Feuille Rose N °775
de juin 2008
Comment parler de Dieu aux jeunes ?
Dire notre foi aux générations suivantes n'a jamais
été facile. Car heureusement la foi n'est pas héréditaire
mais elle est et demeurera toujours un choix personnel, celui de
Dieu qui nous adopte, et celui d'une personne d'adopter Dieu comme
source de vie. Nous vous proposons dans ce dossier de réfléchir
à cette transmission à partir de plusieurs expériences
personnelles.
Le plus bel héritage
La Bible parle souvent d'héritage.
Par exemple dans le Psaume 16 où Dieu est notre héritage.
Le succès de cette image vient du fait que l'héritage
est le type même du cadeau. Nous ne le devons qu'au seul amour
de ceux qui nous l'ont légué, sans travail de notre
part. L'héritage est ainsi une bonne image de notre relation
à Dieu, une image peut-être plus proche à la
sensibilité théologique de jésus que d'autres
images bibliques comme celle de la royauté de Dieu sur des
sujets, ou celle de l'alliance entre Dieu en l'homme sous forme
d'un traité de paix en bonne et due forme, ou celle du mariage
(entre Dieu et nous).
La ferme se transmet de père en fils, le charpentier transmet,
lui, un savoir faire et ses outils. Certains châteaux ont
été également transmis de génération
en génération au travers des siècles... Mais
il n'est également pas rare de voir un patrimoine familial
dilapidé en une ou deux générations. Cela arrive
tout autant avec les dimensions matérielle que spirituelle
du patrimoine. C'est ce que nous montre David dans le Psaume 16
quand il dit que les gens "multiplient les idoles, et courent
après des dieux étrangers ", ils ont perdu la
foi de leurs pères, la foi d'Abraham.
Pourquoi transmettre ce patrimoine de foi que nous avons reçu
à travers une longue chaîne de transmission du Christ,
des apôtres et des prophètes? Nous aimerions le transmettre
d'abord par amour pour ces garçons et filles qui vivront
après nous, mais nous voulons transmettre cet héritage
aussi par respect pour ceux qui ont contribué à nous
offrir ce patrimoine et bien souvent à l'enrichir de leurs
propres réflexions.
Comment faire pour transmettre aux générations suivantes
l'héritage spirituel que nous avons reçu, c'est à
dire la foi en l'Éternel, le Dieu de jésus Christ?
1) La première chose, c'est de se rappeler la chance que
nous avons de posséder l'Évangile, et que certains
n'ont pas eu cette chance. Souvent, les nouveaux convertis savent
mieux que les autres ce que ça représente parce qu'ils
ont travaillé eux-mêmes pour aller chercher ce trésor.
2) La seconde chose, c'est que si quelqu'un ne développe
pas lui-même le patrimoine qu'il a reçu, cela revient
à le dilapider. Pour une fortune matérielle ce sont
les impôts, les gouttières dans le toit, les voleurs..,
qui ruineront le château. Pour le patrimoine spirituel ce
sont le temps, les soucis et les distractions qui se chargent d'éroder
une foi qui ne serait pas entretenue (Luc 8). Que restera-t-il alors
à transmettre aux générations suivantes?
Comme une fortune, un patrimoine spirituel non entretenu dure
typiquement deux générations. À la première
génération, il reste des valeurs, une certaine structure
de vie, mais il ne reste déjà plus guère de
foi au sens d'une certaine place pour la recherche de Dieu. À
la génération suivante, souvent il ne reste plus que
le souvenir que la famille était protestante. Concrètement,
il ne reste rien de l'héritage reçu: une existence
enracinée près de la source de la vie comme le dit
le psaume 1er, une existence trouvant son dynamisme d'évolution
et sa fécondité dans la méditation de la Parole
de Dieu.
Un travail spirituel est ainsi nécessaire pour, au moins,
maintenir la foi que nous avons reçue des générations
précédentes. Ce travail consiste d'abord en une pratique
personnelle, prier et lire la Bible de temps en temps même
si c'est en se forçant un peu soi-même, c'est saisir
les occasions de penser à Dieu, par exemple en allant au
culte de temps en temps. Ce n'est pas un pensum, il y a du plaisir
à travailler sa foi et sa théologie, comme il y peut
y en avoir dans l'effort sportif.
