Tu es membre du peuple libre( Malachie 3:13-24 ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du dimanche 26 septembre 2010 à l'Oratoire du Louvre Chers hers frères et sœurs, si vous avez été louveteau, vous vous souvenez certainement du rite d’intégration des nouveaux venus. Au cours du premier week-end, la meute se réunissait en Rocher du Conseil et le chef de meute appelait au centre tous les nouveaux. Alors, s’adressant à la meute, il demandait : « qui parle pour untel ? ». Et il fallait que deux louveteaux prennent la parole en faveur de ce petit d’homme pour dire qu’il avait sa place dans la meute, au sein du peuple libre comme l’appelait Rudyard Kipling. Il fallait que deux louveteaux parlent en sa faveur comme Baloo et Bagheera l’avaient fait en faveur de Mowgli, pour le racheter, pour accueillir ce petit d’homme étranger à la meute, insignifiant, sans apparence, sans éclat, dont l’aspect chétif n’avait rien pour séduire. Si ce rite de passage était une épreuve pour le nouveau, c’était aussi une épreuve pour le chef de meute : que se serait-il passé si personne n’avait pris la parole pour tel ou tel ? aurait-il été rejeté du groupe ? quel étonnement, en réalité, de constater qu’il ne s’est jamais trouvé de petit d’homme mis au ban de la meute ; quel étonnement de constater que jamais un nouveau n’ait manqué d’un vieux loup qui prenne la parole pour dire qu’il avait partagé un bout de gâteau, qu’ils avaient échangé un rire, qu’il avait aidé à monter la tente, qu’ils s’étaient racontés ce qu’ils aimaient faire à la récréation, qu’il avait donné un coup de main pour préparer le dîner… quel étonnement qu’il ne se soit jamais trouvé de nouveau qui ne puisse devenir patte tendre, faire partie du peuple libre, parce qu’aucun ancien n’aurait trouvé quelque merveille à dire à son sujet ! En Eglise, nous ne devrions pas vivre autrement que dans une meute ; nous ne devrions pas nous réunir autrement qu’en racontant les merveilles que nous découvrons chez les uns et chez les autres. Nous ne devrions pas vivre autrement qu’en parlant les uns pour les autres, comme dans une meute, lorsqu’il s’agit de donner une place à chacun. Une meute se construit par une parole de reconnaissance : on reconnaît le nouveau comme un égal, comme un frère ou une sœur, comme un autre soi-même ; une meute se construit sur des paroles d’émerveillement, de reconnaissance, d’action de grâces pour employer un vocabulaire religieux. Et, en Eglise, nous ne devrions pas faire autrement. La tentation est forte, pourtant, de considérer l’Eglise comme le rassemblement de ceux qui ne sont pas comme tel ou tel et de fonder l’unité de la communauté en opposition à une autre communauté selon le principe qui veut que les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Le professeur de dogmatique de la faculté de théologie évangélique de Vaux sur Seine, en expliquant il y a quelques mois, qu’il fallait créer un Conseil national des évangéliques de France en dehors de la Fédération protestante de France parce qu’il y a des libéraux au sein de la Fédération protestante et que cette présence n’est pas supportable, a montré qu’aujourd’hui encore, on peut se prétendre chrétien et être sur ce versant-là, en fondant l’unité autour d’un ennemi commun, qu’aujourd’hui encore, on peut se réclamer du protestantisme et bâtir deux temples : un où l’on va et un où l’on ne va jamais. Depuis des décennies, ici à l’Oratoire, nous nous inspirons plutôt d’une autre logique qui veut que, à l’instar de ce qui se vit dans une meute, nous nous rassemblions pour mettre l’accent sur les merveilles divines que nous découvrons. A l’image des « craignant Dieu », comme le prophète Malachie les appelle, nous considérons que les croyants ne devraient pas faire autrement que se retrouver pour raconter les merveilles de Dieu que leurs yeux ont vues, que leurs oreilles ont entendues. Une communauté chrétienne ne devrait pas faire autrement que ce que les vieux loups font au Rocher du Conseil : raconter les merveilles dont ils ont été les témoins au lieu de se lancer dans la rédaction de cahiers de doléances qui contiennent finalement des paroles dures contre l’Eternel (v.13). Pour une part, notre vocation est de raconter les merveilles de Dieu et de dire la dignité dont l’humanité est vêtue, grâce à Dieu, à la manière de ce gospel qui dit : « mes yeux ont vu la venue de la gloire de Dieu ». Quand