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Le Libéralisme théologique dans l’ERF
et dans la future EPUdF (Eglise protestante unie de France – Communion d’Eglises luthérienne et réformée)

 

Dans la perspective de la constitution d’une Eglise unie entre luthériens et réformés, quelle sera la place du courant libéral ? Quelle a été sa place dans le passé, et quelles précautions faut-il prendre pour l’avenir ? C’est ainsi que j’ai compris la question posée. Sans entrer dans les détails (je ne suis pas assez historien, ni assez théologien), je vais essayer de l’aborder à partir de mon expérience et des préoccupations qui ont été les miennes comme conseiller juridique.

Je remonte d’abord au début du 19ème siècle, pour m’arrêter à 1848…

1848

Le 19ème siècle a commencé dans un climat libéral, influencé par la « philosophie des Lumières ». Daniel Robert a proposé d’appeler « pré-libéraux » les libéraux de la première moitié du 19ème siècle. Ils ne contestent pas formellement les affirmations doctrinales du 16ème siècle, ils se contentent de les réinterpréter et de les atténuer, sans les nier pour autant*. A titre d’exemple, je cite cette lettre de pasteurs libéraux de Paris et de Lyon, annonçant la création du journal Le Lien*. Ils énoncent leurs croyances qui étaient, disaient-ils, celles de l’immense majorité des fidèles : Nous croyons que cette œuvre a pour point de départ la miséricorde de Dieu, et pour moyen l’ensemble de la mission divine du Christ, savoir : sa parole, sa vie, son sacrifice, sa mort volontaire et sa résurrection glorieuse. Nous croyons à la divinité du Christ, comme fils unique et seul médiateur entre Dieu et les hommes, en rejetant la doctrine athanasienne de la trinité, et en admettant que la foi sur cette doctrine doit s’arrêter à la limite posée par le Seigneur lui-même, quand il dit : « Personne ne connaît le Fils que le Père. » (Saint Matth. XI, 27). Ils se présentaient donc comme orthodoxes, adeptes d’une « orthodoxie moderne », tout en refusant les Confessions de foi obligatoires.

Mais le « Réveil », préoccupé par l’action (voir le nombre d’œuvres alors créées), va être en même temps un mouvement de retour à certaines doctrines de la dogmatique du XVIème siècle, tout en faisant appel au sentiment plutôt qu’à la raison ; il va devenir de plus en plus important. Si les débats sont parfois vifs, ils restent courtois pendant la première moitié du siècle et ne remettent pas en cause l’unité de l’Eglise. Le climat aura bien changé en 1872 !

L’année 1848 est une date charnière. Les protestants crurent le moment propice pour obtenir des modifications aux Articles organiques de 1802. Certains souhaitaient la Séparation des Eglises et de l’Etat, à laquelle les libéraux étaient opposés.

Il y eut cette année une assemblée générale tenue à Paris-Oratoire. Ce n’était pas un Synode national ; le mode de désignation des délégués a été quelque peu improvisé et d’ailleurs contesté. Il y avait une majorité de libéraux. L’assemblée décide  qu’il n’y aura pas de discussion doctrinale, donc pas de Confession ou Déclaration de foi (80 votants : 67 voix pour et 6 contre). Cette décision entraîne le retrait d’Agénor de Gasparin* et de Frédéric Monod*. Ils affirment que la scission, ce n’est pas grave, et surtout que ce n’est pas la guerre entre les personnes. Chacun écrit une lettre qui exprime le respect pour ceux dont ils se séparent et l’amour fraternel qu’ils leur conservent.

Textes 1 et 2

L’Assemblée vote (80 votants, 73 pour et 7 abstentions) une Adresse aux Eglises qui manifeste la volonté de vivre ensemble.

