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Bénissez ceux qui vous maudissent

(Luc 6:28)

 

pasteur P.Ducros
Oratoire du Louvre, 6 octobre1957

Bénissez ceux qui vous maudissent (Luc 6/ 28)
Bénissez, ne maudissez pas (Romains 12/ 14)

 

Ecoutez le Christ : “Bénissez ceux qui vous maudissent. Priez pour ceux qui vous persécutent." Ecoutez l'écho de l'apôtre Paul : "Bénissez, ne maudissez pas... Injuriés, nous bénissons."

Ce ne sont pas là de simples, bonnes et pieuses recommandations. Ceux qui exhortaient ainsi, savaient de quoi ils parlaient. Dans leur bouche ou sous leur plume, les mots avaient une singulière éloquence. Jésus, de loin, a vu venir la persécution et la mort. Il a vite connu ceux qui les lui apporteraient. Et lorsque les évangélistes Mathieu et Luc rapportaient de telles paroles, celles-ci avaient pris tout leur relief. Jésus avait bien réellement prié pour ceux qui le mettaient à mort.

Et l'apôtre Paul ne se contente pas de répéter les paroles du Maître, pour les transmettre. Avant cela, il en a fait une expérience très personnelle. Injurié, maudit, persécuté : il sait ce que cela signifie. Et de tels mots, lorsqu'il les écrit, évoquent pour lui des souvenirs très précis, des heures qu'il n'est pas près d'oublier, des aventures non pas seulement désagréables, mais qui, à bien des reprises, ont mis sa vie on danger.

Mais chaque mot attire son contraire : "nous supportons, nous endurons, nous bénissons." Quel extraordinaire accent de vérité ! l'accent de vérité que porte avec lui tout homme parlant de ce qu'il connaît par expérience, de son métier, de sa spécialité, de ce qui le passionne. Dans ces quelques lignes, il y a en vérité toute la vie de l'apôtre. Et c'est pourquoi ces lignes ont tout le poids d'une biographie, toute l'autorité d'un témoignage vécu. Et les Corinthiens, à qui elles s'adressent, savent bien en effet, que le fondateur de leur église, celui à qui ils devaient tout, avait été injurié, maudit, rejeté. Et non seulement par ceux du dehors, mais au sein même de l'Eglise, de son Eglise.

Et c'est de cet apôtre, et, de plus haut encore, du Christ lui-même que nous recevons cette ligne de conduite, ce mot d'ordre : "Bénissez, ne maudissez pas."

Persécutés? nous? Ce serait beaucoup dire ! Mais d'aucuns de nos frères sont, hélas en droit de parler de persécutions. Le sort qui leur est fait, atteinte aux libertés les plus élémentaires. Nous ne pouvons pas oublier ces zones sombres où les consciences et même les corps sont opprimés.

Mais là même où il n'est pas persécuté, il arrive au christianisme d'être injurié, maudit et rejeté, que ce soit avec une correcte indifférence ou dans une violente opposition. Situation non entièrement nouvelle : l'histoire de l'Eglise est celle d'une lutte incessante ; d'une lutte qui toutefois change d'aspect selon les temps et selon les événements.

Le monde non-chrétien, que le christianisme a connu de tous temps, mais longtemps comme une masse inerte, se réveille, comme un volcan qui, élément d'un paysage jusqu'alors calme et immuable, entre en activité. Et désormais, loin d'être pour l'Evangile une masse simplement lourde et difficile à entamer les civilisations non-chrétiennes manifestent une opposition plus consciente, plus active, plus virulente.

Au sein même des nations chrétiennes, dans le domaine qui fut traditionnellement le sien et dans les zones où son influence est la plus ancienne, n'est-ce-pas à un phénomène semblable qu'assiste le christianisme : au développement d'une opposition plus systématique, plus radicale, plus fondamentale ? Et des alliances se nouent entre l'antichristianisme jailli du vieux sol chrétien et celui des paganismes en pleine évolution ou révolution?

Sous cet aspect propre à notre génération, se présente l'hostilité que, sans aucune cesse, l'Evangile rencontre. Ne nous faisons pas d'illusions : même là où il n'est pas persécuté - et nous avons dit qu'il lui arrive encore de l'être - le christianisme est, dans de très larges couches de populations, injurié, maudit, rejeté. Le christianisme, c'est-à-dire les chrétiens ! Nous !

