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Bulletins de l'Oratoire > N°794 de Pâques 2013

 

Dossier
Faire des choix

 

Choisir la vérité, par Marc Pernot

Dans bien des systèmes de pensée, le choix qui est proposé à la personne est de l’ordre d’une alternative : « Choisissez-vous oui ou non cette voie qui est la nôtre ? Si c’est non, tant pis pour vous. Si c’est oui, bienvenue mais il vous faut alors tout accepter en bloc, les croyances, les rites, les valeurs, les actes ». Cette dramatisation du choix, réduit à une simple alternative, a bien des avantages pour les dirigeants qui construisent ainsi un groupe assez homogène qu’ils tiennent bien en main. Cela ne manque pas d’intérêts pour la personne qui a choisi de dire « oui ». C’est confortable et rassurant de s’entendre répéter : « vous êtes dans le camp du bien, vous avez choisi la vraie vie, vous êtes en sécurité, reposez vous maintenant, il n’y a plus à choisir, juste à se laisser guider… car la soumission à la saine doctrine que je vous enseigne vous faites est humilité devant Dieu, ce qui est excellent pour vous... »

La Vérité selon Titin

Le discours du tyran politique, religieux ou familial (ça existe partout) est à peine plus subtil que ça. La dialectique de ces bons apôtres est reconnaissable à des prédications (ou prédictions) où le monde extérieur au groupe est présenté comme terriblement sombre et souffrant, et les personnes extérieures comme mauvaises… L’annonce de l’Évangile part au contraire d’un monde qui est déjà bon et aimable, et qui est effectivement aimé malgré ses imperfections. Par exemple dans cette phrase célèbre de Jésus « Dieu a tant aimé le monde… » (Jean 3 :16). Par exemple encore dans la Genèse, où l’homme, est placé par Dieu dans un jardin de délices avec la mission de le cultiver et à garder (Gen. 2:15) : certes il reste du chaos en ce monde, et donc du travail pour le cultiver, pour arracher, semer, tailler, sarcler, biner. Mais il y a également de bonnes, et même de très bonnes réalités à « garder ».

Le fait de choisir Dieu ne nous fait pas voir le monde comme négatif mais comme aimable. L’enseignement de Jésus ne rend pas les choses simples avec un chemin qui serait la seule trace de lumière dans un monde de ténèbres, au contraire, le témoignage de Jésus rend ce monde comme créé par la lumière, et même baigné de lumière. L’Évangile ne réduit pas nos choix à une alternative, il multiplie au contraire les  bons choix devant chacun. Le chemin que montre le Christ n’est pas comme un rail, mais il est un cheminement où la confiance en Dieu nous autorise à faire des choix inédits, à oser aller dans ce monde hors sentiers. C’est déjà la promesse faite par Dieu à Jacob, dans un incroyable retournement. Au lieu de lui dire: «  Suis-moi bien comme il faut et tu vivras », Dieu lui dit « Voici, je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras, je ne t’abandonnerai pas » (Genèse 28:15). Tout chemin que choisira Jacob sera donc le chemin de Dieu puisque Dieu l’accompagnera. Cela ne veut pas dire que Jacob ne fera pas de mauvais choix mais que dans la relation vraie que Dieu et lui ont ensemble, Dieu va pouvoir l’aider à chaque pas, surtout à chaque faux pas, d’ailleurs pour le soutenir.

Mais il est vrai que le livre du Deutéronome semble nous placer au contraire devant une simple alternative, Dieu disant « J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives… » (Deut 11:26, 30:19). En réalité, le Deutéronome n’est pas dans l’alternative brutale que je dénonçais plus haut. Car le « oui » qui est proposé n’est pas une soumission aveugle à des choses à croire et des choses à faire. Mais ce « oui » qui est suggéré consiste à s’ouvrir à l’écoute de Dieu, c’est le fameux « Shema Israël YHWH Élohénou, YHWH érad » (Deut. 6:4, Marc 12:29). Chaque personne, pas seulement les chefs, est ainsi en relation directe avec Dieu qui va l’aider à choisir, mais pas comme un tyran donne un ordre à un esclave, au contraire, dans ce texte, Dieu est appelé deux fois plus YHWH, le Dieu du pardon et de la tendresse maternelle que Élohim, le Dieu Paternel qui fixe le cap. Et même quand il fixe le cap, comme dans les tables de la Loi de Moïse, la première des dix paroles rappelle que Dieu est fondamentalement celui qui nous libère de tous les esclavages, y compris de l’esclavage de la religion étroite et de ses chefs qui gouvernent par la crainte.