Nous en bénéficierons nous-mêmes, logeant ainsi
dès maintenant dans un château restauré et même
embelli. Mais en plus nous aurons à transmettre à
ceux que nous aimons quelque chose qui peut leur donner un peu envie
de s'y investir.
Et si, malgré tout, nos enfants ne s'intéressaient
pas à la foi chrétienne ? C'est absolument leur droit.
À chaque jour suffit sa peine, à chaque génération
de faire face à ses responsabilités.
Marc Pernot
Parler de Dieu aux plus jeunes...
Dire OUI à Jésus
Chacun connaît l'adage
célèbre de Boileau: "ce qui se conçoit
bien s'énonce clairement ". Rien n'est plus vrai dans
la volonté de la transmission de l'Evangile. Il s'agit de
bien concevoir. Le verbe ici est à saisir dans sa double
acception. 1. - Une femme peut concevoir, de même que Marie,
la mère de jésus à conçut... 2.- Un
humain peut concevoir, c'est à dire éprouver un état
affectif, par exemple concevoir de l'amitié pour quelqu'un.
Dans les deux acceptions, il s'agit de dire oui et de le dire
totalement.
Le oui, qui est la réponse humaine au témoignage intérieur
du Saint-Esprit, est un oui indépendant du savoir, même
si les docteurs, les pasteurs, les savants sont précieux
pour approfondir les questions que Dieu pose, que Dieu nous pose,
que Dieu Se pose...
Dans sa lettre aux Corinthiens (2 Cor. 1. 18-20) l'apôtre
Paul écrit: Dieu est digne de confiance : la parole que nous
vous avons adressée n'a pas été " OUI"
et " non "! Car le Fils de Dieu, Jésus-Christ,
que nous avons proclamé parmi vous, moi, Silvain et Timothée,
n'a pas été " oui " et " non "
: en lui, il n'y a que " OUI". Voilà pourquoi c'est
aussi par lui que nous disons à Dieu l'amen, pour sa gloire.
Or, celui qui nous affermit avec vous dans le Christ et qui nous
a conféré l'onction, c'est Dieu. Il nous a aussi marqués
de son sceau, et il a déposé dans notre cour les arrhes
de l'Esprit. "
Les amis de Corinthe sont recentrés par leur ancien pasteur
sur le oui. Le oui de jésus n'est pas différent du
oui de Marie, du oui des prophètes, de notre oui aujourd'hui.
C'est sur la base de ce oui que prendront assise le doute comme
la foi. Ce oui est d'accepter que l'enjeu n'est pas, notre point
de vue, mais le point de vue de Dieu.
A partir de là c'est un peu comme le lever du jour ! Comme
lorsque le sourire reprend place sur un visage. L'espérance
est manifeste.
J'ai dit oui, et dès lors, je peux parler.
Mais alors, les choses se corsent. En effet, il arrive que soient
confondus le oui de l'humilité (Qu'il m'advienne selon ta
parole répond Marie) et le oui de l'arrogance qui s'empresse
de jeter des vérités toutes faites à la face
de l'interlocuteur. Vous savez, cette manière qu'ont certains
de jeter l'Evangile à la figure un peu à la manière
de ces fâcheux qui " entarte " leur victime...
Ou imaginez encore que vous souhaitiez commander un café
à un automate. Même si vous êtes très
riche et que vous dépliez un billet de 100 euros, vous n'obtiendrez
rien. Il faut des petites coupures. Une petite pièce suffira
pour réaliser l'échange.
Au cours de la vie, souvent, nous avons perdu des occasions de parler
de Dieu. Régulièrement aussi nous en avons parlé
à notre avantage, pour nous rassurer nous-mêmes. Les
jeunes ne s'y trompent pas. Ils veulent entendre la vérité
dans la sincérité de celui qui leur parle, mais aussi
être eux-mêmes entendus dans leurs propres questions.
