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Protestantisme,
ou protestantisme libéral ?

 

Les textes ci-dessous ont été commentés le 17 janvier lors de la 2e rencontre sur le christianisme libéral organisée par le Foyer de l'Âme et l'Oratoire.

À l'origine de ce choix de textes une question : est-ce que ce que nous appelons familièrement le « libéralisme » ne serait pas tout simplement « le protestantisme » dans son élan originel de remise en question de toute expression religieuse, et de toute idéologie ? Ce que Paul Tillich appelle « le principe protestant ».

Et une constatation : la vie spirituelle, le message de délivrance, la piété et le Soli Deo Gloria font partie de ce mouvement initié par la Réforme et réactualisé par les penseurs de la théologie libérale au XIX' siècle comme aujourd'hui.

Nous livrons ces citations à votre méditation.

Jean-Michel Perraut

Qu'est-ce que le principe protestant ?

« De même que les attaques des prophètes de l'Ancien Testament contre l'ordre religieux et contre l'ordre social de leur temps constituaient leur préoccupation principale, le principe protestant a pour fonction centrale de découvrir et de dénoncer les idéologies installées, les "idoles" politiques ou religieuses. La théologie devrait avant tout découvrir le caractère divisé et ambigu de la nature humaine et sa tendance à s'abandonner à une idéologie ».

« Il est un principe du protestantisme qui se situe au-delà de toute réalisation protestante concrète. Ce principe est la source critique et dynamique de toutes les réalisations protestantes, mais il ne s'identifie avec aucune de ces réalisations. Il ne peut être contenu dans une défi-nition et ne saurait être épuisé par une religion historique. Il n'est l'équivalent ni de la Réforme, ni du christianisme primitif, ni d'aucune autre forme religieuse en particulier. Il les transcende tous, comme il transcende aussi toute forme culturelle. Il peut néanmoins se manifester dans chacune de ces formes religieuses ou culturelles. Il en constitue la force vive et dynamique. C'est de lui qu'il est communément admis qu'il habite le protestantisme historique de façon particulièrement intime. Le principe protestant... contient la protestation divine et humaine contre toute prétention à l'absolu qui serait élevée en faveur d'une réalité concrète dans l'histoire... Le principe protestant est le juge de toute réalité religieuse et culturelle, y compris de la religion et de la culture appelées "protestantes".

Paul Tillich
GW VII eg Der Protestantismus ais
Kritik und Gestaltung »

« Pour le protestant la vie spirituelle est un absolu qui ne saurait être subordonné aux organisations, aux doctrines et aux rites dans lesquels il s 'incarne et se réalise ; le christianisme est une vie issue de Jésus-Christ et se renouvelant dans l'âme de ceux qui se confient en lui; c'est une façon de vivre, ou plus exactement encore une façon d'être, « une reconstruction de notre personnalité sur le type de celle de Jésus-Christ ».

Le protestant est donc plus profondément enraciné que tout autre chrétien dans le sol de la tradition ; mais il ne pense pas que celle-ci ait pour objet d'assurer l'immutabilité d'une forme rituelle ou la pérennité d'une conception doctrinale, il pense qu'elle doit assurer la permanence d'une forme spéciale de la vie, - celle-là même que Jésus appelait, d'après le IVe Évangile, «la Vie éternelle». Sans doute, le protestantisme n'ignore pas que cette vie spirituelle ne saurait se manifester, et bien moins encore se transmettre, sans engendrer une organisation, un culte, une doctrine ; mais le christianisme, ou, plus exactement, ce qui fait le chrétien, n'est à ses yeux ni de l'ordre ecclésiastique, ni de l'ordre cultuel, ni même de l'ordre doctrinal, mais essentiellement de l'ordre spirituel.»

