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Pâques. La pierre roulée
Qui nous roulera la pierre ?
La pierre avait été roulée
Marc 16
Ce qui rend le présent pénible,
ce qui obstrue l'avenir, ce qui entrave notre marche est souvent associé
à l'idée de pesanteur: une pierre sur mon chemin, un
fardeau sur les épaules, une montagne d'obstacles,... expressions
significatives.
Mais quelle image plus réelle encore nous est donnée
quand nous traversons un cimetière : pierres dressées
ou pierres couchées, marbre lisse ou granit sommairement
taillé, caveaux de famille nous sont autant de signes d'existences
tranchées et d'affections blessées par le deuil.
Or les tombeaux ne manquent pas dans l'Ecriture, tombés
clés patriarches et des rois qui " se couchent avec
leurs pères ", sépulcres des prêtres et
des prophètes, et celui de Lazare, et celui de Joseph d'Arimathée,
où est déposé Jésus. Une pierre en ferme
l'entrée. Imposante, écrasante, redoutable: "
Qui nous roulera la pierre? " gémissent les saintes
femmes.
Ce roc aurait pu marquer la fin de l'aventure évangélique,
ce tombeau devenir un monument; il est absurde, à notre point
de vue, d'en avoir érigé par la suite, à clés
fins de propagande confessionnelle et de tourisme religieux ! Après
avoir suscité la question angoissée de Marie-Madeleine,
Marie, mère de Jacques et de Salomé, toutes à
leur souci d'embaumement, - symbole par excellence de ce qui fige
en lui-même le chagrin, - le tombeau est pour toujours voué
à l'inutilité et à l'oubli.
La pierre a été roulée... Ce qui fermait l'avenir,
l'ouvre désormais, ce qui appesantissait le zèle des
disciples le stimule, ce qui attrait pu attirer l'attention est
dépassé. Le regard et la pensée doivent être
dirigés ailleurs. Même le tombeau vide n'est pas fait
pour qu'on s'y installe, pour qu'on l'inspecte, pour qu'on en tire
argument...
La pierre a été roulée, et c'est ailleurs
que les apôtres sont envoyés, en Galilée notamment,
dans la Chambre haute, sur le chemin d'Emmaüs; c'est en ces
lieux si familiers, que Jésus les rencontre à nouveau
et d'une manière nouvelle ; c'est là que leur déception
s'efface devant une perception renouvelée de la Présence,
que leur désolation fait place à la consolation et
que, selon la promesse de l'Ami, leur " tristesse est changée
en joie ".
La pierre de nos tombeaux illustre aujourd'hui encore le terre-à-terre
de vies sans horizon, la fixation sur le passé, une conception
exclusivement biologique clé notre destinée. Il n'est
que d'entendre les propos sur la " vie rendue " grâce
à des greffes d'organes et d'observer la fascination exercée
sur les foules par l'irrésistible marche en avant du progrès
scientifique, médical surtout, pour s'en convaincre.
Roulée, par contre, la pierre de nos doutes et de nos prétentions,
de nos deuils et de nos dépressions, lorsque nous reconnaissons
que ce sont nos curs qui sont vides, et nos âmes arides;
oui, autre chose peut nous être prodigué que le parfum
de nos pauvres souvenirs.
Voici un mourant qui prend congé des siens avec une immense
gratitude, voilà un malade qu'aucun diagnostic n'empêche
de réconforter ceux qui viennent à lui, et il est,
Dieu merci, clés savants qui ne se servent de leur terrible
pouvoir que dans un immense Respect de la Vie.
On disait autrefois : " Faire ses Pâques ". Nous
croyons au contraire que " Pâques nous fait ". Ou,
mieux, qu'il fait de nous des êtres enfin vivants.
Jean-Jacques MAISON
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