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Cataclysmes

Développer une solidarité préventive

 

Lors du culte du 16 janvier dernier, le pasteur Florence Taubmann a consacré sa prédication à la catastrophe qui a ravagé l’Asie du Sud-Est le 26 décembre 2004. Ce sont de très larges extraits de cette prédication que nous publions ci-dessous

Nous avons tous été marqués, impressionnés, voire tétanisés par la catastrophe qui s’est abattue sur l’Asie du Sud-Est. Les conséquences humaines d’un tel cataclysme sont effroyables : plus de 250 000 morts, des villages et des villes détruits, des orphelins par dizaines de milliers, des gens qui ont perdu toute leur famille, les difficultés d’approvisionnement, des régions coupées de tout…et quand on aura paré à l’urgence, la lente et douloureuse reconstruction des existences meurtries, d’un système économique désorganisé, d’une vie sociale à rétablir au quotidien.

Le cataclysme éveille en nous un effroi terrible. Quelques images entrevues à la télévision, le témoignage de rescapés, les mots eux-mêmes, « tsunami », raz de marée… nous renvoient à de très vieilles histoires où il est question de déluge, de Mer Rouge qui s’ouvre et se referme, d’engloutissement, de visions apocalyptiques. A tel point que, chargés d’une théologie qui nous semble relever d’un autre âge, certains ont voulu y voir la main de Dieu. Il va sans dire –mais il va mieux en le disant- que nous ne faisons pas nôtre cette théologie, même si elle a eu des heures de gloire dans notre passé chrétien. Aujourd’hui nous sommes devenus heureusement plus modestes sur notre connaissance de la volonté de Dieu.

Des témoins quasi immédiats

Et donc nous acceptons - et même nous choisissons - de rester sans explication ni justification métaphysiques plutôt que d’imputer à Dieu on ne sait quel terrible règlement de compte avec le monde et les humains. Nous ne sommes ni dans le secret de la nature ni dans celui de Dieu, et en aucun cas nous ne croyons en un Dieu vengeur. Voici la première remarque que je voulais faire. Ma seconde remarque, c’est que les moyens d’information dont nous disposons aujourd’hui nous rendent témoins quasi directs, quasi immédiats, d’événements que nous n’aurions jamais dû voir, à moins de nous trouver nous-mêmes prisonniers de ces événements.

Mais voilà : l’homme contemporain est dans cette situation inédite …où l’effroyable tsunami l’atteint en direct dans sa propre maison. Et ceci me fait penser à la phrase des « Proverbes » : « Si tu dis : ah, nous ne le savions pas ! Celui qui pèse les cœurs ne le comprend-il pas ? ». Car il semble, aujourd’hui plus que jamais, impossible de ne pas savoir. A moins de se boucher les oreilles et les yeux, de faire de la résistance active à l’information, nul ne peut dire qu’il n’est pas au courant de ce qui se passe dans le monde. Et donc je fais mien ce qu’une personne me disait l’autre jour : « Pour moi la question du bon samaritain : « Qui est mon prochain ? » est plus que jamais douloureuse. Car dès lors que je suis informée de ceci, de cela et du reste, il me semble que je deviens le prochain de tout le monde. Je ne peux pas faire comme si je ne savais pas ».

Ma troisième remarque, je la ferai à propos de l’aide ; je suis frappée par le caractère formidable de la solidarité mondiale qui montre, s’il en était besoin, que fort est le sentiment d’appartenance à une même humanité. Et si cela semble une évidence quand on le dit, il faut réaliser que l’image, l’information, la médiatisation ne sont pas étrangères à l’éducation de ce sentiment de commune humanité. Visualiser l’autre dans l’épreuve et dans la souffrance conduit souvent à le voir comme un autre soi-même. Ce n’est pas toujours le cas je le sais, mais dans le cas des cataclysmes où l’humain est victime des éléments déchaînés, cette identification à l’autre fonctionne comme naturellement.

Une vague d’humanité salvatrice

Ramené à la fragilité de sa condition humaine, l’autre est comme un autre moi-même.

Et donc, il faut le constater et en être reconnaissant : comme pour faire front à la gigantesque vague destructrice du tsunami, s’est élevée une gigantesque vague d’humanité qui se voudrait réparatrice, consolatrice, ou plus modestement salvatrice de ce qu’il faut aujourd’hui sauver. En tant que chrétiens, nous ne pouvons que nous réjouir de cet élan universel.

