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Feuille Rose N°775
de juin 2008
Des lieux de Résistance
Dans son livre, " Les lieux de la Résistance à
Paris ", Anne Thoraval cite l'Oratoire et La Clairière
comme ayant participé au sauvetage d'enfants juifs, à
partir de 1941
À l'Oratoire
Dès les
premières rafles de juifs, en 1941, Lucie Chevalley, Maurice
Nosley, Odette Bechard organisent des sauvetages d'enfants. Le temple
de l'oratoire du Louvre, rue Saint-Honoré, fait office de
PC; l'action est fermement soutenue par le pasteur André-Numa
Bertrand. Le 7 juin 1942, ce dernier dénonce d'ailleurs dans
son prêche l'obligation faite aux enfants de porter l'étoile
jaune à partir de 6 ans et rappelle l'obligation chrétienne
de souffrir avec ceux qui souffrent et de se ranger à leur
côté.
L'éloignement des enfants s'intensifie en 1943. Mais Maurice
Girardot, un diacre de la paroisse, tombe dans une souricière
en se rendant chez Suzanne Spaak, cheville ouvrière de l'organisation.
Il est arrêté en 1944 et sera libéré
trois mois plus tard, à l'heure de la délivrance.
À La Clairière
Le pasteur Paul Vergara, directeur du centre
social La Clairière, se préoccupe dès 1941
de mettre à l'abri les enfants juifs dont les familles sont
nombreuses dans ce quartier. Au 60, rue Greneta, une véritable
organisation de sauvetage dirigée par Suzanne Spaak s'élabore.
Le temple de l'oratoire du Louvre ne manque pas d'apporter son secours
en appelant à la rescousse des paroissiens "hébergeants".
Au début de février 1943, Suzanne Spaak alerte le
pasteur Vergara soixante-trois enfants des foyers de la me Guy-Patin
et de la rue Lamarck sont à évacuer de toute urgence.
Les deux résistants conviennent d'un plan extraits de leur
pensionnat pour une promenade, les enfants resteront rue Greneta
le soir (on prétextera, pour le voisinage, l'accueil de réfugiés
victimes des bombardements). Ils seront alors transférés
vers des lieux d'hébergement clandestins pour y rester cachés
jusqu'à la fin de la guerre.
L'opération est prévue pour le 16 février.
Le 12, lors de son prêche dominical, le pasteur demande des
volontaires pour promener soixante-trois enfants le jeudi 16 dans
l'après-midi. Vingt-cinq femmes se désignent. Quinze
autres se font connaître dans la semaine, pour la plupart
juives et issues des rangs de la MOI. Le jour dit, chaque accompagnateur
reçoit la consigne formelle de ramener les enfants rue Greneta.
Au soir du jeudi 16, les soixante-trois enfants juifs, âgés
de 3 à 8 ans, passent la nuit dans un campement improvisé
dans le grand hall du patronage. Des colis de la Croix-Rouge ont
pourvu au ravitaillement. Le lendemain matin, l'équipe de
Paul Vergara s'active à établir les faux papiers.
Par petits groupes, l'évacuation commence. Des Éclaireuses
de France accompagnent les enfants jusqu'à leur nouveau foyer,
qui en banlieue, qui en province; beaucoup sont envoyés en
Normandie.
Pendant ce temps, on fait disparaître à La Clairière
toute trace des " réfugiés ". Deux mois
après cette opération sensationnelle, le pasteur Vergara
est à nouveau sollicité, pour aider la Résistance
cette fois-ci, dont les combattants sont toujours à la recherche
de planques, de dépôts et autres boîtes aux lettres.
Hugues Limonti, paroissien de la rue Greneta, appartient au secrétariat
de la Délégation générale. Le Conseil
national de la résistance, en passe de devenir officiel,
a besoin d'un lieu sûr à Paris pour ses réunions
et son courrier.
Paul Vergara donne bien évidemment son accord: La Clairière
se met à l'entière disposition de Jean Moulin et de
ses services. En échange, faux papiers et ravitaillement
seront abondamment fournis pour l'œuvre exemplaire du pasteur. Mais
trois mois plus tard, Hugues Limonti est arrêté. Le
24 juillet, la Gestapo fait une descente rue Greneta. Marcelle Guillemot,
assistante sociale des pourchassés, se pensant perdue, veut
se livrer..., et se ravise soudain. Enjambant une fenêtre,
elle parvient jusqu'au hall de l'immeuble voisin, au 58, et s'enfuit.
Elle plonge alors dans la clandestinité complète.
Le pasteur Vergara, averti à temps, échappe lui aussi
à l'arrestation.
Anne Thoraval
Les lieux de la Résistance à Paris,
éditions Parigramme
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