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Feuille Rose N°776
de septembre 2008

sommaire

 

Au revoir à Werner Burki

Le président du Conseil Presbytéral rend hommage au pasteur et à l'ami

Mon discours sera plus long que d'habitude et ceci pour trois raisons. L'amitié qui me lie à Werner, bien sûr; mais surtout le fait que ce départ d'un pasteur soit aussi un départ à la retraite et donc l'occasion d'un regard sur le parcours et la vocation d'un homme ; le fait que ce doit être aussi le moment d'une réflexion pour la vie de notre paroisse et le sens de sa mission propre.

L'homme

Nous évoquerons le parcours et la vocation de Werner ; sa personnalité et enfin sa prédication.
Je n'ai pas l'intention de faire une biographie rigoureuse et la reconstitution minutieuse d'une carrière. J'aimerais vous faire partager l'exemple - non le modèle - d'une vie véritable, orientée par l'Evangile avec sa singularité irréductible et sa complexité.

Werner tu es né en Suisse, mais c'est à Marseille que tu es vraiment venu au monde, que tu t'es éveillé à la vie. C'est à Marseille aussi qu'est née ta vocation, alors que tu n'avais que sept ans ! En écoutant prêcher ton oncle Robert, pasteur pentecôtiste, tu as senti là que quelque chose d'essentiel se passait et que tu y consacrerais ta vie. Mais cela ne signifiait pas pour toi le besoin d'entrer le plus tôt possible dans le pastorat. Tu voulais aussi connaître la vie autrement, bien des dimensions de l'existence t'attiraient fortement. C'est ici qu'il convient de parler d'une grande figure du protestantisme qui incarnait pour toi l'excellence : Albert Schweitzer. Grande figure libérale, il est intéressant de le noter par rapport à la sensibilité pentecôtiste que nous venons d'évoquer. Grand penseur, grand musicien, grand médecin ; Schweitzer fut une sorte de pasteur superlatif qui a inspiré ta jeunesse. Il est vrai que tu as commencé le piano à l'âge de six ans et que tu ne l'a plus quitté depuis. Tu fais partie de ceux qui pensent avec Nietzsche que la vie sans la musique serait une erreur. Tu as même fait un stage d'aide soignant de quatre mois environ dans un hôpital, sans pour autant poursuivre dans la voie médicale.

Mais, contrairement à Schweitzer peut-être, le monde du commerce et des échanges t'attirait beaucoup. Ancien élève de l'école supérieure de commerce de la Neuveville en Suisse dont tu sors à 20 ans, tu vas connaître dix-huit ans de vie professionnelle dans le monde économique avant de devenir pasteur.

A partir de là tout devient très compliqué et très simple à la fois. Tu exerceras différents métiers : dans l'import-export des produits agricoles de la vallée de l'Arc entre Marseille et Aix, économe dans une maison protestante d'enfants placés sous protection judiciaire, cadre enfin à la compagnie bancaire, spécialisé dans le financement de projets immobiliers. Tu continueras tes études (certificats de droit, diplôme du CNAM) et tout en travaillant, tu entreprendras en 1978 tes études de théologie, à Montpellier pour l'essentiel où tu fus notamment l'étudiant d'André Gounelle.
N'oublions pas que durant cette période tu t'es marié avec Arlette. Vous êtes aujourd'hui séparés, mais vos trois enfants sont bien là, présents ici même : Travis, Nicolas et Catherine. Vos six petits enfants sont également présents, dont Hedda qui vient d'entrer aujourd'hui par son baptême dans le club très ouvert de ceux qui sont appelés à une vie renouvelée.

Revenons à ta vocation pastorale. Ton mémoire de maîtrise s'intitule " Témoigner de l'Evangile en prison ", ce qui est une indication pour la suite. D'abord permanent de l'entraide de Lyon pendant deux ans, ton premier poste est à Toulouse en 1988. Puis vint l'aumônerie générale des prisons à la Fédération Protestante de France à Paris en 1993 où tu fis une belle équipe avec le président de cette commission à l'époque, Philippe Faure. Tu participeras activement à la création de l'association internationale des aumôniers de prison et tu seras à l'initiative d'une section des pays riverains de la Méditerranée. 1993, c'est aussi l'année où tu es accueilli Chaleureusement à l'Oratoire comme paroissien par le pasteur Vassaux. C'est en 2003 que tu atteins " les neiges éternelles " du protestantisme français en étant appelé comme pasteur à l'Oratoire où tu allais faire équipe avec Florence Taubmann puis avec Marc Pernot, notre pasteur aujourd'hui.