Même le livre du Deutéronome, qui est un des plus légalistes des livres de la Bible, ouvre ainsi à une liberté individuelle avec Dieu et grâce à lui.

La Bible s’ouvre aujourd’hui sur le livre de la Genèse qui comprend ce récit de création de l’humain : «  Dieu dit : Créons l’homme à notre image » (Genèse 1:26). Pour savoir ce que ce texte entend par un être humain, il faut donc regarder ce qui nous est dit ici de Dieu. À cet instant-là, Dieu parle à un ou des interlocuteurs, il fait un projet de création avec lui ou eux, un projet dans lequel il met de lui-même. L’être humain est ainsi appelé à faire des projets en relation avec son entourage, des projets de création qu’il n’élabore pas comme un robot bien programmé, mais un projet qu’il élabore comme un artiste met de lui-même dans son œuvre. La vocation de l’homme, j’allais dire son devoir, est à mille lieues du simple bon choix entre un oui et un non. Notre vocation divine est de faire naître notre choix au fond de ce qui nous est le plus personnel pour l’exprimer dans un acte de création. Cela n’est possible que dans la liberté, dans la sincérité la plus authentique. La Bible et particulièrement l’Évangile du Christ nous apportent énormément pour cela. Recevant la promesse de l’amour inoxydable de Dieu pour nous, nous pouvons nous sentir dignes et libres de nous découvrir tels que nous sommes en vérité, assumer notre façon singulière d’être humain, en tout cas ses bons côtés, et sentir que nous sommes autorisés à l’exprimer par des choix personnels.

Mais Dieu n’est pas seul quand il élabore son projet de création, ce qui aussi quelque chose à l’être humain sur la meilleure façon possible de faire ses choix. Avec qui Dieu est-il en relation quand il fait ce projet ? Avec sa sagesse disent certains lecteurs depuis la haute Antiquité, et c’est déjà une piste pour nous : retourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler, travailler sa propre sagesse et savoir s’en servir pour élaborer nos prises de décision. Cela aussi, c’est quelque chose que Jésus met en avant quand il ajoute la réflexion personnelle comme un des piliers de notre foi. Et Dieu est une source de sagesse pour l’homme. Ce dialogue de Dieu avec sa sagesse nous invite à réfléchir mais aussi à prier, il nous invite à méditer sur l’expérience des autres, dans la lecture de la Bible, mais aussi dans le débat avec les savoirs et les opinions des autres.

Mais d’autres commentateurs disent que quand Dieu dit « créons l'homme » c'est à l'homme qu'il s'adresse, en lui proposant de le créer : Si tu le veux, ensemble, toi et moi, nous créerons un être humain. Cette hypothèse correspond à ce que dit l’apôtre Paul « nous sommes ouvriers avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, l’édifice de Dieu, le temple de Dieu. » (1 Cor. 3:9). Celle lecture nous invite à aimer le monde dans lequel nous allons créer, à le regarder interagir avec nous. Cela nous invite à aimer encore plus les personnes que nous croisons, à faire nos choix dans un dialogue, dans un débat avec ceux qui nous entourent pour que notre acte de création soit personnel, mais aussi un acte où nous nous créons mutuellement. Nous sommes un être de relations, la vraie liberté se bâtit sur une qualité de cette relation avec ce qui nous entoure, Dieu, le monde, les autres, le temps.

