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La Bible de Castellion
Une Bible qui met lÉcriture
à la portée du « simple peuple »
Il est connu que lon retire
de la lecture de la Bible des choses anciennes et des choses nouvelles.
Les récits que lon croit connaître prennent,
en certaines occasions, des reliefs nouveaux. Cest ainsi.
Le texte vit et fait vivre. Ceci est particulièrement vrai
pour la récente édition en 2005 chez Bayard, de la
Bible nouvellement translatée par Sébastien Castellion.
Depuis sa parution en 1555, seuls quelques exemplaires sont encore
recensés dans le monde et elle navait jamais été
rééditée depuis. Aussi la parution actuelle
intervenant 450 ans plus tard procure-t-elle un réel plaisir.
Avoir entre les mains un volume argenté, présenté
dans un coffret, de manipulation facile, cest détenir
un petit bijou littéraire ! Beaucoup de soins ont été
accordés à la présentation. La lecture est
aérée, les dessins originaux sont de qualité
complètant souvent les explications. Un glossaire aide à
se retrouver lorsque certaines terminologies égarent le lecteur
moins familiarisé aujourdhui avec le patrimoine linguistique
et littéraire de la Renaissance.
En bref, la Bible de Castellion, offre une occasion daborder
le message scripturaire avec un enthousiasme nouveau, un étonnement,
une vigueur et une fraîcheur particuliers. Souvent, un sourire
apparaît sur les lèvres du lecteur habitué aux
traductions diverses, qualifiées de scientifiques, de priantes,
de poétiques et il se dit : « Tiens, on peut donc aussi
lire cela comme ça ! »
Les protestants possèdent souvent plusieurs exemplaires
de Bibles parfois très anciennes. Cette richesse permet de
faire des comparaisons entre les différentes traductions,
cela facilite aussi la compréhension de textes « translatés
» -(traduits)- à partir des langues fondamentales (lhébreu
et le grec) . Castellion nous offre les récits rédigés
dans une langue vigoureuse, un style très direct et lusage
dun vocabulaire qui vient directement de la Renaissance. Période
durant laquelle la langue se cisèle, se construit.
Résolument dans la lignée réformatrice, Castellion
propose une lecture de la Bible singulière, voire dérangeante.
La visée de cette traduction était, selon laffirmation
de Castellion lui-même, de permettre que lEcriture soit
entendue du simple peuple. Cette parution nous parvient à
un moment opportun puisque, non seulement la lecture de la Bible
connaît un regain dintérêt aujourdhui,
indépendamment des cercles protestants, mais elle est aussi
indispensable, nous semble-t-il, dans les échanges cuméniques
comme dans le dialogue interreligieux par la simplicité et
le naturel quelle promeut tout en préservant la poétique.
La Bible de Castellion permet à quiconque dêtre
bousculé dans ses habitudes de lecture. Elle offre des espaces
nouveaux et une forme mobile de la narration qui réjouissent
le cur. Dans le chapitre IV de lApocalypse, le visionnaire
sexprime ainsi : - « En après japerçus
une porte ouverte au ciel, et la première voix (que javais
ouïe comme si une trompette eût parlé avec moi)
dit : Monte-çà, et je te montrerai quil se doit
faire ci-après. Et incontinent je fus en esprit, et aperçus
un siège qui était mis au ciel, et sur le siège
y en avait un assis, lequel était semblable de regard à
une pierre de jaspe et sardoine ».
La hardiesse et la rudesse des formules font penser au gallo et,
par conséquent, à des expressions que lon peut
entendre encore dans quelques villages de Bretagne. Nous ne doutons
pas un instant que la langue de Castellion, avec sa puissance évocatrice
soit un atout pour sonder les Ecritures avec nos contemporains non
familiers de la Bible. Cette nouvelle édition ne doit pas
être reçue simplement comme une curiosité ou
une Bible supplémentaire, mais plutôt comme un outil
de référence qui vient bousculer le lecteur averti
comme le nouveau venu sur le terrain de la Parole.
Werner Burki
La nouvelle édition de la Bible de Castellion a nécessité
quatre années de travail. Elle se présente sous la
forme dun volume unique relié de 2 900 pages logé
dans un coffret ; Le texte intégral est accompagné
dun appareil critique contemporain, par Marie-Christine Gomez-Géraud
(spécialiste de la littérature française de
la Renaissance) et de deux introductions : lune du jésuite
Pierre Gibert et lautre de lécrivain Jacques
Roubaud. Editons Bayard. Prix : 179 euros.
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