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Bulletins de l'Oratoire > N°785 de décembre 2010

 

Les femmes

 

Introduction

Noël : un enfant qui est né, un fils qui nous est donné, le verbe de Dieu s’est fait chair. Noël résonne de la naissance de Jésus. Et si nous observons la scène de Bethléem dans son ensemble, notre regard, en suivant le cordon ombilical, découvre sa mère, Marie. Sans femme, pas d’enfant !

Et sans enfant, est-on vraiment femme ? Et sans homme, une femme, dont il est écrit qu’elle est née pour être l’aide de l’homme (Genèse 2/18), est-elle encore vraiment femme ? Noël est une bonne occasion pour penser à la condition des femmes qui semble tellement conditionnée par des éléments qui leur sont extérieurs. Ainsi, Marion Vettraino en indiquant de quelles manières notre société devrait s’efforcer de rééquilibrer la situation entre hommes et femmes (ce qui est nécessaire aussi bien sur le plan professionnel, que sur le plan domestique ou au niveau du personnel politique) ou Marc Pernot en nous présentant les théologies féministes qui ont été élaborées récemment, montrent en creux que la femme est souvent conditionnée soit au viril, soit à la maternité et qu’elle est souvent prisonnière d’un vocabulaire qui fait la part belle à la gente masculine. Rose-Marie Boulanger s’interroge alors sur les données bibliques : ne sont-elles pas porteuses d’intuitions dont nous avons cruellement besoin pour pouvoir parler des femmes sans les soumettre à des quotas, à des déterminismes sociaux ou physiologiques ? Dieu n’est-il pas celui qui peut libérer la femme de tous ces conditionnements qui semblent l’empêcher d’exister pour elle-même, d’être un individu, capable de relations, certes, mais d’abord un individu qui peut vivre une vocation personnelle ? Karine Merrien, dont la vocation est justement d’accompagner les femmes sur le chemin de la maternité, nous aide à repenser le droit à la non-parentalité pour éviter de faire de l’enfant le seul lieu de fécondité. La femme ni seulement un vagin ni seulement un utérus.

Cela semble une évidence, ce qui n’empêche pas le religieux de continuer à minorer le rôle des femmes. Cela est fait, parfois, de manière perverse comme dans le cas des rabbins qui expliquent que les femmes ne doivent pas étudier le Talmud parce qu’elles sont trop intelligentes. Au sein du christianisme, l’accès des femmes aux différents ministères est loin d’être acquis universellement, certains prenant encore au pied de la lettre cette recommandation de Paul que les femmes ne prennent pas la parole dans les assemblées (1 Corinthiens 14/34), oubliant qu’il s’agissait là d’une recommandation dans le contexte particulier de Corinthe où les femmes devenaient des objets cultuels dans des célébrations dionysiaques.

Là est toute la question de l’humanité, aussi bien pour les femmes que les hommes, les enfants, les personnes âgées, etc. : nos comportements, nos discours, nos manières d’être font-ils de nous - ou des autres - des sujets ou des objets ? Avons-nous tendance à réduire l’autre, ou nous-mêmes, à un aspect de la vie (mère, épouse, faire-valoir, passe-temps) ou lui permettons-nous de pouvoir s’exprimer dans toutes les dimensions qu’autorise la vie ? Prenons le cas d’Eve, figure initiale de la féminité, qui dit qu’elle a fait un enfant avec Dieu (Genèse 4/1)  : elle n’est pas réduite à être mère-porteuse mais lie à la fois la liberté d’agir comme bon lui semble, qui s’est exprimée un peu plus tôt dans le jardin d’Eden, et le sens qu’elle donne à ce qu’elle entreprend : « j’ai donné vie à un homme », ce qui est une manière d’assumer ce qu’elle est, « Eve », en hébreu « Haya », « vie », et de s’y investir pleinement, activement, librement, sans être l’objet d’aucune contrainte, d’aucune pression, d’aucune manipulation. Etre capable de s’exprimer en « je » et d’employer des verbes à la tournure active, voilà ce que Dieu espère pour nous tous, hommes et femmes. Et quand cela a été empêché pendant des siècles, il est compréhensible qu’il faille compenser ce désavantage, comme l’ont exprimé les ministres européens de l’emploi en 2000. C’est ce que ce dossier nous invite à poursuivre.

