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LÉtranger et la joie de lÉternel
Lors du culte à lOratoire,
le 15 avril dernier, nous avons eu la joie de recevoir et dentendre
la Chorale de femmes camerounaises en France qui porte le beau nom
de « Ngueti », ce qui signifie lEtoile. Le même
jour, en ouverture des lectures bibliques et de la prédication,
un représentant de la Cimade, (Comité inter-mouvements
daide aux évacués ) a évoqué pour
nous le travail quotidien et les réalités de terrain
de cette organisation non gouvernementale et cuménique,
originellement protestante et que de nombreux paroissiens accompagnent
par leur engagement dans laction elle-même, et par leur
soutien financier.
Cette double présence exceptionnelle nous a conduit à
évoquer la question à laquelle la Bible donne une
réelle importance. Il sagit de la relation à
lautre, à létrange étranger ! Les
inquiétudes que ce dernier suscite, les peurs quil
éveille et la violence que sa seule présence rend
si souvent manifeste, que ce soit la violence commise ou la violence
subie, tout ceci induit une relation ambiguë et la Bonne Nouvelle
de lEvangile risque parfois de devenir lettre morte. Lanticipation du bilan de notre vie
On peut se poser trois questions :
- 1 « Comment conserver la joie qui vient de lEternel
? »
- 2 « Comment se mobiliser pour des causes apparemment
perdues davance ? »
- 3 « Comment nous réveillerons-nous dentre
les morts ? »
Ces trois remarques :1. La joie, 2. La mobilisation, 3. Lanticipation
du bilan de notre vie sont les trois points que nous essaierons
de développer. Commençons par le troisième
: Comment nous réveillerons-nous dentre les morts ?
Il sagit dune anticipation du bilan de notre vie. Pour
cela, nous évoquons le poète et auteur dramatique
Henrik Ibsen, décédé en 1906. Cette année-là
le contexte politique de lEurope est différent de celui
daujourdhui, comme dailleurs le contexte biblique.
Dans la Bible comme chez le poète, il est permis dentendre
ce que lon peut appeler des « recommandations »
et, en les adaptant, les adopter pour notre temps. En effet, nous lisons (Lévitique 25 v. 35) : « Quand
un de vos compatriotes tombé dans la misère ne pourra
plus tenir ses engagements à votre égard, vous devrez
lui venir en aide, afin quil puisse continuez à vivre
à vos côtés. Vous agirez de cette manière
même envers un étranger installé dans votre
pays
»
Les postes avancés de notre Eglise
La demande est formelle. Le peuple de Dieu se doit dexercer
la miséricorde. Et pour cela, on ne peut se contenter ni
de statistiques, ni de commentaires journalistiques. Le croyant
est toujours et dabord un être en relation. Cest
ainsi quen église, nous avons des « postes avancés
», cette terminologie « militaire » désignant
des mouvements comme la Cimade où la Clairière, enfant
de lOratoire. Ces deux associations travaillent en étroite
collaboration. Ces « postes avancés » font appel à
nous dans lexigence de lattention, du courage et de
la persévérance car les situations rencontrées
ne sont jamais simples. Les itinéraires de vie de certains
étrangers, incompréhensibles à saisir au premier
contact, nécessitent de la part de ceux qui sen inquiètent,
du temps, de lattention, de lécoute, de laffection
et des espaces suffisants pour la confiance mutuelle.
Nous soutenons ces mouvements avec notre argent souvent, par nos
heures de bénévolat consacrées à la
formation, léducation, lapprentissage ou le perfectionnement
de la langue française et bien dautres choses. Un regard
sur ce qui fait peur, inquiète, dérange, se modifie
souvent lorsquun contact est établi.
Vivre cest aussi faire vivre
Laccueil conditionne notre avenir. Pensons au texte connu
du Jugement dernier (Matthieu 25) : il sagit du moment où
le Fils de lhomme doit revenir : « Tout ce que vous
avez fait à lun de ces plus petits de mes frères,
cest à moi que vous lavez fait ». En observant
ses contemporains, le poète Ibsen écrit une chose
terrible où son pessimisme saffirme dans sa dernière
pièce de théâtre qui sintitule : «
Quand nous nous réveillerons dentre les morts ».
