Vive le vieux tronc d’Isaï( Ésaïe 10:33 à 11:6 ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du dimanche 19 mai 2013 (Pentecôte) à l'Oratoire du Louvre Ésaïe nous fait imaginer une souche, ce qu’il reste d’un ancien grand arbre et même d’une forêt tout entière. Le tronc du grand arbre a été cassé en deux, les branches ont été arrachées par une tempête de vent, il reste un bout du tronc, un peu noirci par le feu, et des racines. La forêt est à terre, un peu en vrac, tout est noir et gris, sauf une petite pousse d’un vert tendre, qui a déjà la hauteur d’un homme et qui porte des fruits, ou en portera certainement tout bientôt : Alors un rameau sortira
de la souche d’Isaï, De qui parle Ésaïe, qui est ce « lui » dont il est question dans « l’Esprit de l’Éternel sera sur lui » ? Est-ce que c’est un sauveur de l’époque d’Ésaïe ? Oui, sans doute, mais pas seulement, car ce texte a été recopié de génération en génération pour dire ce que nous pouvons attendre de Dieu, à chaque génération. Et donc, le « lui » de ce texte, c’est Jésus, le Christ, en particulier. Mais pas seulement, sinon ce serait marqué. Mais ce « lui » anonyme c’est le lecteur, à l’instant même où il écoute cette parole et s’ouvre à ce qu’elle lui dit (Luc 4:21). Ce passage comprend une promesse, et même plus qu’une promesse : ce texte comprend une expérience que Dieu donne son Esprit et que cela est un formidable coup de main. C’est l’expérience que Dieu ne nous abandonne pas quand des méchants ou quand des catastrophes de toute nature nous tombent dessus et laissent notre vie comme en ruine comme cette forêt. Dieu souffle sur la forêt et son souffle est un esprit de résurrection et de vie. Mais Dieu ne nous laisse pas tomber non plus quand nous sommes la cause de notre propre perte, nous dit Ésaïe, et il cite deux exemples :
Car notre pire ennemi est souvent nous-mêmes, comme le dit ici Ésaïe. La broussaille du raz du sol ou l’orgueilleuse élévation sont présentées ensemble comme deux maladies qui nous pourrissent la vie, qui ruinent notre qualité d’être. Mais même alors, Dieu ne nous abandonne pas et il nous propose, il nous aide à repartir de la racine. Alors un rameau sortira de la souche d’Isaï, Cette phrase est traduite en général au futur, mais le futur n’existe pas vraiment en hébreu, les verbes sont soit au passé (l’accompli) soit à l’inaccompli qui désigne le présent et le futur. Cette annonce n’est donc pas seulement une promesse, elle peut parler du présent de notre vie. Aujourd’hui, nous dit Ésaïe, vous qui lisez le livre, vous êtes ce rameau qui sort de la souche d’Isaïe et déjà porte du fruit. Mais ce texte est aussi une promesse qui nous dit que nous avons de l’avenir. Nous avons plus que de l’avenir, nous sommes l’avenir du monde, chacun, quel que soit notre âge, car il n’y a pas d’âge pour être cette jeune pousse qui sort du vieux tronc d’Isaï. Pourquoi « le vieux tronc d’Isaï », pourquoi Isaï plutôt qu’une autre figure de l’histoire du peuple hébreu ? C’est bizarre car Isaï n’est pas quelqu’un de particulièrement génial si ce n’est qu’il a donné naissance à David, « le bien aimé » de Dieu, et l’ancêtre du Christ. Et donc, quand la Bible nous nous annonce que nous sommes un rameau qui sort du vieux tronc d’Isaï, ce texte nous dit que nous n’avons pas à être un imitateur de David ni même de Jésus-Christ, mais que nous serons comme un nouveau David, à notre façon, personnelle, unique, avec notre style, notre sensibilité, notre point de vue, notre talent. Hélas aussi avec nos défauts, mais David en avait aussi, de sacrés défauts, mais il vraiment essayé d’avancer avec Dieu et pour Dieu, pour son peuple. Lui, le petit berger fait par Dieu roi et prophète. Lui dont sera issu le Christ, le sauveur. C’est une promesse pour nous d’une extraordinaire fécondité de notre vie, même pour les générations futures. Dans ce vieux tronc, nous puisons la sève de bien des racines que nous choisissons ou qui nous ont été données. Il y a d’abord nos parents, bien sûr, mais aussi les personnes que nous admirons, nos études, nos lectures, la musique que nous écoutons… tout cela forme notre souche, nos racines. Catéchumènes, vos parents sont fiers de vous plus qu’ils ne savent peut-être l’exprimer. Vous êtes ce rameau sur lequel repose l’Esprit de l’Éternel, ce rameau qui porte déjà des fruits de sagesse et d’intelligence, de bon sens et de créativité, esprit de bon cœur et de vrai foi. Vous êtes ce rameau et dans un sens, vos parents sont donc la souche. Tout respect gardé, bien sûr ! Ce n’est pas péjoratif, au contraire, c’est une reconnaissance de ces racines que sont leurs personnalités, leurs langues, leurs cultures, leurs fois et leurs croyances, leurs religions ou leurs philosophies. C’est la reconnaissance que nos parents sont pour nous aussi essentiels qu’une racine pour le frais