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Pardonnez-vous réciproquement comme Dieu vous a pardonné en Christ

(Eph 4:32b)

 

pasteur P.Ducros
Oratoire du Louvre, 10 mars 1957

Pardonnez-vous réciproquement comme Dieu vous a pardonné en Christ (Eph 4:32b)

Le fait-divers côtoie l'Evangile, en contraste, comme la lumière et les ombres d'un cliché photographique pris dans une clarté brutale. L'un et l'autre, chacun à sa manière, nous mettent en présence de ces réalités profondes où sont engagées les destinées de l'homme.

C'est ce que suggéra une pièce moderne, bâtie sur un fait-divers, sur un crime. Est-ce une pièce policière, avec l'inévitable point d'interrogation: qui est coupable? et le non moins inévitable brassage de boue? Certains le pensent et, vue sous ce jour, la pièce ne manque pas d'allure.

Mais là n'est pas à nos yeux, son principal intérêt. Si le déroulement des événements offre à l'auteur l'occasion de remarques pénétrantes et de situations saisissantes, il y a l'au-delà des événements: ce qui les a annoncés et ce qu'ils vont provoquer; ce dont ils sont la traduction et ce dont ils sont la sanction. Et nous assistons à l'écroulement, à l'effondrement d'existences fondées sur le mensonge. Sur le péché certes et quels péchés grossiers! Si grossiers qu'il fallait d'autant plus les affronter dans la vérité et les vaincre par la vérité.

Et l'auteur le sait, puisque le drame est celui d'une lente remontée, remontée aux laborieuses, aux tragiques étapes, hors du mensonge, vers la vérité. Nous allons du refus initial: "Vous n'obtiendrez pas cela de moi"- cela c'est à dire l'aveu libérateur - à la confession finale: "Mais qui était la vraie criminelle... sinon moi.." Parce que la clarté a été faite, parce que la vérité a été atteinte, à partir de là et à partir de là seulement, peut-être quelque chose de solide et de durable pourra-t-il être reconstruit!

Si l'Evangile offre aux hommes la possibilité, donc une espérance de sortir de leurs impasses, comment nous étonner qu'il puisse être mêlé aux faits-divers les plus vulgaires et les plus abjects? Si l'Evangile est vrai, il doit ouvrir, devant ceux qui se mettent au coeur de son message, une issue aux plus inextricables situations.

 

Car sans relever du tragique de notre pièce, nombreuses sont les situations dont on ne peut sortir, les difficultés dont on ne peut émerger aussi longtemps que toutes choses ne sont pas selon le vrai.

De cette pièce, nous ne retiendrons qu'un seul point: Nous sommes mis on face du problème capital de l'Evangile: celui du pardon. Mais là, ce pardon n’en est pas un. Et là est le premier mensonge que l'homme s'inflige à lui-même et dont il est dupe. Il croit avoir pardonné. Biais en réalité, il s'agit d'une tout autre attitude, qui n'a pas grand chose de commun avec le vrai pardon. Un geste de bonne éducation, dans lequel, si dur qu'il soit à accomplir et parce que dur, la vanité peut fort bien trouver son compte et elle le trouve.

Il est correct et d'une réelle élégance morale de faire face à une situation que l'on a créée. C'est une solution. Mais qui ne dénoue pas toutes les situations. La solution chrétienne du pardon est d'un tout autre ordre; elle est infiniment plus qu'un geste de simple bienséance. Attention à l'un des pièges les plus insidieux qui soient: la facilité avec laquelle le pardon se détruit en se revêtant d'orgueil! La contamination de l'un à l'autre s'opère avec une rapidité déconcertante. Et leur dissociation est l'une des opérations les plus délicates à réussir.

"Pardonnez-vous réciproquement", dit l'apôtre. Réciproquement. Pour pardonner, il faut savoir que 1'on a besoin d'être pardonné. Un pardon, pour être vrai, pour ne pas céder la place à ce qui n'est que sa caricature, exige un "préalable": celui d'une repentance qui soit vraie. Quiconque n'a pas traversé l'expérience de la repentance, est dans l'impossibilité de pardonner. Notre texte et la demande du Notre Père dont il est l'écho, ne sont pas simplement une règle de fair-play, selon laquelle on est tenu en conscience de rendre la pareille. Ils mettent le doigt sur une loi de la vie spirituelle. Il parait qu'un psychanalyste doit avoir été auparavant lui-même psychanalysé. De même tout homme a besoin, pour être capable de pardonner, d'être lui-même pardonné. Mais, pris dans sa vanité, il l'oublie ou même ne le sait pas.

