L'oratoire avant la Révolution (1616-1793)
Entre la rue du Coq (aujourd'hui
rue de Marengo) et la rue du Louvre (rue de l'Oratoire) s'élevait
depuis 1378 l'Hôtel Le Coq devenu en 1582 l'Hôtel
du Bouchage. Les Jésuites ayant été chassés
du royaume par Henri IV (à la suite d'un attentat le 28
décembre 1594 où Henri IV fut frappé d'un
coup de couteau par un élève des Jésuites),
le Père de Bérulle, cousin du chancelier Séguier,
fonda en novembre 1611 la Congrégation française
des Prêtres de l'Oratoire, inspirée de celle de Philippe
Néri. Cette congrégation avait des buts fort louables,
celui de « sauver l'Église des coups que lui avaient
porté la violence, l'orgueil, l'égoïsme sensuel
des prétendus réformateurs ». Elle faisait
partie du grand plan de la Contre-Réforme établi
au Concile de Trente.
En janvier 1616, les Oratoriens achetaient l'Hôtel du
Bouchage, le faisaient démolir et commençaient la
construction d'une chapelle où la messe fut célébrée
dès le début du mois de mai. Cette chapelle s'avérant
trop petite, le Cardinal de Bérulle voulut bâtir
«une église en forme et qui eut plus de rapport avec
la grandeur et la majesté divines». À cet
effet, la congrégation acquit les terrains voisins et entreprit
en 1621 la construction d'un nouveau sanctuaire sur les plans
de l'architecte Jacques Lemercier (architecte de l'église
de la Sorbonne et de Saint-Roch).
À la demande de Louis XIII, l'église devient chapelle
royale (Brevet du 23 décembre 1623). Elle se doit d'être
construite sur un plan tel que son axe prolongé passe par
le centre du Louvre; le « grand dessein » du palais
prévoyait en effet son extension jusqu'à la rue
Saint-Honoré. L' architecte Clément Métezeau
- constructeur de la grande digue de La Rochelle - fut chargé
de modifier en conséquence le plan de l'église,
d'où son obliquité par rapport à la rue Saint-Honoré.
La décoration intérieure fut l'ouvre des meilleurs
artistes de l'époque. En témoignent les éléments
architecturaux, les angelots, la clef de voûte portant l'inscription
« Jesus Maria», devise des Oratoriens.
Dès cette époque, et durant tout le XVIIe siècle,
l'Oratoire est rendu célèbre par les Oraisons et
les prédications prononcées par Massillon, Bourdaloue
et Bossuet: en particulier, les Oraisons funèbres du Cardinal
de Richelieu, de Louis XIII, des reines Anne d'Autriche et Marie-Thérèse.
L'intérieur est divisé en deux parties, le choeur
des oratoriens et la nef bordée de dix chapelles. Le choeur,
de plan ovale, voûté d'arcs doubleaux ornés
d'angelots entre lesquels s'ouvraient de grandes baies garnies
de vitraux, abritait un grand autel isolé, dû à
François Anguier, sur lequel était placé
le tabernacle. Cet autel fut déplacé dans le choeur
actuel en 1748.
La première chapelle abritait le tombeau du Comte de
Verdun, bienfaiteur de la maison de Montbrison. La seconde - dont
subsistent (à gauche de la chaire) quelques éléments
de décoration: représentation peinte de la Conversion
de Saint-Paul sur le chemin de Damas, quatre anges portant les
instruments de la Passion -, le tombeau des frères Harlay
de Sancy et un tableau d'autel de Vouet, Le Mystère de
l'Epiphanie. Suivaient la chapelle de la Nativité décorée
par Philippe de Champaigne (Nativité conservée au
Musée des Beaux-Arts de Lille) affectée à
la famille Tubeuf de Blanzac, la chapelle Sainte Madeleine, puis
la chapelle de la Passion où fut érigé par
François Anguier en 1659 le monument funéraire du
Cardinal de Bérulle; ce dernier mourut en effet à
cet endroit en célébrant sa dernière messe.
La première chapelle à l'ouest servit à la
sépulture des Frères de l'Oratoire, avant d'être
attribuée à l'architecte Caqué en 1752.Le
portail de l'Oratoire au XVIlle s.
