Notre religion n’est pas à vendre

(Actes 8:5-25)

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Culte du dimanche 26 mai 2013 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, que les choses soient claires : notre religion n’est pas à vendre. Elle n’est pas à vendre parce que nous n’avons pas l’intention de nous en séparer ou d’en faire commerce. Mais, plus que cela, notre religion n’est pas à vendre parce qu’elle n’est pas vendable, par nature. Vendre la religion, ce serait en faire un objet, un bien de consommation, dont quelqu’un pourrait devenir propriétaire. Or cela n’est pas possible en ce qui concerne le christianisme. On peut vendre un objet, on peut vendre un espace, on peut vendre le brevet d’une invention, on peut vendre un scénario, on ne peut pas vendre notre religion parce que ce n’est pas un objet et, encore moins un objet fini.

Vendre/acheter, c’est objectiver

En proposant de l’argent aux apôtres, Simon le magicien veut acquérir le pouvoir des apôtres pour être, lui aussi, en mesure d’imposer les mains et de donner le Saint-Esprit, pensant que cela peut s’acquérir par une transaction. Pour Simon, il s’agit d’acheter un « truc » de plus qui complétera sa panoplie de magicien pour étonner encore plus son monde et attirer des foules encore plus grandes. Simon pense que la religion des apôtres est une magie parmi d’autres et qu’il peut en obtenir les secrets comme il a dû faire par le passé pour devenir magicien, en achetant les recettes.

Mais la réponse des apôtres ne laisse aucun doute sur le fait que le don de Dieu ne se monnaye pas, et que l’usage humain de ce don de Dieu –la religion- ne s’achète pas. Il n’est pas possible de devenir chrétien par le pouvoir de l’argent.

Je comprends parfaitement que Simon ait pu penser que le christianisme était une magie parmi d’autres et qu’il était donc possible d’en faire commerce. Mettons-nous à la place de quelqu’un qui vient au culte pour la première fois. Il voit une foule de personnes qui se lèvent et s’assoient ensemble, sous la conduite d’une personne qui fait des gestes qui n’ont rien d’ordinaire (comme la bénédiction), qui prononce des formules (« la grâce et la paix vous sont données », « Amen », le Notre Père) qui pourraient bien être des formules magiques. Parfois, il y a des rituels physiques : verser de l’eau sur la tête lors du baptême, manger un bout de pain et boire une gorgée de vin, qui n’ont rien d’ordinaire non plus (manger un bout de pain ça ne nourrit pas son homme) et qui renforcent ce sentiment qu’il y a, là, du magique. Quant à l’imposition des mains dont il est question dans ce texte, elle est pratiquée lorsque des membres de l’Eglise accèdent à une fonction particulière, ou lors du baptême, ou encore dimanche dernier lors des confirmations de Pentecôte : il s’agit alors d’une bénédiction particulière et non collective comme à la fin du culte. Ajoutons à cela qu’à chaque culte on ouvre la Bible qui pourrait être facilement prise pour un grimoire dans lequel seraient rassemblées toutes les formules et toutes les recettes utiles pour nos pratiques magiques.

La magie

Qu’est-ce que la magie ? la magie ne se résume pas à ces divertissements qui consistent à faire apparaître des colombes, à transformer des souris en lapin qui sortent d’un chapeau, à couper des gens en deux après les avoir transpercés de multiples coups de sabre puis à leur restituer leur condition initiale. Cette magie, c’est de la prestidigitation, le travail sur l’illusion. La magie, c’est plutôt l’ensemble des pratiques qui permettent d’utiliser des puissances à l’œuvre dans le monde pour obtenir quelque chose. Ces pratiques ont ceci de spécifique qu’il suffit de les réaliser pour obtenir le résultat escompté : la magie, ce sont des actes répétables qui ont besoin d’un savoir-faire pour réaliser leur objectif. La magie, c’est par exemple faire passer des feuilles d’arbres par le feu puis les agiter dans l’air pour faire venir le soleil (Codrington, The Melanesians, p. 200) ; c’est faire sur soi un signe de croix avant d’entrer sur un terrain de football lors d’un match ou s’époumoner à coups de « pilou, pilou » quand on est supporter des rugbymen de Toulon ; c’est aussi Merlin l’enchanteur qui prononce une formule pour activer le souffle du dragon. L’acte magique, c’est un rituel (avec des paroles, des gestes, des objets), qui est efficace lorsqu’il est accompli à la lettre parce qu’il canalise une puissance, qu’on appelait mana en Mélanésie, et c’est un acte qui peut être répété.

