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L'Eglise de l'Oratoire
Saint Honoré ou du Louvre
Le 11 novembre 1611, six ecclésiastiques,
presque tous Docteurs en théologie de la Faculté de
Paris, sur convocation de l'un d'eux, Pierre de Bérulle,
fils de Claude de Bérulle, conseiller au Parlement de Paris,
et de Louise Séguier tante du chancelier de ce nom, se réunissaient
dans le but de " créer une pépinière de
jeunes prêtres recommandables par leurs lumières et
par leurs murs ".
Cette réunion avait lieu en l'hôtel du Petit Bourbon,
autrement nommé le séjour de Valois, (aujourd'hui
le Val de Grâce, au faubourg saint Jacques, vis-à-vis
du couvent de l'Incarnation ou Grand Couvent; " ce lieu était
silencieux, retiré, des couvents en formaient le seul voisinage,
et des champs à perte de vue en étaient d'un côté
du moins, l'unique et tranquille horizon ".
Ainsi fut instituée la Congrégation de l'Oratoire
qui fut surnommée " de France pour la distinguer de
celle de Rome appelée " La Vallicelle ", fondée
par St Philippe de Néri, en 1550.
La reine mère, Marie de Médicis, s'intéressa
de suite à cette oeuvre. Après avoir sollicité,
pour cette association, du pape Paul V une bulle d'institution canonique
qu'il édicta le 10 mai 1613, elle lui obtint du roi, son
fils, un droit d'existence légale par lettres patentes que
celui-ci signa en décembre 1611, que le Parlement enregistra
le 4 septembre 1612 et que l'Évêque de Paris approuva
le 15 octobre de la même année.
Le nombre de ses disciples, augmentant sans cesse, Pierre de Bérulle,
qui disposait de ressources importantes, grâce aux nombreux
dons que recevait la nouvelle communauté, chercha pour elle
au centre de Paris un asile plus convenable que celui du faubourg
St-Jacques.
Il existait alors, tout près du Louvre, un hôtel
situé entre la rue du Coq il 376), ancienne rue Richebourg
il 245), aujourd'hui rue de Marengo Il 854), et la rue du Louvre
(dix-septième siècle, ancienne rue dAutriche
(treizième siècle), de lAutruche (quinzième
siècle), aujourd'hui rue de l'Oratoire Il 758).
Cet hôtel, dénommé hôtel Le Coq (1378-1530),
puis hôtel de Joyeuse ou du Bouchage en 1582, appartenait
à la Duchesse de Guise, née Henriette Catherine de
Joyeuse, fille de Henri, duc de Joyeuse, Maréchal de France
sous le nom de Comte du Bouchage.
Pierre de Bérulle, ayant appris que la Duchesse, sur
et héritière du cardinal François de Joyeuse,
avait intention de vendre cet hôtel " à l'acquit
d'une partie des dettes du cardinal ", s'empressa d'en faire
l'acquisition le 20 janvier 1616 pour un prix de près de
cent mille livres. " L'affaire fut traitée avec un si
grand secret que le contrat fut passé, les Pères établis
... dans la nouvelle maison avant qu'on sût dans Paris, que
le P de Bérulle avait dessein de l'avoir ',
L'hôtel ainsi acquis avait été habité
jadis par Gabrielle d'Estrées, duchesse de Beaufort. C'est
dans l'une des pièces de cet immeuble que le 28 décembre
1594, le roi Henri IV rendant visite à sa maîtresse,
alors qu'il revenait dAmiens, fut blessé par Jean Chastel,
élève des Jésuites, au moment précis
où il se baissait pour embrasser les Chevaliers de Ragny
et de Montigny, venus à sa rencontre et qui s'inclinaient
devant lui. Le coup de poignard, destiné à la gorge
du roi, ayant dévié, avait percé sa lèvre
et lui avait brisé une dent. Ce qui fit dire à d'Aubigné,
alors que le roi lui montrait sa blessure, à la lueur des
flambeaux: Sire, vous n'avez renoncé Dieu que des lèvres,
Il s'est contenté de les percer mais quand vous Le renoncerez
de cur, Il vous percera le cur Henri IV avait, en effet,
l'année précédente, le 25 juillet, abjuré
la religion protestante.
Dès qu'il eut acheté l'hôtel du Bouchage,
le fondateur de l'Oratoire fit commencer en cet endroit la construction
d'une chapelle. Autant par exercice d'humilité que pour hâter
l'édifice, il se mit à la tête de ses disciples,
et, tous assemblés, ils ne dédaignèrent pas
de mettre la main à luvre et de travailler avec
les ouvriers - lui-même était un des premiers à
porter la hotte comme les plus vils manuvres, l'esprit de
religion lui faisant juger qu'il n'y avait rien de bas dans tout
ce qu'on fait de moins relevé aux yeux des hommes pour le
service d'un aussi grand maître que Dieu.
Au début de mai 1616, cette chapelle fut ouverte au culte.
Pour rendre plus aisée aux fidèles, qui la fréquentèrent,
l'attention qu'exigeaient les offices, comme aussi pour attirer
les gens de la Cour, le Père de Bérulle eut l'idée
d'adopter un chant particulier qui tenait plus de la musique profane
que du plain-chant ordinaire, très monotone quand il est
mal exécuté. .. Ce chant nouveau devait, suivant les
indications du pieux fondateur de l'Oratoire, répondre mieux
aux sentiments exprimés par les paroles de la Bible employées
dans le service divin. " Les Oratoriens furent alors appelés
dans Paris " les Pères au beau chant ".
Bientôt, l'affluence aux offices de l'Oratoire fut telle
que cette chapelle devint trop petite pour la contenir Aussi le
Père de Bérulle eut-il la pensée de bâtir
" une église en forme et qui eut plus de rapport avec
la grandeur et la majesté divines. Mais ce fut bien là
qu'il plût à Dieu d'exercer sa patience et sa foi par
une foule de contradictions et de difficultés presque insurmontables.
Il lui fallut acheter jusqu'à six maisons de six différentes
personnes, et, soit que les propriétaires voulussent se prévaloir
du besoin, comme c'est aussi la malheureuse couture, soit que soufflés
par des ennemis. secrets à qui son établissement au
milieu de Paris et si près du Louvre faisait ombrage, ils
ne tinssent bon que pour lui faire dépit, ils firent tous
étrangement les rétifs. Il y eut tel pouce de terre
qu'il fallut pour ainsi dire, couvrir d'argent. Il lui fallut gagner
et conquérir le terrain pied à pied, et, à
sa mort, il n'avait pas encore tout acquis.
Le 27 février 1620, ce fut d'abord l'achat de la propriété
d'un nommé Pierre Le Grand, portion de l'ancien hôtel
de St-Pol, simple maison avec " place à faire chantier
", le tout mesurant 7 toises de largeur, de la rue du Louvre
aux vieux murs de l'enceinte de Philippe-Auguste et 37 toises en
longueur sur la rue du Louvre ; puis, le 20 février 162 1,
l'acquisition de la maison du sieur Comtesse plus tard devaient
y être ajoutées, les maisons du sieur de Montreuil
et du sieur Morel, éperonnier
La première pierre de la nouvelle église fut posée
le 22 septembre 1621 au nom du roi, par le duc de Montbazon, gouverneur
de Paris, auquel Louis XIII avait " fait commandement par lettres
expresses de le représenter en cette circonstance ".
Sur cette première pierre furent enchâssées
deux lames d'argent. Sur l'une était gravée l'inscription
suivante :
"Louis XIII, par la grâce de Dieu, Roy de France et
de Navarre, l'an mil six cent vingt un le mercredi XXIlème
jour de Septembre, cette première pierre de l'Église
de la Congrégation de l'Oratoire, dédiée à
l'honneur de JésusChrist, nostre Seigneur a esté mise
par le très chrestien Louis XIII, Roy de France et de Navarre,
par Monseigneur Hercules de Rohan, duc de Montbason, pair de France,
conseiller du Roy en ses conseils d'estat et privé, Chevalier
de ses ordres, gouverneur et lieutenant-général pour
sa Maiesté à Paris et de l'lie de France, lieutenant-général
pour sadicte Maiesté au Conté et evesché de
Nantes, capitaine et gouverneur des villes, citadelles et chasteaux
de Soissons, Nantes, Noyon, Chaulny et Coussy, par commandement
de sa Maiesté et représentant sa personne en ceste
action a cause de son absence, estant sa Maiesté au siège
de la Ville de Montauban et la solennité faicte par Messire
Jehan Camus, evesque et prince de Beilley, cons du Roy en son Conseil
d'Estat "
La seconde inscription était à peu près semblable
Le P de Bérulle n'eut pas la consolation d'assister à
la cérémonie. Il venait, à ce moment, de quitter
Louis XIII après la prise de Clairac, - et, pendant que les
troupes royales se dirigeaient sur Montauban, le supérieur
de l'Oratoire se rendait à Toulouse où la Congrégation
venait de fonder un second établissement.
