L'Éternel est un vaillant guerrier,
il a précipité dans la mer les chars de Pharaon
et son armée,
ses cavaliers ont été engloutis dans la mer Rouge....
C'est ainsi que Moïse
chante la victoire extraordinaire par laquelle Dieu libère
son peuple de l'esclavage en Égypte. (Exode 15) Ce texte
est un des plus terriblement magnifiques de la Bible, il célèbre
apparemment Dieu comme un guerrier qui massacre des hommes et
des bêtes. Même si c'est pour en sauver d'autres,
le moyen est brutal. De tels passages nous choquent, évidemment
et heureusement, car l'image d'un Dieu violent est incompatible
avec le Père que nous révèle Jésus-Christ,
un Dieu de fidélité et de tendresse pour chaque
être humain, même son pire ennemi, nous dit-il. (voir
Matthieu 5:44, Luc 6:35). Est-ce que ces passages violents seraient
incompatibles avec la théologie proposée par Jésus-Christ
? Je ne le pense pas. C'est plutôt une certaine façon
de lire et d'appliquer ces passages qui est incohérente
avec l'Évangile.
Depuis l'origine même de la Bible, l'objectif de la rédaction
de ce texte est dans son sens moral, théologique et spirituel.
C'est particulièrement clair pour la libération
du peuple hébreu hors d'Égypte. En soi cet événement,
même miraculeux, n'aurait que peu d'importance historique
s'il ne concernait que les seules personnes vivant à l'époque.
C'est à cause de son importance théologique et spirituelle
que ce texte est aujourd'hui dans la Bible, c'est pour cela que
cette libération constitue même le premier article
du Décalogue, c'est cela que les hébreux commémorent
à Pâque depuis trois bons millénaires. Et
c'est aussi à cette libération qu'est comparé
le salut en Jésus-Christ.
Quand un Égyptien est englouti dans la Mer Rouge avec
son cheval ou quand un Philistin est massacré par Samson,
quand l'humanité est engloutie sous les eaux du déluge
c'est une horreur si l'on prend cela au sens littéral car
la perte d'un seul homme est un scandale, particulièrement
aux yeux du Créateur de la vie.
Comment lire ces textes à la lumière de l'Évangile
? Nous le voyons sous la plume des auteurs du Nouveau testament,
quand ils identifient l'histoire de la Mer Rouge ou du Déluge
au baptême (1 Co. 10:2, 1 Pierre 3). Les êtres noyés
sous les eaux évoquent ainsi notre péché,
tout ce qui ne va pas dans notre existence, notre péché,
notre manque de foi, d'espérance et d'amour, notre souffrance
et notre angoisse.
Au sens symbolique, le Philistin est synonyme de sauvagerie
et de refus de Dieu. Il faut donc traduire " massacre de
Philistin " par " suppression d'un peu de mal, de haine,
de violence " en nous-mêmes. Au sens symbolique, l'Égypte
est, dans la Bible, synonyme de cette richesse matérielle
qui parfois nous transforme en esclaves. Il est donc juste de
traduire : " L'Éternel a précipité dans
la mer les chars de Pharaon et son armée " par "
L'Éternel nous a délivré de l'esclavage de
notre matérialisme ", ou, comme le dit l'Évangile
en témoignant du Christ : " Dieu nous libère
du péché et de la mort. " (voir Lc 4:19, Jn
8:32, Rom 8:2)
Tout homme, qu'il soit Égyptien, Esquimau, Gaulois, Philistin,
Samaritain ou Hébreu est pécheur, évidemment.
Chacun de nous a une dimension de violence, chacun est un peu
esclave de ses préoccupations matérielles, le riche
comme le pauvre. Il y a ainsi du Philistin en chaque homme, il
y a de l'Égyptien aussi, et nous sommes souvent incapables
de nous affranchir de ces dimensions par nos seules forces. De
formidables progrès peuvent nous être donnés
par Dieu, il peut même faire des miracles, nous dit le miracle
de la Mer Rouge qui s'ouvre devant Moïse, et c'est une expérience
que nous faisons à maintes reprises dans notre existence
: Dieu ouvre en nous des barrières que nous aurions bien
été incapables d'ouvrir par nos seules forces. C'est
ce miracle que célèbre le cantique de Moïse.
Nous pouvons donc lire ces textes de massacres comme une promesse
de salut pour tout homme, à commencer par les pécheurs
que nous sommes.
Là où commence la folie source de meurtres c'est
quand on croit qu'un homme peut être à 100% mauvais,
et c'est quand on identifie l'homme avec ce qu'il a commis. Jamais
Jésus ne fait ces amalgames et il peut ainsi dénoncer
à la fois le péché et annoncer le pardon,
dénoncer la méchanceté et se tourner vers
le méchant, dénoncer le mal et nous inviter à
aimer ceux qui nous font du mal.
Nous pouvons ainsi nous révolter contre la violence et
entendre dans chaque page de la Bible un chant de louange à
l'inlassable effort de Dieu pour éliminer cette violence
qui enchaîne le cur de l'homme.
Marc Pernot
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