Le christianisme est une manière d’être au monde

La religion chrétienne se démarque de la magie dès la Torah (Dt 18/10) pour des raisons qui deviennent évidentes dans ce passage du livre des Actes. Si notre religion ne peut se vendre, c’est parce qu’elle ne consiste pas dans un savoir-faire, mais dans un savoir-être. Or l’être, la vie, ça ne se vend pas, sauf à cesser d’être soi pour devenir un objet. Tout ce que Simon le magicien observe peut lui donner le sentiment que Simon Pierre est lui-même un magicien, qui pratique la magie, en utilisant un savoir-faire qu’il veut acquérir pour augmenter son pouvoir. Mais l’imposition des mains n’est pas un savoir-faire. Ce n’est pas le fait d’imposer les mains à quelqu’un qui lui transfère mécaniquement ce que la Bible nomme le Saint-Esprit. Imposer les mains, c’est établir une relation. C’est un geste que l’on trouve dans le livre du Lévitique, au sujet des sacrifices : celui qui sacrifie un animal pose la main sur sa tête dans un geste d’au revoir (Lv 1/4, selon l’interprétation du professeur Alfred Marx). L’imposition des mains instaure une relation pacifique dans un contexte de violence. L’imposition des mains exprime qu’on ne cède pas à la violence, mais qu’une relation affectueuse est établie. Dans le cadre d’un baptême, ou d’une reconnaissance de ministère, c’est un signe visible du fait qu’on ne s’autoproclame pas pasteur ni que nous sommes notre propre origine. Nous sommes des êtres relationnels. Peu importe la manière dont la main est posée, peu importe que les doigts soient serrés ou non. Ce qui compte, c’est qu’un lien soit établi pour former une relation d’être vivant à être vivant.

Quant au Saint Esprit, ce n’est pas une force physique qui serait en mesure de modifier l’état physique des personnes. Le Saint Esprit désigne la capacité des humains à avoir une qualité de relation. A Pentecôte, nous découvrons que les apôtres, remplis de l’Esprit Saint, sont des personnes capables de rejoindre l’autre dans sa langue maternelle, c’est-à-dire dans son univers personnel.

Tout cela n’est pas question de savoir-faire, mais de savoir être. Notre religion n’est pas à vendre car ce n’est pas un catalogue de « trucs », une méthode pour réussir à tous les coups ce que nous entreprenons. Notre religion, le christianisme, ce n’est pas une panoplie de magicien avec des formules magiques, avec un grimoire, avec des objets magiques, qui permettraient d’utiliser des forces invisibles. Notre religion, le christianisme, c’est la mise en évidence d’un don de Dieu, sans condition, qui atteste que nous sommes capables d’être humain et de rendre notre prochain un peu plus humains, de le libérer de ce qui l’empêche d’être vraiment humain, de ce qui rend sa vie boiteuse ou de ce qui le paralyse totalement.

Notre religion est une manière d’être présent au monde qui n’a rien de mécanique, qui n’est pas l’application stricte d’une série de préceptes. Essayer de vivre en appliquant tout ce qui est écrit dans la Bible, et seulement ce qui est écrit dans la Bible, c’est la catastrophe assurée. Les textes bibliques eux-mêmes, nous montrent le malheur qui arrive lorsqu’on se contente de reproduire les bonnes recettes d’autrefois. L’exemple le plus criant est Judas Iscariote qui vend Jésus au moment où il est de plus en plus menacé d’être lapidé. Il reproduit ce que Juda, fils de Jacob, avait fait autrefois pour sauver Joseph de la mort (Gn 37/27). Mais en répétant ce geste à l’identique, il jette Jésus dans la gueule du loup. Judas Iscariote est animée par une pensée magique qui lui fait croire qu’en reproduisant le rituel, cela fonctionnera encore ; une pensée magique qui bute sur le réel qui, lui, ne se répète pas : les situations évoluent, les personnes changent, les conditions ne sont pas les mêmes ; les réponses ne peuvent donc être identiques.