Il nous faut donc - c'est le moment où jamais - faire nôtres les textes que nous venons de rappeler. A situations semblables, réponses semblables. De telles paroles n'ont rien perdu de leur actualité. Elles nous préservent de tous les glissements, si faciles, vers le durcissement, vers la fermeture des coeurs, vers la haine. "Bénissez; ne maudissez pas."

Mais avant d'entrer dans cette voie, avant de nous donner ce beau rôle, une question préalable doit être posée : pour une part - pour quelle part ? - ne sommes-nous pas responsables de cette désaffection ? de ces injures et de ces malédictions qui, jetées sur nous, nous atteignent de divers côtés ?

Qu'une humilité faussement évangélique, ou qu'un masochisme qui n'a rien d'authentiquement religieux, ne nous conduisent pas à mettre uniquement à notre compte, à notre passif la situation qui vient d'être évoquée. Ce serait d'ailleurs manquer à la vérité. L'action maintenant bi-millénaire de l'Eglise n'est quand même pas une suite ininterrompue d'infidélités, dont les injures et les malédictions de ses adversaires seraient la juste punition. Il est arrivé à l'Eglise d'être fidèle et c'est parfois même, cette fidélité qui lui a valu d'être injuriée et persécutée,

De ces injures-là et de ces persécutions, ne tirons aucune gloire. Mais par contre, préoccupons-nous de celles qui ont une tout autre origine ; qui ont pour origine les manquements de la chrétienté. Demandons-nous si ceux qui se dressent en face du christianisme en insulteurs, en persécuteurs, ne trouvent pas dans le passé, ou dans le présent, d'amples justifications ? N'ont-ils pas été eux-mêmes des injuriés et des persécutés ?

Dans l'une de nos confessions des péchés, ne sommes-nous pas invités à reconnaître : "Nous n'avons pas aimé notre prochain comme nous-mêmes. Nous avons été indifférents et durs à son égard. Nous avons cherché notre propre avantage et pensé à notre seul profit. Nous n'avons pas fait aux autres ce que nous voudrions qu'on nous fit."

Derrière ces phrases, bien générales, ne serait-il pas possible d'articuler des faits bien précis ? dans l'histoire de l'Eglise et dans la nôtre ? de citer des moments où la chrétienté est passée en aveugle - d'une cécité bien condamnable - à côté des blessés de la route, ou même a pactisé avec ceux qui persécutent.

De tout cela, nous ne retiendrons pour aujourd'hui qu'une conclusion ; une conclusion dont l'évidence s'impose, indiscutable. Nous avons là une raison, la première et immédiate raison de ne pas maudire ceux qui nous maudissent.

Si, pour une part, leur malédiction est justifiée et justifiée par nos transgressions, ne devons-nous pas alors l'accepter et, au lieu de répondre du même ton ou de la même encre, en faire un sujet de réflexion, de retour sur nous-mêmes, de repentance ? Et la malédiction qui était prête à jaillir, ne sortira pas de notre gorge. De quoi droit pourrions-nous maudire ?

+ +  +

"Ne maudissez pas ! " - "Bénissez ! ". Bénissez, car, en ce monde, telle est notre vocation, notre fonction, à nous, disciples du Christ. Il y a autour de nous, s'entrecroisant dans l'atmosphère de notre siècle, assez d'injures, d'imprécations, de violences. Elles surgissent de tous côtés. Il faut bien qu'il y ait une compensation, un équilibre, une riposte. Il faut qu'il y ait ceux qui bénissent. A Bonaparte qui, dans sa campagne de Syrie, demandait au médecin Desgenettes de le débarrasser des pestiférés, ce médecin, dit-on répondit : "Mon métier n'est pas de tuer, mais de guérir."

Oserai-je dire que notre métier, à nous chrétiens, n'est pas de maudire, mais de bénir. Le médecin échoue parfois ; il n'empêche que, en effet, son métier est bien de guérir. Notre bénédiction ne sera pas toujours accueillie, ni même comprise ! Il n'empêche que notre fonction, ici-bas, est cependant de bénir.

On rapporte que Gandhi, abattu par un jeune nationaliste, eut le temps, avant de s'écrouler, de faire sur son assassin le geste hindou de la bénédiction. Serait-il insensé de demander aux disciples du Christ de ne pas rester en deçà d'un tel geste ? Il n'est pas question de savoir si le geste est facile ou difficile - il est difficile, plus que difficile ! Ou de savoir si ce n'est pas là trop demander à l'homme : à l'homme seul, certainement c'est trop demander !

