Il est assez extraordinaire
de constater combien le cantique 150 du recueil « Louange
et Prière» qui a pour titre « A toi la gloire
» induit presque immédiatement l'adhésion
à un élan de vie, de conviction affirmée
par des mots qui tiennent si bien sur la mélodie. Non seulement
ce chant donne le ton à nos cérémonies, mais
il le donne en toute circonstance.
Que ce soit dans l'éclatante célébration
de la résurrection du Christ dans laquelle la nôtre
se cache, que ce soit dans les temps de vie personnelle où
nos bonheurs se construisent, comme aussi lorsque ces paroles
triomphantes viennent sur nos lèvres alors que la tristesse
emplit le cur et même, paradoxalement quand les larmes
coulent de nos yeux.
Ce cantique a une carrière. Il est un des plus connus.
Que ce soit dans nos Eglises protestantes qui ont toujours chanté
leur foi et la chanteront toujours : que ce soit dans la famille,
entre amis ou sur les lèvres d'un chanteur solitaire, on
peut vraiment dire qu'il « est » « le »
cantique de nos parents et aussi celui de nos enfants.
Nous courrons le risque parfois de le beugler sans prendre garde
aux paroles qui nous viennent, comme un poème, de manière
quasiment automatique. Il mérite bien sûr plus que
cela. En effet, si nous sommes encouragés à nous
exprimer avec élan, c'est bien que pour chaque chanteur,
il y a une impulsion qui se transmet et pousse en avant.
Lors de la participation au culte à l'Oratoire d'une
amie non protestante et venant du Japon, je lui avais demandé
si elle avait aimé nos cantiques. Elle me répondit
que « A toi la gloire » se chantait dans son pays
lorsqu'un sportif remportait une victoire !!! Je lui répondis
qu'au fond, chez nous, cela pouvait s'exprimer comme cela aussi.
Notre héros à nous (Jésus), ne fait pas que
nous réjouir de son succès, mais il nous entraîne
à sa suite afin que nous remportions, chacun, une victoire
analogue... Nous savons combien la musique est un facteur de communion.
« A toi la gloire » est même un cantique de
ralliement qui permet de se reconnaître entre nous sans
méconnaître Celui dont il est l'emblème.
L'amour parfait bannit la crainte. Craindrais-je encore ?
Werner Burki
Lauteur des paroles : Edmond Louis Budry (1854-1932)
La mémoire dEdmond Louis Budry sest perpétuée,
entre autres, à travers le cantique À Toi la gloire,
encore chanté au XXIe siècle avec la même
ferveur. Son auteur, né à Vevey (Suisse), le 30
août 1854, fait ses études générales
à Lausanne, puis de Théologie à la Faculté
de lÉglise Libre de cette même ville. Depuis
1881, il exerce son ministère en Suisse romande dans lÉglise
Évangélique libre du canton de Vaud dissidente
de lÉglise nationale réformée de Suisse
successivement comme pasteur des Églises Libres de Cully,
de Sainte-Croix, puis, de 1889 à 1923, de Vevey. Il meurt
dans sa ville natale, le 12 novembre 1932.
À côté de ses activités pastorales,
il est aussi traducteur et poète. Il adapte en français
des hymnes du répertoire allemand, anglais et latin. Certains
de ses textes sont dabord publiés dans le Recueil
des Chants évangéliques (paru à Lausanne,
en 1885). Ils connaîtront une large diffusion jusquà
nos jours, par exemple :
en France, dans le Recueil de Cantiques à lusage
des Églises évangéliques de France (nouv.
éd., 1923) ; Sur les Ailes de la Foi (1930) ; Louange
et Prière (1938, 11 occurences) ; Nos curs te chantent
(1979), Arc-en-Ciel (1988) -dont certains textes ont été
révisés en 1977 - ; À Toi la Gloire (sic)(1988);
Ensemble (2002).
en Suisse, dans : Chants joyeux (5e éd., 1942)
; Psaumes et Cantiques (1976, 7 occurrences) ; Vitrail (1992),
entre autres
Les sources dinspiration du pasteur-poète
Les mélodies associées à ses poèmes
ont été empruntées non seulement à
G. Fr. Haendel et W. A. Mozart (Les cieux et la terre célèbrent
en chur la gloire du Père, du Dieu créateur
,
Louange & Prière n°74), mais encore au fonds hymnologique
issu de la RÉFORME : Loys Bourgeois (1510/15-1560), Bartholomeus
Gesius (v. 1562-1613), Johann Schop (v. 1590-1667) ; issu du RÉVEIL
: César Malan (1787-1864) ; Hans G. Nägeli (1773-1836),
musicien, pédagogue et théoricien suisse alémanique,
influencé par la méthode de Johann Heinrich Pestalozzi
(1746-1827), et fondateur du Zürcher Singinstitut (Institut
de chant de Zurich), sans oublier quelques SOURCES POPULAIRES
: ancien air hollandais et Noël français du XVIIIe
siècle.
Parmi les thèmes traités par le pasteur-poète,
figurent la Passion, la gloire du Ressuscité, lEsprit
Saint ; le service, les missions
Ils se situent dans la
mouvance et le prolongement des Réveils, et dans la perspective
de lannée liturgique.