Marc Pernot

Calvin a-t-il tué nos choix ?, par James Woody

Une majorité de français ignore qui fut Jean Calvin et la plupart de ceux qui en ont entendu parler ne le connaissent qu’à travers la doctrine de la prédestination. De quoi s’agit-il ? Dans l’édition de l’Institution de la religion chrétienne de 1539, Jean Calvin définit la prédestination en ces termes : « Nous appelons prédestination, le conseil éternel de Dieu, par lequel il a déterminé ce qu’il voulait faire de chaque homme. Car il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à l’éternelle damnation. Ainsi, selon la fin pour laquelle est créé l’homme, nous disons qu’il est prédestiné à la mort ou à la vie » (IRC III, XXI, 5). Selon les termes de Calvin, il est donc question de double prédestination : soit à la vie éternelle soit à l’éternelle damnation.

Si ce qu’écrit Calvin est juste, quelle place reste-t-il à l’homme pour exercer la moindre liberté ? Tout semble joué d’avance et même la vie éternelle s’apparente à une sanction divine qui est imposée à l’homme réduit à l’état de jouet. Il se pourrait, toutefois, que cette double prédestination calvinienne fût, au XVIème siècle, une formidable machine de guerre contre le déterminisme et pour la liberté individuelle. La fin du Moyen Age n’est pas seulement marquée par la peur de la mort et la question du salut dont la querelle autour des indulgences est un symptôme particulièrement significatif, c’est aussi ce temps de l’histoire où la société est encore marquée par les Etats, réputés immuables et étanches, qui découpent la population en clercs, nobles et… tiers Etat essentiellement composé des travailleurs. Georges Duby relativisera la fixité de cette répartition en 1978, mais il reste vrai que la naissance reste décisive pour la suite de la vie qui dépend alors des conditions initiales. Il est possible de dire d’un être qu’il est bien né ou non : l’ascenseur social n’a pas encore été inventé.

C’est dans ce contexte que Calvin va introduire la notion d’échelle : quelle que soit la naissance, une autre histoire individuelle est possible qui ne doit rien à ce qu’une poignée d’hommes peut en dire. Calvin brise les carcans en introduisant la décision divine qui n’a que faire des conventions humaines. A défaut d’ascenseur, tout un chacun pourra emprunter l’échelle de Jacob que Dieu installe dans notre monde pour gagner une place qui lui était interdite jusque là. Comme dans le jeu de l’oie, il semble qu’il y ait aussi des échelles qui font reculer et descendre en enfer. Calvin ne pouvait faire autrement qu’envisager une damnation pour certains s’il voulait libérer tout le monde de l’emprise des consciences par l’Eglise ou tout autre pouvoir. S’il avait déclaré un salut universel, le monde aurait pu rester en l’état : il aurait légitimé les structures existantes. Par la double prédestination, il bouge les lignes et récuse l’idée que certains se font de leur supériorité sur des hommes et des femmes qu’ils ne considèrent pas comme leurs semblables. La double prédestination agit comme une subversion qui relativise le droit des mieux nés selon les critères de l’époque et qui instaure d’autres relations sociales possibles. Autrement dit, la double prédestination rend possible un autre regard sur soi et sur les autres : tout n’est plus joué d’avance selon les règles fixées par le pouvoir en place. Calvin est loin d’être le conservateur que beaucoup imaginent.

Le problème de Calvin, ce sont ses successeurs, les calvinistes. Soucieux de préserver l’héritage du réformateur, les héritiers vont décider d’inscrire sa doctrine dans le marbre. Lors du synode de Dordrecht (novembre 1617-mai 1618), ces artisans d’une orthodoxie réformée rédigent un texte (Canons de Dordrecht) qui servira de point de référence. Il commence par le thème de la prédestination et stipule à l’alinéa VI : « Selon ce décret, Dieu amollit par grâce le cœur des élus, quelque durs qu'ils soient, et les fléchit à croire ; mais, par un juste jugement, il laisse ceux qui ne sont point élus dans leur méchanceté et leur dureté. C'est ici que se découvre principalement la profonde, miséricordieuse et pareillement juste distinction entre des hommes qui étaient également perdus ; ou encore le décret de l'élection et de la réprobation révélé dans la Parole de Dieu, décret que les pervers, les impurs et les mal assurés tordent pour leur perdition, mais qui donne une consolation indicible aux âmes saintes et religieuses. » C’est en fait à ce texte que l’on doit l’image déplorable que les consciences contemporaines se font de Jean Calvin (qui était mort depuis plus de 50 ans). C’est ce texte que des pasteurs ont été obligés de signer au synode d’Alès en 1620 selon la formule « Je, N…, jure et proteste devant Dieu, et devant cette sainte assemblée, que je reçois, approuve, et embrasse toute la doctrine enseignée, et décidée au Synode de Dordrecht, comme entièrement conforme à la Parole de Dieu, et à la confession de nos Eglises »; c’est ce texte qui a conduit plus d’une centaine de pasteurs à faire des remontrances à ces décisions synodales et à constituer l’Eglise des « Remonstrants » qui récusent, notamment, que le salut ne soit pas pour tous. En imposant une juste compréhension de la Bible, ce protestantisme a assigné Dieu à résidence et enterré tout avenir pour un homme vraiment libre.

