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Émile Gallé :
lhomme qui a maîtrisé les aléas du feu
!
La transmission de souvenirs
familiaux seffectue souvent par des objets. Plusieurs générations
ont remis à leurs proches, avec respect, précaution
et admiration, des vases, des meubles ou des luminaires dun
artiste protestant dont la notoriété est immense.
Sans doute que son appartenance au protestantisme est moins connue
du grand public. Elle est cependant déterminante dans son
uvre, dans son engagement dhomme et de citoyen.
Fondateur de lEcole de Nancy, où il naquit le 4 mai
1846, Emile Gallé séjourna durant toute sa carrière,
régulièrement à Paris, notamment lors dExpositions
universelles dès 1889. Son histoire et son engagement se
prolongent et animent encore ses descendants qui sont nombreux à
donner un sens à leur vie par lEvangile. Plusieurs
dentre eux sont membres aujourdhui de lAssociation
Presbytérale de lOratoire du Louvre et participent
à la vie de lEglise de manière active.
Un héros de la transmission
Emile Gallé apparaît un peu comme un héros
de la transmission. Cette question nous taraude aujourdhui,
comment transmettre ? Comment la force épanouissante de lEvangile
peut-elle continuer à animer nos enfants ? On peut dire dEmile
Gallé quil a réussi la transmission de ses valeurs
à double titre. Une uvre impressionnante et des successeurs
héritiers dun protestantisme qui sinscrit dans
la fidélité à des convictions fortes et passionnées.
Un éloge funèbre datant de 1904, de A. Cleisz (
conservé à la SHPF) décrit Gallé comme
« un artiste foncièrement religieux, ce qui contribue
à donner à toute son uvre ce cachet doriginalité,
pourrait-on dire « huguenote », qui la caractérise
et la distingue de toutes les productions artistiques contemporaines.
Lauteur va jusquà dire quil est le Bernard
Palissy du XXème siècle. Dailleurs, Gallé
lui-même considérait Palissy comme un ancêtre,
comme lun des patrons de lart français du feu,
un symboliste de lart de la terre. Il dit encore de Palissy
quil avait le véritable vu dinitier les
hommes, par des reproductions de la nature, à voir Dieu à
travers les similitudes et les beautés de ses uvres
les plus hautes.Tout dans la nature
Oui, voir Dieu à travers la nature, tout Gallé est
dans cette expression. Il part de ce principe que tout dans la nature,
jusquaux plus humbles fleurs des champs, est pénétré
de cette vie divine. Il voit la vie partout répandue, il
la sent qui palpite dans limmense variété de
la flore et jusque dans les entrailles de la mer. Cest Dieu
quil cherche, en herborisant, cest Dieu quil entend,
cest Dieu qui lui parle dans la douce symphonie des choses.
Pour interpréter ce langage, il y met toute lémotion
de son âme. Son travail symbolique, il le réalise dans
le but délever les âmes !
Voilà encore ce quil dit : « Pour que le symbole
se taise à jamais dans lart, il faudrait effacer Dieu,
lastre sacré que voit lâme ; car, au fond,
le mot de toute la nature, de règne en règne, de symbole
en symbole, de reflet en reflet, le mot cest Dieu ! »
Son génie créateur, a donné au nom de Gallé
une reconnaissance incontestée dans le milieu artistique
à la fin du XIXème siècle. Aujourdhui,
certaines de ses uvres peuvent être contemplées
au Musée dOrsay et, plus modestement, si vous traversez
le grand espace du Louvre des Antiquaires proche de lOratoire,
vous verrez de nombreuses vitrines présentant sous de savants
éclairages, des vases aux motifs et aux coloris très
variés. Ce sont ses descendants qui ont enrichi le Musée
dOrsay duvres significatives.
Comme il lécrivait sous un de ses vases, cest
avec passion quEmile Gallé fait des semailles brûlantes
avec le verre et ensuite il va cueillir à la molette (la
molette est le disque dacier qui sert à travailler
les corps durs) ses floraisons paradoxales. Insectes, plantes, flores
et faunes marines sont la source de ses plus beaux vases. Sous linspiration
de la nature, il dit vouloir faire rendre au cristal « tout
ce quil peut donner sous la main qui en joue, dexpression
caressante et farouche ».
Les causes de son temps
Emile Gallé fut aussi un manufacturier entreprenant, créant
sa propre usine à Nancy, capitale de lArt Nouveau et
de lEcole du même nom dont il fut le fondateur et le
directeur. Il a regroupé des ateliers de faïencerie,
de cristallerie et débénisterie. La terre, le
verre et le bois furent le terrain dexpérience et de
recherches de lindustriel au service de limagination
de lartiste.
Citoyen et homme du monde, cest en radical convaincu que
Gallé embrasse les causes de son temps, tant à Nancy,
contre loccupation allemande de lAlsace et de la Lorraine,
quau niveau national lors de laffaire Dreyfus. La lecture
de sa biographie nous rappelle que lors de ses voyages, dans la
tradition romantique, il emportait avec lui des carnets à
dessin pour y traduire à laquarelle ses impressions
devant les paysages traversés. On apprécie luvre
de Gallé par sa force symbolique. En sa qualité dartiste,
il contribue à transformer nos manières de voir toutes
choses !
Werner Burki
* Du point de vue bibliographique, nous pouvons citer «
Emile Gallé, le magicien du verre », par Philippe
Thiébaut, dans la collection « Découverte
» de Gallimard, n°446. Ainsi que « Gallé,
le testament artistique », catalogue publié à
loccasion de lexposition « La Main aux algues
et aux coquillages », au Musée dOrsay, en 2004.
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Émile Gallé
un vase d'Émile Gallé
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