Je me souviens d'un vieil aumônier de prison, rempli d'affection
pour les personnes qu'il rencontrait là; un jeune détenu
lui disait en le voyant entrer dans sa cellule, (la cellule peut
être comprise comme le lieu intérieur intime, l'espace
où se vivent les joies profondes et les peines infinies);
il lui disait: " de toute façon, je ne crois pas en
Dieu " et l'aumônier de répondre: " ça
tombe bien, moi non plus! "
A partir de là, dans la boutade, dans la rencontre, dans
la reconnaissance du visité et la sincérité
de nos propres questions sans réponses, une visite pouvait
réellement commencer...
L'Esprit vient à la rescousse de nos mots maladroits. Parler
de Dieu, c'est aussi le laisser parler. Il faut y faire attention.
Parler de Dieu, c'est faire une visite qui parfois, est une visitation.
Werner Burki
haut de la page
L'expérience d'une grand-mère
Le témoignage d'une mère et grand-mère
accomplissant sa mission avec affection et délicatesse
Dans la transmission de l'Evangile,
on ne peut pas donner de règles ni de recettes. Chacun fait
comme il peut en fonction de ce qu'il a lui-même reçu.
Pour ma part, je ne peux parler ici que de " mon vécu
" et de la manière dont j'ai abordé la chose
avec mes enfants et mes petits-enfants.
Les parents ont un grand rôle mais aussi les grands-parents
et en particulier les grands-mères, surtout à notre
époque où les parents travaillent et les enfants,
souvent en vacances, sont pris en charge par les grands-parents.
Cette transmission se fait au quotidien par une manière
d'être et de vivre. Elle fait partie de l'éducation
et des activités de l'enfant au même titre que le sport,
la musique, la danse... sans séparer la vie religieuse de
la vie quotidienne, et sans être pesante.
Il y a une habitude à prendre déjà tout jeune:
ainsi quand on raconte des histoires ou des contes, au cours de
la journée ou le soir, avant de dormir, pourquoi ne pas raconter
aussi de temps en temps une histoire biblique: la vie de Moïse,
la vie de jésus, les paraboles... en essayant d'en tirer
un enseignement La manière la plus vivante pour les petits
est de raconter. Pour les plus grands, on peut lire avec eux. Il
y a tant de livres à présent comme "La Bible
racontée aux enfants ", très bien faits et même
pour chaque jour.
On peut prendre aussi l'habitude de prier avec eux en leur apprenant
à louer Dieu, à le remercier et à penser aux
autres. Par exemple: Mon Dieu, je te remercie pour cette belle journée
avec papy et mamy. Bénis et protège maman, papa, mon
petit-frère et tous ceux que j'aime. "
C'est également important de les laisser inventer leur prière
avec leurs mots. Je me souviens de ma fille Catherine à 8
ans me disant un soir où je venais l'embrasser: "Ne
me dérange pas, maman, je suis en conversation avec Dieu
! "
Conseil pratique : on peut profiter de chaque occasion qui se
présente pour raconter une histoire biblique, les petits
en raffolent ! Annie Vallotton ne me contredira pas, elle qui, à
travers ses dessins merveilleux, sait si bien raconter les histoires
bibliques. Je salue d'un grand bravo l'initiative à l'oratoire
de l'éveil biblique chez les tout petits au "jardin
d'enfants ". C'est comme un "bain " qu'on leur donne
dans l'Evangile et comme me disait encore récemment ma petite-fille
Charlotte (22 ans): " Tu nous as baignés dans l'Evangile
par toutes ces histoires bibliques dont on raffolait Ça faisait
partie de notre vie et maintenant encore j'y pense. " Je ne
m'endormais jamais sans prier, pendant longtemps et encore maintenant.
C'est une habitude qui m'est devenue nécessaire. " Merci
Charlotte.
Il faut aussi ne pas se "dérober " devant les
questions posées souvent par les enfants. Il suffit de rester
soi-même et parler d'une manière simple avec le langage
des enfants et toujours être à leur écoute.
Mais aussi savoir dire "je ne sais pas " quand cela arrive,
ainsi on leur fait valoir que même nous, les adultes, nous
n'avons pas réponse à toutes les interrogations que
nous pose l'Évangile.
