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Parabole des serviteurs inutiles

(Luc 17:7 et ss)

 

pasteur A.N .Bertrand
Oratoire du Louvre, 18 juillet 1943

« Quand vous aurez fait tout ce qui est commandé, dites :
je suis un serviteur inutile, je n’ai fait que ce m’était commandé ».

 

            Cette parole a toujours été pour les Eglises du Christ, et particulièrement pour les Eglises de la Réforme, la plus nette et la plus haute expression de l’humilité chrétienne ; mais à la réflexion, elle apparaît aussi comme une magnifique expression de la majesté de Dieu, dressée devant nous comme une falaise abrupte, comme une cime au-dessus de laquelle il est impossible de s’élever. C’est pourquoi je me suis permis de proposer ce matin à votre méditation un sujet qui peut paraître disproportionné  au tragique de l’époque où nous vivons. Si j’ai cru pouvoir attirer aujourd’hui votre attention sur cette parole, c’est d’abord parce qu’il ne faut jamais perdre de vue les données élémentaires de la vie chrétienne dans leur simplicité. Une Eglise qui cesserait de rechercher soit pour elle-même, soit pour chacun de ses membres en particulier, la nécessaire humilité du chrétien, laisserait mutiler en elle la vie chrétienne, et sous prétexte de se tenir à la hauteur des circonstances, elle perdrait le contact avec une des réalités fondamentales de la vie évangélique. Parce que nous vivons dans des temps extraordinaires, redoutables, il ne faut pas oublier les formes ordinaires, permanentes, de la vie chrétienne.
                                 
            Mais surtout, à l’époque où des millions d’hommes voient se dresser devant eux comme un devoir le sacrifice de leur vie, tandis que la volonté de Dieu se dresse devant d’autres avec une majesté si impérieuse qu’elle rejette dans le néant les autorités humaines auxquelles ils avaient coutume d’obéir, à pareille heure, il est bon de placer en face de l’autre les exigences de Dieu et l’obéissance de l’homme, pour que chaque croyant trouve sa vraie place et que notre vie soit éclairée de sa vraie lumière.

            Pour cela, commençons par placer la Parole de Jésus dans le cadre de la parabole qui l’explique, afin qu’elle prenne tout son sens. « Lorsque vous aurez fait tout ce qui vous est demandé …. » Notre premier mouvement, avant d’aller plus loin, est de dire : Cette parole ne me concerne pas. S’il y a des hommes qui ont fait tout ce qui leur était demandé, nous ne sommes pas de ceux-là. – Je crois que parler ainsi, ce n’est pas prendre la question comme le veut Jésus. Dans sa parabole, Jésus ne parle pas d’hun homme qui est arrivé à la sainteté parfaite, il parle d’un bon domestique, fidèle et obéissant, qui va labourer quand on lui dit de labourer, de garder les troupeaux quand on lui dit de garder les troupeaux ; et quand il rentre le soir, fatigué sans doute, et qu’on lui dit de préparer le repas, il nous son tablier et va à la cuisine ; ce n’est pas un héros ni un saint, mais c’est un bon serviteur comme il y en a dans nos fermes ,dans nos maisons. Des serviteurs semblables, Dieu aussi en a plusieurs à son service. Ce ne sont pas des saints assurément, mais des serviteurs fidèles, qui font chaque jour la tâche de chaque jour, tout simplement. Ils sont comme ceux de la parabole ; Jésus ne dit pas que tous les sillons du laboureur sont parfaitement droits, ou que toute la semence y est bien répandue ; il est probable au contraire qu’ils en jettent une part sur le chemin ou dans les épines ; mais enfin ils font ce qu’on leur demande, et c’est ainsi que nous sommes pour la plupart, nous qui sommes ici ce matin pour apprendre ce que Dieu attend de nous : pas des gens extraordinaires, mais de bons serviteurs, qui tâchent de faire de leur mieux le travail qui leur est échu.

            Ce qui nous étonne un peu, c’est de voir que Jésus déclare que l’on ne doit aucune reconnaissance à ces bons serviteurs. Mais il ne s’agit pas ici de nos sentiments à leur égard, et de ce que Jésus ou Dieu attendent de nous vis-à-vis de nos serviteurs si nous en avons ; Jésus ne prend pas à son compte l’odieux « ils sont payés pour cela », qui met une insurmontable barrière entre le cœur des maîtres et celui des serviteurs ; il remarque simplement un fait, c’est que nous ne nous croyons pas obligés, chaque fois qu’un serviteur a fait ce qu’il avait à faire, de lui adresser des félicitations exceptionnelles ou de lui octroyer une récompense, comme s’il avait fait quelque chose d’extraordinaire, il est là pour cela, et nous trouvons tout naturel qu’il fasse son service. De même lorsque nous faisons ce que Dieu attend de nous, nous ne revendiquons pas le « droit à une récompense », nous aussi nous sommes là pour cela, nous faisons ce que nous avons à faire. Faut-il pour cela déclarer « serviteurs inutiles » ces serviteurs qui sont au contraire utiles, précieux dans une maison humaine, et sans doute aussi dans la maison de Dieu ? Il semble bien qu’ici ce soit notre traduction qui soit inexacte, et que nous soyons plus fidèle au texte en traduisant : « Ce sont des serviteurs sans mérites, ils n’ont fait que ce qu’ils étaient tenus de faire ».