James Woody

 

Qui est Marie, mère de Jésus pour nous ?

En général, les protestants ne prient pas Marie, mais c’est parce que nous prions Dieu et Dieu seul, pas parce que Marie n’aurait aucune importance pour nous.

Marie est objectivement un personnage majeur des évangiles. Elle est même probablement le premier personnage après Jésus dans la plupart des quatre évangiles contenus dans notre Bible, particulièrement dans les évangiles selon Jean (où Marie a un rôle majeur au début et à la fin du ministère de Jésus comme Christ), et dans les premiers chapitres de l’évangile selon Luc. L’évangile selon Matthieu est plus nuancé, l’évangile selon Marc est lui, plutôt féroce contre Marie qui se préoccupe de la santé de son fils mais ne comprend pas son ministère. Marie est présente au début du livre des Actes dans le groupe des apôtres, avec d’autres femmes et les frères de Jésus.

Il y a beaucoup de développements et de légendes autour de Marie que l’on trouve dans les textes apocryphes écrits entre le 2e et le 5e siècles ainsi que dans les développements qui se sont poursuivis jusqu’au XXe siècle. Dans ce registre, il y a la dormition, l'assomption, l'immaculée conception de Marie, mais aussi des légendes sur ses parents, sa jeunesse, son mariage... elle est parfois appelée « mère de Dieu » (concept assez surréaliste), « reine du ciel »… Les protestants ont plutôt en ce domaine une attitude proche des « exégètes », c’est à dire des universitaires spécialistes de l’étude du texte de la Bible, nous nous fondons sur les évangiles, pour connaître Marie et nous intéresser à elle. Ce sont sans doute les meilleurs témoignages que l'on puisse avoir sur elle, les plus anciens, et ils sont reconnus par toutes les églises chrétiennes.

Marie est la mère de Jésus, ce qui n'est pas rien ! Comment elle l’est devenue est plus discuté, dans le Nouveau Testament et donc parmi les chrétiens. Dans notre église, et particulièrement à l’Oratoire, chaque personne a sa liberté d’interprétation, sincèrement : de nombreux fidèles pensent effectivement que Marie a conçu Jésus sans relation sexuelle avec un homme. De nombreux fidèles pensent qu’il s’agit d’un symbole, que ce texte est vrai au sens théologique, spirituel. Mais dans tous les cas, que ça se soit passé physiquement comme ça ou non, nous cherchons tous dans ce texte ce qui nous est dit de la bonne nouvelle du salut que Dieu nous donne en Jésus-Christ.

Marie selon Lucas CranachCette bonne nouvelle, c’est que, comme Marie, nous pouvons nous laisser féconder par l’Esprit Saint et voir naître dans notre existence concrète une dimension qui est de l’ordre du Christ. Bien entendu cela ne se réalisera pas (probablement) en étant nous-mêmes enceinte (ou enceint) sans relation sexuelle, mais nous accoucherons néanmoins d’un nouveau nous-mêmes, plus vivant, plus aimant, un véritable enfant de Dieu, qui lui ressemble par sa façon d’être.

Pour cela, dans un certain sens, il est utile que nous soyons vierges pour recevoir l’Esprit-Saint. Concernant Marie au sens physique, je ne sais pas et je ne veux pas le savoir car cela ne me concerne absolument pas, mais en tout cas pour nous, pour saisir le sens de ce texte, la question n’est pas celle de la virginité physique, mais d’une virginité spirituelle, remettant en perspective pour nous la place des autres dimensions importantes de notre vie. Dans la mesure où nous reconnaissons vraiment Dieu comme notre Dieu, nos moyens matériels et notre situation sociale, la sagesse et la religion, les loisirs et l’art, et même nos actes généreux… sont pour nous des moyens et des fruits utiles pour faire avancer les choses. Mais si nous adorons ces bonnes choses comme si elles étaient le sens ultime de notre vie, comme si elles étaient le lieu de notre espérance et de notre salut, nous nous fermons au salut vivant que Dieu nous offre. « Si je n’ai pas l’amour, nous dit l’apôtre Paul, tout cela ne sert à rien » (1 Corinthiens 13)