L'âge le plus difficile est l'adolescence, l'âge du
catéchisme (soi-disant obligatoire). Mais là, le relais
doit être pris par les pasteurs sans pour autant ne pas s'intéresser
avec eux à ce que raconte le pasteur, s'intéresser
aussi à leurs amis de la paroisse, les encourager mais surtout
ne pas les forcer comme si cela était un pensum, savoir leur
faire valoir que cela leur donne un "plus " dans la vie
et qu'ils découvriront plus tard que ce "plus "
est essentiel. Cette éducation biblique peut valoriser leurs
études, peut les aider dans leur culture, peut nourrir leur
réflexion personnelle. Même s'ils s'en détachent
un moment de leur vie, surtout jeunes adolescents, ils y reviennent
au moment de leur mariage, et encore plus quand il s'agit de l'éducation
de leurs propres enfants. L'essentiel est de donner une impulsion
dès le départ quand ils sont petits. Faire en sorte
de constituer en eux " une provision des bénédictions
de Dieu ", une belle image du pasteur Marc Pernot lors de sa
magnifique prédication sur les 5 vierges folles et les 5
vierges sages. Le pasteur Mazel me disait toujours "l'essentiel
est de semer la graine ".
La transmission de l'Evangile n'est pas facile mais si enrichissante:
- car il ne faut pas à tout prix "réussir ",
on se heurte parfois à des échecs, du moins on le
croit et pourtant la graine est semée.
- l'influence des parents est fondamentale à savoir leur
manière de vivre ensemble leur foi, croire aux mêmes
valeurs.
- quant aux grands-parents, leur aide est très précieuse
car ils prennent le temps, ils sont moins pressés et sont
à l'écoute de leurs petits-enfants
C'est une grâce d'avoir reçu " ce trésor
sans prix " qu'est l'Évangile que nous voulons transmettre
autour de nous et en particulier à nos proches, enfants et
petits-enfants.
Evelyne Brun
Une mère est aussi catéchète au quotidien
Marion Unal est maman de 3 enfants à qui elle transmet
ses convictions
Celui qui boira de l'eau que
je lui donnerai n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie
éternelle " (Jean 4-14)
A la question qui m'a été posée de " la
foi en famille ", j'ai préféré répondre
sur le mode du credo. Il me semble en effet que la foi en famille
s'ancre pour partie sur les actes de foi ou les rituels parentaux.
Pour moi-même en tous cas, elle ne repose sur aucune "théorie
", principe ou conception pré-établie de ce que
"devrait être " la foi en famille, mais sur la figure
exceptionnelle de joseph, père par amour d'un enfant qui,
en n'étant pas de sa chair, devient son prochain le plus
proche. Père habité de songes, de sentiments et de
désirs contradictoires, qui accepte de se laisser toucher
par la grâce de Marie.
Ainsi, à l'image de ce dont témoigne la famille
naissante du Christ-enfant, je suis intimement convaincue que ce
que chaque famille vit est éminemment tributaire des évènements
qu'elle traverse, et que l'expression de sa foi résulte de
cette traversée.
Il n'y a ainsi pour moi pas d'idéal de ce que pourrait
être "la foi en famille ", mais la conviction que
si notre vie familiale avait été différente
de ce qu'elle est devenue, notre relation à la foi aurait
été autre. De cela cependant, Dieu seul a le secret.
Avant même d'être parent, j'ai toujours cru que la
vie était plus forte que la mort. Oui, je crois qu'en donnant
la vie, nous percevons que cette force vitale aura raison même
de l'inéluctable séparation. Mais avant que cette
intuition ne se transforme en conscience assumée devant Dieu
(" que votre cour ne se trouble pas "), nous passons par
l'épreuve de l'inquiétude, avant d'accepter la quête.
Pour répondre ou combler cette inquiétude, certains
parents cherchent des solutions matérielles, des palliatifs
existentiels. Ils couvrent leurs enfants de soins. D'autres choisissent
au contraire de tout planifier, maîtriser, tandis que d'autres
encore, " débordés ", vivent au fil des
évènements. Chacun d'entre eux n'échappe cependant
ni au vertige du temps et de la mort possible, ni à la crainte
de la séparation, de la détresse économique
ou de la maladie... ni à la joie de la vie.
