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Adolphe Monod
(1802-1856)
Adolphe Monod est né à
Copenhague le 21 janvier 1802 et décédé à
Paris, le 6 avril 1856. Son père Jean Monod, après
avoir exercé son ministère pastoral au Danemark, s'est
installé à Paris où son rayonnement a été
grand. Epoux de Louise de Coninck qui lui a donné douze enfants,
il a su créer autour de lui une atmosphère de haute
culture intellectuelle. C'est dans ce cadre privilégié
qu'ont grandi Frédéric et Adolphe Monod. De fortes
habitudes de travail, le souci de parler et d'écrire dans
une langue aussi classique que possible ont été des
traditions de famille déterminantes pour ces esprits distingués.
De 1820 à 1824 Adolphe Monod fait des études de théologie
à Genève. Les Français représentent
alors la moitié de l'effectif des étudiants. Jean-Jacques
Caton-Chenevière et Jacob-Elisée Cellérier
sont les professeurs les plus connus. L'un et l'autre se rattachent
au supranaturalisme rationnel et font crédit à la
foi et à la raison tout en même temps. Chenevière,
assez méfiant à l'éL,ard de la sensibilité
qui risque de conduire à l'exaltation, concentre son at~ention
sur le rôle de la raison en matière de foi: elle doit
rechercher les ar-uments favorables à la Révélation
afin ide rendre la foi raisonnable. Cellérier insiste davantage
sur un troisième élément qui est le coeur.
C'est à tort qu'on a parlé d'un enseignement desséché
pour caractériser la Faculté de Genève à
cette époque là. Cet enseignement se situe à
l'opposé de ce qu'on a appelé revivalisme, méthodisme,
" exclusivisme ".
Les débuts du futur grand orateur n'ont pas été
heureux. Après avoir présenté son premier sermon,
il ne se sent aucune aptitude pour la prédication et envisage
même de renoncer au pastorat. Sa mère lui demande de
persévérer et lui fait promettre de tenter un nouvel
essai. Il va mettre toute son ardeur dans la composition de son
nouveau sermon. Les professeurs et les étudiants de la Faculté
saluent alors en lui un orateur de talent. On le compare même
à Saurin et à Massillon. A. Monod a trouvé
sa voie avant d'être marqué par le Réveil.
Il n'a que vingt-six ans lorsqu'il reçoit un appel de l'Eglise
de Lyon en 1827. Le consistoire de cette métropole cherche
un pasteur " distingué " dans la ligne de son père,
Jean Monod. Malgré l'amitié qui le lie à son
cousin Gaussen, Adolphe Monod semble présenter les garanties
nécessaires. Il s'est montré plutôt réservé
à l'égard des " méthodistes " au
cours de ses études à Genève. Pasteur de l'Eglise
française de Naples en 1826 il entre en contact avec la théologie
du Réveil par le canal de Thomas Erskine, un ancien avocat
devenu un ardent protagoniste du Réveil et autour d'un ouvrage
traduit, dit-on, par la duchesse de Broglie intitulé "
Réflexions sur l'Evidence intrinsèque de la Vérité
du Christianisme". A. Monod publiera en 1928 deux sermons prononcés
à Naples sur la misère de l'homme et la miséricorde
de Dieu où l'influence du Réveil est caractérisée.
Le jeune pasteur qui a été choisi par l'Eglise de
Lyon n'est plus le même que celui qui va s'installer à
Lyon! Entre temps une crise spirituelle profonde l'a transformé.
La cité rhodanienne a été de tout temps un
haut lieu du mysticisme. Bastion de la franc-maçonnerie mystique
avec J.-B. Willermoz
avant la Révolution de 1789, lieu d'influence de Mme de Krüdener,
terred'élection des sociétés évangéliques,
Lyon possède une petite Eglise dissidente composée
de membres professants, en général des ouvriers d'origine
suisse ou des catholiques convertis. Un agent de la Société
continentale, le vaudois Dentan, la dirige. Dentan confie sa communauté
qui intègre l'Eglise concordaire à A. Monod et part
pour la Haute-Loire où il deviendra darbyste, ce qui n'est
pas sans signification. Dans l'immédiat tout le monde est
satisfait : les réformés lyonnais voient avec gratitude
une communauté se joindre à eux. Le troupeau de Dentan
a trouvé en A. Monod un pasteur à sa convenance.
Le consistoire de Lyon trouve cependant qu'A. Monod consacre trop
de temps à ce groupe au détriment des nombreux anciens
catholiques qui fréquentent le temple du Change dans le vieux
Lyon, célèbre pour sa façade qui est de Soufflot.
Contrairement à ce qu'on a parfois dit l'Eglise réformée
de Lyon est alors fort vivante, conquérante même. Elle
entretient par ailleurs d'excellentes relations avec les autorités.