Retracer une vie ne vaut que pour saisir le caractère de l'homme et ce que son exemple nous donne à méditer.
Une anecdote : la première fois que j'ai rencontré Werner, c'était en 1993, non loin d'ici au café Marly. Je cherchais un pasteur pour faire des conférences dans le cadre d'une association dont je m'occupais. Rendez-vous est pris avec toi et Jacques Gradt, tu étais le nouvel aumônier général, Jacques était aumônier régional. Au téléphone je te demande comment faire pour se reconnaître et tu me réponds : " Ecoutez, cher Monsieur, ce sera très facile, nous sommes tous les deux très beaux ". Jacques, je tenais à ce que tu saches que ton ami Burki dit du bien de toi ! J'ai eu un moment de surprise et me suis dit que cette manière de se présenter n'était pas dans le style habituel d'un pasteur ! Je pressentais que j'avais à faire à une personnalité originale et, en effet, je ne fus pas déçu. Cette anecdote mérite en fait une petite réflexion car ceux qui connaissent bien Werner savent qu'il a une sorte de pratique ironique de la vanité qui est une manière de cacher l'humilité dont il est capable, alors que nous savons bien qu'une certaine modestie de bon ton peut être - pas toujours - mais souvent, le masque de l'orgueil.

Comment " croquer " à grands traits la personnalité de Werner telle que je la perçois ?
Commerçant d'abord. Le sens de l'échange, le parti pris de ce que Montesquieu appelait de " doux commerce " qui faisait tant ricaner Marx, la conviction que commercer c'est favoriser la transmission, l'enrichissement mutuel dans tous les sens du terme. Marseille, ville portuaire de commerce et d'échanges n'est pas loin…
Poète, musicien ensuite. Le goût pour la littérature dans ses lectures et celui des métaphores dans ses prédications. Et puis la musique bien sûr. Combien de fois ai-je vu Werner au piano, un verre de champagne à la main - j'espère que vous apprécierez la performance ! - jouant pour réjouir ses amis. Mais je savais aussi que, bien souvent, le lendemain matin, Werner était auprès d'un détenu au fond d'une prison ou au chevet d'un malade dans un hôpital pour tenter de partager la misère du monde et la souffrance des hommes. Cela nous fait voir son autre grand trait de caractère.

Doué de compassion enfin. Aumônier dans l'âme. Beaucoup de ceux qui sont présents ici ont eu l'occasion de le vérifier quand ils traversaient une épreuve ou simplement une période de doute ou avaient besoin d'un conseil. Werner était là dans ces circonstances.
Commerçant, musicien, compatissant ; après tout, qui dit mieux ?
Nous avons évoqué sa vie, son caractère, il nous faut maintenant réfléchir au sens de sa prédication ici à l'Oratoire, pendant ces cinq années.
Au fond, avec son sourire et son accent subtilement et agréablement méridional, Werner Burki n'a pas cessé de nous dire des choses désagréables ! En effet, au cœur de ses prédications, revient inlassablement cette idée que sans conversion personnelle notre intelligence de l'Evangile reste vaine.

