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Hyacinthe Loison
Né à Orléans
en 1827, Charles Loyson, longtemps connu sous le nom de Père
Hyacinthe, reçoit la prêtrise à Paris et entre
ensuite dans l'ordre des Carmes après un détour par
les dominicains. Orateur éloquent, il devient prédicateur
à Notre-Dame de Paris en 1865. Dans des conférences
fameuses, il cherche à concilier le catholicisme avec les
idées modernes. Ses hardiesses provoquent de vives attaques.
Le Syllabus a condamné en 1864 "Ies principales erreurs
de notre temps " relatives à la religion, la science,
la politique et la vie économique. Un mur d'incompréhension
se dresse entre le catholicisme et la civilisation de l'époque.
Sont condamnés entre autres le protestantisme, le nationalisme,
le socialisme, les sociétés secrètes, les sociétés
bibliques, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la liberté
de la science et de la philosophie, le libéralisme.
Loyson est appelé à Rome en 1868 et reçoit
l'injonction de ri.- prêcher que sur des sujets non controversés.
En 1869, il proteste contre la façon dont on a convoqué
le concile du Vatican. Sommé de se rétracter, il refuse
dans une lettre rendue publique et est frappé d'excommunication.
Il part pour les Etats-Unis et, de retour en France, proteste avec
véhémence contre le Syllabus et le premier concile
du Vatican. Il entre chez les vieux-catholiques qui refusent le
dogme de l'infaillibilité pontificale, épouse une
veuve américaine d'origine protestante, mais continue de
célébrer la messe et d'affirmer hautement sa foi catholique.
Il devient en 1879 recteur de l'Eglise catholique gallicane de Paris
qui est officiellement reconnue en 1883. Auteur de nombreux ouvrages,
il a écrit en 1893 Mon testament, ma protestation et en 1895
Christianisme et Islam. Il meurt à Paris en 1912.
En novembre 1885, le conseil presbytéral se trouve placé
dans une situation délicate. Hyacinthe Loyson qui est en
relation avec le pasteur E. de Pressensé et Eugène
Bersier, de l'Etoile, demande l'usage du temple de l'Oratoire pour
quatre conférences. " Plusieurs pasteurs protestants
lui ont exprimé le désir de le voir s'unir à
eux pour l'évangélisation de la patrie... sur le terrain
qui nous est commun celui du spiritualisme chrétien dans
ses rapports avec les besoins actuels de la France. " Le pasteur
Montandon président du conseil presbytéral, rappelle
que le conseil n'avait pas été très favorablement
impressionné naguère par H. Loyson en raison des paroles
un peu vives qu'il a prononcées au sujet du protestantisme.
En 1875, Loyson écrit à une amie protestante, Berthe
Henry-Coulnian: " Ce que j'aime, ce que j'admire dans beaucoup
de protestants, c'est leur magnifique christianisme; ce n'est -pas
leur protestantisme étroit ou sec ou vague et inconséquent".
En 1877, il écrit au pasteur de Pressensé que le protestantisme
est aussi malade que le catholicisme romain, mais d'une autre maladie.
La principale objection qu'il a contre le protestantisme est l'incompatibilité
de la tradition protestante de liberté avec la conception
catholique de l'unité.
Le pasteur Montandon pense, cependant, que H. Loyson a changé.
Il a été jusqu'à s'humilier dans sa chapelle
de la rue d'Arras, au nom de l'Eglise anglicane du crime qu'a constitué
la Révocation de l'Edit de Nantes. Le pasteur Recolin est
donc favorable à une réponse positive si Loyson, qui
est orléaniste, s'engage par avance à ne pas faire
d'allusions politiques et à ne pas attaquer la diversité
des Eglises au sein du protestantisme. Le pasteur Viguié
appuie le pasteur Recolin en ajout ant qu'il serait regrettable
de ferrner la porte du temple à un homme de grande valeur
que d'y entrer. Le pasteur Decoppet n'est pas de cet avis. Il reproche
à Loyson de ne pas avoir compris la grande doctrine protestante
de la justification par la foi. On ne peut pas assimiler sa demande
à celle des pasteurs des autres Eglises car il n'est pas
protestant et a soin de le dire. Le baron de Schickler souhaite
que la paroisse soit consultée. Les membres laïcs du
conseil sont dans l'ensemble défavorables, notamment MM.
Mirabaud, Steiner-Dolfus, Wickham. Maurice Muret cependant est de
l'avis du pasteur Viguié. A l'unanimité la demande
est renvoyée à une séance ultérieure.