Il demande : « Quand nous nous réveillerons dentre
les morts que verrons-nous alors ? ». Et il répond
lui-même à la question en disant : « Que nous
navons jamais vécu » ! Pessimisme ? Peut-être. Nous souhaitons être plus
optimistes ! Mais ce nest pas dêtre optimiste
qui est important, cest de vivre et vivre, cest aussi
faire vivre, favoriser la vie, partager limmense espérance,
limmense grâce, limmense amour dont nous recevons
la promesse quotidiennement. Une grâce à la fois personnelle
et communautaire qui propulse pour le témoignage qui est
un don de guérison et donc de vie.
Accueillir et se mobiliser, voilà le rôle dun
témoin. Nous abordons ici le second point. Le témoin
est celui qui est tellement libéré de lui-même,
conscient de tout ce quil a reçu, quil avance,
confiant et mobilisé pour combattre les souffrances de ses
semblables. Il sagit dune tâche infinie caractérisée
par le refus de tout ce qui humilie. Accueillir cest refuser
tout ce qui humilie.
Une société moins humiliante
Nos sociétés sont très focalisées
sur les injustices et très peu sur les humiliations que nous
considérons comme une affaire de morale privée. Souvent
nous réduisons linjustice à linégalité
économique. La pauvreté est pointée comme le
plus grand malheur, mais cela corrompt la société
(selon Pasolini cité par Olivier Abel). Sil est certain
que nous ne souhaitons pas nous résigner à la séparation
entre les riches et les pauvres, ce que nous réussissons
au sein de notre communauté à lOratoire où
il y a des riches et des pauvres qui se fréquentent, notre
objectif (sans prétendre à constituer une société
entièrement juste) consiste à tenter de mettre en
uvre une société la moins humiliante possible. Voilà comment se mobiliser. Cest un grand chantier
! Devant la présence étrangère au milieu de
nous, comme témoin de lEvangile, nous pouvons tout
tenter, tout mettre en uvre pour construire une société
la moins humiliante possible.
Les enjeux du monde daujourdhui
Nous lisons dans lépître aux Hébreux
(10 v. 32-39) : « Rappelez-vous ces premiers temps où,
après avoir été éclairés, vous
avez soutenu un grand combat au milieu des souffrances ; dune
part, vous avez été exposés comme en spectacle
aux opprobres et aux afflictions ; dautre part, vous vous
êtes associés aux maux de ceux qui subissaient les
mêmes traitements. Car vous avez eu compassion des prisonniers,
et vous avez accepté avec joie quon vous ravît
vos biens, sachant que vous en avez de meilleurs et qui durent toujours. Nabandonnez donc pas votre confiance, à laquelle
une grande récompense est réservée. Car vous
avez besoin de persévérance, afin quaprès
avoir fait la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous
a été promis. Encore un peu de temps, bien peu de
temps, et celui qui doit venir, viendra ; il ne tardera point Et
mon juste vivra par la foi, mais, sil se retire, mon âme
ne prend point plaisir en lui Pour nous, nous ne sommes pas de ceux
qui se retirent pour leur perte, mais de ceux qui gardent la foi
pour sauver leur âme ».
Il y a de véritables enjeux pour aujourdhui dans
les domaines éthiques et sociaux. LEurope sécularisée
se cherche. On ne peut pas éviter les débats sur ce
qui fonde notre organisation de vie ensemble. Vivre ensemble, cest
pouvoir aussi rendre les populations sensibles aux réalités
spirituelles, aux questions de sens, de valeur, de transcendance,
de possibilité de vivre. Lutter contre toute forme dhumiliation
est un devoir de témoin.