Marie est ainsi, dans ce texte de Noël, le type même du croyant. Il y a un miracle dans notre vie, une chose absolument impossible, illogique, arrive en nous : par son Esprit, par son souffle vivant, Dieu arrive à faire naître en nous un petit peu déjà une personne capable d’aimer, un petit peu (à notre mesure) une personne à l’image du Christ. C’est un miracle qui a déjà un petit peu eu lieu en nous. « Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi. » (Luc 1:28) C’est à chacun de nous qu’est adressée cette bénédiction, nous disant qu’il y a encore tant à recevoir de Dieu. Et comme Marie, nous pouvons espérer et rendre possible ce miracle en disant « je suis l’enfant de Dieu, qu’il me soit fait selon sa Parole »

Marc Pernot

 

 

Les femmes dans la Bible

Eve. Marie. L'ombre et la lumière. La tentatrice mère de Caïn. L'immaculée mère de Jésus. Caïn tuant son frère, tue l'Humanité. Jésus crucifié, sauve l'Humanité.

Ces deux femmes vont marquer de façon indélébile le destin de toutes les femmes . Elles seront condamnées à l'un ou l'autre rôle et auront un long chemin à parcourir pour commencer à sortir de ce schéma.

C'est oublier toutes les autres femmes de la Bible et, en particulier, celles du Nouveau Testament. Ce sont des femmes qui ont toutes un destin exceptionnel, qui vivent toutes une situation singulière. Elles accomplissent des actes dans une totale liberté. Liberté de prendre leur destin en main, liberté sublimée en approchant Jésus. Elles sont : adultère, affligée de constants saignements, malade, éprouvée par un deuil, prostituée.... Elles sont seules et choisissent, seules, d'aller vers Jésus.

Prenons le cas de "la femme atteinte d'une perte de sang". Non seulement elle est atteinte par un problème physique mais, en plus, ce problème va l'exclure de sa communauté. Double peine. Elle va faire le choix de guérir en approchant Jésus. Ainsi elle sera rétablie, retrouvera sa place dans la communauté et réaffirmera sa liberté grâce à Jésus.

Cet autre cas, terrible et si actuel, de la "femme adultère". Certes elle n'a pas la liberté de refuser son supplice mais Jésus, en la sauvant, lui donne la liberté de vivre et de choisir sa vie.

Quelle que soit leur situation, ce sont elles qui vont avoir une place capitale.

Elles suivent Jésus, elles ne le renient jamais, elles sont au pied de la Croix, elles sont les premières à voir le tombeau ouvert, elles vont annoncer la Résurrection :" Jésus est revenu et nous sommes chargées de le dire au Monde."

Qui d'autres que des femmes libres pourraient accomplir cette tâche sublime ?

Alors qu'avons - nous fait de cette liberté des femmes de la Bible ? Nous l'avons laissée nous être confisquée. Certaines ont  lutté, luttent encore mais le poids de la civilisation, de la culture, des traditions, de l'éducation, de l'économie... pèse encore très lourdement sur les épaules des femmes.

Femmes aux pieds bandés, excisées, enfermées,  violées, voilées, niées, maltraitées, sous-payées... il faudra bien un jour retrouver la liberté des femmes du Nouveau Testament pour être enfin des Femmes debout.

Rose-Marie Boulanger

Les théologie féministes

Les théologies féministes sont nées au XIXe siècle, mais elles se sont développées aux États-Unis à partir de 1965 en même temps que les mouvements d’émancipation de la femme, et ont été importées en Europe dans les années 1970, principalement en Allemagne. En France, le climat est resté plus serein, moins radical. Mais, même en France, les théologies féministes ont ouvert un des champs de recherche qui a le plus apporté à la théologie chrétienne et à l’interprétation de la Bible dans les cinquante dernières années.

