté du psaume 46) des thèmes plus inscrits dans le temps liturgique et la vie de Jésus.
Le choral est la forme musicale luthérienne par excellence. Jean-Sebastien permettent d’exprimer la foi, la confiance, l’espérance du chrétien, la réalité de l’Eglise, en lien avec la vie du Fils, l’incarnation, la croix, la résurrection.
Chantez Confie à Dieu ta route. Chantez Chef couvert de blessures.
Vous avez du conserver le même tempo. Malgré la différence des paroles, la force de la musique impose un rythme. En chantant le choral, le texte, pensé, et la mélodie, chantée, se conjuguent.
Edmond Budry auteur des paroles du chant "À toi la gloire", sur une mélodie de Hændel |
Romantisme et Réveil, les cantiques,
gloire au Saint-Esprit, Sola gratia
Plusieurs courants musicaux mais surtout spirituels se sont développés, insistant notamment sur le choix personnel. La musique appelle à la conversion, apporte de l’émotion, et permet l’expression d’une pensée et d’un sentiment. Ce sentiment d’une relation personnelle à Dieu est fortement lié au Saint-Esprit.
Les compositeurs de diverses époques sont mis à contribution, Haendel, Haydn, Mendelssohn. Les psalmodies moraves, les musiques du Réveil, de l’Armée du Salut sont reprises, dans des styles très différents. Le choix du ternaire aide au « lâcher prise » de la raison.
Chantez des cantiques aussi variés que Toi qui disposes, Torrents d’amour et de grâce, Soleil de Justice, Seigneur Dirige et sanctifie, Debout Sainte Cohorte, C’est toi Seigneur qui nous unis, A Toi la Gloire . Certains vous auront serré le cœur ou la gorge.
Il est trop rapide de dire que le texte n’a pas d’importance. Ces chants fonctionnent quand ils signifient quelque chose. Et même si les paroles en semblent désuètes, elles rappellent notre histoire et les combats de notre église. En chantant ces cantiques, la musique apporte au-delà du texte, une émotion
A défaut de succession apostolique, nous rencontrons notre histoire avec trois courants musicaux : l’un en étant fondateur, l’autre nous ayant rejoint, le troisième s’étant développé ensuite. Ils ont une belle complémentarité. Le Père, le Fils, l’Esprit. Approches biblique, théologique, spirituelle. Sola scriptura, sola fide, sola gratia. Alors comment pourrait-on oublier dans nos cultes de toujours chanter psaume, choral et cantique ?
[Merci à Bernard Reymond
(Le protestantisme et la musique Labor et Fides 2002)
et Edith Weber.]
par Catherine Veillet Michelet
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Théodore de Bèze et Clément Marot
S’il existe deux poètes qui nous permettent de célébrer l’Eternel chaque dimanche ce sont bien Théodore de Bèze et Clément Marot.
Théodore de Bèze
Il est né à Vézelay en 1519. Il est issu d’une famille de l’ancienne noblesse. C’est son précepteur -Melchior Wolmar -qui va l’initier à la Réforme. Il commence ses études à Bourges puis les poursuit à Orléans. A Paris il va mener une vie mondaine et la publication (1548) de son premier recueil “Pœmata” va le rendre immédiatement célèbre. En cette même année, étant sans doute soupçonné d’hérésie, il s’enfuit à Genève où Calvin l’accueille.
A Lausanne, il va mener deux carriers : l’une de professeur de grec, l’autre de littérature. Cette seconde carrière sera tout entière dévouée à la Réforme. En 1561, il publie une traduction française des Psaumes et continue ainsi l’œuvre de Clément Marot.
Au colloque de Poissy il mènera la délégation protestante et formule la doctrine de Calvin sur la Présence réelle.
En 1562 Théodore de Bèze prêche aux portes de Paris. Il donnera ainsi l’occasion à Ronsard de faire de lui un portrait - somme toute assez sympathique -d’un ancien « amoureux » devenu « prédicant ».
Après avoir pris une part très active à la première guerre civile, il rentre à Genève et recueille un peu plus tard la succession de Calvin. Dès lors, en tant que chef de l’Eglise réformée, son œuvre sera considerable : coordonner l’action des Huguenots face aux nouvelles persécutions, poursuivre l’enseignement et la prédication. Il va échanger avec des théologiens, des intellectuels, des hommes politiques une impressionnante correspondance.
Dans ses derniers ouvrages (réédition expurgée des Poemata, traité de prononciation de français), les préoccupations esthétiques et littéraires sont sous -jacentes aux combats religieux. C’est avec « l’Abraham Sacrifiant » (1550) que l’on trouvera l’œuvre la plus accomplie de Théodore de Bèze.
