David a effectivement bien des cordes à son arc, et à son luth. Il est poète, chanteur et danseur, il est également berger, roi et prophète, il est un grand croyant et un homme qui fait ce qu’il peut… avec ses qualités et ses faiblesses, ses erreurs et ses prouesses.
Quel est ce projet dont David fait part à Dieu ? Est-ce un projet de composition musicale ? Ce serait dans ses cordes. Mais le fait que David précise qu’il y a 10 cordes à son luth est une indication qui ouvre à une autre lecture. Les 10 cordes évoquent le Décalogue, les « dix paroles » de la Loi de Moïse, unissant le peuple hébreu autour d’une foi et d’une conception de ce qu’il est juste de faire. C’est sur ce luth-là que David désire s’exprimer pour accompagner son chant de louange à Dieu. C’est donc son existence tout entière que David compare ici à un chant, ce qui est une belle philosophie. La vie est considérée comme une œuvre d’art dans laquelle on met tout son cœur. Pourquoi vivre, pourquoi essayer de penser à Dieu, pourquoi chercher à faire un peu de bien autour de soi ? Parce que la vie est alors comme un chant, un beau chant qui élève l’âme, et qui rend la vie belle, un chant qui fait honneur à notre créateur.
La recherche de faire place à l’action de Dieu dans notre vie et la recherche de vivre d’une manière la plus juste possible ne sont alors pas des contraintes, mais ce sont autant de cordes à notre luth pour accompagner notre journée et qu’elle soit comme un chant. Ce chant sera de toute façon nouveau puisque nous sommes un être en évolution et que l’Esprit nous donne envie d’être source de nouveauté nous-mêmes, un petit peu à l’image de Dieu.
Il n’y a pas de plus beau merci à offrir à Dieu que ce chant de notre existence pour le remercier de la beauté de la vie. Nous ne « devons » rien à Dieu, il a créé ce monde et il nous a créé pour l’amour du beau, par amour pour cette œuvre d’art que nous sommes (même si nous en doutions). Une œuvre d’art ne doit rien à l’artiste, elle est déjà son bon plaisir. Mais nous pouvons faire du bien, nous pouvons avoir l’humilité de nous laisser aider par d’autres, nous pouvons prier Dieu… pour le simple amour du bien, pour la beauté du geste et des belles émotions possibles. Nous vibrons alors à cette harmonie qu’est la grâce de Dieu, et notre vie est un chant.
Dans le chant, c’est notre corps qui est l’instrument de musique, c’est notre souffle qui est l’archet. Il y a donc dans cette parole de David une invitation à ce que la foi et l’amour nous animent. Alors nous pourrons passer à l’exercice du luth, c’est-à-dire à une action extérieure, en faisant vibrer dans le monde les cordes de l’idéal que nous propose le Christ, en aimant Dieu, et aimant ceux qui nous sont confiés, en nous aimant aussi puisque l’être que nous sommes nous est également confié, en aimant ce monde dont nous sommes une part.
C’est pourquoi il me semble bon que le chant ait une grande place dans le culte. La première place revient à notre recherche d’appropriation de la Bible, elle nous invite à réfléchir à nouveau sur Dieu et sa justice, sur ses promesses et les appels. Le chant nous invite à ce que cela s’incarne et fasse vibrer notre être en un chant nouveau, le nôtre, un chant que personne ne pourrait écrire à notre place, et que personne ne chantera à notre place mais peut-être avec nous. Dans le culte, le chant est en général un chant d’assemblée, il nous permet de chanter tout en écoutant ceux qui nous entourent, et d’expérimenter ainsi une communion. Un peu plus, j’allais dire que l’orgue serait l’image du Christ nous permettant de nous rassembler en un corps où chaque membre à sa place…