Certes, Calvin a produit des calvinistes, mais il a aussi produit un homme libéré d’asservissements, de mises sous tutelles, d’entraves qui n’avaient rien à voir avec l’espérance de Dieu. En bougeant les lignes, en récusant des structures établies de mains d’hommes, Calvin a permis à chacun de pouvoir penser son identité à nouveaux frais. Par là même, Calvin a permis à chacun de pouvoir se positionner dans le monde selon sa vocation personnelle et, ainsi, de faire histoire. Calvin produit un homme insoumis aux déterminismes, libre d’entreprendre, de s’engager, d’interagir avec son entourage. Il cesse d’être obsédé par la question du salut qui n’appartient qu’à Dieu pour pouvoir se consacrer pleinement à sa vie quotidienne. La question n’est plus « comment assurer mon salut », mais « comment faire pour bien faire » ? C’est la raison pour laquelle l’expression de la volonté de Dieu est souvent placée après l’annonce de la grâce dans les cultes réformés (et non avant la confession du péché comme dans les cultes luthériens) : c’est pour manifester que nous sommes capables d’une éthique, capables d’incarner l’Evangile par nos choix, par nos actes, nos prises de paroles, selon des modalités qui n’appartiennent qu’à nous. Et il se pourrait que le matin, en se brossant les dents, l’un de nous, même s’il est de condition modeste, voit dans le miroir le futur président de la République. C’est notamment parce que Calvin a renouvelé la possibilité de nos choix.

James Woody

Les décisions absurdes, d’après Christian Morel

Une décision absurde n’est pas un coup de tête malheureux. Selon l’essayiste Christian Morel, il s’agit d’une série de réponses obstinément inappropriées à une situation qui ne présente pas de caractère particulièrement compliqué. Une décision absurde se caractérise par le fait que l’effet de la décision est radicalement contraire à l’objectif recherché : deux bateaux entrent en collision après des manœuvres destinées à éviter la collision ; des copropriétaires installent durablement un sas de sécurité qui permet les intrusions ; une famille entreprend une promenade qu’aucun membre ne souhaitait.

Couverture du livre "les décisions absurdes"Comment éviter ces décisions absurdes ? En analysant les processus qui ont conduit à ce qui fut parfois catastrophique (12 accidents d’avions de la Korean Air dans les années 1990, explosion de la navette spatiale, crash de l’avion du président polonais). Il en ressort que les phénomènes les plus néfastes pour la prise de décision sont l’absence de collégialité et de débat contradictoire, le cockpit d’un avion étant l’exemple le plus criant jusqu’à ce qu’Air France décide que le copilote pouvait désormais agir sur les gaz de l’appareil sans ordre du commandant. Une tradition rabbinique propose que si les 23 juges du tribunal du Sanhedrin prononcent à l’unanimité la condamnation à mort d’un prévenu, celui-ci est acquitté car cela signifie que le débat n’a pas été véritablement contradictoire.