Clément Marot (1496 - 1544)
Il naît dans une famille « privilégiée ». Déjà son père est un poète de cour fort célèbre. C’est donc lui qui assurera son éducation et qui l’introduira à la cour d’Anne de Bretagne et de Louis XII.
Le nouveau roi, François Ier, va remarquer ce jeune page en lisant le « Temple de Cupidon ». Pour autant, le jeune Marot n’a pas encore de fonctions officielles à la Cour. Il mène donc la vie joyeuse des étudiants de la Basoche. En 1518, Marguerite d’Alençon -sœur du roi François Ier -le prend à son service comme secrétaire ; il sera désormais poète de cour. Le voila désormais au cœur de la Cour la plus brillante auprès du fastueux François Ier. Entre le roi et le poète naît une véritable connivence . Toute sa vie, la Cour de France est le seul lieu où il aspirera vraiment à vivre. Il aime tout dans cette Cour : les dames, les jeux, les échanges amicaux et intellectuels, les réceptions, le panache splendide de cette magnifique Renaissance.
Mais ce poète gai, populaire, ayant fait la joie des amoureux de la poésie pendant près de trois siècles fut aussi un homme d’une folle imprudence. Avec Marguerite, devenue reine de Navarre, il découvre la joie de lire l’Ancien Testament. Ce qui est permis à une reine ne l’est pas au poète. Son attirance pour la Réforme va le mettre en danger et est à l’origine des nombreux problèmes que Marot va devoir affronter. Une première fois il joue avec le feu en délivrant un prisonnier, en 1526 on l’accuse d’avoir « mangé lard en carême » … tout cela le mène au moins deux fois en prison. François Ier le soutient toujours et le fait libérer. En 1534, le voilà à nouveau compromis dans « l’affaire des Placards ». Il doit fuir Paris, se réfugier à Nérac auprès de Marguerite de Navarre. Il passe ensuite à Ferrare chez Renée de France tout acquise à la Réforme et y restera en exil pendant deux ans. Après avoir abjuré lors de son passage à Lyon il peut retrouver la Cour. A nouveau il rentre en grâce auprès du roi et connaît un regain de faveur en tant que poète. Mais en 1542 François Ier rompt définitivement avec les « hérétiques » et abandonne son poète. Marot se réfugie à Genève où il continue la traduction des Psaumes commencée en 1540. Très vite il est déçu par l’accueil que lui réserve Calvin. Ultime exil, il va quitter Genève, rejoindre Turin où il mourra en 1544.
par Rose Marie Boulanger
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La musique anglicane
La tradition musicale anglicane est un trésor. On y trouve côte à côte la musique savante de la Renaissance, avec les signatures prestigieuses des plus grands contrapuntistes de l'époque (Byrd, Tallis, Gibbons...), et une hymnologie parfaitement accessible à l'assemblée, dans laquelle une vraie richesse musicale est doublée d'une très haute qualité littéraire (inspirée par la Bible de 1611 et le Prayer Book et par d'auteurs aussi célèbres que Tennyson, George Herbert, John Bunyan...). Ici aussi les compositeurs sont de premier ordre, tels que le grand symphoniste Ralph Vaughan
Williams (éditeur du English Hymnal) ou encore Gustav Holst ou John Ireland. Toutes les périodes sont représentées : on peut y trouver du Haendel ou du Purcell, et sur la page suivante un psaume genevois ou un choral luthérien : on y révise régulièrement les recueils pour y inclure les nouveautés ('Hymns for Today').
Aucune rupture luthérienne ni calviniste, donc : le fidèle accepte à la fois l'écoute et la participation, et le moment du Anthem, très officiellement attesté dans le Prayer Book ('In Quires and Places where they sing, here followeth the Anthem') fait partie depuis toujours du décor liturgique. Aucune révolution, non plus, de nature à entraîner la fermeture massive des choir schools, ces maîtrises attachées aux cathédrales, qui sont toujours d'actualité et qui servent autant de pépinières (très recherchées!) pour la profession musicale que de source renouvelable de musiciens d'église. Le Royal School of Church Music, jusqu'en 1996 superbement installée à Addington Palace au sud de Londres, joue toujours son rôle, tout comme le Royal College of Organists. Un bémol, hélas : l'angoisse actuelle de 'l'hémorragie des jeunes' entraîne une dérive vers la musique commerciale, provoque l'anesthésie du goût et rend impossible toute décision musicale sereine : toute paroisse sans drum kit ni music group se voit vite étiquetée '3e âge' ou pire encore. Le phénomène se généralise. Que faire? A quand, un vrai enseignement théologique, patient, ouvert et accessible, du sens et de la valeur musicales?
par Nicholas Burton-Page
Chef de chœur de l’Oratoire
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« Ô Dieu ! Je te chanterai un cantique nouveau,
Je te célébrerai sur le luth à dix cordes »
Psaume 144:9
Voir l'éditorial de Marc Pernot.
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