Cette question est capitale dans toute l'histoire du christianisme, notamment dans ses débats avec le judaïsme comme le paganisme, elle l'est encore aujourd'hui. En effet, la religion est ce dans quoi l'on naît, ce à quoi on appartient, c'est toujours une orthopraxie qui n'a que faire des convictions intimes de chacun et s'en méfie toujours. La foi est au contraire ce qui arrive…ou pas. Elle arrache aux appartenances ou change le sens des appartenances. Au fond, aussi scandaleux que cela puisse paraître, dans un premier temps au moins, la vie religieuse comme la vie de la foi ne relèvent à aucun moment de notre choix personnel. Pour la religion c'est évident, car elle est tradition, coutumes collectives qui valent pour autant qu'elles sont reçues, institutions qui surplombent et encadrent l'individu. Que serait par ailleurs la foi si elle se ramenait à ce que l'on peut se donner à soi même ? Que serait une grâce péniblement acquise et chèrement payée ? Suivez mon regard historique ! Quelqu'un demandait à Maurice Clavel, notre flamboyant gaulliste gauchiste, de lui raconter son expérience de conversion, s'attendant sans doute au récit d'ineffables extases. Il lui répondit sobrement : " j'ai été récuré comme un évier ". Il ajoutait aussi, d'une manière troublante mais sans doute profonde : " si l'on pouvait choisir sa religion, il faudrait surtout n'en choisir aucune ".

Mais je ne voudrais pas laisser croire qu'il y a un modèle unique d'expérience de la foi et qu'il faudrait rompre avec le genre de notre Eglise. Nous sommes en effet une Eglise de multitude, ce qui signifie qu'il n'y a de place en elle que pour les pécheurs - je crois que c'est une idée que nous comprenons tous très bien - et non que pour ceux qui prétendraient avoir touché le port. Dire l'exigence d'une conversion personnelle ne préjuge en rien de la forme qu'elle peut prendre, brutale ou progressive. Il y a autant de chemins qu'il y a d'individus et l'Eglise n'a pas à juger de l'intimité de la vie de chacun. Dieu seul sonde les reins et les cœurs et non une institution humaine à l'aune d'une doctrine officielle.

En effet si la prédication de Werner a quelque chose d'évangélique en insistant sur la conversion personnelle, sa prédication est aussi profondément libérale dans toute sa manière d'être comme pasteur. D'autant que la prédication d'un homme, ce ne sont pas seulement des sermons le dimanche matin du haut de la chaire, c'est l'ensemble de tout ce qu'il dit et fait, c'est sa manière d'entrer en relation avec les autres qui est une expression de sa relation à Dieu. Or à aucun moment son autorité d'homme de foi ne prend la forme bête et méchante d'un autoritarisme théologique qui voue à l'exclusion tous ceux qui ne penseraient pas bien. On juge un arbre à ses fruits et un homme à ses actes et Werner a toujours vécu très librement et respecté la liberté d'autrui. Ce qui n'exclut pas, bien au contraire, le sens de l'engagement qu'il a manifesté à l'association d'entraide de l'Oratoire comme président, à la Clairière comme membre du conseil d'administration et à l'Hôtel Dieu comme aumônier. Ce qui appelle aussi une attention exigeante à la vie de la culture de notre temps, par ses lectures personnelles ou son action comme aumônier du groupe protestant des artistes. Christianisme social et ouverture à la culture donc.

Réflexion sur notre identité religieuse

Nous sommes des amoureux de la liberté. En ce sens, nous ne sommes pas à moitié ou frileusement libéraux. Nous sommes radicalement, absolument libéraux et notre libéralisme est farouche. Cela signifie notamment que nous avons la conviction que si la pensée rationnelle ne peut donner la foi, elle peut au moins conduire à son seuil et que la foi, loin de la faire taire, la relance et l'exige. Nous disions tout à l'heure que l'essentiel échappe à notre choix, nous disons maintenant c'est à nous de faire exister Dieu. Il n'a en effet d'autres mains que les nôtres pour lutter contre le mal et les injustices tandis que les meilleures œuvres de l'esprit humain manifestent sa grâce. Ceux qui affirment bruyamment que Dieu existe parlent peut-être un peu vite. Ce sont les objets du monde qui existent hors de nous et dont on peut se saisir. Le propre de Dieu est d'insister dans le cœur et l'esprit des hommes.

Mais, pour les chrétiens me semble t-il, il est un moment unique sur la terre et dans l'histoire où l'insistance et l'existence de Dieu se rejoignent et c'est en Jésus-Christ. Non comme un objet sacré, mais comme une personne vivante qui enseigne et qui guérit, qui mange et qui va par les chemins, qui souffre et qui se réjouit. C'est bien le message de Jésus qui nous importe, mais ce message ne peut pas être réduit à une doctrine conceptuellement transmissible, l'Evangile est toujours incarné dans des situations particulières, dans des relations personnelles, des paraboles.