A Genève, en 1850, Scherer* vire au libéralisme. Il passe du strict revivalisme au libéralisme extrême. Colani* fonde la Revue de Strasbourg. Le débat devient plus vif. Peut-on être pasteur et nier la résurrection ? En lisant cela aujourd’hui, la question qui surgit est celle-ci : qu’entend-on par résurrection ? Il ne me semble pas que cette dernière question ait été évoquée à l’époque, mais je peux me tromper. Au cours des années qui suivent, les libéraux perdent du terrain à cause des excès des extrémistes, dont ils refusent de se désolidariser.

Les évangéliques (ils s’appellent désormais ainsi) demandent la rédaction d’une Confession de foi, qui serait acceptable pour les libéraux modérés et qui écarterait les extrémistes. C’est dans ce but qu’ils souhaitent obtenir la réunion d’un Synode national.

Le Synode de 1872*

Le décret de convocation est signé le 29 novembre 1871 par le Président de la République, Adolphe Thiers. Les 103 consistoires sont répartis en 21 circonscriptions synodales*. Chaque consistoire élit un pasteur et un laïque qui le représentent au synode de sa circonscription. Les synodes particuliers élisent leurs délégués au Synode général.

Le XXXe Synode général de l’Eglise Réformée de France se réunit le 6 juin 1872 au temple du Saint-Esprit (la première session durera jusqu’au 10 juillet). Le modérateur est le pasteur Charles Bastie (de Bergerac).

A la lecture des Actes, publiés en 1873, on constate que les mots « droite » et « gauche » ne sont pas employés dans un sens figuré, mais désignent effectivement la manière dont les membres du synode se sont répartis dans le temple du Saint-Esprit.

La compétence du synode

Avant le synode, est publiée une déclaration du consistoire de Lyon, qui demande que le Synode ne s’occupe que de la préparation d’un nouveau synode (circonscriptions synodales, mode de répartition des suffrages) qui sera une représentation vraie et autorisée de l’Eglise. En attendant, qu’il s’abstienne surtout d’édicter une confession de foi obligatoire et exclusive.

Texte 3

Le décret de convocation vise la loi du 18 germinal an X, les décrets du 26 mars et du 10 novembre 1852, aucun de ces textes ne mentionnant le synode général (ou national). Il sera possible d’affirmer que ce silence ne valait pas suppression du synode national, que le gouvernement était donc fondé à convoquer celui-ci. Cependant aucun texte ne définissait les pouvoirs du synode, sauf à considérer que sur ce seul point l’ancienne Discipline restait en vigueur ! Ce sera l’enjeu d’une vive discussion qui occupera plusieurs séances du synode.

En 1871, le consistoire de Nîmes était crédité de 17 000 protestants, alors que le consistoire de Nérac n’en recensait que 1500. Ils ont été représentés de la même manière dans leur synode particulier. La seule différence était que les synodes particuliers voyaient leur représentation tenir compte aussi du nombre de pasteurs. Mais les disparités restaient importantes : 1 délégué au SG pouvait représenter, selon les cas, un peu plus de 6000 protestants, ou près de 12 000 !

La discussion se conclura le 13 juin. Les arguments et réserves des libéraux sont écartés par un vote (61 voix pour, 45 ou 46 contre, la majorité des 2/3 des votants étant au moins de 71, mais cette règle n’était pas en vigueur)*.

Je note ici les majorités successives :

 

 

Votants

Pour

Contre

Compétence du synode

13 juin

106 ou 107

61

45 ou 46

Déclaration de foi

20 juin

106

61

45

Adhésion des pasteurs

8 juillet

101

61

39

Conditions pour les électeurs

26 juin

 

79 ou 80

 

Déclaration de foi

Le projet a été préparé et est présenté par Charles Bois*. La discussion dure une semaine (du 13 au 20 juin). Déclaration des libéraux qui affirment que l’union qu’ils désirent n’exclut pas les diversités, même graves*,

La Déclaration de foi a été adoptée au cours de la séance du 20 juin 1872. Les libéraux modérés ont voté contre, pas nécessairement par hostilité au texte lui-même, mais par opposition au principe d’une déclaration de foi obligatoire, en tout cas pour les pasteurs.

