Oratoire  du  Louvre .fr Recherche sur oratoiredulouvre.fr

 

Bienvenue

Page d'accueil
Contacts
Accès à l'Oratoire
Agenda des rencontres
Activités pour tous
Activités de Jeunesse
Catéchisme d'adulte
Bulletin
Concerts à l'Oratoire
Patrimoine
Soutenir l'Oratoire
Faire une offrande en ligne
Quelques souvenirs
Blog: réflexions & débats

Réflexion

Questions & Réponses
Prédications
Petit dico de théologie
Articles / Dossiers
Audio / Vidéo
Téléchargements
le Protestantisme
Confessions de Foi
Histoire Protestante
La croix Huguenote
Nuit de l'éthique
Anciennes Prédications

En Relation à Dieu

Prier chez soi
Lire la Bible
Le Culte
Textes pour un Culte
Communion (Ste Cène)
Baptême d'enfant
Baptême d'adulte
Profession de foi
Mariage
Service Funèbre

Ouvertures

Entraide de l'Oratoire
Fondation de l'Oratoire
Chœur de l'Oratoire
Eglise Réformée
Fédération Protestante
Scoutisme
La Clairière
Évangile et liberté
Cantates de Bach
Liens vers d'autres sites

 

 

triangle Liste des articles triangle

 

Dieu est caché dans le paysage
La fugitive apparition de l’Oratoire dans l’œuvre de Marcel Proust

 

Après la Première communion de Pierre Loti qui inaugurait notre série sur la présence de l’Oratoire du Louvre dans la littérature française, voici une (très) brève citation de Marcel Proust dans « La Recherche du Temps perdu » qui nous a été signalée par Monsieur Henri Cuyolaa, un ancien paroissien de notre église. Elle a inspiré à Anne Biroleau-Lemagny une intéressante réflexion sur le rapport de l’écrivain avec Dieu.

Il manque un personnage dans « La Recherche du temps perdu », à moins qu'il ne se dessine en filigrane dans les références littéraires liées aux Écritures. On ne trouve Dieu nulle part chez Marcel Proust, hors les signes extérieurs de piété de certains protagonistes. Les allusions à la religion sont plutôt destinées à situer les personnages dans un cadre social et politique. Leur appartenance est évoquée parce qu'elle explique leur situation sociale, ou la contredit. Swann est juif et dreyfusard, le duc et la duchesse de Guermantes sont catholiques et antidreyfusards, la religion du narrateur lui-même demeure opaque.

Il n'est pas le double littéraire de Proust, mais une façon nouvelle de dire "je", à partir de laquelle, Barthes le fait remarquer, le roman peut enfin se construire. Qu'en est-il donc de Proust? Bien que né d'un père catholique et d'une mère d'ascendance juive, il est véritablement l'enfant d'une éducation laïque. Baptisé et élevé dans la religion catholique, il n'en demeure pas moins qu'il fréquentera uniquement le lycée.

Soirée chez la Princesse

Sa posture est d'un agnostique, plutôt que d'un athée (malgré les récupérations religieuses posthumes et hagiographiques qui sont le lot de tout écrivain). Il connaît l'Abbé Mugnier, stakhanoviste de la conversion de célébrités, mais cela ne le fait aucunement pencher vers l'inquiétude religieuse. Il cherche la transcendance ailleurs, dans le culte de la beauté, de la création artistique. Les récits de la mort de l'écrivain Bergotte ou du musicien Vinteuil le montrent clairement.

Cependant le Temple de l'Oratoire apparaît dans « La Recherche », brièvement, et d'une manière ironique. Le narrateur a enfin acquis la certitude qu'il est bien invité à la soirée chez la Princesse de Guermantes, véritable adoubement mondain. Il décrit alors, avec une technique presque cinématographique (travellings, gros plans, arrières plans, fragments de conversation car il existe aussi une bande son) cette fameuse soirée dont le récit occupe une bonne partie de « Sodome et Gomorrhe ».

