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Athanase Coquerel fils
(1820-1875)
Athanase, Josué Coquerel,
né à Amsterdam le 16 juin 1820, est le fils aîné
du pasteur Athanase Laurent, Charles Coquerel. Après des
études de théologie à Genève, il est
consacré au ministère pastoral en 1843 par son père,
en présence de 68 pasteurs, à Nîmes où
le Consistoire vient de l'appeler. Il remplace son père comme
aumônier au Lycée Henri IV en 1848 et devient en 1850
le suffragant du pasteur Martin Paschoud qui a usé toutes
ses forces à porter le flambeau du christianisme libéral
à Paris.
Sa vaste culture littéraire et théologique ainsi
que des dons oratoires exceptionnels font très vite d'Athanase
Coquerel le prédicateur le plus suivi de Paris. En 1863 son
sermon sur la solidarité chrétienne entraîne
un tel enthousiasme que la collecte en faveur des ouvriers cotonniers
de Seine-Maritime dépasse 15 000 francs. Ses prédications
sur la tradition protestante, les minorités chrétiennes
et l'unité de l'Eglise, abordent des questions fondamentales
et plaident la cause d'une plus grande largeur de vues.
incessante et le rayonnement d'Athanase Coquerel ne sont pas du
goût de tout le monde. On lui reproche d'avoir dit : "
Ma première objection contre les confessions de foi (obligatoires),
c'est qu'elles m'éloigne-rit de Jésus-Christ... Il
n'y a de sincère et suffisante que la confession de foi qu'on
se fait à soi-même. Que chacun se fasse la sienne ".
Le professeur de théologie Pedezert qui rapporte ce propos
reconnaît qu'il s'agit " d'une parole loyale et sympathique
", mais redoute qu'avec " ce généreux individualisme
il y ait des chrétiens, mais qu'il n'y ait plus d'Eglises
chrétiennes
Etablir l'unité de l'Eglise chrétienne sur une confession
de foi obligatoire est l'obsession de l'orthodoxie protestante pendant
la seconde moitié du XIX~ siècle. Progressivement
le parti orthodoxe devient majoritaire dans le consistoire de Paris
sous le Second-Empire. A. Coquerel, que ses adversaires saluent
eux-mêmes comme un homme modéré ' pacifique,
bienveillant et chaleureux n'a guère prêté le
flanc à la critique. En 1864 le consistoire lui interdit
la chaire sous prétexte de rétablir l'unité
doctrinale en refusant de renouveler sa suffragance. Il ne s'agit
pas, comme on l'a dit à tort, d'une destitution puisqu'A.
Coquerel n'est pas titulaire d'un poste. Refuser à une fraction
très importante de l'Eglise de Paris Lin pasteur suffragant
de son choix va conduire à une situation d'autant plus invraisemblable
que tout le monde va s'en mêler, y compris les pouvoirs publics
puisque nos Eglises ne seront séparées de l'Etat qu'en
1905.
Pour les orthodoxes il s'agit de combattre " l'erreur "
au nom de la vérité, pour les libéraux il s'agit
d'assurer à chaque tendance une juste représentation.
Les uns et les autres sont sincères. Comme on ne peut pas
reprocher grand-chose à A. Coquerel, on critique surtout
ses amitiés.
Son association d'anciens catéchumènes (il y en aura
près de cinq cents) fait concurrence au diaconat. Il a écrit
dans le Lien un article qu'on trouve trop élogieux à
propos de la Vie de Jésus de Renan. Coquerel ne répond
pas aux observations du Consistoire qui, à son avis, empiète
sur sa conscience de pasteur. Enfin il a cédé la chaire
de l'Oratoire aux pasteurs Colani et Réville. Le consistoire
qui a manifesté des tendances inquisitoriales ne s'attend
probablement pas à déchaîner un tollé
quasi-général.
Une pétition en faveur d'A. Coquerel regroupe près
de 5 000 signatures
Il m'a été donné de la retrouver... au fond
d'une cave ! N'hésitez pas à venir consulter ces listes
vénérables à mon bureau. Vous trouverez quelques
grands noms de l'époque : Eugène Pelletan, Broca,
Ferdinand Buisson, Jules Simon, la marquise de La Rochefoucauld-Liancourt.
Un formulaire est imprimé : Nous, sous-signés, membres
de l'Eglise Réformée, au nom de la liberté
de conscience, protestons contre l'exclusion de M. le Pasteur Athanase
Coquerel fils. Les signatures autographes sont déposées
à l'agence de l'Union libérale, 5 rue des Beaux-Arts.
En 1864 une liste des protestataires est publiée. On reprochera
aux libéraux d'avoir accepté les signatures des femmes,
de quelques luthériens, de membres de l'Eglise n'habitant
pas Paris. Pédésert dans ses cinquante ans de souvenirs
religieux trouve regrettable que l'on accorde de l'importance à
l'opinion " d'un savetier, d'un forgeron, d'un tailleur ou
d'un cordonnier ". Ceux-ci avaient cependant autant de bon
sens qu'un vieux théologien quelque peu pharisien et ils
avaient sans nul doute davantage que lui le sens de l'équité.
Athanase Coquerel va continuer à prêcher en dehors
de l'Oratoire. Des salles sont louées rue de Grenelle - Saint-Germain,
boulevard Richard-Lenoir, enfin à la Cité d'Antin
où la Salle Saint-André accueillera de vastes assemblées.