Il y avait une légitime revendication pour faire évoluer la place de la femme dans la société et dans les mentalités. Ce travail est bien entamé actuellement, même s'il reste encore à faire dans ce domaine. Les théologiennes féministes nous ont également fait prendre conscience de l'important déséquilibre qui existe en faveur des hommes dans la Bible, et d'un déséquilibre encore plus grand dans la lecture qui est faite de la Bible par les théologiens depuis des siècles. Cela est injuste pour les femmes, mais n'est pas bon non plus du point de vue théologique et existentiel. Comme le dit Mary Daly « Si Dieu est mâle, alors l’homme mâle est dieu ».

Il existe un courant de théologie féministe très radical qui prend une grande liberté vis-à-vis de la Bible, considérant que c'est un texte fondamentalement patriarcal « impossible à sauver » (Dorothée Sölle).

Un deuxième courant, plus modéré, invite plutôt à ré-interpréter le message de la Bible de façon plus juste. Un travail biblique approfondi a permis une redécouverte des passages de la Bible représentant des aspects féminins et maternels de Dieu. Les traductions, mais surtout l'interprétation traditionnelle de la Bible, ont conduit à « oublier » ces passages, et, au cours des siècles, à construire une conception de Dieu très déséquilibrée par ses caractéristiques masculines ; Dieu est considéré comme Père, Roi, Seigneur... oubliant que dans la Bible, il a bien souvent des caractéristiques féminines. Dans la Bible, Dieu est parfois comparé à une Mère pleine de tendresse enfantant et allaitant l'humain, ou comme une présence féminine avec des mots hébreux comme shekhinah (présence), rouah (Esprit), èmounah (fidélité), sa grâce, sa tendresse, sa miséricorde... La traduction même du célèbre mot de quatre lettres YHWH qui forme le nom de Dieu dans la Bible hébraïque prend des accents fortement masculins quand il est traduit par « l’Éternel », ou plus encore avec « Le Seigneur », alors que ces quatre lettres forment un verbe qui n’a pas de genre « Je suis » ou « Je serai ».

Ces théologiennes attirent aussi notre attention sur l'existence, quand même, de quelques grandes figures féminines dans l'histoire d'Israël et dans l'entourage de Jésus. Compte tenu du caractère profondément patriarcal de la société à ces époques, le fait même qu'il existe dans la Bible quelques femmes ayant un rôle important est tout à fait remarquable en soi, ce qui n'a pas été assez mis en valeur par les théologiens dans le passé. On peut remarquer, par exemple, la prophétesse Myriam, sœur de Moïse ; ou la femme qui oint les pieds de Jésus à Béthanie, dont on a passé sous silence l’importance théologique ; ou encore Marthe, dont la profession de foi est au moins aussi fondamentale que celle de Pierre et dont on n’a pas tiré les mêmes conséquences. On peut remarquer la place des femmes à la résurrection de Jésus, surpassant celle d’apôtres comme Pierre et Jean, faisant même de Marie-Madeleine littéralement l’apôtre des apôtres. Cela se traduit logiquement par des responsabilités importantes de certaines femmes dans les premières communautés chrétiennes. Ces constats ont amené à engager un minutieux travail de détective, replaçant les textes de la Bible dans le contexte de l'époque. Ce travail établit que le mouvement de Jésus a été une communauté de disciples égaux, avant la repatriarcalisation du mouvement qui a très rapidement suivi dans les Eglises. Cette découverte conduit à se pencher sur l'histoire de l'Église et de la société civile, à s'interroger sur ce que les institutions humaines ont fait subir aux femmes au cours de l'histoire et à envisager de nouvelles perspectives d’évolution à la lumière de l’Évangile.

L'importance des courants théologiques féministes est donc un apport très concret, pour qu'il y ait plus de justice dans notre société et dans nos mentalités. Mais ce travail théologique et biblique a également une grande importance pour perfectionner notre façon de lire la Bible et de faire de la théologie, avec un peu plus de lucidité, plus d'humilité, plus de justice.