La seule question est de savoir si telle est la voie sur laquelle Dieu nous attend, l'attitude qu'il sollicite de nous, l'inspiration et la victoire qu'il promet et accorde. Rôle infiniment difficile que de bénir, mais exaltant ! Ne pas ajouter au poids de malédiction qui pèse sur notre monde ; ne pas être un ouvrier de malédiction.

Mais, comme le polype laisse après lui un grain de corail, laisser derrière soi une goutte de lumière. Assainir l'atmosphère. Oserions-nous nous plaindre d'avoir été choisis pour assumer la plus enivrante des fonctions? Oserions-nous nous récuser et refuser l'honneur que porte en soi une telle responsabilité ?

"Bénissez" ! Le mot de l'Evangile, traduit littéralement, nous dit : "ayez une parole bonne." Mais il faut savoir que, dans l'antiquité, la parole était considérée comme une véritable puissance, agissante : pour le bien, s'il s'agissait d'une parole de bénédiction ; pour le mal, dans le cas inverse. Une bénédiction parlée, tout comme une malédiction, faisait naitre, croyait-on, créait littéralement la réalité ainsi exprimée et souhaitée. D'où l'importance de ces formules.

Nous n'avons plus cette conception primitive et magique de la formule, de la parole. Mais nous gardons cette notion d'une bénédiction agissante, se traduisant par une action. La bénédiction, à laquelle nos textes nous exhortent, est tout à la fois parole et action : ce qui est la seule manière vraie de bénir. Sinon, nos bénédictions ne sont que des formules creuses.

Bénissez ! mais on prenant bien garde de donner à cette expression toute son étendue et par conséquent d'être vous-mêmes, en personne, en bénédiction ; d'être vous-mêmes une source de bénédictions. Etendez sur autrui non seulement la bénédiction de vos paroles : ce qui est loin d'être négligeable ! mais encore la bénédiction d'une sollicitude et d'une action nourries d'un amour vigilant, enraciné, au plus profond de la foi.

Tel est le ministère qui nous est confié : le ministère de la bénédiction. Devant la beauté d'un tel ministère, les difficultés ne devraient-elles pas s'effacer, comme les ténèbres devant le soleil ? Et pourtant elles sont là, bien présentes, bien pesantes.

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Et c'est pourquoi Jésus ne parle pas seulement de bénir : dans les mêmes textes, dans une même phrase, il exhorte à prier : "Priez pour ceux qui vous offensent !
Priez pour ceux qui vous persécutent ! "

Avant que la bénédiction ne puisse jaillir de notre bouche, de notre coeur, de par un mouvement qui soit spontané, pour que notre action soit toujours bénéfique, ne faut-il pas que l'élan qui aboutit à cela, ait été longuement préparé dans la prière, dans, la communion de l'invisible, dans la prise de possession de tout notre être par Dieu rencontré dans le silence ?

De même que les fusées, pour s'élever à de vertigineuses hauteurs, doivent être à étages, la dernière étant portée par la poussée des précédentes, de même la bénédiction, pour atteindre les objectifs surhumains que Dieu lui fixe, doit-elle être portée par tout l'élan de la prière.

Par la voix de ses autorités, l'Eglise est rappelée au devoir de prier pour tous ceux sur qui, un peu partout sur notre terre, passe la tourmente de la méchanceté et de la violence. Nous n'avons pas de peine à répondre à de tels appels et à porter devant Dieu le sort pitoyable de tant de victimes. Prier pour les victimes, mais n'est-ce pas tout naturel ? tout instinctif ? La pitié et l'indignation s'unissent dans une prière dont il n'est pas nécessaire de nous rappeler qu'elle est notre devoir.

Mais voici que le Christ nous rappelle, lui, que derrière les insultés, il y a les insulteurs ; derrière les offensés, les offenseurs ; derrière les persécutés, les persécuteurs ; derrière toutes les victimes, tous les bourreaux ; derrière ceux qui tombent, ceux qui restent debout, la haine à la bouche et la mort dans les mains. La prière pour les premiers nous est facile. Par contre tout en nous se hérisse en pensant aux seconds, tout  l'héritage de justice et d'humanité que nous devons justement à 20 siècles de christianisme.

Mais, descendants des huguenots qui priaient pour les rois persécuteurs, mieux encore, disciples de celui qui priait et mourait pour ceux qui le crucifiaient, nous avons à prier pour ceux en faveur de qui aucune prière, en dehors des nôtres, ne s'élèvera ; à bénir ceux sur qui pèse, outre la malédiction des hommes, leur propre malédiction. Si nous ne prions pas pour eux, qui priera ? Si nous ne bénissons pas, qui bénira ?

Amen

 

 

 

 

 


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