Le 16 août 1623, le Marquis de la Vieuxville, surintendant
des bâtiments, personnage " indiscret, tracassier et
remuant ", poussé par des ennemis de Pierre de Bérulle,
suscita un premier conflit entre ce dernier et la couronne.
L'architecte Francois Lemercier reprenant le plan de Pierre Lescot,
venait, en effet, de projeter l'agrandissement du Louvre, (projet
immense .- on eut fait quatre grandes cours capables de contenir
six mille hommes en bataille et son développement jusqu'à
la rue Saint-Honoré). Or, le Marquis de la Vieuxville fit
comprendre au roi que, si ce projet recevait son exécution,
le couvent de l'Oratoire y serait nécessairement englobé
et que, si on laissait s'achever l'église commencée
par les Pères, son expropriation entraînerait de gros
frais - il ajouta qu'il avait donné l'ordre de suspendre
les travaux.
Les Pères se défendirent et réussirent à
obtenir mainlevée des prohibitions qui leur avaient été
signifiées.
Bientôt, une circonstance des plus heureuses vint compenser
largement les ennuis qu'on avait suscités au P de Bérulle.
Le 23 décembre 1623, dans un conseil où l'on décida
que la chapelle de l'ancien hôtel de Bourbon serait rasée,
Louis XIII manifesta sa volonté de la remplacer par l'église
de l'Oratoire et chargea sur le champ son architecte, Clément
Métézeau, (qui s'est immortalisé en construisant
la fameuse digue de La Rochelle), de modifier le plan de ce dernier
édifice de façon qu'il pût entrer dans celui
des bâtiments du Louvre. Le même jour, à l'issue
du dîner du roi, le P de Bérulle, Supérieur
Général de la Congrégation, alla " faire
ses remerciements à Sa Majesté qui le reçut
avec une extrême bonté et lui parla en des termes qui
exprimaient ses favorables sentiments pour lui et sa bienveillance
pour la Congrégation de l'Oratoire. " Ce même
jour encore fut expédié au P de Bérulle un
brevet sur lequel l'église fut qualifiée d' "
Oratoire Royal
La Cour prit alors l'habitude d'y venir assister aux offices.
Une porte lui était spécialement réservée
: elle faisait communiquer directement l'enclos de l'Oratoire avec
celui du Louvre. À tout moment le " Journal Domestique
de la Maison " signala la présence dans l'église
du Roi, des Reines, de Monsieur et des Seigneurs et des dames de
la Cour
Par un arrêt du Conseil d'État en date du 17 juillet
1624, où il fut exprimé que le roi se proposait de
comprendre dans le Louvre une partie de la Maison de l'Oratoire,
il fut ordonné que l'église serait orientée
de telle sorte que son axe prolongé passât par le centre
du Palais ; ce qui eut lieu. Ceci explique l'orientation d'un air
si gauche que nous trouvons à cette église.
Ce fut également, à cause de l'ancien projet de
Louis XIII et de l'hésitation qui en était résultée
pour savoir de quelle façon orner le portail de l'église
et de quel côté le placer définitivement, que,
pendant plus d'un siècle, l'Église de l'Oratoire,
n'eut pas de portail. Celui qui existe aujourd'hui date de 1745.
En avril 1627, des lettres patentes du Roi confirmèrent
le brevet de 1623 mais, grace à l'opposition de René
de Rieux, évêque de Léon, maître de l'Oratoire
du Roi, et des chapelains, grâce aussi à la mauvaise
volonté du Parlement, ces lettres patentes ne furent pas
enregistrées.*
Au moment, du reste, où ceci se passait, la construction
de l'église avait été interrompue depuis quelque
temps. Pour J'achever il eut fallu faire l'achat de deux maisons
voisines. Or les acquisitions d'immeubles faites antérieurement
par la Congrégation de l'Oratoire, comme celle du corps d'hôtel
de gauche de la Maison de lEperon d'Or effectuée le
20 février 1627 et celle de la Maison du Louis d'Or autrefois
du Buf couronné, effectuée le 28 juin 1627,
avaient épuisé les finances de la Congrégation.
Celle-ci s'était même considérablement endettée.
Il fallait donc attendre patiemment que la Caisse de la communauté
fût en meilleur état.
D'après les annales de l'Oratoire, voici une description
de l'église à cette époque :
" Elle consiste en une nef de 13 toises et demie de longueur
sur 31 pieds de largeur dans luvre, et 63 pieds de haut
sous la voûte qui est faite depuis le rond-point vers le chur
jusque et y compris les deux côtés de la croisée.
Au droit de la dite croisée il y a deux chapelles de chaque
côté avec un passage de dégagement entre deux.
C'est à cette dernière chapelle que se termine la
longueur de la voûte de l'église. Il y a encore une
chapelle de bâtie de chaque côté de la croisée
vers le portail, mais leur voûte est restée à
faire. Les premières chapelles sont voûtées
en plein cintre, et ont chacune 12 à 13 pieds de long sur
dix de large et 20 pieds de haut, avec une croisée en vitraux.
Le dedans de l'église est décoré de grands
pilastres d'architecture de l'ordre corinthien orné de bases
et de chapiteaux sculptés, architraves, frises et corniches
saillantes qui règnent au pourtour de i'église, dans
laquelle sont des modillons aussi sculptés. Le devant des
chapelles est cintré en arcades avec impostes et archivoltes
au pourtour fermés par devant d'une grille en balustre de
bois, avec couronnement armorié, La face est ornée
d'un petit ordre composite, avec pilastres ornés de bases
et chapiteaux sculptés, architraves, frises, corniches et
modillons doubles. Au-dessus des chapelles sont des tribunes qui
règnent au pourtour de l'église, lesquelles sont fermées
par devant de balustres et petites arcades de pierre qui montent
jusque sous la plate-bande de l'architrave du grand ordre de la
face de J'église, à l'exception de la portée
au-dessus des quatre chapelles qui sont dans la croisée,
où il n'y a seulement que la balustrade de pierre, le surplus
étant vide et ouvert dans toute la hauteur, L'église
est éclairée par 7 grandes croisées ou arcades
au-dessus de la corniche, et par deux grands vitraux qui sont dans
les deux bouts des pignons de la croisée au-dessus des deux
grandes tribunes., Lon communique de l'un à l'autre
par une tribune de charpente recouverte de maçonnerie, de
la même ordonnance et symétrie que les autres. Au-dessous
est un tambour de menuiserie servant de porche a l'entrée
de l'église du côté de la rue St-Honoré.
Une église est carrelée de grands carreaux de terre
cuite, avec des compartiments de bandes de pierre.
Le chur est fait en coupole, de figure elliptique ou ovale,
et est voûté en forme sphérique ornée
d'ardoublots sculptés, entre lesquels sont pratiqués
des vitraux qui l'éclairent. Le pourtour des murs est décoré
de l'ordre composite, orné de pilastres, bases et chapiteaux
de sculpture, architraves, frises et corniches, avec modillons doubles.
Le tout de la même ordonnance que le petit ordre qui est dans
J'église au devant des chapelles. Au milieu du chur
est posé le grand autel isolé, sur lequel est placé
le tabernacle. À droite et à gauche sont deux chapelles
en forme d'oratoire, dans l'angle de chacune desquelles est pratiqué
un escalier à vis qui conduit aux tribunes et au-dessus des
voûtes. Derrière le chur est la sacristie voûtée
de pierres. À droite et à gauche de l'église
est un corridor régnant tout le long, servant de dégagement
aux chapelles avec des sorties de chaque côté dans
la rue. La charpente est recouverte d'ardoises. Il y a des enfaîtements
de plomb par le haut et gouttières de pierre régnantes
au pourtour avec des vases aussi de pierre posés sur des
socles au-dessus des piliers battants. "
Les Oratoriens estimaient leur église " comme un paradis
de la terre, un jardin planté de la main de Dieu même,
jardin parsemé de fleurs du Ciel et où se trouvait
la fleur de Nazareth en laquelle ils reposaient, c'est-à-dire
Jésus-Christ, notre Seigneur et ses Mystères ".