La duchesse et le narrateur, environnés d'invités triés sur le volet, discourent sur l'événement. M de Charlus est en conversation glapissante avec la marquise de Surgis le Duc et ses fils, tandis que Mme de Sainte Euverte, "vénérable gambadeuse à la cuisse restée légère" (le baron de Charlus dixit) cherche à rallier à la cause de sa garden party annuelle les personnes en vue de la société élégante. La surprise, car il se créée un suspense dans ce long récit, sera de découvrir que le Prince de Guermantes, bien que catholique acharné et médiéval, est devenu dreyfusard.

Un « becquet » pour l’Oratoire

Ce fragment de texte est un "becquet", un ajout au manuscrit. L'écriture proustienne fonctionne en effet sur le système d'addition d'incises, les célèbres "paperolles" pouvant atteindre un mètre de long qui se déploient dans le manuscrit original et le rendent si spectaculaire.

"On vit passer une duchesse fort noire que sa laideur et sa bêtise, et certains écarts de conduite avaient exilée, non de la société, mais de certaine intimités élégantes. "Ah! sussura Mme de Guermantes, avec le coup d'œil exact et désabusé du connaisseur à qui on montre un bijou faux, on reçoit ça ici!"

Sur la seule vue de la dame à demi tarée, et dont la figure était encombrée de trop de grains de poils noirs, Mme de Guermantes cotait la médiocre valeur de cette soirée. Elle avait été élevée, mais avait cessé toutes relations avec cette dame ; elle ne répondit à son salut que par un signe de tête des plus secs ; "Je ne comprends pas", me dit-elle comme pour s'excuser " que Marie-Gilbert [la princesse de Guermantes] nous invite avec toute cette lie. On peut dire qu'il y en a ici de toutes les paroisses. C'était beaucoup mieux arrangé chez Mélanie Pourtalès. Elle pouvait avoir le Saint synode et le temple de l’Oratoire si ça lui plaisait, mais au moins on ne nous faisait pas venir ce jour là »

Une cousine protestante

En somme la société élégante des people de l'époque ne saurait se commettre que très exceptionnellement avec le monde non catholique, Swann étant l'exception qui confirme la règle. Une autre allusion au protestantisme est faite sous une forme assez caricaturale dans le passage suivant, situé cette fois dans le chapitre II.

"Tel jeune peintre, élevé par une sainte cousine protestante, entrera la tête oblique et chevrotante, les yeux au ciel, les mains cramponnées à un manchon invisible, dont la forme évoquée et la présence réelle et tutélaire aideront l'artiste à franchir sans agoraphobie l'espace creusé d'abîmes qui va de l'antichambre au petit salon. Ainsi la pieuse parente dont le souvenir le guide aujourd'hui entrait il y a bien des années, et d'un air si gémissant qu'on se demandait quel malheur elle venait annoncer, quand à ses premières paroles on comprenait comme maintenant pour le peintre qu'elle venait faire une visite de digestion ».

Anne Biroleau-Lemagny

PROUST (Marcel). « La Recherche du temps perdu. Sodome et Gomorrhe »

Ed. Gallimard, coll. Quarto, p.1264 et 1439

Ed. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Ed. établie par Pierre Clarac, tome 2, p. 672

 

 

 

Réagissez sur le blog de l'Oratoire, faites profiter les autres de vos propres réflexions…
Si vous voulez remercier ou soutenir l'Oratoire : il est possible de faire un don en ligne…

 

 

Article tiré du bulletin de l'Oratoire du Louvre à Paris

 


Eglise Réformée de l'Oratoire du Louvre
temple : 1 rue de l'Oratoire et 145 rue Saint Honoré 75001 Paris
secrétariat : 4 rue de l'Oratoire 75001, téléphone : 01 42 60 21 64 (international : +33 142 602 164)
mail : pasteur@oratoiredulouvre.fr