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La diversité dans le protestantisme
Venu animer notre première
soirée du mardi, le Pasteur Louis Schweitzer, ancien secrétaire
général de la Fédération Protestante,
nous a invités à accomplir un voyage en histoire protestante.
Pour nourrir la réflexion à laquelle les synodes de
cette année sont invités à propos de la demande
d'adhésion de nouvelles Églises à la Fédération,
il a réaffirmé que la diversité était
consubstantielle au protestantisme, et ce dès les commencements.
Rappelant que si l'archétype catholique est l'obéissance,
l'archétype protestant est la conscience personnelle, il
a souligné avec humour que les Protestants sont d'accord
sur la Bible, ... tant qu'elle est fermée, et que même
les principes fondamentaux du Protestantisme (la Grâce seule,
la foi seule, l'Écriture seule, le sacerdoce universel) donnent
lieu à des interprétations différentes.
Déjà la Réforme du XVIe siècle est
plurielle. Car la Réforme luthérienne, si elle est
l'héritage commun des protestants du point de vue théologique
et spirituel, a des aspects spécifiques liés à
la personnalité de Luther, qui était moine. Elle sera
notamment marquée par la théologie des deux Règnes.
Zwingli, intellectuel humaniste, suivra Luther pour l'essentiel,
mais il ira beaucoup plus foin dans sa remise en cause des dogmes.
Mais c'est Calvin le juriste qui donnera sa forme à la Réforme
réformée. Cependant, ces deux traditions ne touchent pas au principe de
l'union de l'Église et de l'État. Et c'est une troisième
tradition qui va le faire, du côté de ce que l'on appellera
la Réforme radicale. Dès 1524, on trouve une communauté
anabaptiste à Zurich, contestant le baptême des bébés,
mais aussi présentant l'Église comme la communauté
des disciples de Jésus et non comme la fonction religieuse
de l'État. Loin d'affaiblir le mouvement, les persécutions
le pousseront vers le sud de l'Allemagne, l'est de l'Europe, puis
il trouvera refuge en Hollande et plus fard en Amérique.
Une particularité essentielle de cet anabaptisme est le choix
de la non violence, que l'on retrouvera chez ses descendants Amishs
et Mennonites.
Dans l'Angleterre du XVIe et XVIle siècle, au cur
même de l'anglicanisme, va naître un mouvement en faveur
d'une Réforme au sens continental du terme, en vue de purifier
l'Église dans sa théologie et sa pratique. Une partie
de ces puritains désire transformer l'Église anglicane
en Église presbytérienne, ce qui aboutira en Écosse,
mais non en Angleterre. [!autre partie veut la séparation
et fonde le congrégationalisme. Ces partisans du congrégationalisme,
persécutés, fuiront pour certains d'entre eux en Hollande
où îls seront accueillis par les mennonites, et deviendront
baptistes avec John Smith. Essayant d'importer ce baptisme en Angleterre,
ils seront à nouveau persécutés et iront aux
Etats-Unis fonder l'État de Rhode Island, où le principe
de la liberté de conscience est inscrit dans la constitution.
A la même époque, on voit naître les Quakers,
radicalement non-violents.
Quant à l'Allemagne des XVIle puis XVIlle siècles,
elle connaîtra un mouvement spirituel très fécond
sur le plan intellectuel et social avec le piétisme, qui
se nourrira à la pensée de Luther et à la mystique
rhénane. Des Églises naîtront de cet élan
qui sera également missionnaire et oecuménique : par
exemple les Églises moraves.
Ce « réveil », qu'on trouve aussi en Angleterre
au XVIlle siècle avec Wesley et le méthodisme, va
se répandre en Amérique et en Europe. Et c'est également
à partir d'un « réveil » que le protestantisme
français va se reconstituer au XIXe siècle.