la vie est dure, quand l’injustice est criante autour de nous, quand nous sommes exaspérés que le soleil se lève aussi bien sur les justes que sur les méchants, quand, décidément, il y a trop d’automobilistes qui ne respectent pas un minimum de savoir vivre, qu’il y a trop de voyous qui s’en mettent plein les poches, nous pouvons toujours râler auprès de Dieu, nous pouvons toujours nous plaindre et crier notre désarroi, nous pouvons toujours dénoncer l’injustice, et nous avons même la liberté d’abandonner le service de l’Eternel parce que nous sommes découragés comme l’étaient les croyants à l’époque de Malachie. Mais nous pouvons aussi nous retrouver et raconter les merveilles que Dieu accomplit dans notre vie, dans notre histoire, autour de nous, selon ce qu’un regard de foi nous permet d’observer. Nous pouvons aussi former une communauté positive qui recueille les hauts faits de l’Eternel notre Dieu, qui recueille les points positifs de notre histoire et qui plaide en faveur de l’humanité ; nous pouvons former ce Rocher du Conseil, cette communauté qui parle pour que chacun puisse trouver sa place au sein de la communauté humaine au lieu de stigmatiser les uns et de vitupérer contre les autres. Lorsque le prophète Malachie évoque le jugement de l’Eternel qui vient comme un feu ardent qui consumera tout ce qui est injuste, malveillant et odieux, il nous rappelle qu’il ne nous appartient pas de condamner et de supprimer de l’histoire ceux qui sont malfaisants. Nous ne sommes pas là pour effacer quiconque du livre de vie. Nous sommes là pour inscrire chacun dans le livre du souvenir (v. 16) en prenant la parole et en parlant en sa faveur. Ce que nous pouvons, c’est faire entendre une autre voix que la lamentation et le gémissement et, a fortiori, une autre voix que celle de la méchanceté. Nous pouvons former cette communauté positive, ce Rocher du Conseil où nous prenons la parole pour dire de quelle manière la gloire de Dieu habite tel ou tel, de quelle manière les merveilles de Dieu trouvent leur expression à travers tel ou tel. Et alors la méchanceté, l’injustice, l’orgueil, seront effectivement réduits à un tas de cendres (V. 21) et ne seront même plus un souvenir. Les communautés chrétiennes seraient bien inspirées de vivre comme des communautés positives où nous prenons la parole à la manière du prophète Elie pour faire œuvre de réconciliation, pour rapprocher les cœurs, pour que les sentiments que nous éprouvons les uns pour les autres soient des sentiments de communion. Parlons de communion, justement. Tout à l’heure, nous allons partager le pain et le vin de la cène. Alors, nous formerons ce genre de communauté. Au moment de ce repas, nous nous rappellerons que le Christ a parlé pour chacun de nous, priant pour que nous trouvions, chacun, notre place au sein de ce monde qui semble parfois hostile mais qui est le lieu où Dieu nous aide à construire notre bonheur (Jn 17). Alors que les sociétés humaines ne cessent de se déchirer depuis que le monde est monde, alors que nous ne cessons de produire de l’injustice, toutes sortes d’anomalies qui voilent notre bonheur et étouffent notre joie de vivre, ce repas nous donne l’occasion de redire quel merveilleux amour Dieu n’a jamais cessé de nous prodiguer : un amour indéfectible bien supérieur à nos petites bassesses, un amour qui réconcilie l’humanité avec elle-même au-delà de toute rupture, au-delà de toute injustice, au-delà de toute blessure. Au fond, ce repas nous rappelle que Dieu nous préserve de la crainte du chef de meute, cette crainte de ne voir personne prendre la parole en faveur de quelqu’un : car, à supposer que nous n’ayons encore entendu personne prendre la parole pour nous afin de nous donner une place, ce repas nous rappelle que le Christ a pris fait et cause pour nous, qu’il a pris la parole en notre faveur une fois pour toutes. Et c’est cette parole que nous voulons relayer, c’est cette parole dont nous voulons être les messagers, c’est cette parole que nous voulons faire entendre et c’est ce que nous appelons l’évangélisation. A la manière du petit d’homme qui est racheté lors du Rocher du Conseil, c’est ici un lieu pour que nous entendions cette parole du Christ qui nous dit que nous sommes, chacun, membre à part entière du peuple libre. AmenVous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire |
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