En 1868 il est secondé par les pasteurs Dide et Grawitz.
A. Coquerel et les nombreux fidèles qui le suivent affirment
toujours qu'ils ne veulent à aucun prix se séparer
de l'Eglise Réformée. La Ste Cène n'est jamais
célébrée dans les salles qui vont s'ouvrir,
aucun baptême ne sera pratiqué, aucun catéchumène
ne sera reçu. On retourne pour ces cérémonies
à l'Eglise officielle. Le pasteur Martin Paschoud, privé
de son suffragant, sera mis à la retraite pour raison de
santé. Sur son refus, il est révoqué, puis
maintenu en place par le ministre des cultes. Il deviendra même
président du consistoire à la mort d'A. Coquerel père,
en raison de son ancienneté. La situation devient de plus
en plus confuse avec un consistoire orthodoxe présidé
par un libéral. La salle St André regroupe des auditoires
de plus en plus nombreux. Trois Ecoles du dimanche sont ouvertes.
La rivalité entre orthodoxes et libéraux se poursuit
pendant le siège de Paris : il y aura des ambulances libérales
au nombre de quatre et des ambulances orthodoxes !
Paradoxalement A. Coquerel est plus que jamais pasteur de l'Eglise
de Paris à partir du vote funeste du 14 février 1864
qui lui retire toute fonction officielle. Exclu des temples parisiens,
il est appelé à occuper la chaire d'un grand nombre
d'Eglises et chargé de présider à des consécrations
de pasteurs et à des dédicaces de lieux de culte:
Nîmes, Le Havre, Montauban, Strasbourg, Dieppe, Nancy, Royan,
Clairac, Tonneins, Poitiers. Il parcourt l'Europe et les Etats-Unis.'
Candidat républicain malheureux à la députation,
il obtient cependant plus de 67 000 voix.
Tout le temps sur la brèche, A. Coquerel, travailleur acharné,
n'arrive plus à se rétablir d'une phlébite.
Il meurt d'une embolie, le 24 juillet 1875, alors qu'il séjourne
chez sa sur à Fismes dans la Marne. Son testament précise
: " J'interdis absolument pour mes funérailles un service
religieux dans un temple quelconque, toute invitation à qui
que ce soit et je demande instamment que le pasteur se borne à
dire : Dieu est Esprit et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent
en esprit et en vérité. Nos légères
afflictions du temps présent produisent en nous le fruit
éternel d'une gloire infiniment excellente. Amen. Après
quoi il récitera l'oraison dominicale seule ".
Il est difficile de présenter l'ensemble des écrits
d'A. Coquerel, dont la production littéraire est considérable.
Indépendamment d'une contribution à divers journaux
et de nombreux recueil de sermons, ses meilleurs volumes sont :
Catholicisme et protestantisme, La Conscience et la Foi, l'Histoire
du Credo. De ses nombreuses publications historiques, signalons
Jean Calas et ,51 f5imilli- Précis de l'histoire de l'Eglise
Réformée de Paris, les Forçats par la foi.
Auteur d'un recueil de cantiques intitulé Solennités
chrétiennes, il a écrit tout aussi bien sur la topographie
de Jérusalem que sur l'affranchissement des esclaves aux
Etats-Unis. Critique d'art, il a publié : des Beaux-Arts
en Italie ", " Rembrandt et l'Individualisme dans l'Art".
Voyageur, artiste, théologien, prédicateur, écrivain,
polémiste, un homme de cette stature ne peut laisser indifférent
ni ses contemporains, ni les hommes de notre temps. Ernest Renan
a écrit à son sujet dans le journal des Débats
: " Ce que M. Athanase Coquerel fils déploya dans son
uvre excellente de zèle, de bonne volonté, de
loyauté, de talent, est au-dessus de tout éloge...
Son instruction était extrêmement étendue, son
goût littéraire fort exercé. L'histoire de l'art
en particulier lui était familière; il connaissait
l'Italie dans la perfection et il en a écrit dignement. Mais
ce qu'il était éminemment, c'était pasteur.
Il semblait né pour le soin des âmes ; il tenait cet
art d'une longue tradition et le maniait avec dextérité
et un tact admirables. C'est là une aptitude toute spéciale,
qui ne saurait s'acquérir. Le talent, la bonne volonté,
le génie même n'y suppléent pas. Il faut en
faire son uvre, s'y dépenser tout entier, négliger
le reste... Beaucoup le suivaient parce qu'ils voyaient bien qu'il
avait raison; d'autres parce que la règle de sa vie et le
don de séduction par la bonté qu'il possédait
à un si haut degré les entraînaient... Son christianisme
était le vrai, c'était celui du Sermon sur la Montagne,
la doctrine de l'adoration en esprit et en vérité...
Peut-être son attitude militante ne lui permettait-elle pas
cette patience, à laquelle les spéculatifs se résignent
facilement sans qu'il y ait à cela grand mérite de
leur part ".
Nous tenterons d'entrevoir une prochaine fois les grandes lignes
de la pensée de cet homme hors du commun, qui a peut-être
été la figure la plus haute et la plus représentative
du protestantisme de son temps.
Philippe VASSAUX
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