La suivante, dédiée à la Divine Enfance
de Jésus, était réservée au Chancelier
Séguier, dont les pompeuses funérailles célébrées
à l'Oratoire, furent décrites par Madame de Sévigné
et gravées par Sébastien Leclerc. La troisième
chapelle contenait le tombeau d'Antoine d'Aubray d'Offémont,
victime et frère de la marquise de Brinvilliers, et une
Tentation de Saint Antoine peinte par Vouet (Musée des
Beaux-Arts de Grenoble). La dernière chapelle, dédiée
à la Vierge, était réservée au Cardinal
de Richelieu.
Les travaux interrompus en septembre 1625 ne furent repris qu'en
juillet 1740 sous la direction de l'architecte Caqué qui
acheva enfin la nef en 1745 et la termina par le grand portail
donnant sur la rue Saint-Honoré: au-dessus de la grande
porte, se trouvaient les armes de la congrégation soutenues
par deux anges; et sur le fronton, les armes du Roi. Les cadres
surmontant les portes latérales contenaient des bas-reliefs
représentant Jésus naissant et Jésus agonisant,
oeuvres de Adam le Jeune. Aux deux extrémités de
la première corniche, se détachaient des groupes
de figures: L'Incarnation par Adam et Le Baptême du Christ
par Francin. La dédicace solennelle de l'église
eut lieu le 12 juillet 1750 avec la pose de douze croix.
Les Oratoriens avaient eu pour mission de combattre la Réforme,
tout particulièrement par la formation des prêtres
(Grand Séminaire), les catéchismes, l'enseignement
et même la conversion des protestants au catholicisme. Certains
prêtres ont été accusés au XVIF siècle
d'indulgence, sinon de complicité, avec le jansénisme.
La grande figure de cette époque est Nicolas de Malebranche
(1638-1715), théologien et métaphysicien qui publie
entre autres: La recherche de la vérité et Entretiens
sur la métaphysique et la religion.
La Révolution entraîne la dissolution de la Congrégation
en décembre 1792 (elle ne sera rétablie qu'en 1852).
L'église est saccagée par les révolutionnaires
et la plupart des oeuvres, peintures et sculptures, sont détruites
ou transférées. Le bâtiment sert ensuite,
et jusqu'en 1802, de salle de réunions pour assemblées
révolutionnaires, magasin pour décors de théâtre...L'oratoire
après la révolution (1811 à nos jours)
Les protestants, par l'Édit de tolérance du roi
Louis XVI (1787) et la Déclaration des Droits de l'Homme
(1789), retrouvèrent leurs libertés de conscience
et de culte. L'église SaintLouis du Louvre (près
du Carrousel actuel) fut affectée au consistoire protestant
par arrêté consulaire du 2 décembre 1802.
Le pasteur Paul-Henry Marron (descendant de Huguenots français
et chapelain de l'ambassade des Provinces Unies depuis 1782) fut
le premier pasteur de l'Eglise Réformée de Paris.
Napoléon 1er, souhaitant faire la jonction entre le Louvre
et les Tuileries, décide de faire démolir l'église
Saint-Louis du Louvre et propose au pasteur Marron l'église
de l'Oratoire (alors en très mauvais état). Le 23
février 1811, le pasteur Marron obtient de l'Empereur «l'ouverture
de l'église au culte protestant, mais provisoirement seulement»,
son affectation définitive au culte réformé
n'ayant été obtenue que par une loi du 5-8 août
1844. Le premier culte solennel et l'inauguration du nouveau temple,
présidés par le pasteur Marron, eurent lieu le 31
mars 1811.
D'importants travaux furent entrepris par les protestants. Tout
d'abord, le tambour, ainsi que les stalles de l'église
Saint-Louis du Louvre sont transportés à l'Oratoire.
Les initiales S. L. se trouvent encore sur les ferronneries. En
1821, la division dans le sens de la hauteur de l'ancien choeur
est décidée pour en faire la grande sacristie et
la Salle Haute; l'installation des demi tribunes dans les anciennes
chapelles est entreprise afin d'augmenter le nombre de places.
En 1828, le premier orgue est installé; il sera refait
en 1906 et en 1962.
