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Un demi paquet de cigarettes
Il y a 50 ans un rapport qui interpellait
Dans une « Feuille Rose
» dil y a 50 ans (juin 1956), nous avons retrouvé
un texte absolument pathétique sur le sort des déshérités
qui sont toujours légion dans la France de laprès-guerre.
Cest dans le rapport du trésorier du Diaconat, présenté
à lAssemblée générale de lOratoire
le 11 mars 1956, que lon relève cette terrible interpellation.
Après avoir annoncé que le budget de solidarité
avait, pour la première fois, dépassé 2 millions
de francs, M. Marc Pernot nen faisait pas moins remarquer
sans complaisance : « Cest bien, mais cest encore
ridicule ! Croyez-vous que nous pouvons nous déclarer satisfaits
et penser que nous sommes, maintenant, devenus de bons chrétiens
? Ce serait vraiment acheter à bon compte la tranquillité
de notre conscience ! Je sais très bien que plusieurs dentre
nous ne méritent pas cette observation. Nous en connaissons
tous (
) de ces fidèles qui vivent la loi du Christ,
les uns partagent vraiment leurs revenus avec les déshérités
et le font dautant plus volontiers que ces revenus leur
assurent à peine de quoi vivre !
les autres apportent gaiement toutes leurs réserves (
)
Ceux-là ont compris (
) Mais les autres ? Mais nous
tous ou presque- quattendons-nous pour comprendre ?
Rude rappel à lordre qui dut mettre mal à
laise quelques consciences. Pourtant, lauteur de ce
rapport dérangeant enfonce le clou en soulignant que belles
sont les sommes «que nous remettons : 4000 fr, 5000 fr, 6000
fr par mois pour un vieillard sans ressources ou une famille dans
le besoin ! Quand nous donnons 10 000 francs, nous avons limpression
que nous faisons une folie ! ».(1)
Une « folie » qui narrive pas souvent en raison
des faibles moyens dont dispose le Diaconat. Pourtant le trésorier
ne cède pas au découragement et il revient à
la charge. Car il a fait ses comptes : ce que rapportent les collectes
dominicales à la sortie du temple, les deux grandes collectes
pour les pauvres, ainsi que les dons et les sommes recueillies lors
des baptêmes, des mariages et des services funèbres,
cela fait en moyenne 30 fr. par semaine pour chacun des 1500 paroissiens
de lOratoire. « 30 fr par semaine, sexclame-t-il,
la moitié du prix dun paquet de cigarettes ordinaires
».
Une sacrée leçon dhumilité qui trouve
sa conclusion, bien sûr. Elle se veut positive car les secours
répartis par le Diaconat concernent entre 30 et 40 personnes
et, dans beaucoup de cas, « ce sont des familles entières
que nous soutenons ». Mais lauteur de ce quil
faut bien appeler « un coup de gueule salutaire» insiste
: « Pensez à ce que nous faisons et à ce que
nous pourrions faire ! Navez-vous pas été bouleversés,
il y a quelques mois, quand lun de nos chers Pasteurs sest
écrié du haut de cette chaire : « La douleur
de nos frères ne trouble pas assez notre repos ».
Pour redonner un peu le sourire à la fin de cette chronique,
jai choisi deux curieux avis parus en avril et mai 1956. Le
premier révèle que l « un des cahiers
(le premier), où vos pasteurs indiquent le texte des prédications
prêchées à lOratoire a disparu. Nous aimerions
retrouver ce cahier à la fois très utile et très
précieux (
) Qui pourrait nous donner une indication
à son sujet ? » Deuxième disparition signalée,
cette fois, sous forme de Petite Annonce : « Melle Viénot
recherche livre prêté à la paroisse : «
Nos maîtres les oiseaux », par E.Oehmichen ».
Envolés le cahier des cultes et le livre sur les oiseaux
: deux énigmes holmesiennes ou un épisode avant lheure
du « Da Vinci Code » ayant pour cadre lOratoire
?
Roger Pourteau
(1) Il sagit, évidemment, du franc de lépoque,
celui davant le « nouveau franc » créé
en 1960 et qui valait 100 francs anciens.
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