            Ainsi précisée, la pensée de Jésus nous remet un peu rudement à notre place. « J’ai fait mon devoir » ; cette parole qui est souvent sur les lèvres des hommes une parole d’orgueil, comme il faut apprendre à la dire simplement ; j’ai fait ce que j’étais tenu de faire, rien de plus. Mais cela n’a un sens que pour l’homme qui se trouve devant Dieu, et c’est pourquoi l’humilité est une vertu chrétienne qui n’a pas beaucoup de sens ni de valeur pour la morale courante, qui la prend souvent pour une sorte de fausse modestie, ou au contraire, pour une abdication et un manque de dignité. La parole « je n’ai fait que ce qui m’est demandé » ne prend toute sa valeur que si l’homme a l’impression de trouver en face de soi non une loi, une lettre quelconque avec laquelle il se mettra facilement en règle, mais une Personne, et une Personne sainte dont la volonté est pour lui un absolu et qui a des exigences spéciales s’adressant à lui personnellement.

            L’homme qui ne connaît que la loi, ou comme nous disons aujourd’hui, la morale ou le devoir, trouve devant lui un certain nombre de commandements avec lesquels il peut avoir le sentiment de se trouver en règle, tel le jeune homme riche à qui Jésus rappelle les commandements de la Loi : « Tu ne tueras pas, tu ne déroberas pas, tu ne commettras pas d’adultère » et qui répond : « J’ai observé tout cela dès ma jeunesse ». Parole toute normale pour qui ne regarde qu’à la loi ; mais que Jésus dépasse aussitôt en le mettant en présence de Dieu et de ses exigences envers lui personnellement : « Vends ce que tu as, donne-le aux pauvres et suis-moi ». – Reprenons la comparaison de Jésus : l’homme qui se place devant la loi, est comme un serviteur à qui l’on a fixé sa consigne : Tu laboureras jusqu’à la troisième borne à droite dans le champ. Il vient ainsi un moment où il a fini, où il a fait ce qu’on lui avait commandé. Il peut même en faire davantage et  labourer un peu plus loin, dépasser la troisième borne et tracer encore quelques sillons ; il se persuade ainsi qu’il en a fait plus qu’on ne lui demande et qu’il a droit à des éloges, à une récompense ; c’est « sa gloire » comme dit Saint Paul, d’avoir dépassé ce qu’on lui avait commandé. L’humilité pour un tel home n’a pas de sens ; il pourra être modeste, c’est-à-dire qu’il n’ira pas raconter partout son zèle extraordinaire, mais pourquoi garderait-il l’humilité d’un serviteur sans mérite, quand il a vraiment un grand mérite à avoir tant travaillé ? Mais jamais le chrétien ne se trouve devant une loi en dix commandements, ou en douze comme pour l’Eclaireur ; il se trouve devant la majesté de Dieu, devant Celui qui dit : Soyez parfaits. Ici, pas moyen de répondre : J’ai pratiqué tout cela dès ma jeunesse ; pas moyen de se persuader qu’on est arrivé, qu’on peut même aller plus loin. Etre serviteurs, Saint Paul ose dire : les esclaves, du Seigneur qui a tout demandé et à qui nul ne peut prétendre qu’il a tout donné ! Voilà la vraie source de l’humilité chrétienne ; devant ces exigences de Dieu, que peut répondre l’homme, sinon : Seigneur, sois apaisé envers moi qui suis un pêcheur ?

            Je crains que quelques-uns d’entre vous ne se disent : Est-ce bien le moment de parler ainsi à des Français ? Dans un peuple écrasé, piétiné, en qui il faudrait exalter toutes les forces de résistance, est-ce bien le moment de parler d’humilité ? Ne vaudrait-il pas mieux redresser les hommes dans le sentiment de leur dignité, plutôt que de les courber sous leur péché ? A cela, je réponds deux choses.