Dans le cadre de fonctionnement d’organisations, un autre facteur est cause de nombreuses erreurs et parfois de décisions absurdes persistantes : la punition. La peur de la punition conduit des personnels à masquer les erreurs pour éviter d’être sanctionné (cela a été constaté dans des services hospitaliers), alors que c’est l’analyse des erreurs qui conduit à améliorer les manières de faire, les protocoles, les processus, les prises de décision. Pouvoir parler des erreurs plutôt que les punir pour mieux corriger. C’est dans cet esprit que le chef d’Etat-major de l’armée de l’air s’est prononcé en 2006 : « Nous devons accepter de rendre systématiquement compte de nos erreurs, de commenter et d’informer nos pairs de tous ces incidents évités au sol ou en vol, de ces événements où “c’est passé près”. Nous devons faire profiter, dans un but didactique, l’ensemble de notre communauté de toutes les expériences, aussi désagréables soient-elles. (…) C’est pourquoi j’ai décidé d’engager une démarche de dépénalisation des erreurs. J’entends par erreur tout écart involontaire et non répétitif aux objectifs ou intentions. » L’aspect involontaire est ici déterminant.

Ce que l’on appelle des retours d’expérience, des notes de dysfonctionnement, sont autant de critiques internes qui permettent de progresser vers plus de sécurité selon le secteur d’activité et plus de justesse par rapport à l’objectif visé. Avec un vocabulaire théologique, cela reviendrait à réduire le péché (distance entre l’objectif visé et l’objectif atteint) par un accueil de la grâce divine (accepter de s’exposer à l’altérité, au regard de l’autre, aux points de vue qui diffèrent du mien et qui sont néanmoins porteurs d’une part de vérité).

Il n’existe pas de machine à trancher, des mécanismes infaillibles pour prendre de bonnes décisions. Il est en revanche possible de brider les conduites qui ménent au pire.

D’après Christian Morel,
Les décisions absurdes
:
Sociologie des erreurs radicales et persistantes
.
Disponible notamment chez Folio Esssai.

Le renversement de Pourim, par Walter Detomasi

L'histoire d'Esther présente une singularité remarquable au sein des livres rassemblés dans la Bible. Elle est frappée par l'absence criante de Dieu, qui n'est jamais invoqué ni évoqué, même indirectement. Le fil des événements n'y est même pas rattaché au dessein de Dieu. La seule part de Dieu semble être l'institution de la fête de Pourim, qui célèbre un renversement inattendu du sort, un retournement de la fin qui paraissait pourtant la plus prévisible, à la faveur duquel le "chagrin fut changé en joie, le deuil en fête". Nous pourrions ajouter que ce renversement change la mort en vie.

Voici un rappel sommaire de l'histoire d'Esther, jeune fille originaire de la tribu de Benjamin, vivant en déportation. Le despote qui régnait alors sur l'empire des Mèdes et des Perses décida d'exhiber sa puissance, sa gloire et ses richesses aux yeux de tous et donna un banquet extraordinaire auquel furent conviés tous les habitants de Suse sept jours durant. La grandeur de l'événement et l'alcool abondamment consommé exaltèrent l'orgueil du roi, qui voulût à la fin montrer au peuple assemblé l'immense beauté de son épouse. Celle-ci refusa et fut mise à mort.

Cette première séquence fait apparaître trois séries de choix : l'orgueil royal d'accéder à la gloire par l'exhibition des richesses et des possessions, comme du pouvoir sur les êtres, - la reine Vasthi en l'occurrence. Les conseillers du roi choisirent pour leur part d'aggraver le cas de la reine, arguant qu'il était du devoir du roi de la punir, car sinon, comment pourraient-ils à l'avenir s'assurer de l'obéissance de leurs propres femmes.

Le roi choisit plus tard de remplacer la reine déchue et rassembla un grand nombre de jeunes beautés, parmi lesquelles il choisit Esther, la nièce de Mardochée. Suivant la volonté de son oncle, celle-ci cache son peuple et sa religion, se fait aimer de tous, accepte les biens qu'on lui offre, mais choisit de ne rien demander de plus, bien qu'elle en ait le droit. Elle choisit aussi de continuer à suivre la volonté de Mardochée, comme lorsqu'elle était dans sa maison. Ceci semble désigner une variété étrange du mariage blanc, qui passerait par le don du corps et l'insoumission de l'esprit.