Or c'est cela qu'il nous faut toujours savoir; non pas savoir si, dans tel événement particulier, il se trouve que nous ayons raison - ce qui peut se produire -; mais savoir qu'en tant qu'hommes, un jour ou l'autre, une fois ou l'autre, nous avons eu à être pardonnés.                                                         

Si nous ne perdons pas cela de vue, alors même que dans un cas spécial ce soit à nous de pardonner, aucune condescendance ne se mêlera à notre pardon, puisque: aujourd'hui, lui et demain, moi! Ou: hier, moi.

Cette réciprocité, cotte nécessaire réciprocité, qui joue et qui jouera toujours, nous ouvre l'accès au vrai pardon. Si elle est acceptée, une fois pour toutes, elle apporte au coeur de l'home l'humilité capable de tuer tout germe de mensonge. Car où il n'y a pas humilité vraie, il ne peut y avoir vrai pardon.

Il n'y a que Dieu qui n'ait qu'à pardonner et jamais à être pardonné! Et quand, sur ce plan comme sur tant d'autres, l'homme se prend pour Dieu, il s'embourbe dans le mensonge. Un mensonge qui pourrit tout.

Ce soi-disant pardon, qui n'a de pardon que le nom, est trahi par son manque d'efficacité morale. Il est incapable de redresser une situation, incapable de sauver une âme; incapable donc d'atteindre l'objectif qu’il se donne: libérer le coupable de son passé. Un faux pardon, loin d'offrir un nouveau départ et une innocence retrouvée, fait toujours surgir à nouveau un passé qui n'a pas été effacé. Un passé non pardonné est redoutablement toxique pour tous. La fausseté d'un geste qui se veut être un geste de rachat, et qui ne l'est pas empoisonne les âmes de tous ceux qui sont pris dans l'événement.

Lorsque l'apôtre exhorte: "Pardonnez-vous réciproquement comme Dieu vous a pardonné en Christ", il ne donne pas au mot: comme, la valeur du signe égal, mais celle d'une identité de manière, de nature. Que notre pardon, quelque humaine qu'en soit la dimension, soit au moins de la même qualité spirituelle que le pardon divin: de la même trempe. "Comme Dieu vous a pardonné en Christ” : en Christ, un pardon qui fait souffrir celui qui le donne et non celui qui le reçoit: un pardon qui n'écrase pas, mais qui libère; un pardon qui ne rappelle pas perpétuellement le passé, même s'il ne le fait que tacitement, mais qui efface le passé, qui l'efface totalement; un pardon qui ne ressasse pas un secret ressentiment, mais qui fait vraiment toutes choses nouvelles.

Celui que nous recevons "en Christ" a coûté les souffrances et 1e sacrifice que nous savons. Le chemin du pardon ne traverse pas des paysages d'une aimable facilité; comment pourrions-nous l'ignorer?

Il n'est que ce pardon qui mérité son nom. Tout le reste n'est que contre-façons. Misérables contre-façons qui n'ont aucune efficacité et ne sont d'aucun secours. Pire encore: elles repoussent et risquent de rejeter dans la fatalité du péché ceux qu'elles prétendent libérer. Des vies pourraient être rachetées et ne le sont pas.

S'il est vrai, le pardon, fut-il celui de l'homme, porte en lui, porte avec lui une puissance de rachat. S'il est à l'image de celui de Dieu parce qu'il puise en lui sa source, il en acquiert la grâce rédemptrice, comme ces corps qui, sans être eux-mêmes radioactifs, le deviennent grâce à ceux qui le sont de nature. C'est par le pardon que Dieu nous associe à son oeuvre salvatrice. Celui que nous avons à recevoir, mais également celui que nous avons à donner.

Mais c'est dans tous les domaines de la vie religieuse, et non pas seulement en ce qui concerne le pardon que cette exigence de vérité s'impose. Lorsque les attitudes profondes de chacun et les relations de tous entre eux sont fausses, cela ne peut pas durer et un jour l'heure sonne, de la vérité, de la vérité à tout prix pour échapper à l'asphyxie d'une hypocrisie qui s'est installée partout. Besoin d'être vrai, avec des êtres eux-mêmes vrais. Besoin de ne plus réciter un rôle, de ne plus supporter un masque, même pas un maquillage.