            La première, c’est que c’est toujours le moment de dire la vérité aux hommes ; il est toujours bon de leur rappeler quelle est leur véritable position devant Dieu, et que c’est celle du serviteur sans mérite. Les grandes vérités évangéliques ne sont pas soumises aux fluctuations de l’actualité, et le faux orgueil d’une humanité  qui croit posséder des droits sur Dieu n’est pas un fondement solide sur lequel on puisse bâtir.

            La seconde, c’est que nous voyons ici dan un exemple éclatant combien le monde a de peine à comprendre le sens authentique de l’Evangile et la saveur des vertus chrétiennes, et comment les vérités évangéliques les plus certaines sont faussées aussitôt qu’on les sépare de leur source chrétienne et qu’on les juge du point de vue profane. Car c’est n’avoir rien compris à la nature profonde de l’humilité chrétienne, que de la prendre pour une vertu d’abaissement et de faiblesse ; elle est au contraire la plus haute expression de la dignité humaine. Si je suis contraint de m’abaisser comme je le fais, c’est dans la mesure même où je conserve de ma destinée une conception noble et saintement ambitieuse ; ce qui m’écrase, c’est moins mon indignité personnelle que la grandeur de ce que je devrais être, de ce que je suis dans les desseins de Dieu à mon égard. Ainsi mon humilité n’est  que l’envers de ma dignité ; bien loin d’être une abdication, un effacement devant les autres et devant moi-même, elle est un hommage indirect à la majesté de Dieu, à la beauté du devoir, à l’absolu de la Volonté qui me domine. « Qui donc se plait de n’être pas roi, disait Pascal, sinon celui qui est né fils de roi et pour régner ? Qui donc se plaint de n’être pas parfait, sinon celui à qui il a été dit : Soyez parfaits ?... Qui donc se plait de n’être pas un enfant de Dieu, sinon celui qui est né pour être un fils de Dieu ?

            Mais si l’on détache l’humilité de l’ensemble de la conception chrétienne, elle est comme une fleur coupée de sa tige, elle flétrit et devient une pauvre chose sans beauté et sans vie, elle devient un repliement maladif sur soi-même, une sorte de veulerie de l’âme qui n’ose plus affirmer sa valeur ni révéler sa force ; et c’est une pitié de la voir méconnue et calomniée par des esprits qui ne l’ont pas comprise, parce qu’ils ont voulu la séparer de la conception générale qui l’engendre et en même temps la légitime.

            D‘ailleurs tout ce qui touche à cette question des serviteurs sans mérites, de l’impossibilité pour l’homme de revendiquer un mérite quelconque, est si peu comprise et même si peur compréhensible en dehors de l’Evangile, que la doctrine catholique elle-même, cédant à la pression d’une morale toute profane, a réintroduit par une autre porte cette idée de « mérite » que le Christ a voulu éliminer de nos esprits. Car cette absolue gratuité du salut qui ne repose sur aucun mérite, qui n’est en rien une revendication, un droit, cette humilité de l’âme chrétienne qui ne demande rien parce qu’elle n’a droit à rien, tout cela n’est compréhensible, tout cela ne prend sa valeur véritable qu’à la lumière de l’humilité de Jésus-Christ. Jésus-Christ humble. Celui qui a fait tout ce que Dieu attendait de Lui, tout jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de la Croix… Quel mystère ! Celui qui du point de vue des hommes, aurait pu tout réclamer, tout revendiquer, et s’affirmer avec une supériorité souveraine, et qui est humble, humble dans ses rapports avec les plus méprisés, penché avec un total oubli de soi sur ceux que le monde méprise, et en même temps dressé avec une dignité souveraine devant ceux qui croient pouvoir mépriser les autres, Jésus humble devant Dieu, revendiquant sa qualité de Fils comme la gloire suprême, et en même temps s’effaçant comme le plus humble des serviteurs qui a fait ce qu’il avait à faire. Car lorsque l’heure suprême est venue, il a prié en disant : Et maintenant, Père, que dirai-je ? : délivre-moi de cette heure ? mais c’est pour cette heure que je suis venu. »

            Ainsi Lui aussi, il a résumé toute sa grandeur – celle de sa vocation – et toute son humilité – celle de sa personne – en dressant devant Dieu son suprême sacrifice et en disant, comme le serviteur sans mérite : Je suis là pour cela.

            Ainsi se révèle la haute dignité qui se cache dans les apparences de l’humilité vraiment chrétienne ; ainsi se révèle, à la lumière de la Croix du Christ, la majesté souveraine de cette parole si simple : Quand vous avez fait tout ce que Dieu attend de vous, dites : Nous sommes des serviteurs sans mérite, nous avons fait ce que  nous avions à faire.

 

Ainsi soit-il

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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