Notre religion n’est pas à vendre car cette intelligence des situations n’est pas de l’ordre de la magie qui est constituée d’actes répétables. Selon ce que proclame le divin dans le livre de l’Apocalypse, nous aussi nous proclamons : « voici, je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21/5). Tout ce qui se répète, dans notre pratique chrétienne, n’a rien de magique, car ce n’est pas efficace en soi. Pas plus que le baptême ne fait de nous un enfant de Dieu (le baptême révèle ce qui est déjà vrai), pas plus que le Notre Père ne fait venir illico presto le Royaume de Dieu sur Terre (mais réactive en nous le désir de hâter sa venue), pas plus que la bénédiction à la fin du culte ne vous prémunira de toute difficulté (mais vous redira que notre vie n’est pas condamnée à être un chemin de solitude), tout ce qui pourrait donner l’impression d’actes magiques, tout ce qui pourrait donner l’impression que nous sommes superstitieux, ne sont en fait que des manières de révéler des réalités immatérielles, des aspects de notre existence qui ne sautent pas aux yeux.

Notre christianisme ne se caractérise pas par un pouvoir, une mainmise, un contrôle total, mais par une qualité d’être au monde, aux autres, qui tient compte des personnes, de leurs faiblesses, de leurs talents, de leurs besoins. Notre christianisme est une présence au monde qui est faite d’humilité, de simplicité, d’amour.

Amen

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Actes 8:5-25

Philippe, étant descendu dans la ville de Samarie, y prêcha le Christ.

6 Les foules tout entières étaient attentives à ce que disait Philippe, lorsqu’elles apprirent et virent les miracles qu’il faisait. 7 Car des esprits impurs sortirent de plusieurs démoniaques, en poussant de grands cris, et beaucoup de paralytiques et de boiteux furent guéris. 8 Et il y eut une grande joie dans cette ville.

9 Il y avait auparavant dans la ville un homme nommé Simon, qui, se donnant pour un personnage important, exerçait la magie et provoquait l’étonnement du peuple de la Samarie. 10 Tous, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, l’écoutaient attentivement, et disaient: Celui-ci est la puissance de Dieu, celle qui s’appelle la grande. 11 Ils l’écoutaient attentivement, parce qu’il les avait longtemps étonnés par ses actes de magie.

12 Mais, quand ils eurent cru à Philippe, qui leur annonçait la bonne nouvelle du royaume de Dieu et du nom de Jésus-Christ, hommes et femmes se firent baptiser.
13 Simon lui-même crut, et, après avoir été baptisé, il ne quittait plus Philippe, et il voyait avec étonnement les miracles et les grands prodiges qui s’opéraient.

14 Les apôtres, qui étaient à Jérusalem, ayant appris que la Samarie avait reçu la parole de Dieu, y envoyèrent Pierre et Jean. 15 Ceux-ci, arrivés chez les Samaritains, prièrent pour eux, afin qu’ils reçoivent le Saint-Esprit. 16 Car il n’était encore descendu sur aucun d’eux; ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus.
17 Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent le Saint-Esprit.
18 Lorsque Simon vit que le Saint-Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l’argent, 19 en disant: Accordez-moi aussi ce pouvoir, afin que celui à qui j’imposerai les mains reçoive le Saint-Esprit.
20 Mais Pierre lui dit: Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent!
21 Il n’y a pour toi ni part ni lot dans cette affaire, car ton coeur n’est pas droit devant Dieu.
22 Repens-toi donc de ta méchanceté, et prie le Seigneur pour que la pensée de ton coeur te soit pardonnée, s’il est possible; 23 car je vois que tu es dans un fiel amer et dans les liens de l’iniquité.
24 Simon répondit: Priez vous-mêmes le Seigneur pour moi, afin qu’il ne m’arrive rien de ce que vous avez dit.

25 Après avoir rendu témoignage à la parole du Seigneur, et après l’avoir prêchée, Pierre et Jean retournèrent à Jérusalem, en annonçant la bonne nouvelle dans plusieurs villages des Samaritains.