Le 26 juin, la discussion s’engage sur ce qui sera demandé à l’électeur. Le Synode adopte finalement la formulation suivante : Sont électeurs… ceux qui déclarent rester attachés de cœur à l’Eglise réformée et à la vérité révélée contenue dans les Livres sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testaments*.

Le 6 juillet, au cours de la discussion sur la formule d’adhésion demandée au candidat au saint ministère, G. de Clausonne (de Nîmes, vice-modérateur), et ses amis du centre gauche proposent un formulaire d’adhésion, avec le désir de retrouver la majorité de 79 ou 80 voix qui avait été réunie le 26 juin. Mais cette proposition n’est pas adoptée* et finalement, le 8 juillet, le synode décide : Tout candidat au saint ministère devra, avant de recevoir la consécration, déclarer qu’il adhère à la foi de l’Eglise telle qu’elle est constatée par le Synode général*.

Cette décision est prise par 62 voix pour et 39 contre – 101 votants : les chiffres ne sont pas très différents de ceux observés les 13 et 20 juin ; on peut seulement remarquer que, si le nombre de voix « pour »est resté stable, les voix « contre » sont moins nombreuses, ce qui s’explique peut-être par la lassitude des libéraux : le débat sur le caractère obligatoire de l’adhésion à une déclaration de foi dont ils contestent la légitimité ne les intéresse plus !

Le Synode termine ses travaux en adoptant un projet d’Articles organiques (devant remplacer les articles applicables au culte réformé dans la loi du 18 germinal an X) et un projet de Règlement. Avant de se séparer, il adresse aux Eglises une lettre, lettre à laquelle la minorité libérale ne s’associa pas*.

Seconde session (20 novembre-3 décembre 1873)

A l’ouverture de la session, 63 membres sont présents. Le modérateur donne lecture de la lettre adressée par les libéraux membres du Synode, en leur nom et au nom des 42 consistoires* qui ont protesté contre les décisions prises. Ils annoncent qu’ils ne prendront pas part à la suite des travaux du synode, sauf si celui-ci déclare que la Déclaration de foi n’est qu’une déclaration de principe et qu’elle ne pourra être imposée à personne dans l’Eglise réformée.

Texte 4

En réponse à cette lettre, le professeur Bois propose un ordre du jour qui est une fin de non-recevoir : les signataires demandent au synode de se déjuger, ce qu’il ne peut faire !

Publication de la Déclaration de foi

Le gouvernement autorisera la publication la Déclaration de foi par le décret du 28 février 1874 ; il ne jugera jamais utile de donner suite au projet d’Articles organiques.

Mais un arrêté et une circulaire ministériels du 22 décembre 1872 ont mis en vigueur, pour les élections presbytérales, la résolution du Synode général précisant les conditions d’inscription. Il n’est rien demandé de plus à ceux qui sont élus au Conseil presbytéral.

L’assemblée de 1848 a vu la victoire des modérés. Seuls quelques évangéliques se séparèrent, non sans courage, pour constituer les Eglises libres. En 1872, l’intransigeance a gagné : victoire de la droite et centre-droit sur la gauche qui est restée solidaire de ses extrémistes et, surtout, fidèle à son principe de refuser une déclaration de foi obligatoire.

1938

Après la Grande Guerre et la fraternité des tranchées, alors que le mouvement œcuménique devient une nouvelle dimension de la vie des Églises, les divisions entre réformés paraissent anachroniques. D’autres questions se posent, dont la montée des totalitarismes. On parle de « réunification » ou de « remembrement » de l’Église réformée de France.

Les deux Synodes nationaux ER et ERE de juin 1933 engagent le processus en  juin 1935. Il aboutira en 1938 (avril pour l’assemblée constituante, juin pour le synode ERE, décembre pour le 31ème synode ERF).