Pendant ce temps, Mardochée se rend à la conciergerie du Palais, il semble même y avoir obtenu une place, afin de connaître des nouvelles de sa nièce et vraisemblablement de communiquer avec elle.

L'histoire s'accélère lorsque le roi décide d'honorer son premier ministre en imposant à tous les serviteurs du palais de s'incliner devant lui. Mardochée n'obtempère pas et se fait dénoncer. Haman, le premier ministre en question, éprouvant une grande fureur, choisit de se venger, et cela à la hauteur de la gloire qui lui paraissait sienne. Il choisit non seulement de punir Mardochée, mais de mettre à mort tout son peuple. Son entourage, ses fils et sa femme, choisirent de lui conseiller d'aggraver sa décision, la lui présentant comme étant nécessaire et incontournable.

Haman obtint du roi un édit, qui ordonne la tenue d'une sorte de pogrom au cours duquel les siens pourraient s'attaquer aux juifs et s'emparer de leurs vies et de leurs biens. Les juifs l'apprenant sombrent dans le deuil, tandis que Mardochée demande à sa nièce Esther, la reine, d'aller vers le roi, de lui révéler son peuple et sa religion et demander sa clémence. Ceci signifie un grand risque pour Esther, car elle doit paraître devant le roi sans y avoir été appelée. La coutume voulant que quiconque pénètre dans la cour intérieure sans y avoir été invité soit mis à mort, à moins que le roi ne lui tende son sceptre.

Mardochée et sa nièce font le choix d'une fidélité qui semble les dépasser. Mardochée ne rend hommage qu'à Dieu et le montre par le refus de s'incliner devant toute autre puissance. Esther choisit de rester fidèle à celui qui a autorité sur elle, son tuteur, car elle a contracté un mariage en quelque sorte insuffisant, qui ne donne pas au roi, son mari, un réel pouvoir sur elle.

Bien évidemment, avant de s'adresser au roi, Esther hésite, car elle risque sa vie. Pour l'encourager, Mardochée use de deux arguments qu'il faut retenir : il affirme d'abord que son refus ne ferait pas son salut, - Esther périrait ainsi que toute sa maison, tandis que le salut des juifs prendrait un autre chemin ; il se demande ensuite si elle n'est pas devenue reine en vue d'une telle occasion, évoquant ainsi un dessein caché, une Providence à l'œuvre dans des événements désordonnés.

Esther obtient du roi le renversement de la situation, celui-ci autorise les juifs à se défendre, à prendre la vie et les biens de ceux qui avaient conjuré leur perte. Haman est pendu à la potence qu'il avait fait dresser pour Mardochée et s'ensuit un jour de grand massacre, qu'Esther choisit de prolonger en demandant au roi d'accorder à son peuple un deuxième jour de licence afin de tuer un plus grand nombre de leurs ennemis ainsi que la pendaison des fils d'Haman, qui semblent avoir échappé au premier jour de vengeance.

Comme Esther avait fait preuve de retenue, en ne demandant pas de cadeau autres que ceux prévus, bien que c'était son droit, les juifs firent preuve de mesure en renonçant au pillage, bien que l'édit royal les y ait expressément autorisés.

Dieu est explicitement absent d'événements dont le plus clair consiste en la soumission volontaire de chacun aux passions belliqueuses et la fureur, l'orgueil, l'excès de jouissance et la vengeance. Esther et Mardochée eux-mêmes s'y abandonnent, lorsqu'ils demandent au roi de renouveler leur licence de tuer.

Le récit d'Esther paraît conçu selon deux lignes directrices qui ne se rencontrent pas ou seulement de manière très tenue. Il narre une suite de situations où les personnes agissent et font des choix, mais n'ont aucune vue sur leurs conséquences et le dénouement de la fin. Esther et Mardochée demeurent fidèles à la vérité subjective de leur foi, tandis qu'Haman et son roi obéissent à leur désir de gloire comme à celui de se mesurer à Dieu, ce qui relève aussi d'une vérité subjective.