Marc Pernot

 

Le droit à la non parentalité

Il y a une différence entre notre génération et celle de nos parents sur le désir de parentalité. Grâce au contrôle des naissances, le désir ou non de parentalité se fait connaître. Cette possibilité de décider de la venue d’un enfant par les différents moyens de contraception et les possibilités d’interruption volontaire de grossesse a fait évoluer le positionnement parental.

Hier, il fallait se marier pour sortir du foyer parental, les jeunes couples ne s’interrogeaient guère sur leur désir de parentalité, il n’y avait aucun contrôle de naissance possible, pas de facilités pour les gardes d’enfants. La société a évolué et les priorités des individus avec. L’entrée progressive des femmes dans le monde professionnel a transformé leur façon d’envisager leur vie personnelle.

Tout ceci fait qu’aujourd’hui chacun peut savoir quand, comment et pourquoi il ou elle souhaiterait ou non un enfant. Aussi, certaines femmes vont revendiquer leur droit à la non-parentalité, évoquant plusieurs arguments tout aussi pertinents les uns que les autres : vie professionnelle riche sans place pour élever un enfant, avenir incertain à quoi s’ajoutent des femmes qui ne ressentent pas la nécessité d’être mère.

Ces personnes sont souvent qualifiées d’égoïstes par bon nombre d’autres qui estiment qu’une vie sans enfant est sans avenir. Il m’arrive parfois de croiser des personnes qui ne désirent pas d’enfants ; je ne les blâme pas et je n’essaie surtout pas de les convaincre qu’il faudrait en avoir. Evidemment, dans mon milieu professionnel nous baignons en pleine parentalité et nous assistons aux prémices de cette fonction. Quelques fois, je constate que certains couples se retrouvent dans une fonction de parents qu’ils n’avaient pas souhaitée ou envisagée à ce moment. Faut-il se dire, alors, qu’ils auraient mieux fait de ne pas être parents ? Ce n’est pas certain. En revanche, on rencontre des couples avec un désir de parentalité affirmé, mais dont on doute de leur capacité à remplir cette mission. Ceci dit, les sages-femmes ne sont pas des experts en parentalité.

Il y a aussi un cas particulier : la monoparentalité non désirée. Ces cas sont malheureusement souvent constatés dans nos services où les mères se retrouvent seules, ayant été « abandonnées » par leur compagnon qui manifeste son refus d’être père. Ces situations sont délicates à gérer : ces mères isolées sont très fragiles dans les premiers jours qui suivent l’accouchement. Il faut les accompagner et les soutenir soigneusement.

Quand je croise des personnes qui affirment clairement leur non désir de parentalité, je suis quelque peu admirative. D’abord parce que je suis à l’opposé de ce désir et qu’affirmer un tel positionnement dans notre société reste assez audacieux : malgré les évolutions citées, il y a encore une pression d’un modèle familial jugé idéal (marié avec enfant). Ensuite, il est évident que ces personnes prennent une décision ferme sur leur projet de vie, un peu radical à mes yeux, mais elles ont le courage de ne pas se lancer dans une aventure qui demande du temps, de l’investissement, de l’attention, de l’amour, beaucoup d’amour, qu’elles n’ont pas le sentiment d’avoir. Certes élever des enfants représente un immense bonheur de mon point de vue, mais c’est aussi source de nombreuses contraintes (horaires, financières, professionnelles…) que certains n’ont pas envie d’assumer. Ceux-ci ont décidé de ne pas être parents pour échapper à ce qu’ils qualifient d’aspect négatif.

Et puis, il y a ceux qui ne ressentent aucune envie, aucun besoin d’être parent. Cela ne leur traverse pas l’esprit. C’est parfois un état passager, un moment de leur vie ; la situation évoluera peut-être en d’autres lieux, à un autre moment. Faut-il leur donner raison ? Tant que nous ne vivons pas la situation, tant que nous n’avons pas le même état d’esprit, c’est difficile à envisager. Malgré mes orientations professionnelles et ce que je défends, je respecte entièrement le désir de non parentalité. Il est rassurant de savoir que certaines personnes sont conscientes qu’elles n’offriraient pas ce qu’il y a de mieux à un enfant (certains, convaincus du contraire, s’avèrent être des parents inexistants).