Sans me lancer dans une étude comparative des Déclarations de foi de 1872 et de 1938, je relèverai ceci : la Déclaration de 1938 est plus liturgique, doxologique ; elle n’a pas l’aspect un peu sec d’un catalogue de vérités auxquelles il faut adhérer*. Même si elle n’est pas destinée à être utilisée comme confession de foi au cours du culte dominical, elle trouve naturellement sa place, sans rupture de ton, au début d’un synode ou lors d’un culte de reconnaissance de ministère.

L’adhésion des pasteurs à cette déclaration de foi a été reconnue comme nécessaire et cela a été accepté par tous. Mais pour éviter une adhésion de pure forme, elle devait et doit toujours être précédée par cet avertissement : « [Cette déclaration de foi] vous rappelle, en même temps que les principes permanents de la Réforme, les faits et vérités sur lesquels est fondée l’Eglise de Dieu. Vous lui donnerez votre adhésion joyeusement, comme une libre et personnelle affirmation de votre foi. Sans vous attacher à la lettre de ses formules, vous proclamerez le message de salut qu’elles expriment ». Une fraction des « évangéliques », voyant dans cette formule la porte ouverte à toutes les dérives, demeura en dehors de l’unité et constitua l’Union des Églises Réformées Évangéliques Indépendantes (devenue, en 2009, Union nationale des Eglises protestantes évangéliques de France).

A propos du Préambule, je voudrais souligner une difficulté de vocabulaire. La Déclaration de foi est placée dans le Préambule des statuts de l’Unac-ERF et, dans la liturgie de reconnaissance, elle est introduite par le Préambule dont le texte vient d’être rappelé.

1951

La question du baptême a fait également l’objet de vifs débats, entre partisans du baptême des petits enfants, signe de la grâce de Dieu, et partisans du seul baptême des adultes. En 1951, le Synode national a admis que les deux pratiques étaient légitimes ; il a interdit qu’une région, un consistoire, une Église locale excluent l’une ou l’autre de ces pratiques, et a décidé que les pasteurs qui, pour des raisons de conscience, estimeraient ne pas pouvoir baptiser les petits enfants, ne pourraient exercer leur ministère dans notre Église que s’ils obtenaient une autorisation donnée par le Synode national*. Même si cette décision n’est intervenue qu’en 1951 (mais il y avait eu les années de guerre, avec d’autres préoccupations), cette décision est à mon sens aussi importante. Elle participe au caractère pluraliste de l’ERF et fait partie du pacte fondateur. Si 1938 a mis fin (d’ailleurs incomplètement) au schisme de 1872, 1951 a évité un autre schisme.

1961

Modification de la base théologique du COE. Depuis la création de celui-ci, la base était ainsi rédigée : « Le Conseil œcuménique des Eglises est une association fraternelle d’Eglises qui acceptent notre Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur. » Ce texte devait être remplacé par : « Le Conseil œcuménique des Eglises est une association fraternelle d’Eglises qui, selon les Saintes Ecritures, confessent le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur, et s’efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation, pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit ».

Dans son rapport, le président du CN (Pierre Bourguet) affirme : L’occasion est offerte au Synode d’accomplir un geste que je crois nécessaire pour toutes sortes de raisons : indiquer sans forfanterie, mais indiquer quand même que notre unité interne nous semble aussi importante que notre désir de comprendre les souhaits de nos frères de Norvège ou de l’Eglise orthodoxe.

Décision n° 22 du SN de Valence-1961 : Le Synode, soucieux de rappeler le caractère pluraliste de l’ERF, recommande à ses délégués à l’Assemblée générale du COE à New-Dehli, au moment où ils accepteront la modification de la base théologique de ce Conseil, de faire valoir que cette acceptation est comprise dans l’esprit qui a présidé à la promulgation de la Déclaration de foi de 1938 et de son préambule (unanimité des votants : 56 voix). NB : c’est moi qui souligne pluraliste et préambule.

