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Du 9 au 19 août 1947 à Moisson
Le jamboree de la paix
Cet été, le scoutisme
français commémore le 60ème anniversaire du
6ème Jamboree international, qui eut lieu en France après
la guerre et qui restera dans les mémoires de tous comme
le « Jamboree de la Paix ». Ce fut un évènement
extraordinaire, symbolisant les retrouvailles de mouvements de jeunes
qui avaient été, par la force des choses, entraînés
dans le conflit mondial. Les scouts, selon leurs pays dorigine,
furent soit embrigadés dans des mouvements de jeunesses nationalistes,
soit purement et simplement interdits, comme en France.
A lopposé des grandes messes olympiques qui sont
devenues dénormes affaires dargent, cest
avec les moyens du bord de lépoque, loin de toute ostentation
et de tout tapage médiatique, que fut bâtie en quelques
semaines une ville sous tentes destinée à accueillir
plus de 30 000 scouts du monde entier. Cette ville éphémère
était située dans le site merveilleux de la forêt
de Moisson, sur un plateau dominant une boucle de la Seine entre
Mantes et Vernon. Le rassemblement se déroula par un temps
splendide et des centaines de milliers de visiteurs vinrent passer
une journée au « Jam ». Le rassemblement de la planète
Une logistique impressionnante avait été mise en
place, grâce au concours des services publics et du Génie
de larmée. La SNCF avait construit une gare provisoire
qui sappelait « Rosny Jamboree ». Des trains spéciaux
partaient de la gare Saint-Lazare toutes les dix minutes. Pour rejoindre
le site du camp, qui se trouvait à 7 km, la RATP avait mobilisé
des dizaines de bus qui emmenaient les participants sur place. On
arrivait sur une grande esplanade appelée « Place des
Nations » où le drapeau du « Jam », une
grande fleur de lys stylisée dont la base était entourée
dun nud de carrick ( le fameux nud de foulard
des éclaireurs ), flottait au sommet dun immense mât
quentouraient les drapeaux des quarante-huit pays participants.
Au centre de cette place, une impressionnante mappemonde gonflée
symbolisait le rassemblement de la planète. Pour faciliter les déplacements, le génie militaire,
avait rapporté de la ligne Maginot un petit train qui faisait
le tour des installations réparties sur des kilomètres
sans jamais sarrêter. Il roulait à vitesse réduite
et lon pouvait monter ou descendre en marche sans danger.
88 GMC, 33 jeeps, 50 motos assuraient quotidiennement les transports
et les liaisons. La livraison du pain était assurée
par des boulangeries tractées sur 20 camions-fours.Les sous-camps
des provinces
Une grande poste centrale internationale, fonctionnant jour et
nuit avait été installée, pour traiter les
50 000 lettres expédiées quotidiennement. Au Central
téléphonique, 40 standardistes femmes et hommes en
uniformes se succédaient. Un hôpital de campagne, comprenant
200 lits, dont 50 de chirurgie avait même été
installé et il était opérationnel en cas de
besoin.
Les scouts étaient regroupés dans des sous-camps
aux couleurs des provinces françaises, dont la première,
par ordre alphabétique, était celle de « lAlgérie
», suivie de lAlsace, de lAnjou etc. Deux sous-camps
spéciaux accueillaient les scouts marins, installés
dans une île de la Seine, lautre étant réservé
au scoutisme dit d « extension » qui accueillait
tous les jeunes scouts handicapés, aveugles ou paralysés.
Chaque sous-camp devait construire une « grande réalisation
». Parmi les plus remarquables, on pouvait admirer un «
Beffroi des Flandre », la « Cathédrale Saint-Paul
de Londres », un « Phare Breton », « Notre-Dame
de la Garde » et une réplique du « Pourquoi Pas
», le navire de Charcot. Toutes ces réalisations étaient
assemblées, suivant les techniques du froissartage à
partir de troncs et de branches darbres ajustés par
des chevilles, sans recours aux clous ou aux vis.
Linauguration du Jamboree eut lieu le 9 août à
21 heures. En présence du Ministre de la Jeunesse, Pierre
Boudan, de Jean Letourneau, Ministre du Commerce et du général
de Lattre de Tassigny. Le général Laffont, chef du
scoutisme français, qui ressemblait à sy méprendre
à Baden-Powell, proclama louverture du Jamboree, sur
lesplanade éclairée par 20 000 torches. Dans
les jours qui suivirent, le Président de la République
Vincent Auriol, le Président du Conseil Paul Ramadier et
le général Koenig vinrent à leur tour visiter
le camp. Le 19 août, dans laprès-midi, les scouts
se quittèrent, main dans la main, après avoir formé
un immense nud de carrick, et chantant, chacun dans sa langue
: « Ce nest quun au revoir mes frères ».
Le lendemain, cest par milliers quils se rendirent en
train et en bus à Paris pour visiter la capitale.
Ce Jamboree, par sa réussite, son authenticité,
lesprit de fraternité qui y régna et lextraordinaire
enthousiasme quil suscita fut incontestablement lune
des plus belles manifestations internationales de laprès-guerre.
François Lerch
Un dimanche à lOratoire
avec Lady Baden-Powell
Lord Baden-Powell, le père
du scoutisme (une institution dont on fête cette année
le centenaire), était venu à Paris en compagnie de
sa femme au mois de décembre 1936. Dans le n° 188 de
la « Feuille Rose », daté de Janvier 1937, M.