En revanche, j’observe parfois des couples qui revendiquaient un désir de non parentalité bien campé et qui, « par hasard », se retrouvent parents. Quelques uns se révèlent et assument leur responsabilité pleinement et avec grand bonheur. Cette conclusion est un peu idéaliste certes, mais, fort heureusement, couramment observée. Bien sûr, des couples vont se retrouver dans une situation difficile à assumer à leurs yeux et notre rôle sera de les aider et les soutenir au maximum pour qu’ils surmontent ce qui leur semble insurmontable.

Une femme a le droit de se sentir totalement accomplie même si elle ne souhaite pas être mère. Ce choix n’ampute rien à la féminité. Une femme qui n’est pas mère reste entièrement femme. D’ailleurs, ne traite-t-on pas davantage le sujet des mères qui ont perdu « leur part de femme » que les non-mères qui ne seraient pas complètement femme ?

La parentalité n’est pas un contrat à respecter pour être totalement accompli en tant qu’individu. Une femme restera totalement femme même si elle n’accède pas au rôle de mère - au même titre qu’il n’a jamais été question qu’un homme ne soit plus masculin car il ne souhaite pas être père : il n’y a là aucune obligation. Autant qu’elle se réalise dans d’autres domaines de son existence, elle n’en sera que plus épanouie.

Il est important que chacun garde ses convictions en matière de parentalité dans notre société qui nous laisse assez libre de nos choix et que chacun respecte autrui dans ses propres convictions. Il n’est ni bon ni mal de souhaiter ne pas être parent. La non parentalité reste un choix possible. C’est cette possibilité qu’il faut maintenir vive pour rester libre.

Karine Merrien
Sage-femme cadre.

La place des femmes dans la société

En 1879, les délégués français au congrès des travailleurs de Marseille souscrivent presque tous à la déclaration suivante : « Nous croyons que la place actuelle de la femme n’est pas dans l’atelier ou l’usine, mais dans le ménage, dans l’intérieur de la famille » (A l’époque, les enfants travaillaient…).

En 2007, le taux d’activité des femmes de 15 ans et plus en France était de 51 % (62 % pour les hommes), 30 % des femmes ayant un emploi à temps partiel (4 % pour les hommes), la rémunération brute des femmes exerçant un emploi dans le secteur privé étant inférieur d’environ un quart à celui des hommes. Six femmes au foyer sur dix souhaiteraient travailler à l’extérieur, même s’il faut tenir compte du fait que dans la plupart des couples exercer chacun une activité professionnelle relève d’une nécessité économique.

Mais la société ne s’est pas adaptée à la révolution qu’a constitué l’accroissement de l’activité féminine dans les années 70 et 80, et l’idée que les tâches qui incombent aux hommes et aux femmes sont différentes demeure très largement répandue. La question du partage des tâches domestiques est très largement passée sous silence, dans l’entreprise comme dans la sphère publique, et une femme qui souhaite progresser professionnellement est immanquablement confrontée au choix à effectuer entre un peu plus de temps pour sa famille et un peu plus d’investissement dans son métier.

Il résulte de cet état de fait un gâchis social certain : la vie familiale est souvent perturbée, les femmes ne retirent pas le fruit des « investissements » consentis pour acquérir un haut niveau d’éducation, et la société ne bénéficie pas des apports de compétences, de créativité et d’idées que les femmes pourraient apporter pour améliorer son fonctionnement.

Une résolution adoptée en 2000 par le Conseil européen des ministres de l’emploi et de la politique sociale affirme : « Le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes impose de compenser le désavantage des femmes en ce qui concerne les conditions d’accès et de participation au marché du travail et le désavantage des hommes pour  ce qui est de la participation à la vie familiale, désavantages résultant de pratiques sociales qui font toujours considérer le travail non rémunéré accompli dans l’intérêt de la famille comme une responsabilité principale des femmes et le travail rémunéré dans la sphère économique comme une responsabilité principale des hommes ».

a la boite on est repassé aux 40 heures, alors j'aimerais bien réduire à 35 heures à la maison ! dessin tiré de http://interelles.canalblog.com

dessin tiré du site interelles

Comment accepter le travail des femmes tout en donnant toute leur valeur aux soins aux enfants et aux activités parentales ? Ou encore : comment permettre aux femmes de véritablement choisir entre l’exercice d’une activité de mère de famille et celui d’une activité professionnelle ?