La séance du conseil presbytéral du 4 décembre
n'apporte rien de nouveau. L'historien Henri Bordier soutient le
pasteur Viguié. Il faut aider quiconque veut évangéliser
le peuple de France, même si nos opinions ne reposent pas
sur les mêmes bases que H. Loyson. Il note que la plupart
des opposants ne l'ont même pas entendu. Tous reconnaissent
que la majorité des protestants de Paris désapprouveraient
la venue du célèbre prédicateur à l'Oratoire.
Le statut juridique de !l'Oratoire ne permet pas de l'utiliser à
autre chose que les besoins du culte protestant. C'est donc à
l'unanimité que le conseil charge son président d'être
auprès de H. Loyson " l'interprète de ses regrets
pour le présent, sans exclure toute espérance pour
l'avenir ".
H. Loyson répond, de Neuilly, le 18 décembre 1885
: " Vos collègues se trompent, M. le président,
je suis protestant. Je le suis dans le sens général,
généreux et éternel de la protestation des
consciences chrétiennes et éclairées contre
les erreurs que partout, à Rome comme ailleurs, l'homme a
mêlées au christianisme de Dieu. Ce qui ne m'empêche
pas de joindre à ce nom, justement négatif, un autre
nom, saintement affirmatif, celui de catholique. Ce qui, dès
l'origine, a été cru toujours, partout et de tous,
cela seul est vraiment catholique. Ainsi s'exprimait un docteur
gallo-romain du Se siècle, Vincent de Lérins, et le
symbole de notre foi commune dit: " Je crois l'Eglise catholique
". Catholique et protestant: quelque soit l'abus que l'on ait
fait de ces deux noms, quelque soit l'opposition factice et très
souvent haineuse que l'on ait réussi à établir
entre eux, je ne cesserai pas de les unir comme l'expression synthétique
et glorieuse du christianisme de l'avenir. " Loyson se demande
ensuite pourquoi l'Eglise protestante de Paris, qui n'a pas de profession
de foi obligatoire, exige de lui ce qu'elle ne demande pas à
ses propres pasteurs. Il rappelle le mot de Duplessis-Mornay au
sujet du Concile de Trente qui n'a été ni libre ni
universel. Dans un post-scriptum, il déclare se rallier au
minimum de la foi proposée par le Synode des Eglises réformées
de 1872 : " Jésus-Christ est mort pour nos péchés
et ressuscité pour notre justification ".
Trois remarques s'imposent. Le verbe latin protestor signifie déclarer
hautement, affirmer, témoigner. Le mot protestant n'a donc
pas un sens négatif. Le protestant est un témoin.
Catholique signifie effectivement universel. Personne n'a le monopole
du mot. Il est parfaitement illusoire de chercher ce qui a été
cru par tous, toujours et partout. Une telle confession n'existe
nulle part. L'absence de distinction entre la foi qui est l'uvre
de Dieu en nous, avant tout confiance, et la formulation de la foi,
une uvre humaine imparfaite et toujours à reprendre,
ne peut que développer l'esprit dogmatique qui est à
l'origine de toutes intolérances. Enfin la foi n'est pas
un minimum de croyances qui constituerait un fonds commun. La confusion
entre la foi et la croyance est finalement un obstacle à
la diffusion de l'Evangile.
F. de Schickler, dans sa réponse au nom du conseil presbytéral,
fait part de l'admiration des protestants français pour Loyson
et son éloquente parole. Le temple de l'Oratoire ne peut
pas être prêté à ceux qui ne sont pas
membres de l'Eglise protestante. Le vieux catholicisme et le protestantisme
appartiennent encore officiellement à des communions distinctes.
" Il y a là une question non de foi, mais d'ordre ecclésiastique
et administratif. "
L'affaire a dépassé de beaucoup le cadre de l'Oratoire.
Afin de couper court aux interprétations tendancieuses, le
baron de Schickler publie dans le Temps, en février 1886,
les deux dernières lettres de Loyson et sa réponse
au nom du conseil presbytéral. La situation peut sembler
paradoxale. En 1873, Loyson a été autorisé
à prendre la parole dans l'Oratoire du Louvre par un conseil
presbytéral orthodoxe, mais il n'est pas le seul à
parler. En 1885, c'est un conseil presbytéral, qui lui refuse
l'usage du temple, mais il s'agit de quatre conférences qu'il
assure seul. La situation n'est donc pas tout-à -fait la
même. Entre temps la tentative gallicane consécutive
au premier conseil du Vatican a été globalement un
échec. Le conseil presbytéral de l'Oratoire n'a pas
voulu apporter de caution ou donner l'impression qu'il pouvait apporter
une caution à une entreprise intéressante mais qui
n'était pas la sienne. Manifester un esprit d'ouverture ne
doit pas vous faire perdre votre identité.
Philippe VASSAUX
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