1991

Le SN a comme sujet principal : « L’ERF dans le Conseil œcuménique des Eglises et dans le mouvement œcuménique ». C’est dans le rapport de J.-M. Prieur que, à propos du dialogue avec les Eglises non membres du COE, sont mentionnées les Eglises qui sont gênées par un aspect ou l’autre de la base du COE, p. ex. sa formulation trinitaire*.

Des membres libéraux du synode, faisant écho à la remarque de J.-M. Prieur, proposent que le Synode demande au COE d’examiner la possibilité d’agréer les Eglises Protestantes Unitariennes d’Europe de l’Est*, demande qui conduit Bernard Bordes (invité au titre des EREI) à s’inquiéter d’une éventuelle remise en cause de la confession de foi trinitaire, sous couvert d’un accueil des Eglises Unitariennes, qui risquerait d’écarter d’autres*. A ce propos, mais au cours d’une séance ultérieure, Hubert van Beek, invité au titre du COE, salue la tonalité du texte de projet de décision. Il regrette seulement que la seule référence aux Eglises de l’Europe de l’Est ait trait aux Eglises Unitariennes, compte tenu du bouleversement auquel on assiste cette région du monde et de l’attente des Eglises*.

La décision 37 (68 voix pour, 0 contre) demande au COE de considérer la possibilité d’agréer en son sein les Eglises protestantes unitariennes d’Europe de l’Est…

Que cette demande n’ait pas été suivie d’effet par le COE (comment cela aurait-il été possible sans modifier la base ?) n’empêche pas que la demande a été officiellement formulée par un vote du SN, à l’unanimité des votants, la remarque de B. Bordes n’ayant pas été prise en considération et celui qui était invité au titre du COE n’ayant formulé aucune objection à ce sujet.

… et dans la future Eglise protestante unie ?

Depuis 1938, le pacte qui a permis ce que l’on a appelé le « remembrement » de l’ERF a été respecté. Non seulement il a été respecté mais, en plus, il a été rappelé (on pourrait dire qu’il y a eu des piqûres de rappel), notamment en 1961 et en 1991.

Le Conseil national, dans ses compositions successives, et spécialement ceux qui l’ont présidé, y ont toujours été attentifs. Les déclarations de Pierre Bourguet, en 1961, sont particulièrement éclairantes.

La constitution de l’Eglise unie peut être l’occasion d’une nouvelle piqûre de rappel, mais il convient naturellement d’être attentifs.

Je me suis reporté au document d’information n° 1 présenté aux synodes SG et SN 2008*.

Je relève les points suivants. La Déclaration de foi et les livres symboliques luthériens conservent leur rôle. Le projet d’union prend ses racines dans le modèle de communion proposé par la concorde de Leuenberg. La Déclaration d’union ne remplacera les textes confessionnels, mais affirmera que ces textes expriment la foi de l’Union.

Les régions, ou inspections garderont - au moins au début - un caractère confessionnel. Les textes constitutionnels de l’Union prévoiront des dispositifs de représentativité et de consensus destinés à préserver les droits des minorités (avec une surreprésentation des luthériens). Il est proposé en particulier que les dispositions « fondatrices » ne puissent être modifiées qu’après un avis unanimement favorable des divers synodes régionaux et d’inspection*.

Deux réseaux confessionnels seront reconnus, qui continueront à se référer pour partie chacun à un document spécifique (Discipline pour nous). Au sein du SG/SN, deux collèges confessionnels seront instaurés afin que puissent continuer à être prises les décisions modifiant les dispositions maintenues soit de la Constitution (EELF) soit de la Discipline (ERF)*. La liturgie fait aussi partie du bloc de constitutionnalité ; cela est d’ailleurs explicitement mentionné* dans la partie intitulée : Orientations générales.

Il y aurait une Commission des ministères unique. Elle rencontrerait les candidats qui devraient faire un commentaire personnel de la déclaration de foi de l’ERF ou d’un livre symbolique luthérien. Il y aurait des commissions régionales d’accompagnement des ministres*. Dans cette partie (Vers une Eglise protestante unie – Propositions du groupe de travail des Commissions des ministères), je n’ai pas vu la mention du Préambule de la Déclaration de foi, alors même qu’on envisage une liturgie unique de reconnaissance de ministère-ordination*.