Cependant je voudrais ajouter une quatrième remarque, en reprenant une suggestion rencontrée dans un article de journal. L’auteur, André Grjébine, s’interrogeait sur notre capacité à remplacer dans l’avenir ce qu’il appelle une solidarité réactive par une solidarité préventive. En effet, comme nous y invite un simple adage populaire : ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ? Saint Augustin lui-même, dans un très beau texte, écrivait ceci : « Tu donnes du pain à qui a faim ! C’est bien. Mais mieux vaudrait que nul n’ait faim et que tu ne donnes à personne. Tu habilles qui est nu, c’est bien. Mais si seulement tous étaient vêtus, et qu’il n’y ait point telle nécessité… ».

Cette question de la prévention, je ne me la serais peut-être pas vraiment posée face à une telle catastrophe, si je n’avais entendu deux experts en tectonique s’exprimer à la télévision. Ils laissaient entendre deux choses :

- d’une part que des prévisions à long terme étaient possibles, non pas pour annoncer de manière précise la date de la catastrophe mais pour indiquer les zones menacées.

- d’autre part, qu’une alerte bien organisée aurait permis à très court terme, c'est-à-dire à l'échelle de quelques dizaines de minutes, l’évacuation vers des sites plus élevés de certaines populations.

La conjonction de ces deux actions aurait pu réduire considérablement le nombre de victimes. Nous devons aujourd’hui et nous devrons demain nous interroger sur notre responsabilité dans le développement d’une solidarité préventive. C’est bien parce que nous sommes humains, et fragiles, vulnérables devant la nature, que nous devons développer cette solidarité, dès lors que nous avons quelques moyens de le faire. Le bon samaritain serait alors, non seulement celui qui s’arrête pour panser le blessé sur la route, mais celui qui, conscient qu’un danger guette le voyageur, l’avertit, l’accompagne ou le protège…

La tyrannie du court terme

Mais pour développer cette solidarité préventive il y a des résistances à vaincre. Et ce sera ma cinquième remarque. La première résistance, on la connaît, c’est la tyrannie du court terme qui impose une rentabilité rapide, au détriment d’investissements à long terme. Ce n’est pas nouveau sous le soleil, mais la mondialisation de l’économie renforce la pression de l’urgence. Et ma foi, il faut bien tenir compte des réalités. Il ne s’agit donc pas de mépriser la notion d’intérêt, mais de la déplacer ou de l’envisager autrement. En y intégrant vraiment la vie et l’avenir comme capital de première importance. La prévention coûte cher et son utilité est parfois complexe à démontrer, il est donc nécessaire d’en faire l’apologie, de faire valoir les intérêts qu’elle présente à long terme. Il faut en développer les aspects éthiques et spirituels, mais aussi économiques, sociaux et politiques.

Ceci me fait penser à l’histoire biblique du patriarche Joseph lors de son séjour en Egypte. Interprète des songes -traduisons bon prévisionniste- il annonce au pharaon le danger de mauvaises récoltes sur plusieurs années et donc le risque de famine. Il l’invite alors à ne pas consommer ou vendre la totalité de ses bonnes récoltes, mais à faire des provisions en conséquence. Cette prévention lui permettra de nourrir son peuple, et même d’exercer une solidarité active envers les peuples voisins.Vaincre le fatalisme

La deuxième résistance à vaincre, c’est peut-être le fatalisme. Une certaine forme de fatalisme persiste même dans nos sociétés avancées et nos esprits rationnels. « Ainsi va le monde. C’est comme ça. On n’y pouvait rien. » Et chez des esprits très religieux cela donne parfois cette idée que : «C’est la volonté de Dieu. C’était écrit. Il faut se soumettre à sa destinée. » D’ailleurs, c’est vrai que le risque zéro n’existe pas. Et ce serait une illusion terrible et dangereuse que de croire qu’on peut se prémunir de tout, échapper aux dangers inhérents à la vie…Il faut donc raison garder dans l’idée de prévention. Cependant, le vrai problème n’est pas là.

Si l’on compare la solidarité réactive et la solidarité préventive, on comprend pourquoi la première marche mieux que la seconde. C’est que son ressort est l’émotion, et qu’elle s’appuie sur le plus noble sentiment qui soit et qui est la compassion. Or, là où la solidarité réactive fonctionne sur l’émotion devant l’événement, la solidarité préventive fonctionne sur l’écoute des avertissements. Là où la solidarité réactive s’appuie sur la compassion, la solidarité préventive sollicite de nous quelque chose de plus difficile qui est l’attention. Autrement dit, elle exige encore plus de responsabilité et de gratuité que la compassion.

Dieu nous demande de dominer la nature

On peut comprendre cette forme de responsabilité car, en général, c’est celle que l’on exerce à l’égard de ses propres enfants, quand on fait tout son possible pour qu’il ne leur arrive rien de mal, pour les éduquer à la prudence et au discernement. On peut se dire aussi que c’est de cette manière-là que Dieu nous aime et qu’il aime sa création. D’un amour attentif et prévenant qui nous protège. Mais aussi en nous demandant de dominer sur la nature, c’est-à-dire d’en être responsable. « L’homme…tu lui as donné domination sur l’œuvre de tes mains, tu as tout mis sous ses pieds », dit le Psaume 8. Notre seule manière de résister au fatalisme, c’est de le remplacer par ce sentiment de responsabilité vis-à-vis de l’avenir.