Ils la regardaient " comme une ruche où de ces fleurs
célestes, comme des abeilles saintes, ils travaillaient à
composer le miel de piété et de dévotion qui
leur servait d'aliment, à eux et aux âmes que Dieu
leur adressait pour les former à son service. " "
Ce lieu est saint ", écrivait le P de Bérulle,
" car il est consacré à la Sainteté de
Dieu, à la sanctification de vos âmes et à celle
encore de vos prochains.
Les Pères de l'Oratoire récitaient l'office entier
ou debout ou à genoux, sans jamais s'asseoir Pas un seul
mouvement ne venait altérer en eux la majesté qui
convient aux oints du Seigneur et le P de Bérulle était
si sévère sur ce point qu'un jour que le P Morin,
incommodé par une mouche, avait fait un geste pour la chasser
" il lui en adressa, rentré à la sacristie, une
sérieuse réprimande ".
Le 2 octobre 1629, le P de Bérulle mourut en disant la
messe à l'Oratoire, deux ans après avoir reçu
du pape Urbain VIN le chapeau de cardinal.
Après sa mort, les bontés et les faveurs du Roi
continuèrent à l'égard de la Congrégation
de l'Oratoire. Le 31 janvier 1630 un brevet royal promit, pour la
continuation de l'église, un don annuel de dix-mille livres
et cela jusqu'à la perfection de l'ouvrage. Cette somme ne
fut payée que pendant sept années.
Le 6 février 164 1, Anne dAutriche, qui faisait à
l'église de l'Oratoire toutes ses dévotions, continuant
ainsi les traditions de Marie de Médicis, sa belle-mère,
assista dans cette église à l'éloge funèbre
du P de Condren, supérieur de l'Oratoire. L'Église
avait été, à cette occasion " toute tendue
de noir " et on avait invité à la cérémonie
" par billets imprimés ".
En 1642 et 1643 ce sont successivement les services funèbres
de Richelieu et de Louis XIII qui attirent à l'Oratoire une
nombreuse assistance. Pour cette dernière cérémonie
" l*église avait été tendue jusqu'à
la voûte, et la tenture chargée d'écussons et
d'emblèmes; le catafalque, auquel on avait fait donner autant
d'élévation qu'il avait été possible,
était bien orné, et l'illumination très belle
".
Le 17 septembre 1648, Anne dAutriche amène à
l'Oratoire son jeune fils et la messe est chantée "
par la musique de Sa Majesté ".
En l'année 1650, lors du service solennel pour le repos
de l'âme de la Marquise de Meignelay, bienfaitrice de l'Oratoire,
le neveu de celle-ci, le futur cardinal de Retz y officie pontificalement
et le P Senault
Fit sortir du plat de sa langue
Une fort belle et docte harangue
(" La muse historique " de Loret, éd. Livet 1,
p. 44).
Pendant lAvent de 1652-1653 la Reine-mère assiste régulièrement
aux sermons de ce Père. Un jour même, le 1er février
1653, (ce qui dut gêner beaucoup les Oratoriens), elle s'attarde
dans l'église jusqu'à onze heures du soir " trouvant
dit lAnnaliste, " le temps de la nuit propre aux exercices
de la piété. "
En 1655, Louis XIV qui avait alors dix-sept ans, commence à
suivre l'exemple de sa mère et fait à l'Oratoire ses
dévotions.
La reine déchue dAngleterre, Henriette-Marie de France,
et sa fille, Henriette-Anne dAngleterre qui devait épouser
Monsieur frère du Roi, se montrent fort assidues aux offices
de l'Oratoire ; la reine Marie-Thérèse y vient pour
la première fois le 5 septembre 1660.
En 1666, le 4 mars, en présence d'une assemblée
composée " de quantité de prélats, de
seigneurs et de dames de la Cour " est célébré
à l'église de l'Oratoire le service solennel d'Anne
d'Autriche " qui avait toujours honoré les P de l'Oratoire
de sa protection. " Le P Mascaron prononça l'oraison
funèbre de la reine-mère " avec approbation générale
" comme l'atteste le chansonnier
L'excellent père Mascaron
Dont plus que friand macaron
On aime les belles paroles,
sans mélange d'hyperboles
Fait des merveilles sur ce point...
(" Les Continuateurs de Loret" par le Baron de Rothschild,
1. p. 734.)
Mais jamais cérémonie plus belle ne devait être
célébrée dans l'église de l'Oratoire
que celle qui eut lieu le 4 mai 1672. Ce fut le jour que "
Messieurs de lAcadémie royale de peinture et de sculpture
" avaient choisi pour y faire célébrer un service
solennel en l'honneur de Pierre Seguier chancelier et garde des
sceaux de France, décédé à l'âge
de 84 ans le 28,janvier 1672.
Une gravure de Sébastien Leclerc, (son chef-duvre),
a immortalisé cette cérémonie. Cet artiste
" copia sur le lieu toute la décoration et y ajouta
du sien une multitude presque infinie de personnages ou de figures
de toutes sortes d'états. M. Le Brun en fut parfaitement
content. Dès que la planche fut terminée, il prit
M. Leclerc dans son carrosse et le conduisit chez M. Colbert et
ensuite chez tous les Académiciens lesquels, à la
première assemblée, l'agrégèrent à
leur corps en qualité de graveur "
La Marquise de Sévigné, dans une lettre adressée
à sa fille, la Comtesse de Grignan, décrit en ces
termes les détails de cette cérémonie :
" C'était la plus belle décoration qu'on puisse
imaginer. Le Brun avait fait le dessin. Le mausolée touchait
à la voûte, orné de mille lumières et
de figures convenables à celui qu'on voulait louer; quatre
squelettes en bas étaient chargés des marques de sa
dignité comme lui ôtant les honneurs avec la vie. L'un
portait son mortier, l'autre sa couronne de duc, l'autre son ordre,
l'autre ses masses de chancelier. Les quatre arts étaient
éplorés et désolés d'avoir perdu leur
protecteur : la Peinture, la Musique, l'Éloquence et la Sculpture.
" Quatre vertus soutenaient la première représentation
: la Force, la Justice, la Tempérance et la Religion. Quatre
anges ou quatre génies recevaient au-dessus cette belle âme.
Le mausolée était encore orné de plusieurs
anges qui soutenaient une chapelle ardente qui tenait à la
voûte. Jamais il ne s'est rien vu de si magnifique, ni de
si bien imaginé; c'est le chef-duvre de Le Brun.
" Toute l'église était parée de tableaux,
de devises, d'emblèmes qui avaient rapport à la vie
ou aux armes du chancelier. Plusieurs actions principales y étaient
peintes.
Madame Verneuil, (Charlotte Seguier, fille du chancelier, voulait
acheter toute cette décoration un prix excessif 11 s ont
tous, en corps, résolu d'en parer une galerie, et de laisser
cette marque de leur reconnaissance et de leur magnificence à
l'éternité. L'Assemblée était grande
et belle, mais sans confusion. J'étais auprès de M.
de Tulle, (l'évêque de Tulle), de M. Colbert, de M.
de Monmouth, (Jacques, fils naturel de Charles 11, Roi dAngleterre),
beau comme du temps du Palais Royal...
" Il est venu un jeune père de l'Oratoire pour faire
l'oraison funèbre. J'ai dit à M. de Tulle de le faire
descendre et de monter à sa place et que rien ne pouvait
soutenir la beauté du spectacle et la perfection de la musique
que la force de son éloquence. Ma bonne, ce jeune homme a
commencé en tremblant; tout le monde tremblait aussi. Il
a débuté par un accent provençal ; il est de
Marseille ; il s'appelle Laisné ; mais en sortant de son
trouble, il est entré dans un chemin lumineux... il a passé
par tous les endroits délicats avec tant d'adresse, (tout
n'était pas, en effet, à louer dans la vie de celui
quArnaud d'Andilly avait appelé un pierrot déguisé
en Tartuffe).
Pour la musique, c'est une chose qu'on ne peut expliquer. Baptiste
(le célèbre Lulli), avait fait un dernier effort de
toute la musique du Roi. Ce beau " Miserere .. y était
encore augmenté; il y a eu un " Libera " où
tous les yeux étaient pleins de larmes. Je ne crois point
qu'il y ait une autre musique dans le Ciel.