Notre société nous encourage à remplir matériellement
nos vies et à consommer avec nos enfants, y compris sur le
plan artistique, sans formuler nos questions existentielles les
plus énigmatiques. Elle nous encourage à vivre dans
l'inquiétude. Cela rend l'existence difficile à vivre,
et ne nous permet pas d'entendre l'appel du Christ, lorsqu'il nous
invite à trouver son "joug léger ".
Sans doute ai-je eu la chance d'apprendre, par la prière
et probablement aussi grâce à la musique de Jean-Sébastien
Bach, à mettre cette inquiétude en distance. Je crois
pour ma part en effet que l'essence précède l'existence,
que cette essence est de source divine et que nos enfants sont la
manifestation de ce mystère de l'origine et de l'amour.
Nous venons de la nuit des temps témoigner du mystère
de l'être et de l'immensité insaisissable du monde
et de Dieu. Nous pourrions tous nous étouffer mutuellement
du désir d'aimer et d'être aimés, quitte à
nous faire mourir d'amour, par crainte de l'abandon initial. Mais
"par miracle " ou par grâce, nous survivons.
Cette respiration salvatrice, Dieu nous la donne en étant
lui-même à l'origine de la Genèse. En nous permettant
de ne pas nous poser en fondateurs mais en passeurs, il introduit
son souffle salvateur dans notre vie parentale et nous permet de
nous éloigner peu à peu de la toute-puissance. Cette
respiration salvatrice justifie, me semble t-il, le besoin vital
que j'éprouve à laisser l'indicible et l'invisible
s'introduire, fréquemment à notre insu, dans notre
famille, pour éloigner l'inquiétude et maintenir ouverte
la quête.
Cette respiration salvatrice se glisse dans nos pensées,
nos paroles bienveillantes, nos gestes quotidiens. Ainsi, je crois
que rien ne nous séparera de l'amour de Dieu, si nous acceptons
de lier nos gestes au Christ, tout en ayant conscience de nos "ratés
" pour savoir demander pardon.
Mais le souffle du matérialisme et du consumérisme
nous rendent oublieux du Christ. Il nous entraîne dans l'illusoire
possession d'un monde sans esprit. Je crois en conséquence
que c'est à nous, parents, que revient le don d'ouvrir la
porte du ré-enchantement du monde, en donnant au Christ toute
la petite place qu'il peut occuper dans nos vies. Certes, mais comment?
La réponse revient à chacun, arbre de vie, susceptible
d'évoquer cet ami jésus, comme l'on parlerait d'un
compagnon familier, synonyme de tendresse. En parler avec simplicité
et naturel, car jésus n'est pas un tiers indifférent,
un magicien ou un substitut à l'horoscope. Je crois que jésus
révèle nos pensées, nos émotions, nos
sentiments les plus profonds, en nous protégeant de nos fragilités.
Jésus nous console des chagrins qu'il voit venir sur nous
et nous regarde avec son infinie compassion.
Parler de cet amour, prier en sa présence ou bénir
ses enfants, est possible à tout parent qui en a le désir,
charge à chacun, avec l'aide de l'esprit, de trouver la forme,
le moment, les mots adaptés.
Notre société libérée a quant à
elle levé les barrières de la pudeur. Mais elle maintient,
à l'inverse, sous les scellés du cour, de l'indifférence
ou de l'inexprimé, l'expression simple de nos doutes, et
de nos quêtes les plus profonds. Je crois néanmoins
qu'écouter une parole sans la transformer en dogme, chanter
sa joie, prier un jour de repos, paisiblement, est possible en famille.
Je crois que notre société peut inventer des formes
d'aimer plus délicates et moins formelles ou ritualisées
qu'autrefois, moins visibles peut-être, mais certainement
profondes et bienveillantes. Cela prend la forme unique de la foi
de chaque famille, consciente, inconsciente, espérée.
De toutes ces familles dont les noms sont, à jamais, inscrits
dans les paumes du Seigneur. En Christ, je vous le souhaite de tout
coeur.