Comment bâtir une vie heureuse
Après la remarque : ai-je vraiment commencé à
vivre ? Et celle de savoir ou non lutter contre lhumiliation,
il nous reste à découvrir la troisième : comment
conserver la joie qui vient de lEternel ? Autrement dit, comment
bâtir chaque jour une vie heureuse ? Pour illustrer cela,
nous évoquerons un texte du pasteur A.N. Bertrand : « La joie de lEternel ne se confond, ni avec cette
chose difficilement saisissable que lon appelle le bonheur,
ni avec le contentement, cette sorte de bonne humeur héroïque
qui nous apprend à tout supporter avec vaillance. La joie
de lEternel nest ni la consolation dans la douleur,
ni lespoir devant la mort, ni le relèvement après
la faute. La joie de lEternel est quelque chose de plus large
et de plus grand que tout cela ; qui recouvre et qui embrasse tout,
qui saccommode du bonheur comme de la peine, de la douleur
comme du contentement, et que la mort même ne peut pas briser.
La joie de lépanouissement dune âme qui
se sent daccord avec elle-même et avec son Dieu, cest
léquilibre harmonieux de toutes les forces intérieures,
dans un cur qui se porte avec confiance à la rencontre
de sa destinée, cest lélan instinctif
dun être, naguère perdu, vers le Dieu qui laime
et qui la sauvé. Le bonheur ne porte pas en lui-même,
une réalité qui se suffise. Il a besoin dêtre
dominé par quelque chose de plus fort et de plus solide.
Ni la vie, ni la santé, ni la vigueur physique, ni lamour,
ni la puissance, ni aucun des éléments disparates
qui constituent le bonheur ne peut réaliser en nous cette
harmonie totale, cet équilibre parfait de lâme
que seule nous apporte la joie. Tout cela le temps le donne et le
temps lemporte, et il faut une lumière plus pure, pour
nous permettre dy apercevoir les matériaux de lédifice
éternel. Cette lumière, cest la joie ; elle
ne remplace en nous aucun des éléments du bonheur,
elle ne se substitue à rien de ce qui ornait notre vie, elle
ny ajoute rien non plus, mais elle passe, et TOUT EST TRANSFIGURE.
Cest comme une lumière qui najoute ni ne retranche
rien aux objets quelle frappe, mais elle les illumine, les
baigne dune atmosphère nouvelle et, par là,
leur confère une beauté inattendue.
Les réponses à trois questions
Quand la joie divine a recouvert le bonheur que donnent les humains,
nous sentons vraiment notre âme assurée, fixée
sur le seul fondement solide ; en elle, nous éprouvons une
telle impression de plénitude et de sécurité,
que nous avons le sentiment dêtre transportés
demblée dans le domaine de léternel et
du définitif, car le mot qui caractérise le bonheur,
cest ; peut-être, mais le mot qui caractérise
cette JOIE, cest toujours ». Alors, en résumé : à la question : «
Comment nous réveillerons-nous dentre les morts ? »
une réponse possible est : « Nous avons choisi la vie
».
A la question : « Comment nous sommes-nous mobilisés
pour les causes apparemment perdues davance ? » une
réponse possible est : « Nous avons refusé tout
ce qui humilie ». Enfin, à la question de savoir si
nous avons conservé la joie divine ? Une réponse possible
est : « Ce qui caractérise le bonheur, cest peut-être,
mais le mot qui caractérise la joie de lEternel, cest
TOUJOURS ! »
Werner Burki
« La justice était mon vêtement, léquité
mon manteau et ma tiare. Jétais lil de
laveugle et le pied du boiteux. Jétais le père
des pauvres, et jexaminais avec soin la cause de létranger
».
Job 29 v.14-16
« Quand un de vos compatriotes tombé dans la misère
ne pourra plus tenir ses engagements à votre égard,
vous devrez lui venir en aide (
) »
Lévitique 25 v.35
« Vous avez besoin de persévérance, afin
quaprès avoir fait la volonté de Dieu, vous
obteniez ce qui vous a été promis »
Hébreux 10 v. 32-39
« Il faut une lumière plus pure pour nous permettre
dy apercevoir les matériaux de lédifice
éternel. Cette lumière, cest la joie »
Pasteur A.N. Bertrand
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