Du grand portail de l'ancienne église, il ne restait
après la période révolutionnaire pratiquement
aucune statue ni décoration. La croix elle-même avait
été détruite. Les protestants la remplacèrent
en 1852. Le campanile était placé à l'origine
juste derrière le portail; un nouveau campanile est érigé
en 1855 à la croisée du transept: il était
alors surmonté d'une croix d'or. La charpente, très
fragile, fut ébranlée par les vibrations de la cloche;
l'usage de cette dernière fut interdit. Ce n'est qu'en
1950 que des travaux d'équipement électrique (modernisé
en 1991) ont permis à la cloche d'appeler les fidèles
au culte dominical.
Dans la nef, sur le premier pilastre de droite, une plaque de
marbre commémore le sacrifice des combattants américains
de la guerre de 1914-1918; elle fut inaugurée en 1927 à
l'occasion du congrès de l'American Legion. En face, se
trouve le mémorial des membres de l'église morts
pour la France durant la Grande Guerre; il fut érigé
en 1919 par G. Jaulmes et Ch. Letrosne. Au-dessus de l'orgue,
on aperçoit un vitrail orné d'une croix de la Légion
d'Honneur; cette distinction fut remise par Napoléon le"
aux trois premiers pasteurs de l'Oratoire: Paul-Henry Marron,
Rabaut-Pomier (ancien pasteur du Désert devenu conventionnel)
et Mestrezat (descendant suisse d'un illustre pasteur du temple
de Charenton). Le pasteur Marron mourut en 1832 emporté
par le choléra et fut enterré au cimetière
du Père Lachaise. Le pasteur Athanase Coquerel père
le remplaça.
La chaire est d'époque, mais tous les bas-reliefs qui
l'ornaient autrefois ont été détruits, La
colombe, au faîte de la croisée des voûtes,
a été posée en 1899 dans le but de supprimer
un plancher en mauvais état; elle fut construite grâce
à un don du baron de Schickier, alors conseiller presbytéral.
La table de communion fut offerte en 1899 par les catéchumènes
du pasteur Decoppet. Les fonts baptismaux sont un don du pasteur
Decoppet et de quelques amis en 1900. Les lustres ont été
exécutés en 1924 sur l'initiative du pasteur Roberty
lors de l'installation de l'électricité. Au fond
de l'abside, une croix, réplique de celle qui couronne
le grand portail, est installée en 1930. Sous cette arcade,
une porte massive donne accès à la grande sacristie
du temple, vaste salle qui était autrefois l'emplacement
du choeur des Oratoriens contenant le maître-autel jusqu'en
1748. Cette sacristie est décorée par les bustes
des six premiers pasteurs de l'Oratoire, par des tympans où
sont inscrites les grandes dates du protestantisme à Paris
ainsi que les noms des pasteurs du début de la Réforme
et de ceux qui se sont succédés depuis 1811 dans
la chaire de l'Oratoire (le nom de ces derniers est inscrit après
leur décès). C'est dans cette sacristie que fut
créée après la loi de séparation de
l'Église et de l'État, l'Association presbytérale
de l'Église Réformée de l'Oratoire du Louvre
(décret du 23 mars 1906). En 1852 furent instaurés
les conseils presbytéraux, donnant ainsi une certaine autonomie
aux paroisses; la loi de 1905 renforcera celle-ci.
La salle haute au-dessus de la sacristie est voûtée
et ornée de têtes d'angelots; elle a servi de 1821
jusqu'à un passé récent à l'école
du dimanche le matin (autrefois, l'après-midi, au culte
anglais presbytérien).