Ce n'est pas la première fois - ni la dernière sans doute - que notre littérature utilise ce besoin de sincérité absolue. Se donnant la tâché facile de dénoncer l'hypocrisie, elle a tout à la fois l'oreille des esprits généreux et droits, en général des jeunes et l'oreille des vieux routiers de l'immoralisme. Comme nous comprenons ce geste de l'asphyxié qui désespérément cherche à ouvrir un libre accès à l'air pur!

Mais celui qui confond la sincérité et le cynisme, celui qui croit, comme l'héroïne de la pièce, que la seule manière d'être vrai, c'est de s'installer impudemment dans le péché, et qu'il n’y en a pas d'autres, prend pour de l'air pur ce qui n'est qu'une nouvelle intoxication. Sous prétexte de fuir un honnête et respectable conformisme, combien s'engagent sur un chemin qui conduit droit au drame!

Ils apprendront peut-être - mais à quel prix! - ce qu'il faut entendre par: être vrai. Comme ce serait facile s'il suffisait pour cela, de s'abandonner, sans réaction, sans résistance, à toutes les impulsions et de vivre dans le moment présent et dans ses sollicitations! Mais l'Evangile nous apprend que; pour être dans le vrai, il faut d'abord toucher le fond de la vérité, non pas celle qui flatte, nais celle qui déchire, qui déchire pour guérir, et c'est du même coup le fond de 1'humiliation.

N'est-ce pas là tout le message de l'Evangile? la carapace des pharisiens qu'il faut bien briser un jour et la justification, non pas des pécheurs et des gens de mauvaise vie qui, tout comme les pharisiens, dressent la tête et sont fiers d'eux - car on peut être fier de ses vices comme de sa vertu, nous commençons à le savoir; nais justification des pécheurs et des gens de mauvaise vie qui savent prier ainsi: "0 Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur."

De même que le nageur, après avoir touché le fond, peut, d'un vigoureux coup de jarret, remonter vers la surface et vers l'air respirable, de même faut-il que l'homme touche le fond de l'humiliation pour repartir ensuite vers une nouvelle destinée.

Les réalités de la vie spirituelle sont incontestablement les plus hautes qui soient, mais à cause de cela même, les plus fragiles et les plus délicates; celles qui offrent une moindre résistance aux dérèglements de l'esprit - multiples sont les formes de l'aberration religieuse - et aux dérèglements de la conscience, depuis le pharisaïsme moral jusqu'à l’immoralisme mystique. Pour éviter cela, ces réalités, à tout prix, doivent être vraies. Elles ne doivent pas être simulées. Dans ce domaine, on ne peut pas faire "comme si", l'ersatz n'est pas tolérable; il y faut la qualité: c'est à dire la vérité.

Nous avons à prendre les attitudes conformes à celles que Jésus a prises et qu'il demande des siens. A les prendre non pour des raisons extérieures à ces réalités elles-mêmes, mais à les prendre parce que cela répond à une exigence de vérité intérieure. Faute de quoi, aux effondrements provoqués par la vérité dans le vice répondent les effondrements provoqués par le mensonge dans la vertu. Bilan de faillite dans les deux cas.

II n'est pas demandé à l'homme d'être parfait, mais d'être vrai. Mais être vrai avec quoi? avec qui? Etre

vrai ne signifie rien en soi: pour que cette expression prenne un sens, il faut qu'elle ait une référence. Et d'ailleurs elle en a toujours. On est vrai par rapport à quelque chose.

Et puisque nous rejetons la solution trop facile d'être vrai avec l'état de péché, il nous reste à l'être avec le contraire de cet état de péché, contraire qui n'est pas, comme on serait tenté de le croire, l'état de perfection. S'imaginer cela, c'est se forcer à prendre des attitudes que nous ne saurions pas tenir longtemps. Le contraire du péché, c'est la repentance et le pardon. Et ce ne sont pas là des abstractions, théologiques. Etre vrais dans la repentance et dans le pardon, - reçu d'abord, donné ensuite -, c'est être vrais avec nous-mêmes, vrais devant nos frères et avec eux, vrais devant Dieu et avec lui.

L'humanité n'est pas faite que d'hypocrites plus ou moins inconscients de leur hypocrisie ou de cyniques heureux de s'afficher comme tels: elle est faite aussi d'hommes qui savent qu'ils ont à être pardonnés et qui savent alors pardonner. Grâce à cette réciprocité, malgré leurs faiblesses, malgré leurs fautes, ils peuvent enfin vivre avec leurs frères dans cette humilité et dans cet amour contre lesquels viennent se briser les puissances destructrices de toute vie commune, dévastatrices de toute vie sociale, du péché et de l'orgueil!

Amen.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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