Il y avait beaucoup de prélats ; j'ai dit à Guitaut
: " Cherchons un peu notre ami Marseille, (Toussaint de Forbin-Janson),
nous ne l'avons point vu. Je lui ai dit tout bas Si c'était
l'oraison funèbre de quelqu'un qui fut vivant, il n'y manquerait
pas. Cette folie l'a fait rire, sans aucun respect de la pompe funèbre.
"
Le 4 septembre 1679, on célèbre à l'Oratoire
le service funèbre du Cardinal de Retz ; en 1683, celui de
la reine Marie-Thérèse.
Le 8 février 1687, l'Académie royale de peinture
et de sculpture y organise un service " en actions de grâces
pour le rétablissement du roi ". On renouvela presque,
à cette occasion, les splendeurs du service du chancelier
Sequier C'est Le Brun qui se chargea des plans et du détail
de la décoration de l'Eglise (Genevay, du style Louis XIV
Paris, Rouam, 1886.). Neuf grands tableaux et 24 bas-reliefs faits
exprès, plusieurs riches tentures de tapisserie et une illumination
ingénieusement disposée. L'un de ces tableaux représentait
l'Église victorieuse de l'hérésie, un autre
la démolition du temple de Charenton, un autre la religion
catholique rétablie dans Strasbourg...
À la fin de 1686, l'église de l'Oratoire était
toujours inachevée, on y pénétrait par un passage
voûté ménagé entre les maisons dites
" de l'Éperon d'Or ".
Ses tribunes, ses galeries suspendues, son dôme à
la romaine " lui donnaient alors un caractère étrange
et particulier.
Le maître-autel, isolé, placé au milieu de
la rotonde du chur était décoré d un
tabernacle dont voici la description empruntée au "
Journal domestique' de l'Oratoire
Ce tabernacle est composé d'un dôme fort élevé,
accompagné de quatre portiques, soutenus chacun de six colonnes
d'ordre composite d'un beau marbre de Sicile dont les proportions
sont régulières. Tous les ornements, les chapiteaux,
les vases, les festons et les modillons sont de cuivre doré
d'or moulu. Il a été exécuté par le
sieur François Anguier fameux sculpteur. Les boiseries, décorant
ce tabernacle étaient de Croissant, menuisier du Roi', et
les colonnes, de marbre, avaient été polies par Binay
À droite du maître-autel, un tableau, représentant
la Trinité et exécuté d'après celui
de la Trinité du Mont à Rome, était attaché
à un pilier ' - un autre, lui faisant pendant à gauche,
rappelait lAssomption de la' Vierge de Ste Marie Majeure,
et l'on voyait dans une chapelle consacrée à St-Antoine
une toile de Simon Vouet sur laquelle Jésus-Christ apparaissait
au cénobite.
Au-dessous du tabernacle, et servant de parement à l'autel,
se trouvait depuis la fin de l'année 1704 un beau bas-relief
de bronze doré avec une bordure de marbre. " Ce parement,
exécuté par M Girardon, fameux sculpteur avait été
donné à l'Oratoire par la Marquise de Montespan, qui,
retirée de la Cour depuis 169 1, s'était mise entre
les mains du P de la Tour, si connu par ses sermons, par ses directions,
par ses amis et par la prudence de son gouvernement, comme le dit
St Simon dans ses Mémoires. Par ce don, la Marquise avait
entendu témoigner publiquement sa reconnaissance à
son confesseur " Ce bas-relief, entré au Musée
Lenoir pendant la Révolution, en ressortit en 1802 pour être
placé à Notre-Dame.
Le 31 juillet 1721, Louis XV qui entrait dans sa onzième
année et à qui l'on décernait déjà
le surnom de "Bien aimé" qu'il méritait
si peu et qu'il a gardé dans l'Histoire, se trouve mal à
la messe.
La fièvre se déclara, et aussitôt le bruit
se répandit qu'il était atteint d'une maladie grave.
A cette nouvelle, Paris s'inquiéta, se troubla : chacun courut
aux églises où furent récitées des prières.
Le 4 août, le prince étant rétabli, on tira
le canon, on alluma des feux de joie, on illumina, on dansa. Le
10 août, une affiche collée au coin de la rue du Louvre
et de la rue Saint-Honoré, annonça que lAcadémie
des Inscriptions et Belles-Lettres ferait dire le 13 à l'Église
des pères de l'Oratoire une messe d'actions de grâces,
avec Te Deum en musique pour le rétablissement de Sa Majesté.
"
Le célèbre peintre Coypel avait donné en
1729 aux oratoriens un magnifique tableau de très grande
dimension, représentant le Christ devant Pilate ("Ecce homo" ou "Voici l'homme") et destiné
à orner le fond de leur église. Ce tableau était
considéré comme un chef-duvre ; lors de
la continuation de la construction de l'église, il fut provisoirement
défait, roulé et placé au grenier du couvent
des Pères de l'Oratoire.
Son placement ultérieur dans l'église nécessita
"la reprise, par le pied et jusqu'à la voûte,
du mur du fond ". " On y fit alors une tribune avec une
balustrade de fer à plain pied des côtés au
lieu de l'ancienne qui était soutenue par des piliers." Le 6 Ventôse an VI ce tableau fut transporté au dépôt
des Augustins. Ce dépôt était installé
dans l'ancien couvent dit " Autel de Jacob ", fondé
en 1608 par la reine Margot, supprimé en 1790, devenu musée
des monuments français organisé par Lenoir (1791-1816),
puis enfin Ecole des Beaux-Arts en 1820.
Le graveur François Joullain a fait une gravure d'après
ce tableau et en burina les principales têtes ; c'est le seul
document permettant de se rendre compte du chef-duvre
de Coypel dont on ignore le sort.
Par sentence du 11 décembre 1739, le bureau des trésoriers
du Roi obligea les Oratoriens à démolir six maisons,
(qu'ils louaient à des particuliers) situées rue St
Honoré et rue du Coq, à cause de leur état
de vétusté.
Quand trois de ces maisons furent démolies, on trouva,
et ce fut "comme la découverte d'un trésor caché" que les fondations des constructions à faire pour
achever l'église, avaient été exécutées
autrefois et qu'il ne manquait que huit pieds de raccordement pour
gagner le portail.
Cette découverte vint déterminer la reprise des
travaux de construction de l'église de l'Oratoire. Malheureusement,
l'argent manquait à la Congrégation, et celle-ci redoutait
d'entreprendre ce qu'elle craignait de ne pouvoir mener à
bonne fin. Le Père Sauge, général de l'ordre, déclara
alors " qu'il ne souffrirait pas que pendant sa supériorité
on mit jamais un obstacle aux desseins des premiers Pères
pour l'entière construction de l'église, et qu'il
la ferait plutôt à ses frais, ne voulant pas que ce
fut aux dépens de la Maison qui, malgré toute son
attention à économiser ses biens, ne pouvait faire
d'épargne comme elle le désirait." Grâce à la générosité du Père Sauge
et à celle de Pères et de financiers les travaux purent
donc recommencer le 21 juillet 1740.
Sous la direction de Caqué ou Caquier, architecte, les
murs du premier ordre d'architecture furent élevés
sur les fondations jusqu'à une hauteur de dix pieds hors
de terre, et la nef fut achevée d'après les plans
de Lemercier et de Métezeau.
En 1745, à la suite de la démolition de deux Maisons
à l'enseigne de l'Éperon d'Or situées en bordure
de la rue Saint Honoré au coin du cul-de-sac de l'Oratoire,
on entreprit la construction du nouveau portail. En creusant les
fondations de la façade on découvrit les restes de
la première porte Saint Honoré datant de 1200, qui
avait été appelée plus tard "porte aux
aveugles" à cause du voisinage des anciens Quinze Vingts
et qui fut démolie en 1533.
La même année " le second ordre d'architecture
était élevé depuis le dessus de la corniche
du premier ordre jusqu'à la croix placée au-dessus
du fronton ; les deux murs de l'église et les piliers batans
aux côtés avec leurs torchères, les voûtes
des chapelles et des caveaux ont été faits en entier
; en sorte qu'il ne restait plus de gros ouvrage à faire
que la voûte et la tribune" .
Ce gros ouvrage fut terminé l'année suivante et
l'on s'occupa aussitôt des sculptures et de l'ornementation
que l'on continua en 1748, année où se fit une importante
modification dans l'aménagement intérieur de l'église
: le maître-autel, qui était dans la rotonde du chur,
fut démoli et placé dans le sanctuaire du rond-point
de l'église. Mais, quand ce changement fut fait, on
trouva que l'autel était " trop colossal et offusquait
l'arcade de la rotonde." Aussi, se décida-t-on à
en faire un nouveau, à baldaquin, richement doré et
orné de sculptures.
