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LOratoire du Louvre dans la littérature
Lappel aux souvenirs de nos lecteurs,
dans le précédent numéro de la Feuille
Rose pour retrouver des textes littéraires évoquant
lOratoire, nous a valu plusieurs lettres dencouragement
nous proposant des auteurs et des uvres, au point que
nous sommes en mesure douvrir une nouvelle rubrique. Nous
publierons le ou les passages -dont certains peuvent être
assez longs, mais qui sont toujours intéressants- et
laisserons aux « découvreurs » qui nous les
ont signalés le soin de les situer dans leur contexte,
et parfois de les commenter.
Dans ce numéro, nous
ouvrons donc cette rubrique par le récit de la « Première
communion » de Pierre Loti à lOratoire en 1867.
Tout le monde connaît lécrivain-navigateur et
ses grands romans, toujours agréables à lire : «
Ramuntcho », « Pêcheurs dIslande »,
« Roman dun Spahi », « Matelot »,
« Mon frère Yves » etc., qui lui valurent son
élection à lAcadémie Française.
On sait aussi quil mena cette carrière littéraire
parallèlement à celle dofficier de marine. Ce
fut un homme pour le moins original.
Né à Rochefort (Charente-Inférieure) en 1850,
dans une famille modeste et protestante, il était venu à
Paris à lâge de 17 ans pour préparer lÉcole
Navale. Ses parents, trop pauvres pour pouvoir laccompagner
dans la capitale, lavaient envoyé chez des cousins
dorigine catholique, mais athées, qui traitaient avec
dédain les pratiques religieuses du jeune Julien Viaud, quon
nappelait pas encore par son nom de plume.
Rattaché à la paroisse de lOratoire, ses parents
avaient voulu quil fasse sa « Première communion
» à Paris. Seul, désemparé, « il
avait lâme en détresse ».
Dans « Le roman dun enfant », il raconte que
le soir on lisait la Bible en famille et, chaque matin dans son
lit, il lisait un chapitre avant de se lever. Que lisait-on, le
plus souvent, le soir en famille ? LApocalypse, le passage
dont il se souvient et quil cite est le suivant :
« Alors jentendis un ange, qui volait par le milieu
du ciel, et qui disait à haute voix : « malheur, malheur,
malheur aux habitants de la terre ! » Puis le cinquième
ange sonna de la trompette et je vis une étoile qui tomba
du ciel en la terre, et la clef du puits de labîme lui
fut donnée ».
Fasciné par la poésie de la Genèse
Mais, « Quand je lisais ma Bible seul, ayant le choix des
passages, cétait toujours la Genèse grandiose,
la séparation de la lumière et des ténèbres,
ou bien les visions et les émerveillements apocalyptiques
; jétais fasciné par toute cette poésie
de rêve et de terreur qui na jamais été
égalée, que je sache dans aucun livre humain
La
bête à sept têtes, les signes du ciel, le son
de la dernière trompette, ces épouvantes métaient
familières ; elles hantaient mon imagination et la charmaient
». Avec de tels « antécédents »,
on peut comprendre son malaise devant la redoutable Table Sainte
de lOratoire.
Pierre Loti séteignit le 10 juin 1923 à Hendaye.
Ramené à Rochefort il eut droit à des funérailles
nationales. Le 16 juin, sa dépouille fut embarquée
sur un aviso de la marine et transférée à Saint-Pierre-dOléron.
Après une courte cérémonie au temple protestant
de lîle, le pasteur Marc Boëgner, venu spécialement
de Paris, prononça une dernière prière publique.
François Lerch
La Première communion de Pierre Loti au temple de lOratoire
Cest au chapitre XLIII
de son roman intitulé « Prime Jeunesse » que
Pierre Loti raconte sa Première communion à lEglise
réformée de lOratoire du Louvre :
« Cependant un évènement auquel jattachai
une importance extrême marqua pour moi la fin du brumeux hiver
: on décida que je ferais ma première communion à
Pâques ; je venais daccomplir ma dix-septième
année, et, chez nous les protestants, cest lâge.