La victoire de la résurrection du Christ
Ce cantique -bien enlevé, énergique, évoque
lange qui roule « la pierre du tombeau vaincu »
et affirme la victoire et la Résurrection du Christ-, a
connu un succès international. Ayant connu une très
large diffusion, il se trouve encore au XXIe siècle dans
presque tout le répertoire officiel et traditionnel, dans
les recueils cuméniques de chants chrétiens
multilingues : Cantate Domino (Kassel, nouvelle éd., 1974),
publié sous le patronage du Conseil cuménique
des églises, et Unisono (Graz, 1997), à linitiative
des hymnologues suisses, le regretté Markus Jenny et Andreas
Marti ; de Franz Karl Praßel et du Cercle international
détudes hymnologiques. Il est chanté en de
nombreuses langues que nous recensons par ailleurs (voir encadré)
Edmond Budry a écrit en 1885 le texte français
qui passera à la postérité. La mélodie,
irrésistible grâce à son élan contagieux,
est empruntée à lOratorio de Georg Friedrich
Haendel (1685-1759): Judas Maccabaeus, sur le livret de Thomas
Morell, créé à Londres à Covent Garden,
le 1er avril 1747. Elle est extraite du chur : See the conquring
hero comes ! (3e acte), et se trouve aussi dans lOratorio
Joshua.
Voici la première strophe (L&P n°150), avec sa
structure mélodique répétitive :
1. À toi la gloire, O Ressuscité, A
2. À toi la victoire pour léternité
! B
3. Brillant de lumière, lange est descendu, C
4. Il roule la pierre du tombeau vaincu. D
5. À toi la gloire, O Ressuscité, A
6. À toi la victoire pour léternité
! B
Une puissante affirmation chrétienne
Le cantique À Toi la gloire a largement dépassé
le cadre du culte du Dimanche de Pâques -cest-à-dire
sa destination liturgique première affirmant la Résurrection
du Christ- pour gagner dautres circonstances. Toujours dans
loptique de la Résurrection, il peut être chanté
lors de services funèbres. Sa puissante affirmation chrétienne
et cuménique convient parfaitement à de grands
rassemblements ; parfois soutenu à la trompette, il gagne
encore en force. Il est aussi chanté traditionnellement,
le Dimanche proche du 24 août célébrant le
massacre de la Saint-Barthélémy et, notamment, à
lOratoire du Louvre, lors du dépôt dune
gerbe devant le Monument de Gaspard de Coligny (érigé
en 1889, situé au chevet du Temple, rue de Rivoli).
Qui, de nos jours, parmi les Chrétiens, chanterait par
cur : « See the conquring Hero comes ! »
? Dans ladaptation dEdmond Louis Budry, lincontournable
mélodie originelle célébrant la victoire
du héros Josué sert à glorifier la
victoire de Jésus, le Ressuscité. Rarement, un cantique
chrétien naura connu un tel retentissement.
Édith Weber
(Musicologue)
* Remaniement dun article dEdith Weber paru dans
la rubrique « Musique et Protestantisme », in : Bulletin-Chronique
de la Société Royale du Protestantisme belge n°44
Bruxelles, mars 2007.
Chanté dans de nombreuses langues :
- A toi la gloire, O Ressuscité (français, Edmond
Budry, 1885)
- Thine be theGlory, risen conquring song (anglais, Birche
Hoyle, 1923)
- Yours be the Glory, yours O risen friend (idem, F.Pratt Green,
1971)
- Herr, der dem Grabe seiggekrönt entstieg (allemand,
Johanna Meyer 1921)
- Die Auferstandner, seir de Lobgesang (idem, Fritz Gafner,
1989)
- A ti la gloria, o muestro Senor ! (espagnol anonyme)
- Christ è risorto, alleluia ! (italien, Mario Piatti)
- Budtobê slava, jenz jsi z mrt-vych vstal (tchèque,
Samuel Verner)
- U zij de glorie, opgestane heer ! (néerlandais, anonyme)
Autres textes de E.L.Budry
- Comme un enfant qui sert son père (Loys Bourgeois,
air des commandements), n°256 ;
- Le Maître est là (vieil air hollandais), n°378
; Les cieux et la terre (W. A. Mozart), n°74 ;
- O Seigneur ! ta voix mappelle (F. A. Schultz), n°254
;
- Que la moisson du monde est grande ! (César Malan),
n°222 ;
- Rends-toi maître de nos âmes (Johannes Schop),
n°171 ;
- Seigneur, à ton regard de flamme (G. Joseph, 1657),
n°284 ;
- Sur la croix où tu meurs (mélodie provenant
du recueil de Bartholomeus Gesius, 1604), n°132 ;
- Ton regard est sur moi (recueil de König, 1738), n°273
;
- Voici venir lorage (Noël français du XVIIIe
s.), n°458 ;
- Viens à la croix, âme perdue (L&P, supplément
belge), n°617.
Le cantique 150, que nous reproduisons ci-dessus, est extrait
de la 5ème édition du recueil « Louange et
Prière » éditée en 1962. Cest
en 1929 que la décision fut prise de réaliser un
recueil unique et une « Sous-Commission du Recueil commun
» fut constituée mais ce nest quen 1938
que parut la première version de ce recueil de «
Psaumes, Chorals, Cantiques et Répons liturgiques adoptés
par les églises évangéliques de France et
de Belgique ». Trois autres éditions ont suivi, dont
la 2ème en 1945 et la 4ème en 1957. Dans lédition
de 1945, le pasteur Marc Boegner soulignait que « lécoulement
de « Louange et Prière » ne sest jamais
ralenti au cours des années tragiques que nous avons traversées
». Ce recueil est toujours en usage à lOratoire
(avec le « Psautier français »), mais nous
avons dû en récupérer de nombreux exemplaires
en provenance déglises qui lavaient abandonné.
Vous pourrez ainsi trouver sur la page de garde de ceux que vous
utilisez le dimanche divers tampons, dont ceux de lEglise
de la Confession dAugsbourg dAlsace-Lorraine et du
temple dArcachon. Dans « Louange et Prière
», le cantique 150 fait partie de la liturgie de Pâques
; il est utilisé pour les louanges au Fils et il est adapté
aux cultes et réunions de jeunesse.