Cette dernière oeuvre terminée on fit le carrelage
de la nef en pierre de liais et celui du sanctuaire en marbre.
Le nouveau portail, une fois achevé, pouvait être
décrit de la manière suivante:
"Le rez-de-chaussée est élevé de plusieurs
marches. Il est composé d'un avant-corps d'ordre dorique,
dont les colonnes sont isolées. Une architecture des deux
arrière-corps est en pilastres du même ordre. Les deux
petites portes carrées de ces arrière-corps portent
deux grands médaillons ovales qui représentent Jésus
naissant et Jésus agonisant, oeuvre de Adam le jeune. Cet
ordre dorique est surmonté d'un ordre corinthien en colonnes
qui porte sur l'avant-corps. Les deux entre-colonnes sont ornés
de trophées d'église en bas-reliefs, et toute cette
architecture est terminée par un fronton d'une bonne proportion.
La grande porte du milieu est surmontée des armes de l'Oratoire
soutenues par deux anges - au-dessus du grand vitrail se trouve
une gloire, et dans le fronton les armes du Roi. Enfin, aux deux
bouts de la corniche sont deux groupes en figure dont l'un représente
l'Incarnation et l'autre le Baptême de Jésus-Christ, le premier fait par M. Adam et l'autre par M. Francin,
tous deux de lAcadémie de sculpture. "
Bien des gens ont critiqué le plan de ce portail qui suit
celui de l'église ; ils auraient souhaité qu'on l'eut
aligné aux maisons de la rue; par là on eut évité
le biais de sa position. Cependant on peut le justifier en ce qu'il
donne à ce portail l'avantage d'être vu de beaucoup
plus loin... Les armoiries, ornements et sculptures de ce portail n'existent
plus aujourd'hui.
Quant au nouvel autel, construit en 1748, voici quelle en était
la description :
Sur quatre colonnes de marbre blanc, à base et chapiteaux
de bois doré, (colonnes qui entrèrent au dépôt
des Augustins), était supporté un entablement circulaire
sur lequel venaient à leur tour se placer quatre consoles
renversées, également en bois doré et que surmontait
une gloire entourée de têtes d'anges et de rayons.
À la hauteur de l'entablement un Christ ressuscité
se détachait, de grandeur naturelle, et sur l'autel, de chaque
côté, entre les colonnes, était placé
un ange adorateur Ces trois statues étaient luvre
de M. Polet, académicien. Une ornementation de l'autel consistait
en six grands chandeliers et une croix de cuivre argenté,
donnés par le P Sauge, en 1751.
L'église contenait huit chapelles :
La première, du côté de l'Évangile,
était dédiée à la Passion de Notre-Seigneur
C'est dans cette chapelle que se trouvait le tombeau du vénérable
fondateur de l'Oratoire, le Cardinal de Bérulle. L'exécution
de ce mausolée, érigé en 1659 par les soins
du P Bourgoing, avait été confiée au célèbre
sculpteur François Anguier Le Cardinal était représenté
en marbre blanc ; il était à genoux et lisait dans
un livre qu'un ange tenait ouvert devant lui (Allusion à
sa dernière messe terminée dans le Ciel). Autour de
cette tombe était un encadrement composé de petits
tableaux renfermant des figures allégoriques et les armoiries
de l'Oratoire " le tout était terminé par l'écusson
de Bérulle supporté par deux génies : de gueule
au chevron d'or accompagné de trois molettes de même
et une couronne d'épines enfermant les mots " Jésus
Maria ". Cet encadrement existe encore en partie : pour le
voir il faut pénétrer dans un petit vestibule, attenant
au bureau des pasteurs de l'Oratoire, à gauche de l'église,
du côté de la rue de l'Oratoire.
Au bas du Mausolée du cardinal, se trouvait une grande
table de marbre noir sur laquelle était gravée en
lettres d'or une belle inscription, composée par le P Bourgoing
et dont le texte nous a été conservé par Tabaraud.
Cette table a été brisée pendant la Révolution
- quant au tombeau, transporté en 1791 ou en 1792 au dépôt
des Augustins, il aurait été également brisé.
La chapelle suivante, du même côté, était
dédiée à Sainte Madeleine et était ornée
d'un tableau représentant cette sainte. En 1673, le P de
Ste Marthe se plaignit que ce tableau " n'était pas
assez décent " et demanda qu'on le fit modifier
Venait ensuite la chapelle de la Nativité qui était
ornée de peintures de Philippe de Champaigne." sur l'autel
une Nativité ' - sur les panneaux plusieurs scènes
de la Vie de la Vierge, et au plafond une Assomption.
La quatrième chapelle, placée sous le vocable de
lAdoration des Mages, fut cédée en 1637 aux
deux Pères de Harlay de Sancy, les plus généreux
bienfaiteurs de l'Oratoire. Ceux-ci firent transporter dans le caveau
de cette chapelle les cercueils de leur père et mère
et leur érigèrent un mausolée sur lequel ils
étaient représentés en figure : Nicolas de
Harlay dans le costume militaire du temps, les mains jointes, devant
un prie-dieu, son casque à terre derrière lui ; sa
femme, Marie Moreau, la tête couverte d'une toque à
l'espagnole, également à genoux devant un prie-dieu,
mais un livre à la main. Ces deux statues étaient
de marbre blanc et étaient placées sur une plinthe
de marbre noir, laquelle était portée par six cariatides
de marbre blanc, accouplées trois par trois, le cou orné
de chapelets. Chaque figure avait au-dessous d'elle son écusson
: entre les deux blasons se lisait une inscription.
Cette chapelle était ornée de peintures dues au
pinceau du peintre Simon Vouet.
À la suite de cette chapelle, se trouvait le passage conduisant
au corridor qui règne tout autour de l'édifice.
De l'autre côté, (côté de l'épître),
face à celle contenant le mausolée du Cardinal de
Bérulle, se trouvait la chapelle de la Vierge réservée
au Cardinal de Richelieu quand il venait aux offices de l'Oratoire.
La chapelle suivante, dédiée dabord à
Notre-Seigneur dans le désert, fut mise en 1637 sous le vocable
de St Antoine. Là fut érigé le tombeau dAntoine
dAubray d'Offémont, le frère aîné
et la seconde victime de la trop célèbre empoisonneuse,
la Marquise de Brinvilliers. Ce tombeau, de marbre de couleur représentait
une figure de la Justice, vêtue à l'antique, et tenant
d'une main les faisceaux, symbole de la force, et la balance, symbole
de l'équité - elle était appuyée sur
l'écusson du mort et tenait dans sa main droite un médaille
dans lequel on voyait le buste du défunt habillé en
lieutenant civil. Ce tombeau, transporté en 1791 au Musée
des Augustins, est aujourd'hui au Musée du Louvre: Une reproduction
en plâtre de ce monument se trouve au Musée de Versailles.
La troisième chapelle du même côté,
dédiée à la Divine Enfance de Jésus
fut, en février 1626, donnée au chancelier Pierre
Séguier oncle du fondateur de l'Oratoire.
La chapelle de la Résurrection, propriété
de la famille de Bérulle, venait ensuite.
Une autre chapelle, située après le corridor de
dégagement, fut donnée en 1752, après l'achèvement
de l'église et la construction du portail, à l'architecte
Caqué, en reconnaissance de ses bons services.
Toutes ces chapelles avaient été, en 1749, fermées
par des grilles de fer " de très bon goût ",
ornées de dorures, et surmontées des armoiries des
diverses familles auxquelles elles appartenaient.
La chaire, d'abord placée du côté de l'épître,
entre la première et la deuxième chapelle, fut, après
l'achèvement de l'église, transportée à
l'endroit où elle se trouve actuellement. Elle était
ornée de six petits bas-reliefs, représentant des
personnages de l'Écriture Sainte.
Plusieurs grands prédicateurs, notamment Massillon, Bourdaloue,
Nicolas de Malebranche et, parmi les Pères de l'Oratoire,
J. F Senault et Raynaud, illustrèrent dette chaire par leur
éloquence.