A.N. Bertrand
« Protestantisme »
Ed. Labor et Fides.1985
Pages 30-31

Un message de délivrance

La pensée protestante, enracinée dans la lecture de la Bible, fut et est encore reçue comme un message libérateur. L’amour et le pardon de Dieu ne dépendent pas, ne dépendent plus, de moi, ni d'un quelconque mérite ou effort de ma part, mais de l’œuvre accomplie une fois pour toutes par le Christ, c'est-dire le Messie et le Sauveur. C'est en Jésus, plus particulièrement, que Dieu nous rencontre et nous parle; telle est la vérité chrétienne de l'Incarnation. Mais, pour les protestants, c'est en Jésus seul que l'on se découvre et se reconnaît sauvé sans aucune action ni aucun mérite de notre part. Cette Bonne Nouvelle (évangile vient d'un terme grec qui signifie "bonne nouvelle"), qui nous arrache à la terreur du péché, de la mort et de la perdition, explique une part essentielle du succès de la cause protestante. Je suis délivré de la préoccupation traumatisante et de l'obsession culpabilisante de mon salut. Ce dernier ne repose plus sur moi, mais sur Dieu seul en Jésus. C'est pourquoi aucun intermédiaire - ni Marie, ni les saints, ni le clergé représenté par le pape n'est pour rien dans mon salut et ne saurait être vénéré et être l'objet d'un culte. Dieu seul est Dieu. »

Laurent Gagnebin Le Protestantisme» Ed. Flammarion.
Coillection « Dorninos» .1997
Pages 17-18

Piété protestante

« Aussi, la piété protestante porte t-elle sa ferveur vers le Père, dispensateur de la foi et du salut. Ce don prodigieux ne transforme pas le croyant en une créature prostrée, contemplant sa turpitude et gémissant sur des bienfaits immérités. Il entame avec son Dieu un étrange et vigoureux dialogue où parfois il réclame à son créateur des bontés multipliées: Il Dieu ne souffre (tolère) plus seulement mais prend plaisir que nous traitions avec lui comme de notre droit et il ne nous renvoie pas à son autorité absolue comme font les môstres (de) leurs mercenaires et les Rois (de) leurs sujets...

C'est ainsi que le somptueux et baroque Agrippa d'Aubigné comprend sa relation avec Dieu. Et fièrement, il se dresse devant les "méchants" (lire : les catholiques) éclatant d'insolentes certitudes :

"Qui es-tu, dit le méchant (c'est-à-dire le papiste), que Dieu soit tenu à ta conservation, lui qui est si grand et si haut ? Et puis quelles sont tes oeuvres ? Et c'est sur ce poinct qu'il les met devant nos yeux, pour les faire voir en grand nombre, indignes de pitié et coupables d'éternelle mort. En ce besoin le fidèle (le protestant) lève les yeux, les mains, le coeur et toutes les vigueurs de son âme vers Dieu pour soupirer ainsi : Gracie-moi, ô Dieu tort, car je me suis retiré vers toi. C'est bien contre les discours humains que de dire: Tu m'os fait du bien, Il est donc raisonnable que tu m'en fusses davantage. Le trafic du monde conclue bien autrement, et dit : Je t'ai fait du bien, tu ne m'en as point remboursé, il est donc raisonnable que je cesse de bien faire jusques à ce que j'aye tiré de toi quelque utilité ; mais voici une autre procédure, qui est de l'école de la Foi. »

Les citations d'Agrippa d'Aubigné sont extraites de le Méditation sur le Psaume XVI.

Janine Garrisson
« L'homme protestant ».
Ed. Complexe. 1986
Page 77

Son Deo gloria

« Les protestants ont pris comme devise : sol! Deo gloria, à Dieu seul la gloire. Dieu seul est Dieu ; en dehors de lui, rien n'est sacré, divin ou absolu. Il dépasse tout ce que nous pouvons voir, toucher, penser et imaginer. Il ne se confond pas avec ce qui manifeste sa présence. Il existe toujours une distance et une différence entre ce qu'il est et ce qui l'exprime. On doit, par conséquent, sans cesse se révolter contre ce qui prétend le représenter et le définir. Il faut obstinément se refuser à identifier et à assimiler la réalité divine avec les signes qui nous en sont donnés. La "protestation protestante" consiste, d'abord, me semble- t-il, dans cette révolte et ce refus. »

André Gounelle
Protestantisme : les grands principes»
Ed. Les Bergers et les Mages. 1998
Page 12

 

 

 

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Article tiré du bulletin de l'Oratoire du Louvre à Paris

 


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