Saurez-vous aux heures secrètes,
Ecouter à lâtre fumant,
La voix malicieuse et fluette,
Dun vieux poêlon qui va contant,
Les confidences quune Marthe,
Aux mains fiévreuses et discrètes,
Et au grand cur de pélican,
Lui fait quotidiennement ?
Entre le sucre et la farine,
Lhuile et le morceau de choix,
Le haricot la pomme de pois,
Et toute lépicerie fine,
Combien de peines, combien de joies,
De soucis sur les pâles mines
Denfants aimés et dun mari,
Seront tombées en litanies
Au cur de loutil ancillaire !
Et témoin de la ménagère,
Le poêlon ne pourra se taire
Sur ce grand uvre séculaire
Qui a loffice saccomplit.
Alors dira-t-il aussi,
Il quune main sessuie,
Pour saisir dessus létagère
Une Bible à tranche jaunie.
Et de la tâche à la prière,
Monte la voix de Marthe émue
Qui chante en pensant à Jésus
Un psaume aux profonds accents.
Puis les versets de son cher Livre,
Parole du Dieu de ses pères,
Comme le pain rompu naguère,
Lui redonnent la joie de vivre.
Et Marthe dans sa cuisine,
Vite à louvrage se remet,
Et continue daimer, aimer
Mais dans cette remise antique,
Unique objet de notre temps,
Une radio en bakélite
Brise la douceur du moment.
Et Marthe pleure au son des guerres,
Et Marthe prie pour la misère,
Et Marthe écoute et ne peut faire
Que ce quelle fait : servir les gens !
Lors le poêlon compatissant,
Abandonnant sa mise austère,
Se transforme en grand plat dargent
Pour annoncer la fin des temps
Et Marthe se met à danser,
Offrant sur ses mains élevées,
La coupe que Dieu le Père
A promise à tous ses enfants
Tous ces enfants