Le P Raynaud, qui eut une grande vogue, " débita un
jour une pièce fort élégamment écrite
", raconte le Comte de B. dans ses mémoires (La Haye,
J. Neaulme, 1750, in 40 17-19).
" Cette pièce roulait sur les spectacles qu'il y frondait
sans miséricorde et pour lesquels il s'efforça à
inspirer aux assistants toute l'horreur qu'on doit avoir pour les
plus grands crimes. Je crus m'apercevoir que son discours avait
fait une forte impression sur un grand nombre de dames de la première
condition qui se trouvaient dans son auditoire. J'en ressentis quelque
chagrin, d'autant que la manière dont le théâtre
est aujourd'hui épuré, je l'ai toujours regardé
comme un amusement très innocent par lui-même et en
conséquence j'y avais pris beaucoup de goût.
" Mais heureusement pour moi et malheureusement pour l'orateur,
il était près de cinq heures à la fin de son
discours; et c'est justement l'heure à laquelle les spectacles
commencent. Celui de l'Opéra, contre lequel il s'était
particulièrement déchaîné, n'est qu'à
quelques cents pas de la chapelle du Louvre. On jouait alors sur
ce théâtre enchanté, la magnifique tragédie
d ' " Armide ", chef-duvre du tendre Quinault
et de l'inimitable Lulli. La réputation du prédicateur
et le concours de l'Opéra qui allait commencer, avaient attiré
dans la rue Saint-Honoré une légion de carrosses,
qui m'obligea de m'arrêter pour quelque temps sous la porte
de cette église, pour attendre que le mien vint à
la file des autres. Là je fus témoin du contraste
le plus singulier que jaie jamais vu. Ce fut celui que m'offrirent
quantité de dames de la première qualité. Elles
relevaient par les plus grands éloges la beauté de
la pièce qu'elles venaient d'entendre, ajoutant qu'elles
en avaient été extraordinairement touchées
et qu'un discours si solide et si pathétique ne pouvait manquer
de produire de très bons fruits.
" Il y parut quelques moments après. En effet, leurs
carrosses ayant commencé à défiler, et les
laquais leur ayant demandé, selon l'usage, où il fallait
les conduire, toutes d'une voix unanime, et comme si elles s'étaient
donné le mot, répondirent .- à l'Opéra...
Il y avait dans le passage qui conduisait à la sacristie,
une tombe surmontée d'une statue représentant une
femme pleurant et tenant un voile déployé. Cette tombe
était celle de Louis Barboteau, Conseiller du Roi, contrôleur
général de la Trésorerie de sa maison, "
ayant vécu en tout honneur et piété, et qui,
rempli d'un zèle ardent pour l'augmentation du service divin,
avait fondé à perpétuité, en cette maison
de l'Oratoire, une messe basse chacun jour de l'année.
C'est en 1750, l'église de l'Oratoire étant enfin
terminée, qu'eut lieu la cérémonie de la consécration
et de la dédicace. Monseigneur Languet de Cergy, archevêque
de Sens, officia. Pour cette cérémonie " douze
croix de cuivre dorées en or moulu furent mises aux piliers
de l'église ".
De 1750 à 1754 on compléta l'ornementation intérieure
de l'Oratoire .- on y installa la balustrade du chur les grilles
des chapelles, etc. etc. et quarante deux stalles ornées
de sculptures garnirent la rotonde.
Les Oratoriens avaient dépensé en tout pour la construction
de leur église 197.355 livres et 19 sols ; dans ce total,
les seuls honoraires des architectes figuraient pour la somme de
55.606 livres.
Chaque année les Pères de l'Oratoire célébraient
par une grande messe en musique l'anniversaire de St Louis. Pendant
le carême ils invitaient à prêcher dans leur
église un des prédicateurs les plus en renom du moment.
Les Académies des Sciences et Belles Lettres y faisaient
chanter le Te Deum à l'occasion des naissances royales.
Le 28 septembre 1764 l'Opéra y participa au service funèbre
pour le repos de l'âme de Rameau. » Le concours étant
nombreux, écrit Bachaumont, l'orchestre fut immense. On adapta
aux circonstances divers morceaux de " Castor et Pollux ".
Le fond de la messe était de Gilles. On avait invité
sur billets au nom de la veuve ".
Le 13 juillet 1789, une bande de forcenés pénétra
dans l'Oratoire, et l'église n'échappa au pillage
que grâce à une large distribution d'argent. Ce qui
n'empêcha pas les Oratoriens de célébrer, comme
tout le monde, la fête de la prise de la Bastille et un service
- pour le repos des âmes des braves citoyens morts en combattant
pour la Patrie ". Ce service eut lieu le 5 septembre 1789.
Le 1er mai 1790 Paris, qui venait d'applaudir aux décrets
de lAssemblée constituante contre les prêtres,
rendit de pieux devoirs au père Raynaud, de l'Oratoire, décédé
à l'âge de 84 ans et qui avait été une
des gloires de la chaire apostolique. Il y eut une affluence considérable
de gens de toutes conditions aux obsèques de cet homme de
bien. Les députés qui s'y montrèrent arguèrent
devant Assemblée que la Révolution, contenant
d'avérés zélateurs dans le sein de la Congrégation
de l'Oratoire, ils s'étaient cru autorisés à
honorer de leur présence les funérailles du défunt.
Dès le 27 décembre 1790, les Pères de l'Oratoire
" dont le bon esprit était avéré ",
obtempérant aux volontés de la Constituante, prêtaient
serment de
maintenir la Constitution imposée par elle. À la
fin du mois de janvier 1791, ils présentaient même
à cette Assemblée un - Plan d'éducation "
établi sur des bases conformes à ses arrêts.
Le 25 février 1791, la force publique envahit l'église
pour y célébrer le sacre des premiers évêques
constitutionnels.
Le 14 décembre 1792, un décret de la Convention
supprima les Oratoriens. Dans les bâtiments de leur couvent
et dans les sacristies de l'église, on installa successivement
à partir de cette époque et jusqu'au début
du XIXème siècle : le magasin des effets militaires
établi à St Denis, les juges au tribunal des prises,
les athénées de toutes sortes, les bureaux de garantie
des créances hypothécaires, administration dont Choderlos
de Laclos, auteur des " Liaisons Dangereuses ", fut le
secrétaire général, la Caisse dAmortissement,
etc., etc.
Plus tard, l'église de l'Oratoire servit aux assemblées
du district et de la Section. -
Dès le 3 1 mai 1793, le bonnet rouge, devenu l'étendard
de la perfection jacobine, couvrait toutes les têtes dans
les comités révolution ~aires. Il fut hissé
dans les théâtres au commencement et à la fin
des spectacles et remplaça les drapeaux aux faîtes
des temples et des édifices publics .- il surmonta le portail
de l'Oratoire.
Le 20 juillet 1793, la rage déprédatrice de la Commune
s'acharna sur ce qui restait des insignes de la royauté et
de la religion, aux murs des églises, des hôtels et
des palais. Les statues des rois et des saints furent décapitées
; la croix, qui surmontait le fronton de l'Oratoire, tomba.
Tous les tableaux, qui ornaient les murs de cette église
furent enlevés - les uns furent transportés au Musée
des monuments français, les autres détruits.
Le numéro de mai 1865 de la Revue Universelle des Arts
a publié le relevé d'un mémoire, adressé
au Comité d'Instruction Publique le 11 Vendémiaire
an 111 et duquel il résulte qu'avaient pris place à
ce Musée, comme provenant de l'Église de l'Oratoire,
les tableaux suivants : La " Tentation de St Antoine ",
de Simon Vouet, " Le sommeil de Joseph", "la Visitation
de la Vierge", "lAnnonciation" de Philippe
de Champaigne, " La Conversion de St Paul ", de Pierre
Jacques Cazes, " La Fraction du pain ", (dessus de porte),
" Les Disciples d'Emmaüs ", (dessus de porte), "
l'Incrédulité de St Thomas ", (dessus de porte),
" la Résurrection ", " UAscension " et
" le Jugement dernier ", (tableaux ayant orné le
chur de l'église), de Michel Ange Challe, " peintre
médiocre, dont les compositions sont dans une petite manière
", dit Millin.
De Sainte Foix, dans ses Essais historiques sur Paris, nous donne
du "jugement dernier " de Challe la description suivante
: " Ce tableau représente " le moment terrible
qui doit nous rendre à la vie et qui sera la récompense
des justes et la punition des méchants. Jésus-Christ,
du sein de la lumière, sur un trône de nuages, tend
la main droite aux prédestinés ; Adam et Ève,
qui lui sont présentés par l'ange gardien, demandent
grâce pour eux et leur postérité, tandis qu'à
la gauche, St Michel, chargé de la \/engeance, lance la foudre
sur les péchés capitaux et leur oppose son bouclier
lumineux où paraît, en lettres de feu, le nom du Tout-Puissant.