Cependant, le réveil le plus important et qui est aussi
le plus récent est le réveil pentecôtiste, qui
représente aujourd'hui au moins 200 millions de personnes
dans le monde. Les charismatiques en représentent 350 millions,
la différence entre les deux mouvements étant que
le pentecôtisme a créé de nouvelles Églises,
tandis que le mouvement charismatique se développera, à
partir des années 1950, à l'intérieur des Églises
déjà existantes.
Le Pentecôtisme est apparu aux États-Unis à
la fin du XIXe siècle, sous l'impulsion de gens en quête
spirituelle qui cherchent à revivre l'expérience du
Nouveau Testament, notamment celle des Actes des apôtres avec
effusion de l'Esprit, prophéties, guérisons... En
1900 à San Francisco, se manifeste une première communauté
composée de pauvres, blancs et noirs mélangés.
20 ans plus tard, des missions ont essaimé partout dans le
monde, donnant naissance aux Assemblées de Dieu et à
des Églises autonomes. En France aujourd'hui, les Assemblées
de Dieu sont aussi nombreuses que les Églises réformées,
et elles manifestent un grand dynamisme. Et il existe des mouvements
de rapprochement dans le monde évangélique en général
à travers les facultés de théologie et l'Alliance
évangélique.
Pourquoi un certain nombre de ces Églises demandent-elles
aujourd'hui leur adhésion à la Fédération
Protestante de France ? Rappelons d'abord que
les Églises libres et des Églises baptistes en sont
membres depuis le début, et que certaines Églises
pentecôtistes, notamment celle des Tziganes, ainsi que l'Église
apostolique, y sont entrées depuis peu.
Pour le Pasteur Louis Schweitzer, il y a sans doute de bonnes
et de mauvaises raisons à ces demandes d'adhésion.
Parmi les bonnes, il nous invite à retenir celle-ci : au
bout de quelques générations, les Églises ont
tendance à s'ouvrir, ,à désirer rencontrer
d'autres Églises, à entrer dans une démarche
oecuménique afin d'approfondir leur travail théologique.
Or les Églises pentecôtistes en sont à la quatrième
génération.
De plus, il nous rappelle qu'en règle quasi-générale,
chaque Église repose sur un équilibre entre trois
sensibilités :
- I.À partir d'un jaillissement premier, fécond
et enthousiaste,
- II.Il y a dans un second temps fixation d'une orthodoxie permettant
l'assise doctrinale et la répétition.
- III.Puis vient une réaction libérale, revendiquant
la liberté de l'intelligence et de la foi par rapport au
dogme, au risque de tomber dans le rationalisme.
- IV. Et c'est alors que naît un mouvement de réveil,
qui cherche à retrouver l'intuition première.
Tout mouvement de réveil comporte certains risques : illuminisme,
contestation doctrinale, sociale... Ceci a fait que dans l'histoire
les mouvements de réveil ont souvent été rejetés
par les Églises, et se sont épanouis en dehors d'elles,
en général plutôt sous la houlette de chefs
charismatiques que de théologiens. C'est le cas pour le pentecôtisme,
à la différence du mouvement charismatique, qui a
été intégré, notamment par l'Église
catholique. On voit donc l'enjeu possible de cette réflexion et de
cette rencontre entre les Églises dites historiques et ces
Eglises nées d'un réveil évangélique
et pentecôtiste. Il. ne s'agît pas pour l'instant de
se prononcer sur l'adhésion, car la Fédération
protestante et les Églises en demande d'adhésion se
sont données trois années pour mûrir ce projet,
et prendre la mesure des questions théologiques et culturelles.
Ce temps ne sera donc pas un temps de passivité, mais un
temps où les diverses Églises seront invitées
à se rencontrer et à dialoguer, Quelles que soient
les décisions prises dans trois ans, le Pasteur Louis Schweitzer
nous invite à voir dans cette démarche un mouvement
inversé par rapport à l'histoire du protestantisme
dans son ensemble, puisqu'il s'agirait d'aller de la diversité
à la complémentarité.
Florence Taubmann
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