Nous ne sommes pas chrétiens parce que nous sommes libéraux, comme si nous étions devant une philosophie que l'on pourrait choisir parmi d'autres, mais nous sommes libéraux parce que nous sommes chrétiens. Evangile et liberté, Evangile et donc liberté ; et non pas l'inverse. Mieux que libéraux encore, on peut espérer être libérés, par la foi certes, mais grâce aussi aux traditions et aux institutions. Non pas tant libérés de la Loi par la foi, mais libérés par la Loi et par la foi, car nous ne sommes pas encore tout à fait dans le Royaume, même s'il commence ici et maintenant.

J'ai évoqué l'amitié, sans en parler jusqu'à présent. Je crois pouvoir dire : l'amitié existe, je l'ai rencontrée. J'en témoigne ! La leçon que j'en tire est qu'il faut chercher l'amitié, à l'ombre et sous la garde de la fraternité. L'amitié sans la fraternité est incertaine, la fraternité sans l'amitié est sèche. On oublie d'ailleurs à quel point, depuis l'Evangile de Jean, l'amitié célébrée par Aristote comme procédant de la justice et du bonheur, est aussi profondément chrétienne. Je remercie à cette occasion tous ceux qui ont soutenu Werner durant son ministère et lui ont témoigné de l'amitié. Je remercie aussi tous ceux qui l'ont contrarié, quand c'était pour le bien.

Nous avons évoqué le parcours et la vocation d'un homme, or cela ne peut pas ne pas créer une résonance profonde en chacun de nous : pourquoi pas moi, en effet ? Non pas du tout pour imiter quelqu'un, mais être incité à vivre cette fabuleuse possibilité : ne pas refuser Dieu, l'exigence de Dieu et ne pas renoncer à son propre désir. Le plus cher désir de Dieu pour nous est sans doute que nous ne renoncions pas à nous-mêmes, mais que nous trouvions en nous des ressources insoupçonnées pour concilier l'amour de la vérité, le souci de la justice et l'amour du bonheur. Je crois que Werner est un exemple de cette manière de vivre.

Enfin, nous pourrions appliquer cette leçon à notre paroisse elle-même. Partir de sa personnalité, avec ses paradoxes et ses contradictions, apparentes au moins, pour aller plus loin. L'Oratoire est un peu un vieille dame chic, souvent d'humeur grincheuse pour ne pas dire plus ! Attachée à une certaine étiquette, à une liturgie qui met les formes. Nous sommes en effet très attachés à la beauté noire et blanche de nos pasteurs en robe, car ils sont les avocats de Dieu. Nous sommes attachés à une certaine qualité musicale, grâce à nos organistes et à notre chœur. Nous sommes attachés à une certaine rigueur sur le plan exégétique et intellectuel. Bref, nous sommes traditionnels ! Mais pas traditionalistes, car la vieille dame chic cache la belle anarchiste qu'elle est restée dans son cœur. Jésus était l'homme le plus religieux, le plus fidèle à la religion de ses pères et pourtant il transgressait les mœurs, y compris religieuses, de son temps. Il allait même jusqu'à parler à des femmes qui n'étaient pas de sa famille. Scandale pour la culture de son époque ! Peut-être avait-il senti qu'elles comprenaient mieux que les hommes ce qu'il disait et faisait.

Toutes ces choses semblent si contradictoires, paradoxales, impossibles : Jésus, l'homme le plus obéissant et le plus insolent ; la foi qui ne dépend pas de nous et le fait que, pourtant, tout repose sur notre responsabilité. Mais cela est contradictoire intellectuellement. Tout devient cohérent dans le geste de la vie, dans une vie de prière, de pensée et d'action. A sa manière unique, Werner a essayé de nous le faire comprendre et il continuera à vivre comme cela. C'est pourquoi je dirai : pasteur Burki votre mission continue, bonne route à toi Werner !

Philippe Gaudin

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Werner Burki


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