Il faut souligner que, dans les textes ERF, ce Préambule n’est mentionné nulle part ailleurs que dans la liturgie de reconnaissance du ministère d’un ministre. Il faudra donc prêter une attention particulière à la rédaction de la liturgie de reconnaissance-ordination, d’autant qu’elle sera sans doute de la responsabilité de la CdM et du SG-SN, et que les collèges confessionnels n’auront pas nécessairement à intervenir, sauf s’il y a des parties de cette liturgie commune auxquelles seront conservées leur caractère confessionnel. La présence du Préambule devrait être mentionnée lorsqu’on parle de la liturgie « commune » de reconnaissance de ministère-ordination*. Car il ne suffit pas de mentionner, en passant, le Préambule (nous avons vu que cette expression peut être source d’ambiguïté), il vaudrait mieux que son texte soit cité. Cette liturgie pourrait être commune, mais en conservant quelques éléments confessionnels qui resteraient de la compétence de chacun des « collèges confessionnaux ».

Curieusement, dans la liturgie ERF, ce Préambule et la Déclaration de foi ne sont pas conclus par une adhésion explicitement formulée par le ministre. La liturgie se poursuit par les engagements qui ne font aucune allusion à la Déclaration. Mais nous entendons ce qui n’est pas dit et que tout le monde a en tête ! Mais il reste qu’il y a deux Préambules, et qu’il faut être précis quand on emploie ce terme.

Donc, affaire à suivre !

Il y aurait en outre une clause de « sauvegarde théologique*, permettant que, si les membres d’un collège confessionnel (luthérien ou réformé) au sein du synode national unique, considèrent qu’un texte proposé met en cause la confession de foi ou les principes ecclésiastiques  auxquels ils se réfèrent, ils pourront obtenir que la question ne soit pas soumise au vote immédiatement, mais soumise pour consultation à une commission théologique et reportée pour décision à la session suivante, la décision ne pouvant alors être prise qu’à la majorité des 3/4 des voix.

Il me semble qu’il y aurait là une garantie que soit maintenu le pluralisme théologique et donc la place du courant libéral dans l’Eglise protestante unie. Cette clause pourrait être invoquée en ce qui concerne le Préambule.

Bien entendu, il faudra continuer à regarder de près les textes. Pour le moment il ne s’agit que d’un texte dont les deux Synodes ont approuvé les orientations générales. Mais il y aura les détails !

 

 

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Annexe

Quelques textes, trop longs pour être placés dans le texte sous forme de citation, dont il me paraît utile de donner de larges extraits.

Texte 1

Agénor de Gasparin, 1848

Votre bienveillance m’impose un devoir. Je ne veux pas vous quitter sans vous offrir l’expression de ma gratitude et de mon affection.

J’emporte du milieu de vous un souvenir précieux. Oui, il y a quelque chose de commun entre nous, et j’espère ne l’oublier jamais. La scission, ce n’est pas la guerre, et surtout ce n’est pas la guerre entre les personnes… […] Ce n’est pas sans une profonde émotion que je me sépare de vous. Veuille le Seigneur nous réunir tous bientôt dans la même foi, dans la même profession, et par conséquent dans la même Eglise ! Je le lui demande avec ardeur, et je vous prie, messieurs, de croire à mon dévouement respectueux.