Si le récit ne fait aucune référence à Dieu, c'est qu'il n'est pas dans les événements qui en font la trame, mais se révèle seulement dans le sens de Pourim, le retournement du sort. L'issue prévisible, celle qui semblait inéluctable, la destruction des juifs, est renversée de telle sorte que ceux-ci prennent la place de leurs bourreaux. Ils étaient promis à disparaître, mais voient au contraire s'accroître leur bonheur, leurs richesses et leur puissance. Le récit stipule même que beaucoup en conçurent de la crainte et devinrent juifs.

Dans l'histoire d'Esther, Dieu est absent des choix humains, qui sont à la fois libres, contraints et circonstanciels. A tout moment, l'issue aurait pu être changée, le roi aurait pu conserver une femme qui, finalement, faisait juste preuve de décence. Haman aurait pu montrer un peu de mansuétude face à quelqu'un d'aussi obscur et inférieur que l'était d'apparence Mardochée. Lequel aurait pu choisir de s'incliner suivant les ordres du roi.

Seul le sceau du roi est irrévocable, tandis que Dieu peut paraître au lecteur pieux ne se révéler que dans l'incertitude absolue qui frappe l'issue finale. Quelles que soient les assurances prises et la rigueur des plans établis, le dénouement des tragédies humaines reste incertain.

L'inéluctable est absent du livre, car Mardochée suggère qu'il se pourrait qu'elle soit devenue reine en vue d'une telle occasion, mais il affirme fermement que si Esther refusait d'intercéder auprès du roi, "le soulagement et la libération des juifs surgiront d'un autre côté".

L'histoire d'Esther célèbre un retournement inattendu du sort, un mouvement de bascule entre deux fils rouges, la complexité et le désordre des conduites humaines, qui rendent le dénouement imprévisible pour l'un, l'événement qui fait sens pour l'autre, en l'occurrence le retournement du sort des juifs.

Walter Detomasi

La spiritualité d’Ignace de Loyola et "pour bien choisir"

La prière permet un face à face avec le divin qui met à jour ce que nous souhaitons vraiment. Savoir ce que l’on veut, c’est une première étape pour faire de bons choix. Mais comment procéder, pratiquement, pour parvenir à cela ? Les exercices spirituels proposés par Ignace de Loyola sont une source d’inspiration. En cinq étapes, la tradition ignacienne nous offre une méthode.

1. Se préparer à la prière

  • Choisir un lieu, un moment et un texte biblique
  • Souhaiter une rencontre avec Dieu
  • Se mettre autant que possible en état de paix intérieure

2. Débuter la prière

  • Se sentir exposé à Dieu et saluer sa présence
  • Demander la grâce qui correspond à ma situation

3. Lire le texte choisi

  • Entrer dans la scène en faisant jouer ses sens lorsqu’il s’agit d’un récit ou s’arrêter sur un mot, une expression qui fait écho à quelque chose de connu ou d’intrigant

4. Dialogue avec Dieu

  • Parler à Dieu de ce que je découvre comme on parlerait à un ami
  • Discerner ce qui fait particulièrement sens

5. Accomplir ce temps de prière par la récitation lente du Notre Père

Conseils d’Ignace pour bien choisir

  1. Puisqu’il faut faire élection à cause de l’attachement infus venant d’en haut, de l’amour de Dieu, il convient que celui qui choisit commence à sentir en lui-même que l’affection (qu’elle soit grande ou petite) qu’il a pour la chose choisie procède de l’amour et de la vue de Dieu seul.
  2. Considérer quelqu’un avec lequel je serais très ami et auquel je ne souhaiterais que la perfection, qui viendrait me trouver hésitant sur un choix de ce genre : que lui conseillerais-je de plutôt choisir ? Ceci fait, j’estimerai que je dois agir pour moi-même comme je conseillerais à un autre.
  3. Me demander en outre, si j’étais sur le point de mourir, quel parti je préférerais avoir pris dans la délibération présente. Aussi je comprendrai facilement que je dois le choisir maintenant.
Ignace de Loyola

Signature d'Ignace de Loyola

 

 

 

couverture du bulletin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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