En cette fin dannée
1957, les douze pages mensuelles de la « Feuille Rose »
continuent dalterner les évènements heureux
et ceux qui le sont moins. Au nombre des premiers, on sen
voudrait de ne pas signaler la naissance dun Ciné-Club
à lOratoire qui fait la joie des jeunes fans du 7ème
art. Début novembre, à la séance inaugurale
qui se déroulait salle Monod, ils étaient une soixantaine
à assister à la projection du « Silence est
dor », de René Clair, « grâce à
un appareil aimablement prêté ».
Même satisfaction chez les louveteaux où vient
de voir le jour une troisième Meute. Cependant, on aimerait
bien trouver trois jeunes filles de plus pour « renforcer
lencadrement ». Même si elles nont aucune
formation de « louvetisme », précise-t-on.
Cette situation inquiète dailleurs le Conseil Presbytéral
qui déplore que « nos mouvements de jeunesse souffrent
dune insuffisance de cadres ».
Pour être passager, un évènement saisonnier
nen trouble pas moins, en cette fin novembre, le fonctionnement
des écoles bibliques. En effet, « par suite dune
épidémie de grippe qui les a disloquées,
nos écoles du dimanche et du jeudi nont pas encore
trouvé leur rythme de vie normal », déplore
la « Feuille Rose ».
Il y a 50 ans,
une colère
salutaire
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Pour saluer la venue de Noël, le pasteur Ducros, sinspirant
de Corinthiens 2 (vers.8.9) conclut ainsi son billet de 1ère
page : « Pour quil y ait joie sur terre, quelquun
a dû, de riche quil était, se faire pauvre
». La pauvreté justement, elle est à lorigine
de ce quil faut bien appeler «un coup de gueule »
du Président de la Clairière, M. Jean dAllens
: « Notre paroisse, écrit-il sans détour,
se trouve à la lisière dun des quartiers les
plus déshérités de Paris. Peut-elle rester
indifférente devant le spectacle de cet immense foyer de
misère, de souffrance et de déchéance humaine
qui sétale sous nos yeux ».
Il sagit, bien sûr, du quartier des Halles qui,
il y a cinquante ans, nabritait pas seulement le grand marché
de Paris, mais qui cumulait aussi toutes les tares de la société.
Un quartier dont la population laissée à labandon
avait le soutien de lOratoire « présent depuis
près dun demi-siècle ». Mais on est
loin du compte à lire Jean dAllens qui interpelle
rudement les paroissiens : « Notre amour pour nos frères
déshérités, le respect que nous leur devons
et la vigueur de notre révolte devant tant dinjustice
sociale peuvent-ils se contenter des moyens dont nous dotons la
Clairière ? ».
Dautant plus quà lépoque notre
solidarité sexerçait dans des conditions plus
que précaires : « Un local délabré,
meublé dun matériel brinquebalant. Une petite
poignée de paroissiens qui paient de leur personne. Un
budget de 1 500 00 fr ! Voilà comment se matérialise
laction sociale de lOratoire envers ceux quà
notre porte, le malheur, la maladie et le désespoir frappent
si durement ».
Cest quil était loin dêtre hospitalier
le quartier des Halles en 1957, avec son habitat insalubre, ses
immeubles délabrés et ses nuisances en tous genres
engendrées par la vie nocturne du marché. On comprend
mieux alors la publication, en page 2 de la «Feuille Rose
» dune petite annonce ainsi rédigée
: « Ménage échangerait 4 pièces, cuisine,
salle de bains, situées quartier des Halles, contre logement
équivalent dans un autre quartier ». Lannonce
paraîtra à plusieurs reprises dans notre Bulletin,
mais on ignore si elle a finalement séduit un candidat
à léchange.
Roger Pourteau