rameau. Cela veut dire aussi que même s’ils étaient aussi nuls qu’une veille souche, notre vie vient d’eux, même encore aujourd’hui. C’est vrai, dans la souche il y a à la fois du bois sec et il y a en profondeur des racines dont la sève nous donne de vivre aujourd’hui. Il serait injuste, et il serait idiot de dire à la souche : parce que tu es en partie du bois mort tu ne vaux rien. La première mission du frais rameau est de recevoir avec reconnaissance et avec profit ce qu’il y a de vivant et de bon dans notre bon vieux tronc d’Isaïe. Même s’il faut chercher en profondeur, avec du cœur et de l’intelligence. Lundi dernier, des parents qui préparent leur mariage et le baptême de leurs deux enfants me disaient que quand ils sont devenus eux-mêmes parents, ils se sont mis à être plus indulgent vis à vis de leurs propres parents. Oui, ce n’est pas facile d’être un père ou une mère. Le mieux que l’on puisse demander aux parents, c’est d’essayer vraiment de faire au mieux. Aux enfants ensuite de faire avec ce qu’il y a eu de bon, de ne s’arrêter ni aux ronces, ni au bois sec, ni aux fausses hauteurs, ni à quoi que ce soit de mauvais, mais de garder la bonne racine et de la recevoir avec reconnaissance, de la valoriser dans sa propre dynamique. Et être un nouveau David, à notre façon. La Bible est un aussi vieux tronc d’Isaï qui nous vient du fond des âges, avec des centaines d’auteurs différents, avec deux à trois mille ans de débats autour de ces textes aux 4 coins du monde. C’est comme cela que la Bible est un formidable vieux tronc d’Isaïe, qui nous donne de bonnes racines aussi. Mais c’est comme avec toutes les vieilles souches, il faut chercher en profondeur ce qui sera source de vie pour nous, y recevoir une sève. S’inspirer peut-être de certaines valeurs avec Moïse, un élan de foi avec Abraham, peut être nourrir notre prière en toute circonstance avec les Psaumes, trouver une nouvelle façon d’ouvrir les yeux sur notre monde avec les prophètes, recevoir enfin une confiance totale dans l’amour de Dieu avec les évangiles, et une invitation à réfléchir sur la question de Dieu avec Paul… Ah que de racines dégoulinantes de bonne sève. L’Église, elle, est un vieux tronc d’Isaï, une souche d’un très vieux grand arbre aussi. Les anticléricaux ont raison en un sens, l’Église n’est qu’une vieille souche, c’est vrai, mais nous n’adorons pas cette souche, elle n’est qu’un signe visible qu’il y a de bonnes vraies racines en profondeur, dessous. Sous le vieux tronc d’Isaï que sont les églises chrétiennes, c’est le Christ qui est la racine, et c’est un vraie bonne racine. Mettre sa foi en Christ c’est tirer de lui une sève pour pousser. Et l’on pousse alors à l’extérieur, librement. Une pousse ne pousse pas à l’intérieur de la racine, c’est impossible, mais sa vocation est de sortir à l’air libre et c’est à l’extérieur qu’elle produit du fruit. C’est même ainsi, dans cette liberté de son propre cheminement que la pousse est fidèle à sa racine, et c’est dans cette liberté que la racine est fidèle à la nouvelle pousse. C’est ainsi que le Christ nous apporte quelque chose, non pour nous enfermer dans une vérité de dogmes, de rites et de lois mais en favorisant notre développement et notre libre créativité. Sans cesse, il dit aux uns et aux autres : « va en paix », librement, dans la confiance dans l’amour, le pardon et l’aide de Dieu. Ce sont nos racines, puisons dedans une sève vivifiante et montons plus haut, n’ayons pas peut d’être nous-mêmes. N’ayons pas peut d’être hérétique, c’est un beau mot : l’hérétique c’est littéralement « celui qui choisit ». Or, nous dit Ésaïe, l’Eprit repose sur « lui » (sur nous, donc) pour qu’il ait sa propre intelligence, son propre discernement, son propre bon sens. Cet Esprit nous aide afin de choisir par nous mêmes et de bien choisir, de choisir ce qui fait vivre. L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui : Un Esprit qui donne à la fois d’être capable de choisir avec intelligence mais aussi avec un fort sens pratique, avec une capacité d’adaptation à la réalité du moment et à notre inspiration personnelle. Une personne qu’anime un vrai souffle de liberté mais en même temps qui puise une bonne sève dans la connaissance et dans la fidélité à l’Éternel notre Dieu, la source profonde de vie, de mouvement et d’être (comme le dit l’apôtre Paul).
C’est cela : Ésaïe nous dit que nous pouvons, par l’Esprit, être un rameau avec nos bonnes racines profondes, un rameau qui pousse à l’air libre, grandit et porte ses propres fruits en son temps (Psaume 1er).
L’Évangile ne nous propose pas de suivre une voie moyenne, il ne nous propose pas la modération en toute chose. Au contraire, la foi est une tension féconde qui tient les extrêmes ensemble.
Amen Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire |
Pasteur dans la chaire de
|