Même si de nombreuses mesures ont été prises dans ce sens en France depuis une dizaine d’années tant sur le plan législatif que sur celui de la négociation collective dans les entreprises  beaucoup reste à faire. Voici quelques pistes de réflexion :

  • augmenter de manière massive le nombre de places d’accueil des enfants de moins de trois ans, l’objectif étant de rendre effectif un « droit à la garde opposable » ; des chercheurs en sciences sociales en estimaient le coût, en 2007, à 5 milliards d’euros en investissement et autant en fonctionnement ; la dépense est élevée, mais s’interroge-t-on vraiment sur le « retour sur investissement » desdites sommes , c’est-à-dire l’amélioration considérable de la qualité de vie des femmes, des enfants… et des pères par voie de conséquence ?
  • revoir en profondeur l’organisation du travail dans les entreprises et la fonction publique : ne pas prévoir seulement des mesures particulières réservées aux femmes en leur permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale, mais des mesures générales permettant aux hommes et aux femmes d’assurer, ensemble ou à tour de rôle, les obligations découlant des tâches parentales. Les exemples d’organisation de ce type dans les pays du nord de l’Europe sont bien connus, mais on remarque aussi qu’aux Etats-Unis les salariés sont jugés prioritairement sur l’atteinte des objectifs et non sur le temps de présence effectif.
  • réformer le congé parental actuel, trop long et pénalisant pour les femmes au plan professionnel, en lui substituant un congé de plus courte durée mais à prendre obligatoirement par les deux parents, la partie non utilisée étant perdue (cela fonctionne en Islande).
  • pénaliser le recours par les employeurs au temps de travail trop court(pratique de temps partiel subi) ; environ 40 % des femmes travaillant à temps partiel souhaiteraient travailler davantage.
  • informer plus efficacement les filles des conséquences de leurs choix scolaires et professionnels (actuellement les femmes occupent 61 % des emplois les moins qualifiés, et l’on compte 80 % de femmes parmi les salariés les moins bien rémunérés).
  • porter véritablement le débat sur la place publique (en dépit des mesures déjà évoquées, cela n’a jamais été véritablement le cas en France, à la différence d’autres pays européens).
  • un engagement plus soutenu de la part des femmes elles-mêmes : on remarque que dans un pays comme la Suède les féministes ont, dans les années 70, investi massivement, toutes tendances politiques confondues, les relais institutionnels (associations, syndicats, partis politiques…) ; c’est l’une des raisons pour lesquelles toutes ces questions, beaucoup plus qu’en France, ont été concrètement prises en compte. Sans aborder ici la question des quotas et de la discrimination positive, on notera qu’en Suède les femmes représentent environ 44 % des députés et  à peu près la même proportion des élus des communes et des conseils généraux. La prise en charge par des femmes des questions « politiques » au sens large dans une proportion de plus en plus importante a fortement changé la manière, pour les hommes et les femmes, de vivre et de travailler.

Les membres de notre société ont besoin de plus de temps à consacrer à la parentalité, à l’affection, aux relations, à la discussion, à l’éducation… S’il faut impliquer davantage les pères dans les soins aux enfants et les autres tâches domestiques, s’il faut diminuer la pression du travail sur les hommes pour leur permettre de plus s’investir dans la vie familiale, ce n’est pas pour le plaisir de ressasser des thèses féministes politiquement correctes, c’est que tout ce surplus de temps, pour n’être pas productif au sens classique du terme, est éminemment important pour l’équilibre et le développement de nos sociétés européennes.

(Pour poursuivre la réflexion, cf Dominique Meda « Le temps des femmes, pour un nouveau partage des rôles » Flammarion édition 2008)

Marion Vettraino

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couverture de la "feuille rose"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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