Texte 2

… et Frédéric Monod (1848)

[…] J’ai besoin de dire aussi que l’impossibilité où je me trouve de concourir à l’œuvre constituante du Synode laisse, grâce à Dieu, intacte mon affection pour mes frères ; je les aime et les aimerait toujours sincèrement en Celui qui nous a aimés le premier, et mes prières ne cesseront de s’élever à Dieu pour vous, Monsieur le Président, pour le Synode, pour chacun des membres qui le composent, et pour notre Eglise réformée de France, que j’aime par dessus toutes les autres Eglises, et que je demande à Dieu, du fond de mon âme, de ressusciter vivante et glorieuse sous l’étendard du Crucifié, en ramenant, dans les enfants les cœurs des pères. Qu’il plaise à Celui que toutes choses servent, qui est puissant, fidèle et miséricordieux, de nous réunir tous un jour dans une même foi, dans une même espérance, un même amour !

Texte 3

Déclaration du consistoire de Lyon (1872)

Le consistoire exprime le vœu que le Synode général ne s’occupe, du moins officiellement, d’aucune autre question que de celle du remaniement des circonscriptions synodales et du meilleur mode de répartition des suffrages, en vue de la réunion plus ou moins prochaine d’un nouveau Synode général qui soit l’expression vraie et autorisée de l’Eglise. Le Consistoire déclare que, vu le mode actuel de formation du Synode général, il ne pourra accorder à ses délibérations qu’un caractère essentiellement provisoire et consultatif.

Texte 4

Lettre de la minorité libérale à l’ouverture de la seconde session du Synode (1873)

Monsieur le Modérateur,

Les membres libéraux du Synode, agissant en cette qualité et au nom des quarante-deux consistoires qui ont protesté contre les décisions de cette assemblée,

En présence des protestations soulevées dans l’Eglise par la décision que la majorité du Synode a prise dans sa précédente session de rendre obligatoire la Déclaration de foi, interprètes des craintes légitimes inspirée à nos commettants par les démarches faites récemment auprès de l’Etat pour donner à cette Déclaration un caractère exécutoire.

Nous  déclarons que nous ne saurions prendre part aux délibérations du Synode, tant qu’il n’aura pas, par un vote formel, affirmé que la confession de foi adoptée par la majorité de ses membres n’est qu’une déclaration de principes religieux, n’engageant que ses auteurs et ses adhérents, et qu’elle ne pourra, directement ou indirectement être imposée, par l’assemblée actuelle, à aucun des membres présents ou futurs, pasteurs ou laïques, de l’Eglise réformée de France. Nous appelons de tous nos vœux la mesure vraiment chrétienne et protestante qui seule nous permettrait de discuter avec nos frères orthodoxes les intérêts de l’Eglise ? Nous croyons avoir donné jusqu’à ce jour des preuves éclatantes de notre amour de la conciliation. Il est cependant une limite que nous ne franchirons jamais : c’est celle au delà de laquelle il ne peut y avoir, pour nos commettants et pour nous, la désertions des principes de liberté qui sont la raison d’être du protestantisme, et exclusion de la minorité par la pire contrainte, celle qui violente les consciences.

Veuillez agréer, Monsieur le Modérateur, l’assurance de notre haute considération et de nos sentiments fraternels,

Le Président de la réunion des membres libéraux du Synode, A. Viguié.

Le Rapporteur : Julien Larnac.

Ouvrages consultés :

Actes du Synode général de 1872 (2 volumes), Paris 1873

Actes du Synode national du Chambon-sur-Lignon – 1951.

Actes du Synode national de Valence – 1961 (décision 22).

Actes du Synode national d’Orthez – 1991 (décision 37).

Actes du Synode national de Toulouse - 2008, pp. 197-234.

Jean Baubérot (dir.) – IPT Vers l’unité – Pour quel témoignage ? Paris, Les Bergers et les Mages, 1982.

Eugène Bersier – Histoire du Synode général… Paris, Sandoz et Fischbacher, 1872.

Henri Dubief et Jacques Poujol (dir.) - La France Protestante – Histoire et Lieux de mémoire – Montpellier, Max Chaleil, 1992.

André Encrevé (dir.) – (Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine) 5. Les Protestants – Paris, Beauchesne, 1993.

Albert Gaillard – L’unité des Eglises au carrefour – New-Dehli - Paris, Les Bergers et les Mages, 1962.