Philippe Roy, diacre de lOratoire et Président du Comité
local du Scoutisme, a relaté ce séjour qui comportait
une étape à lOratoire. Nous publions, ci-dessous,
lintégralité de ce récit qui témoigne
de la vitalité du scoutisme français, il y a à
peine plus de soixante-dix ans et de sa forte implantation dans
notre paroisse.
« Les Eclaireurs Unionistes de France, auxquels est rattaché
le groupe de Scoutisme masculin de lOratoire, et les Eclaireurs
de France, ont fêté cette année par diverses
manifestations, le 25e anniversaire de leur fondation. A cette occasion,
ils ont eu la belle idée dinviter le « Chef Scout
Mondial », Lord Baden-Powell of Gilwell, à venir à
Paris, prendre contact avec le Scoutisme français et à
recevoir le témoignage de la reconnaissance de toute la jeunesse
de France enrôlée sous la bannière scoute.
Seules les deux associations fondées en même temps,
en 1911, recevaient officiellement : mais elles avaient convié
à participer à toutes les réceptions les associations
surs : Fédération Française des Eclaireuses,
Guides de France, Scouts de France. Donc, le 12 décembre,
Baden-Powell, accompagné par Lady Baden-Powell, débarquait
à Paris, accueilli par une délégation de chaque
association.
A lElysée et à la Sorbonne
Reçu à lElysée dans laprès-midi
par le Président de la République qui lui remettait
la plaque de Grand Officier de la Légion dHonneur,
il prenait part à un grand dîner scout et assistait
à une soirée donnée par les chefs et cheftaines
dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, soirée
présidée par M. Lebrun, Président de la République,
et au cours de laquelle des groupes dEclaireuses, dEclaireurs
et de Routiers rivalisèrent dentrain et de gaîté
en présentant des danses et des chants tout comme sil
se fût agi de réjouissances autour dun feu de
camp. Plusieurs discours furent prononcés, dont lun
par M. de Witt-Guizot, président de E.U., rappela avec beaucoup
de force et dindépendance la position religieuse du
Mouvement des Eclaireurs Unionistes. Baden-Powell, en uniforme de scout, les genoux nus, le corps droit,
la parole assurée malgré ses quatre-vingts ans, constata
avec joie et humour la valeur de luvre scoute en France
au milieu de limmense armée de tous les Scouts et Eclaireuses
du monde qui compte plus de 4 millions de jeunes gens et jeunes
filles.
La cheftaine à lOratoire
Le lendemain, les E.U. avaient préparé à
lEglise de lOratoire un culte en lhonneur de nos
hôtes. B.P. ne pouvant sy rendre, en raison de la fatigue
que lui imposait le programme très chargé de sa visite
à Paris, était représenté par Lady Baden-Powell,
cheftaine des Eclaireuses et des Guides du monde entier. Notre sanctuaire
était plein dès 8h30 dEclaireurs et dEclaireuses
en uniforme et on avait peine à découvrir, dans cette
foule bigarrée, un habit civil. A 9 heures, le pasteur A.N.
Bertrand, vice-président des E.U., qui porte sur sa robe,
linsigne jubilaire du Mouvement, sort de la sacristie suivi
de Lady Baden-Powell, de M. Witt-Guizot, et des délégations
des autres associations de scoutisme . Une liturgie admirablement adaptée à la cérémonie
est dite par M. le pasteur A-N Bertrand, assisté par le Commissaire
National Jean Gastambide et du commissaire André Bertrand.
Des chants sélèvent choisis parmi les cantiques
éclaireurs et que toute lassemblée chante avec
entrain. Puis, cest dans une atmosphère de véritable
émotion que notre pasteur monte en chaire pour adresser à
son auditoire quelques mots trouvés sous le regard de Dieu
dans sa profonde connaissance de lâme des jeunes et
dits avec laccent dont il a le secret. Son texte choisi au
chapitre IV de saint Jean : « Ne dites- vous pas quil
y a encore quatre mois avant la moisson ? Eh bien, je vous dis :
levez les yeux et regardez ! Les champs déjà blanchissent
pour la moisson », lui fournit loccasion dune
hymne à la jeunesse et à lespérance quelle
renferme.
20 000 à la Porte de Versailles
Sur une bénédiction qui réunit sous le même
geste et le même verbe nos hôtes et toutes les associations
de scoutisme, le culte se termine. Nous savons quil a laissé
une profonde impression à tous les assistants et notamment
à Lady Baden-Powell et aux commissaires délégués
par les autres associations. Le séjour de Lord et Lady Baden-Powell
se termine dans laprès-midi de ce dimanche par une
prise de contact entre eux et toutes les meutes, troupes, sections
, équipes et clans de Paris et de la région parisienne
et par des délégations des unités de province
réunis dans le Parc des Expositions de la Porte de Versailles. B.P. passe en revue chacune des associations à tour de
rôle, puis tous ces enfants, jeunes gens et jeunes filles,
se rassemblent au flanc et au pied de la colline qui domine le parc
: peut-être sont-ils 20 000 ! Et dans le soir qui tombe on
a limpression réconfortante que lhomme, soutenu
par Dieu, peut encore, malgré les troubles de lheure,
élever son âme, marquer une espérance ».
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Lor & Lady BP avec leurs enfants
à Pax Hill |