Indépendamment d'un vieux noyau qui remonte à l'époque
du Désert, elle est composée de suisses et de cévenols.
Une évangélisation active est faite dans les environs
de Lyon jusqu'à Tarare. Le village de Sainte-Consorce, près
de Marcy-l'Etoile, veut se convertir en bloc au protestantisme.
Le nombre des lyonnais touchés par le mouvement s'élèverait
à plus de 5 000 d'après un commerçant converti,
Mollard Lefèvre, qui proclame ses opinions religieuses nouvelles
dans deux brochures. L'évaluation est sans doute trop forte.
Les registres consistoriaux font cependant état de plus de
500 convertis au début de 1826.
Le consistoire reproche à son trop jeune président
de négliger les anciens catholiques de Lyon et de la banlieue.
C'est peut-être l'afflux des convertis qui va inciter A. Monod
à montrer des exigences draconiennes à propos des
conditions d'entrée dans l'Eglise et d'admission à
la Sainte Cène. Il veut pratiquement rétablir la discipline
du XVIe siècle. Telle est l'origine de son conflit avec le
consistoire. Très vite on va lui reprocher ses absences continuelles,
le caractère très sombre et l'absence de préparation
de ses prédications, son mépris apparent pour les
lyonnais et même pour ses collègues. Il déconseille
l'assistance à l'instruction religieuse de son ancien condisciple
de Genève Martin Paschoud. En 1829 le consistoire lui demande
sa démission. Il vient de se marier le 2 septembre. L'affaire
ne s'arrange pas. Le 20 mars 1831 A. Monod prononce un sermon terrible:
" Qui doit communier ? " Ce sermon est en partie improvisé.
A. Monod l'a fait imprimer par la suite à partir d'une sténographie.
En voici quelques passages :
" C'est désordre pur, c'est ténèbres pures,
c'est incrédulité pure, incrédulité
revêtue du nom du Christ. En sorte que dans l'Eglise de Jésus-Christ,
sous le nom de Jésus-Christ, peut-être jusque dans
la chaire de Jésus-Christ, dans ceux qui sont établis
pour veiller sur les brebis de Jésus-Christ, là, là-même
le Démon a mis son incrédulité! Ce n'est plus
l'Eglise de Jésus-Christ, c'est l'Eglise du Démon,
c'est l'assemblée de Satan!... Je crois... qu'il n'y a rien,
aux yeux de Dieu et de ses anges, de plus horrible, rien de plus
abominable qu'une communion indigne, qu'une communion non communion,
qu'une communion où la table sainte est profanée,
où le corps et le sang du Fils de Dieu sont jetés
à l'aventure et livrés peut-être à ses
plus cruels ennemis. Murs de ce Temple, avez-vous vu des communions
semblables ? J'en appelle aux incrédules eux-mêmes...
". Si l'Eglise de Lyon était une assemblée de
Satan, les protestants lyonnais pouvaient légitimement se
demander pourquoi Adolphe Monod y était entré! Ce
dernier refuse de distribuer la Sainte Cène le jour de la
Pentecôte. Il est suspendu par le consistoire pour "
refus de service ".
Le 19 mars 1832 la destitution d'A. Monod est prononcée
par ordonnance royale. Le baron Cuvier, directeur des cultes non-catholiques,
a hésité à conseiller la destitution demandée
dès le 15 avril 1831 par le consistoire car la loi de 1802
ne charge pas les consistoires de régler les questions doctrinales.
Quant au gouvernement il ne veut surtout pas prétendre à
une compétence religieuse. Il aurait sans doute évité
de se prononcer si A. Monod n'ait pas refusé de distribuer
la Sainte Cène. Le problème n'était plus seulement
théologique, mais aussi disciplinaire.
A. Monod quitte l'Eglise officielle contre sa volonté. Il
reste à Lyon à la demande instante de ses amis du
Réveil bien que Gaussen lui ait proposé une chaire
à l'Ecole de théologie qu'il vient de fonder à
Genève. Les partisans de Dentan le rejoignent. Il se trouve
à la tête d'une communauté de cent-cinquante
" régénérés " auxquels se
sont jointes quelques dames de la bonne société. Le
départ est prometteur, mais A. Monod semble avoir été
gêné par les " vues baptistes " de sa nouvelle
Eglise. Au fond de lui-même il reste réformé
et comme l'a dit son frère Frédéric "
il est séparé sans être séparatiste ".
En 1836 Adolphe Monod est appelé comme professeur de morale
à la Faculté de Théologie de Montauban où
il enseignera jusqu'en 1847. Il occupera par la suite la chaire
d'hébreu, puis en 1845 celle d'exégèse et de
critique sacrées. On est surpris aujourd'hui par l'absence
de préparation des professeurs de théologie de Montauban
à cette époque.