François Méjan (pasteur) – Discipline de l’Eglise réformée de France, Paris, « Je Sers », 1947 (l’introduction historique).

Jean Pédézert - 50 ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, Paris 1896 (Bibliothèque SHPF cote 11618).

* Selon André Encrevé dans Vers l’unité, pour quel témoignage ? Les Bergers et les Mages, Paris 1982, pp. 30-31.

* Jean Pédézert - 50 ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, Paris 1896, p. 102.

* 1810-1875. Laïc réformé. En 1848, il fait partie avec Frédéric Monod de la minorité qui demande le vote d’une confession de foi. Avec celui-ci, il quitte l’Assemblée et participe à la formation des Eglises évangéliques libres.

* 1794-1863. Revivaliste et « prédestinatien ». Avec A. de Gasparin, il va contribuer à la formation des Eglises évangéliques libres. Notice dans Les Protestants, sous la direction d’André Encrevé, Beauchesne, Paris 1993.

* 1815-1889.

* 1824-1888.

* 1ère session : 6 juin – 10 juillet 1872 – 2ème session : 20 novembre – 3 décembre 1873

* 20 circonscriptions groupant chacune 5 consistoires pour la France métropolitaine, et la 21ème pour les 3 consistoires d’Algérie

* Actes, p. 73 ; Eugène Bersier, Histoire du Synode général de 1872, Paris 1872, t. I, p. 106.

* Pasteur réformé, 1826-1891, professeur à Montauban depuis 1860. Tendance évangélique modérée. Les Protestants.

* Actes, pp. 76-77 ; Bersier,  t. I, pp.113-115.

* Actes, pp.202-205 ; Bersier, t II, pp. 28-34.

* Actes, pp.328-330 ; Bersier, t II, pp. 260-265.

* Actes, p.330 ; Bersier, t II, p. 265.

* Actes, pp.387-391 ; Bersier, t II, pp. 349-351.

* 42 sur 103. A première vue on retrouve la proportion de 40% de libéraux, mais il faut remarquer que ces 42 consistoires ont manifesté une opposition alors que le SG avait décidé de ne pas consulter l’ensemble des consistoires. Le chiffre de 42 représente donc un minimum, qui aurait sans doute été dépassé en cas de consultation générale.

* Emprunts à la Déclaration de Jarnac, remaniée pour l’usage liturgique par le SN-ER de Nîmes, juin 1934, d’après Bernard Roussel, dans Vers l’unité, pour quel témoignage ?, p 146.

* Depuis le SN de 2003, c’est une décision conjointe du Conseil national et de la Commission des ministères, car le synode n’était pas le mieux placé pour prendre une telle décision.

* Actes SN Orthez-1991, p. 350.

* Actes SN Orthez-1991, p. 35.

* Actes SN Orthez-1991, p. 37.

* Actes SN Orthez-1991, p. 58.

* Actes du SN Toulouse-2008, Document d’information n° 1, pp. 191-234 – voir aussi la version DVD.

* Actes du SN Toulouse-2008, Document d’information n° 1, Orientations générales, 3.3, p. 198.

* Actes du SN Toulouse-2008, Présentation générale des questions institutionnelles, 1.3, p. 226.

* Actes du SN Toulouse-2008, Document d’information n° 1, Orientations générales, 3.2, p. 198.

* Actes du SN Toulouse-2008, Document d’information n° 1, Propositions du groupe de travail des Commissions des ministères, II Propositions, pp. 217-218.

* Ce Préambule est mentionné seulement dans une note (5) de la Déclaration d’union - Actes du SN Toulouse-2008, Document d’information n° 1, Déclaration d’union, p. 200.

* Actes du SN Toulouse-2008, Document d’information n° 1, Propositions du groupe de travail des Commissions des ministères, II Propositions – D1, p. 219.

* Actes du SN Toulouse-2008, Présentation générale des questions institutionnelles, 2.1.2, p. 228.

Claude Peuron

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