Rue de Rivoli, au chevet de l'église, s'élève
le monument de l'amiral Gaspard de Coligny érigé
en 1889 à la suite d'une souscription publique; il est
l'uvre de l'architecte Scellier de Gisors et du sculpteur
Crauck. Sur le fronton qui le couronne, se trouvent les armes
de l'amiral ainsi que sa fière devise: « Je les éprouve
tous ». Aux deux extrémités du socle, des
figures de femmes symbolisent respectivement: à gauche,
la Patrie tenant une couronne avec l'inscription « Saint-Quentin
1557» (pour rappeler que l'amiral défendit la ville
assiégée par les Espagnols); à droite, la
Religion portant une palme où se lit la date du 24 août
1572, jour du massacre de la Saint-Barthélémy où
Coligny fut assassiné dans sa maison située non
loin de là, au 136 rue de Rivoli. Sur le socle, repose
une table de marbre sur laquelle sont gravées ces paroles
mémorables du testament de l'amiral: «J'oublierais
bien volontiers toutes choses qui ne touchent que mon particulier,
soit d'injures, soit d'oultrages, pourveu qu'en ce qui touche
la gloire de Dieu, et le repos public, il y puisse avoir seureté
». La fille de l'amiral, Louise de Coligny, avait épousé
Guillaume d'Orange-Nassau, gouverneur de la Hollande et proclamé
en 1581 par les États Généraux de La-Haye,
Roi des Provinces Unies après la déchéance
du roi Philippe II d'Espagne. C'est ainsi que l'actuelle famille
régnante des Pays-Bas est apparentée à l'amiral
de Coligny et que la reine Wilhelmine, en 1912, et la reine Juliana
en 1950, firent une visite officielle à l'Oratoire lors
de leur séjour parisien.
Le protestantisme à Paris avant 1802
Guillaume Briçonnet, abbé de Saint-Germain-des-Prés,
accueille en 1507 Lefèvre d'Etaples, qui fut le premier
traducteur du Nouveau Testament en 1523. Ce milieu évangélique
fut protégé par François le, et sa sur
Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre, jusqu'à
l'affaire des placards qui, en affichant des thèses réformées,
provoquaient l'Église (1534). Une vingtaine d'hérétiques
furent condamnés et exécutés. Tolérance
et répression se succèdent jusqu'en 1558, année
où se réunit à Paris, rue des Marais (actuelle
rue Visconti), le synode constitutif de l'Église réformée
proclamant la première confession de foi.
Le culte protestant s'établit peu à peu, ouvertement
chez les seigneurs ou à la cour. Les guerres de religion
divisent la France de 1562 (Massacre de Wassy) à 1598.
Paris est le plus souvent dans le camp catholique des ligueurs;
le culte se maintient alors secrètement, par exemple rue
du Coq (actuelle rue Marengo) chez Pierre du Rozier (1567).
La Saint-Barthélémy, 24
août 1572, est une des dates symbole de cette fracture
du royaume. La cloche du Louvre, relayée par celle de Saint-Germain
l'Auxerrois, donne le signal d'un massacre. L'Amiral Gaspard de
Coligny est assassiné rue de Béthisy (136 rue de
Rivoli) ainsi que 3000 protestants à Paris et près
de 20 000 dans le royaume.
En 1598, 1'Edit de Nantes de Henri IV reconnaît la liberté
de conscience et le culte peut être pratiqué sous
certaines conditions: pour Paris, à 4 lieues de la ville.
Ce fut Avon, puis Charenton où, sur les plans de Salomon
de Brosse, se construisit le temple.
Dès 1598, et surtout après la paix d'Alès
(1629) qui. met un terme aux guerres de religion de Louis XIII
(sièges de La Rochelle, de Montauban), la Contre-Réforme
mise en place par les catholiques obtint par ses multiples influences
des conversions sincères puis forcées.La révocation
de l'Édit de Nantes par Louis XIV en 1685 mit un terme
à la coexistence des deux cultes dans tout le royaume,
où seuls les étrangers réformés pouvaient
désormais pratiquer le leur dans les chapelles des ambassades
de Suède, Hollande et Danemark à Paris.
En 1787, Louis XVI par l'Édit de tolérance admet
l'existence d'un culte privé différent; un lieu
de culte s'établit rue Mondétour ou place Dauphine
dans la loge des neufs Surs. Il faudra attendre 1789 pour
que la liberté de conscience soit reconnue comme un droit
fondamental et 1791 pour que le culte réformé puisse
à nouveau s'organiser à l'Église Saint-Louis
du Louvre qu'ornent la déclaration des Droits de l'Homme
et le Notre Père. Parmi les députés, girondins
ou montagnards, dix pour cent sont d'origine protestante: citons
Rabaut Saint-Etienne, Rabaut-Pomier (futur pasteur à Paris),
Boissy d'Anglas.