A. Monod s'est livré à ces tâches nouvelles
pour lui avec une ardeur et une conscience exceptionnelles. Le résultat
de ce travail a été, pour le maître et ses étudiants,
un réveil de l'esprit critique, l'abandon de l'ancienne théopneustie,
la recherche d'une base plus large et plus solide par l'étude
des Ecritures. A. Monod a reconnu loyalement que ses idées
se sont modifiées dans le sens d'un élargissement
intellectuel.
A. Monod n'oublie pas pour autant sa mission de prédicateur.
Plusieurs recueils de sermons en témoignent. En 1840 il publie
" Lucile ou la lecture de la Bible ", un ouvrage qui a
un grand succès. C'est le dernier témoignage de sa
première conception de la Bible basée sur les miracles
et les prophéties. En 1847 il répond à l'appel
qui lui est adressé par le Consistoire de Paris, en acceptant
le poste de suffragant. Il sera nommé pasteur titulaire en
1849.
Que de chemin parcouru depuis 1829 ! Le Jean-Baptiste romantique
du Réveil qui n'insiste que sur la repentance a commis l'erreur
lorsqu'il était à Lyon " de vouloir transposer
le seizième siècle dans le dix-neuvième ",
comme l'a remarqué l'un de ses propres amis, J. Pédézert.
Le pasteur qui s'installe à Paris en 1847 aime à présenter
le christianisme plutôt comme une vie que comme une doctrine.
Son discours d'installation " La Parole Vivante " et son
sermon sur les Grandes Ames en font foi. Il insiste sur " la
personne vivante de Jésus-Christ " à laquelle
l'Ecriture a été chargée de rendre témoignage.
Sans rompre pour autant avec ses convictions théoloaiques
A. Monod est influencé par Alexandre Vinet. Il va jusqu'à
insister sur l'harmonie préétablie entre les débris
de notre grandeur première et l'Evangile de Jésus-Christ.
Son sermon sur Nathanaël est pénétré de
cette pensée.
On conservera d'abord d'A. Monod le souvenir d'un grand prédicateur.
Ses sermons ont attiré les auditoires de plus en plus importants.
La chaleur de ses convictions jointe à un rare talent oratoire
explique qu'il a exercé une influence très grande
sur ses catéchumènes et sur les jeunes. Dans son sermon
" un chrétien peut-il mourir tranquille ? " il
n'hésite pas à se mettre à genoux dans la chaire
de l'Oratoire. Le prédicateur disparaît et on ne voit
plus que ses longues mains qui s'élèvent vers la voûte
pour la prière. Par-delà le romantisme qui est celui
de son temps, le message d'A. Monod est encore en mesure de faire
une forte impression sur nos contemporains. L'écrivain et
philosophe Amiel écrit à son sujet, dans son Journal,
en 1851 : " J'ai ressenti les chaînes d'or de l'éloquence;
j'étais suspendu aux lèvres de l'orateur et ravi de
son audace et de sa grâce, de son élan et de son art,
de sa sincérité et de son talent. J'ai reconnu que
pour les puissants les difficultés sont une source d'inspiration,
et ce qui ferait broncher les autres, l'occasion de leurs hauts
triomphes... Quelle étude
que celle d'une prédication pareille! Diction, composition,
images, tout est instructif et précieux à recueillir.
J'ai été émerveillé, remué, saisi.
" Edmond de Pressensé, dans ses Etudes contemporaines,
écrit de son côté : " J'ai toujours devant
les yeux la figure d'A. Monod si noblement expressive... Elle portait
le cachet d'une haute distinction morale, relevée par une
mélancolie propre aux âmes profondes ; son sourire
était admirable, c'était une lumière. La parole
le transfigurait, comme elle fait pour tous les grands maîtres
de l'éloquence. Son geste était parfait. Je n'ai entendu
que Berryer qui eût une voix d'un timbre aussi harmonieux
et pénétrant. " Berryer, avocat et membre de
l'Académie française, a été le grand
orateur du parti légitimiste sous le Second Empire.
Après six ans de ministère parisien, la maladie le
mine. Il monte en chaire pour la dernière fois le 27 mai
1855. Il s'éteint le 6 avril 1856 après dix mois de
souffrance. C'est au cours de cette période qu'il a trouvé
la force de rédiger une série de méditations
pour ses amis qui ont été rassemblées dans
" Les Adieux ". Adolphe Monod a épousé en
1827 Hannah Honyman qui lui a donné sept enfants. On peut
voir son buste dans la grande sacristie de l'Oratoire et dans la
salle qui porte son nom au deuxième étage de la maison
presbytérale.
Philippe Vassaux
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