L'envie.... l'homicide... le crime puni, un ange fait sonner la
trompette de miséricorde qui rassemble les justes - Abel,
Abraham, Sarah, Noé et plusieurs patriarches sortent du sein
de la terre dans une obscurité qui marque que les astres
sont anéantis... "
Le Christ en croix du peintre Charles Le Brun, " que l'on
jugeait très-beau et qui se trouvait placé au-dessus
de la Grande Arcade de J'ancien grand autel, disparut également
de l'église.
Dans les armoires des sacristies situées derrière
le chur se trouvaient deux grandes châsses d'argent,
un soleil qui ne servait qu'aux grandes solennités et qui
était orné d'un gros diamant, entouré de douze
plus petits (don de M. Ferrand, brigadier des armées du Roi)
' - une niche pour l'exposition du Saint-Sacrement, 2 ciboires,
cinq calices en or, beaucoup d'autres objets en argent, en bronze
et en cuivre doré ainsi qu'un grand nombre d'ornements sacerdotaux
portant le chiffre de l'Oratoire furent emportés par la tourbe
révolutionnaire et détruits par elle ou fondus.
Sous le Directoire, lAssemblée des électeurs
de Paris eut lieu dans l'église de l'Oratoire .- les élections
de l'an VI donnèrent la majorité dans les conseils
au parti révolutionnaire. Phase orageuse et d'agitation populaire
que cette semaine du 21 avril 1798, pendant laquelle abondèrent
ces menus faits de la
rue : débauche d'affichage, disputes de cafés, arrestations
de faux votants. Le Directoire, effrayé de la réaction
républicaine, confirma les nominations de la minorité
et annula tontes les autres. Ce coup d'État fut le contraire
de celui de Fructidor.
Le 13 décembre 1798, le cirque du Jardin-Egalité
fut la proie des flammes. Le Lycée des Arts, qui s'était
installé dans ce local, (Mercier : Nouveau Paris), se trouva
sur le pavé. Charles Desaudrais, son secrétaire général,
" loua alors la ci-devant église de l'Oratoire "
où déjà l'administration centrale du Département
de la Seine présidait les distributions de prix et les séances
de rentrée des écoles primaires et des écoles
centrales, et où le citoyen Jacob Dupont avait ouvert un
cours public et gratuit " sur lAgriculture, le Commerce
et les Autres Arts ". (Moniteur du 3 Vendémiaire an
Vil.).
Une église de l'Oratoire, après avoir servi sous
le Consulat et pendant les sept premières années de
l'Empire de magasin aux décors du Théâtre Français
(St Victor, Tableau de Paris), de salle de séances à
la Société de. Médecine et de salle de banquets,
(Moniteur Universel du 2 août 1802), après avoir abrité
la Société de statistique, lAcadémie
d'écriture, etc., etc. fut désignée le 23 février
1811 pour recevoir le Consistoire protestant.
Ce Consistoire s'était vu affecter auparavant, par arrêté
du premier consul du 12 frimaire an XI (2 décembre 1802),
pour l'exercice du culte réformé, l'Église
Saint-Louis du Louvre, construite en 1740 sur l'emplacement de l'ancienne
église St Thomas du Louvre, qui s'était écroulée
en 1739 et dans laquelle Charles IX " s'était entendu
louer d'avoir exterminé l'hérésie en une matinée
".
St-Louis du Louvre était située sur St Thomas du
Louvre, au coin de la rue des Orties, là où se trouve
actuellement la portion de la place du Carrousel comprise entre
le pavillon Mollien et le pavillon Denon.
Or, l'Empereur Napoléon avait formé le grand projet
de réunir le Louvre aux Tuileries. Dans ce but, il avait
ordonné la démolition de l'Église St-Louis
et de tous les immeubles environnants qu'il considérait comme
nécessaire à l'achèvement de la place du Carrousel.
Ce projet avait mis le Consistoire protestant dans un grand embarras.
Dans quel local allait-il pouvoir célébrer son culte,
puisqu'il lui fallait évacuer l'Église St-Louis ?
Il y avait bien les deux " églises de secours "
établies à Pentemont et à Ste Marie par l'arrêté
susvisé du premier consul en même temps que "
l'Église consistoriale " de St-Louis du Louvre. Mais
le Consistoire tenait à avoir un Temple qui lui fut propre.
C'est alors que grâce au bienveillant préfet Frochot,
Napoléon par décret du 23 février 181 1 "
autorisa l'ouverture de l'Église de l'Oratoire en faveur
du culte protestant, mais provisoirement seulement ".
Recevant la députation du Consistoire qui venait le remercier
d'avoir désigné l'Église de l'Oratoire pour
la célébration du culte réformé et répondant
à l'adresse que lui présentait le Président,
M. le Pasteur Marron, l'Empereur prononça ces paroles : "
LEmpire de la loi finit là où commence l'Empire
indéfini de la conscience. Maintenant, vous avez votre liberté,
et si jamais quelqu'un vous la retire dans l'avenir je vous autorise
à lui donner le nom de Néron. "
Mais cette belle église était alors occupée
par des magasins de décors de l'Opéra, du Vaudeville
et du Théâtre Français. Les deux premiers de
ces théâtres, invités à déménager
leurs décors, s'exécutèrent tout de suite ;
le Théâtre Français, qui n'avait pas de local
pour entreposer les siens, fit la sourde oreille. " Prêchez
sur des gravats, disaient les comédiens français aux
pasteurs du Consistoire, faisant ainsi allusion à la démolition
de l'Église St-Louis. Comme on pressait le Consistoire de
s'installer à l'Oratoire, un délégué
protestant, M. Chatillon, se rendit auprès du Comité
du Théâtre Français et se présenta avec
une telle assurance qu'on le prit pour un commissaire impérial
; six semaines après, l'Église était débarrassée
de tous les décors qui s'y trouvaient emmagasinés.
Linauguration du nouveau temple eut lieu le 31 mars 181 1. En
présidant cette cérémonie, le pasteur Marron,
ancien chapelain de lAmbassade de Hollande, assisté
des pasteurs Mestrezat et Rabaut-Pomier, avait pris pour texte de
son sermon .- " La nuit est passée, le jour s'est levé.
"
L instabilité des choses humaines ! LEglise
de l'Oratoire, située non loin de l'Église St-Germain
lAuxerrois, dont les cloches avaient donné le signal
du massacre de la Saint-Barthélemy, -dans laquelle Bossuet
avait reçu en 1690 l'abjuration d'un pasteur qui portait
le nom d'un illustre physicien et inventeur protestant, Isaac, neveu
de Denis Papin, et où, pendant deux siècles, plusieurs
réformés avaient abjuré leur religion, était,
après avoir été si longtemps affectée
au culte catholique, consacrée, au début du XIX siècle,
au culte protestant.
L'autorisation provisoire, donnée par Napoléon en
1811, dura jusqu'en 1844, époque à laquelle, comme
nous le verrons ci-après, l'affectation de l'Oratoire au
profit du culte réformé devint définitive.
Quant à la démolition de St-Louis du Louvre, qui s'avérait
urgente sous le règne de J'Empereur, elle dura quelques années,
puisque, en 1850, on apercevait encore des fenêtres de la
Grande Galerie du Louvre son abside à demi renversée.
En 1814, les étrangers entrent à Paris en vainqueurs.
Le culte anglais épiscopal s'installe à l'Oratoire
et tient ses services immédiatement après le culte
réformé de midi. Cette même année, l'Oratoire
voit arriver un jour un communiant de marque, le Roi de Prusse.
En 1814 également, alors que dans toutes les églises
du royaume sont célébrés des services expiatoires
en l'honneur de Louis XVI, Marie-Antoinette, Louis XVII et Madame
Elisabeth, les pasteurs Marron et Monod président à
l'Oratoire un service expiatoire pour " les grands crimes de
la Révolution et, en particulier, pour celui du 21 janvier
1793. "
Dès le retour de Louis XVIII (qui eut comme ministre, Fouché,
duc d'Otrante, ancien Oratorien, conventionnel montagnard devenu
Ministre de la police sous Napoléon ler), on s'efforça
de réparer les dommages causés par la Révolution
à certaines églises. C'est alors que fut restitué
à l'Église de l'Oratoire un grand relief en pierre
de Tonnerre, représentant la Justice et soutenant le buste
en médaillon dAntoine Aubray, Lieutenant Civil ",
qui ornait, ainsi qu'on l'a vu plus haut, l'une des chapelles de
cette église.