Marion Unal
Un jeune engagé
Après avoir été louveteau et éclaireur,
un chef de meute raconte son parcours
La Bible, il y a encore quelques
années, était pour moi un livre sur lequel je ne m'interrogeais
pas; elle était présente dans ma vie car j'étais
persuadé, qu'avec deux oncles Pasteurs et des parents impliqués
dans la vie paroissiale, je ne pouvais tout simplement pas y couper.
Durant mon éducation religieuse, j'étais consommateur
de ma relation avec Dieu. On me parlait de Dieu, on me parlait de
la Bible, j'absorbais sans vraiment remettre en question ce qu'on
me disait. Durant plusieurs années, on compilait un carnet
de citation biblique qui me semblait sans intérêt sur
le moment et qui maintenant me permet d'avoir des pistes pour lire
avec moins d'appréhension la Bible.
Moins personnellement, je dirais que pour parler de Dieu ou de
la Bible aux jeunes, il faut éviter d'être trop mystique
dans son évocation. Un enfant n'a pas le bagage d'un adulte,
et il ne peut pas comprendre des choses que des gens ont mis toute
une vie à découvrir. Il faut aborder les thèmes
selon les âges sous forme d'activité manuelle ou de
débat, afin de soit avoir un souvenir matériel d'un
passage biblique soit de pouvoir via le dialogue se forger sa propre
foi.'
Samuel Masson, 19 ans
À l'école, on peut enseigner le "fait religieux
"
Rose-Marie Boulanger est professeur des écoles, elle
nous livre son expérience
Comment parler de Dieu quand on est un enseignant attaché
viscéralement à l'école laïque ? Doit-on
parler de Dieu ou du fait religieux ? On ne doit parler que du "fait
religieux " et ceci n'est pas une mince affaire.
Enseigner le fait religieux est un défi car nous nous heurtons
à l'ignorance des faits religieux en général
et même à la méconnaissance de la religion à
laquelle nous appartenons parfois.
Il y a aussi des difficultés majeures dans plusieurs domaines:
théoriques, pédagogiques, déontologiques...
Il faudra donc intervenir dans un cadre interdisciplinaire ou prendre
acte de certains évènements religieux qui ont lieu
pendant la période scolaire. Expliquer pourquoi certains
élèves musulmans ou juifs sont absents à certains
moments de l'année. Parler de Hanoukka, de Noël, de
l'Aïd ou d'autres fêtes c'est enseigner aux élèves
qu'il existe trois religions monothéistes. En faisant de
l'histoire nous enseignons l'origine, la chronologie, les lieux
d'où viennent ces trois religions monothéistes. C'est
aussi enseigner la raison d'être d'une cathédrale,
d'une synagogue, d'une mosquée ou d'un temple. L'explication
de l'architecture, de la statuaire, de la peinture permettra non
pas d'expliquer que Marie est la mère de Dieu mais qu'elle
a énormément inspiré l'art occidental.
Aborder la période des guerres de religion c'est aborder
les persécutions, les massacres dont furent victimes les
Protestants. C'est aussi montrer quelques différences entre
eux et les Catholiques. C'est expliquer pourquoi il y a eu cette
séparation dans le christianisme. Ce n'est pas du prosélytisme
c'est faire de l'Histoire. Cela permet aux élèves
de se constituer un patrimoine culturel empreint de religion qui
leur permettra de comprendre une grande partie de l'art de l'occident.
L'enseignement des faits religieux lié au monothéisme
nous permet-il de passer sous silence le polythéisme grec,
égyptien ou romain? Non, car ce serait passer à côté
de grandes manifestations de la pensée. Et puis nous pouvons
aborder ainsi des religions particulières telles que le shintoïsme
qui est une sorte de polythéisme plus actuel, moins éloigné
que les polythéismes de l'Antiquité. Enseigner les
différents aspects du bouddhisme c'est éviter bien
des erreurs liées à ce courant de pensées.
N'est-ce pas aussi le seul moyen d'éviter toutes les dérives
sectaires ?
Ainsi donc parler de Dieu aux jeunes n'est absolument pas le rôle
de l'enseignant dans une école laïque. En revanche,
enseigner le fait religieux c'est ouvrir leur esprit, enrichir leur
réflexion, élargir leur culture ce qui leur permettra
peut-être de rencontrer Dieu.
Rose-Marie Boulanger
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