Mais pour cela il y a une troisième et dernière résistance à vaincre : c’est l’incrédulité. Il y a dans le psychisme humain un phénomène assez étrange et que l’on remarque souvent : c’est le fait de ne pas croire à la réalité du malheur annoncé. On connaît l’adage populaire : « Cela n’arrive qu’aux autres ! ». Mais si on l’étend à l’histoire ou aux catastrophes naturelles, on se rend compte qu’il y a des événements prévisibles mais auxquels la majeure partie des humains n’ajoute pas foi. Parce que cela dérange trop le cours de la vie, ou le sommeil, mais aussi tout simplement parce que cela semble incroyable tant que ce n’est pas arrivé.

Ils ont des oreilles et ils n’entendent pas

Dans son livre : « Pour un catastrophisme éclairé » le philosophe Jean-Claude Dupuy écrit : « La catastrophe a ceci de terrible que non seulement on ne croit pas qu’elle va se produire alors même qu’on a toutes les raisons de savoir qu’elle va se produire, mais qu’une fois qu’elle s’est produite elle apparaît comme relevant de l’ordre normal des choses. » Ainsi le fatalisme serait finalement comme une conséquence de l’incrédulité première.

Il y a en nous, il y a en l’homme une forte résistance à croire que « cela » peut arriver. « Ils ont des oreilles et ils n’entendent pas. Ils ont des yeux et ils ne voient pas. » Ce qui se dit dans la Bible à propos de Dieu et de ses commandements pourrait se dire aussi à propos des catastrophes qui peuvent survenir. Et en général ceux qui voient clair, ceux qui ont des éléments, non pour prévoir exactement ce qui va arriver, mais pour prévenir de dangers tout à fait réels ne sont pas écoutés. On peut les considérer comme ces fameux prophètes dont on dit souvent hélas qu’ils crient dans le désert.

Encore une fois, il ne s’agit pas de remplacer l’aveuglement par l’illusion qu’on pourrait tout prévoir, tout prévenir, et supprimer tous les risques et tous les dangers. Mais simplement de développer notre écoute et notre attention. Vivre est dangereux, le cosmos est dangereux, comme l’histoire des hommes. Non pas parce qu’un Dieu créateur voudrait nous maintenir dans l’effroi par des menaces permanentes. Mais parce que la nature est un organisme vivant, parce que les pierres palpitent, parce qu’il y a de l’ébullition sous chacun de nos pas, parce que le firmament s’écrit différemment à tout instant.

Notre vulnérabilité n’est que la face inversée de la splendeur du monde et de la vie. Nous devons vraiment assumer notre vulnérabilité. Prendre vraiment conscience que nous la partageons tous, que c’est le lot commun de notre humanité sur terre et dans le cosmos. Car assumer cette vulnérabilité, cette fragilité partagée, c’est le seul moyen de dépasser la peur, aussi étrange que cela paraisse…cette peur qui paralyse et qui pousse finalement à s’aveugler, à se mettre la tête sous l’aile. Et si nous sommes invités à dépasser la peur, ce n’est pas pour tomber dans l’insouciance, mais c’est pour connaître et vivre cette « crainte de l’Eternel » que nous suggère la Bible. Une crainte qui n’est pas la peur. Une crainte qui, à l’envers de la peur, ne nous paralyse pas mais au contraire nous dynamise.

De la juste crainte à la prévention

Cette crainte, c’est du respect, de la considération, c’est la simple conscience de ce que nous sommes face à Dieu, mais aussi face au monde, face au cosmos, face à l’infiniment petit et l’infiniment grand…Et loin de nous pousser au fatalisme et au désespoir, cette crainte nous assigne à la responsabilité. C’est peut-être en approfondissant cette crainte qui n’est que l’attention réelle et consciente portée à la Parole de Dieu, mais aussi au monde vivant et à l’histoire des hommes, que nous serons vraiment motivés pour développer une solidarité préventive vis-à-vis les uns des autres et vis-à-vis des générations à venir. Cette crainte qui ouvre le regard, qui pousse à l’écoute, à l’attention, à la prudence, à la prévention.

C’est en remplaçant la peur et l’inconscience par une juste crainte que nous pourrons devenir responsables et développer une solidarité préventive.

Florence Taubmann

 

 

 

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Article tiré du bulletin de l'Oratoire du Louvre à Paris

 


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