Le 21 janvier 1817 fut célébré en l'église
réformée de l'Oratoire un service en mémoire
du roi martyr, Louis XVI ' - le 16 novembre de la même année,
un service funèbre pour Charlotte-Augusta dAngleterre,
princesse de Galles, femme du prince Léopold de Saxe-Cobourg,
élu plus tard, en 183 1, roi des Belges (Léopold 1er)
; ce dernier service eut lieu sur le désir manifesté
par les Anglais résidant à Paris.
En 182l " l'amphithéâtre derrière l'Église
", c'est-à-dire l'ancien chur des Oratoriens,
où se tenaient encore des réunions de sociétés
académiques, fut disposé en salle du Consistoire.
Le dessus de la voûte en fut séparé et forma
une salle qui servit le matin pour l'école du dimanche et
à deux heures pour le culte anglais des presbytériens.
Des stalles, provenant de l'église St-Louis du Louvre, furent
placées dans le chur et obstruèrent les premières
chapelles de l'édifice. De plus, les autres chapelles furent
coupées dans le sens de la hauteur
Sur le vitrail, du côté de la rue St Honoré,
on fit figurer la Croix de la Légion d'Honneur en souvenir
de la première promotion dans cet Ordre, (créé
par Napoléon 1 er)~ qui avait compris les pasteurs Marron,
Rabaut-Pomier et Mestrezat, les premiers pasteurs de l'Oratoire.
En 1831, l'Église de St-Germain lAuxerrois ayant
été saccagée à la suite d'un service
funèbre célébré à l'occasion
de la mort du Duc de Berry puis fermée, les fidèles
de cette paroisse demandèrent que l'Église de l'Oratoire
fût rendue au culte catholique pour qu'ils y pussent faire
leurs dévotions. Les protestants, paroissiens de l'Oratoire,
auraient dû, en conséquence, se transporter au temple
de la Rédemption.
Mais la demande des fidèles de St-Germain lAuxerrois
ne fut pas agréée.
Les Gazettes signaient sous les règnes de Charles X et
de Louis-Philippe de Iongues files de voitures devant le portail
de l'Oratoire " où la religion réformée,
enseignée par le pasteur Coquerel, s'associait selon ses
rites aux manifestations officielles de la religion catholique,
multipliant les prières, les services d'actions de grâces,
les " Te Deum " pendant et après l'épidémie
de choléra de 1832, célébrant les anniversaires
de l'avènement et de la fête du Roi, remerciant solennellement
le Ciel d'avoir préservé le monarque de l'attentat
de Fieschi, le 28 juillet 1835, et honorant, à partir de
1842, d'un office funèbre annuel, la mémoire du prince
royal, Ferdinand-Philippe, duc d'Orléans, victime d'un accident
de voiture sur la route de Neuilly. "
Une loi, promulguée au mois d'août 1844, concéda
gratuitement à la Ville de Paris, à titre de propriété,
"l'ancienne église de l'Oratoire, à charge à
ladite Ville de conserver sa destination à cet édifice".
En 1848, des barricades furent élevées rue de l'Oratoire
contre l'Église ; il en fut de même après le
coup d'État du 2 décembre 185 1. " Le 4 du même
mois, l'insurrection venait d'éclater du côté
de l'Église St. Merri, des rues Greneta, Beaubourg et Transnonain
dans le but d'amener la déchéance du Président
de la République. À 8 h 30 du soir, le l9e de ligne,
revenant de la Pointe Ste Eustache, après en avoir déblayé
les alentours, enleva, non sans essuyer une assez vive fusillade,
la barricade élevée par les insurgés devant
l'église de l'Oratoire, la détruisit et traîna
les voitures dont elle était formée au Palais National
où il bivouaqua."
En 1852, le portail de l'église de l'Oratoire fut restauré
Rue St Honoré annonçait le Moniteur du 27 janvier
1852, - on remarque un frêle échafaudage suspendu au-dessus
du fronton de l'Oratoire. On restitue à ce monument la croix
dont il ne restait que le socle et qui avait été renversée
en 1793.
Un élargissement de la rue de l'Oratoire et de la rue du
Coq (devenue rue Marengo, en vertu d'un décret du 3 mai 1854),
et le percement de la rue de Rivoli en 1854 et 1855 firent disparaître
les bâtiments de l'ancien couvent des Oratoriens, mais ne
portèrent pas atteinte à l'Église de l'Oratoire.
On lisait dans le Moniteur du 8 avril 1855 : " En ce moment
chacune des maisons uniformes à arcades, depuis le passage
Delorme (177, rue de Rivoli) jusqu'à la rue des Poulies,
(actuellement rue du Louvre), est un foyer d'activité. Les
arcades ne sont interrompues que par le chevet de l'Oratoire."
Les murs du temple de l'Oratoire furent regrattés et nettoyés
en 1855 ; un campanile, surmonté d'une croix d'or, fut construit
au centre du transept.
Après la chute du Second Empire, lors de l'occupation de
Paris par les Allemands, le temple de l'Oratoire fut fréquenté
par de nombreux allemands, l'Empereur Guillaume Il y aurait même
assisté à un culte.
Le 22 octobre 1885, on y célébra le deuxième
centenaire de la révocation de l'Édit de Nantes.
En 1889 fut inauguré derrière le chevet de l'Eglise,
le monument, dû au ciseau du sculpteur Valenciennois Crauck,
élevé par souscription publique sur l'initiative du
pasteur Eugène Bersier, à la mémoire de lAmiral
Gaspard de Coligny, assassiné le 24 août 1512, lors
du massacre de la Saint-Barthélémy,
Sur ce monument sont gravées ces belles paroles extraites
du testament de lAmiral : " J'oublirai bien volontiers
toutes choses qui ne toucheront que mon particulier soit d'injures
soit d'oultrages pourveu qu'en ce qui touche la gloire de Dieu et
le repos public il y puisse avoir seureté ".
Le Dimanche 2 juin 1912 la reine des Pays-Bas, Wilhelmine, voulant
rendre un pieux hommage à lAmiral de Coligny, son illustre
ancêtre, se rendait avec le prince Henri et sa suite au temple
de l'Oratoire. Reçue solennellement par le pasteur Benjamin
Couve, Président, et les membres de l'Union consistoriale
des Églises réformées de Paris et du département
de la Seine, ainsi que par le pasteur Robert)~ Président,
et les membres du Conseil presbytéral de l' église,
elle traversa le temple pour gagner le petit jardin où se
trouve érigé monument de lAmiral. Là,
après avoir répondu aux souhaits de bienvenue d pasteurs,
la Souveraine prit une couronne de lauriers, nouée de ruban
orange à son chiffre et à sa devise .- " Je maintiendrai
", et la déposa devant statue en prononçant les
paroles suivantes : " Gaspard de Coligny, Amiral c France,
grand champion de la Sainte Cause de Dieu, aïeul de la maison
d'Orange-Nassau, je dépose au pied de ta statue mes humbles
hommages
Le temple de l'Oratoire, avant la séparation des Églises
et de J'État, qui e lieu en 1905, était considéré
comme chef-lieu de la consistoriale protestante depuis la séparation,
il l'est resté non plus effectivement mais moralement C'est
à ce titre que sont célébrées dans cette
église par les protestants de Prisa et du Département
de la Seine toutes les grandes cérémonies religieuses
officielles.
. Dans sa sacristie (ancien chur des Oratoriens), se tiennent
les réunions de l'Union Consistoriale des Églises
réformées de Paris et du Département de la
Seine, qui, après la loi de séparation, a remplacé.
le consistoire des Églises Réformées de Paris.
Le portrait du pasteur Marron et les bustes des pasteurs Mestrezat,
Rabaut-Pomier, Adolphe Monod, Athanase Coquerel, qui ont illustré
la chaire de l'Oratoire, ornent les murs de cette salle.
Il existe encore, dans ce temple, des dalles funéraires
sans inscriptions, et dans une petite tribune, à gauche de
la chaire, une peinture murale représentant un guerrier tombant
de cheval, entourée d'amours peints et sculptés et
une inscription latine : " Fallax gratia et varia est Pulchritudo
mulier timens Dominum ipsa laudabitur ". Il s'agit de la conversion
de St Paul.
Roger Braun
Causerie faite le 22 avril 1932 à1a Société
d'Histoire et dArchéologie des 1er et 2e arrondissements
de Paris " Le Centre de Paris ", publiée en 1936
dans le " Bulletin du Centre de Paris.
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