Je commençai donc à suivre le catéchisme au
temple de lOratoire du Louvre. Mais, dès les premiers
jours, trop de précisions, trop de dogmes rebutèrent
ma foi chancelante ; le milieu dailleurs ne cadrait pas, le
quartier Latin était trop près, et en outre mes cousins
de Paris, qui appartenaient à une branche catholique de ma
famille et qui étaient surtout athées, traitaient
la chose avec une sorte de dédain qui me déconcertait.
Je restais encore assez croyant pour me sentir épouvanté
des menaces de lEvangile contre ceux qui sapprochent
indignement de la Sainte Table : jécrivis donc à
mes parents des lettres suppliantes pour leur demander de tout remettre
à une autre année, de mautoriser à recevoir
la communion plus tard des mains de certain vieux pasteur à
cheveux blancs, dans notre île, dans le vénérable
petit temple de Saint-Pierre-dOléron que sanctifiaient
pour moi tant de prières ancestrales. Mais ils crurent devoir
persister et il fallut me soumettre. Ils avaient raison en somme,
car pendant les trois années suivantes je serais à
lEcole Navale, du moins il fallait lespérer,
et, si je ne profitais de mon séjour près de lOratoire
du Louvre, cela me repousserait beaucoup trop loin.
Quand vint le jour de Pâques, javais lâme
en détresse. Personne dailleurs ne maccompagnerait
au temple ; jétais seul, complètement seul pour
cette solennité où tous les autres enfants sont toujours
entourés, même par les parents les plus incrédules.
Toute la matinée, enfermé dans ma triste chambre,
jessayai vainement de me recueillir et de prier ; je relus
mon Evangile selon saint Jean, celui des quatre que je préférais,
je relus la copie qui ne me quittait jamais de la lettre de rendez-vous
céleste écrite par mon frère au moment de sa
mort dans le golfe du Bengale. Mais non, mon cur restait glacé.
A lheure de mhabiller pour aller au temple, je crus
devoir mettre ce que javais de mieux, un élégant
costume de printemps que mes cousins venaient de me faire : veston
court en velours noir, et pantalon collant ; avec cela, col Shakespeare
rabattu à longues pointes et gants couleur « sang de
buf ». Mais quand mon image me fut renvoyée par
mon odieuse armoire à glace, - dont lacajou me faisait
toujours leffet davoir été ainsi éraillé
et bossué au cours dun passé honteux
je fus consterné ; il mapparut que jétais
le type de ce que lon appelait en ce temps-là un petit
crevé, de ce que lon a plus tard appelé un petit
gommeux ou un petit je ne sais quoi encore. Et cétait
vraiment moi, ce garçon, ex-ami de cur dune fille
de brasserie, qui allait me présenter à la Sainte
Table !...En toute hâte, car lheure pressait, je changeai
de vêtements, je repris un de mes costumes dhiver dapparence
plus modeste, et, toujours seul comme un abandonné, je partis
enfin pour le temple où jarrivai presque en retard.
Cette première communion, sur laquelle javais fondé
tant despoir, ne fut en somme quune simple formalité
accomplie avec respect et rien de plus. Après la cérémonie,
quand je me retrouvai dans la rue de Rivoli, perdu au milieu de
la foule endimanchée et bruyante, javais dans le cur
cette impression de vide affreux que, tant dannées
après, je devais retrouver plus définitive encore
à Jérusalem, la nuit que, trop orgueilleusement sans
doute, javais voulu passer, seul sous les étoiles dOrient
et sous les oliviers millénaires, au jardin de Gethsémani
»
P.S. : Voici quels étaient les noms des pasteurs quand
Pierre Loti a fait sa Première Communion à lOratoire
en 1867 : Athanase Coquerel père et fils, Auguste-Laurent
Montandon, Jean-Henri Grandpierre, et Mathieu Rouville.
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Pierre Loti en académicien
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