Qui suis-je ?

(Exode 3:1-18 ; Marc 8:27-30)

(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 27 novembre 2016
prédication du professeur Denis Guénoun

Chères sœurs, chers frères – peut-être devrais-je dire : adoptifs ?, parce qu’en vérité je ne suis pas né dans la famille, mais j’ai eu la fortune, et la joie, d’y être accueilli. Ne croyons pas pourtant que ce mot, « adoptifs », introduise une restriction. C’est une bien belle fraternité que l’adoptive. Peut-être la plus belle. Ou la vraie. Les textes anciens, que nous essayons d’entendre ici chaque semaine, regorgent d’exemples de frères nés du même père, de la même mère, qui spolient leur benjamin ou leur aîné, se disputent un héritage ou un amour, se tourmentent, se malmènent, se vendent, se tuent. Alors adopter, c’est sans doute reconnaître le frère ou la sœur comme frère ou sœur, l’accueillir, comme on adopte l’enfant, et surtout se conduire en conséquence. L’adoption, n’est-ce pas cet acte d’ouverture, du cœur, qui rend la fraternité effective, et donc ce qu’il faut à toute fraternité pour devenir réelle ? Adopter, n’est-ce pas recevoir, garder (être le gardien de son frère, de sa sœur) – et donc, en vérité, aimer ?

Mais, nous le savons, chaque fois que nous recevons la grâce d’une adoption, à l’envers de la joie se glisse une inquiétude : qui suis-je, pour en bénéficier ? N’y a-t-il pas erreur sur le destinataire ? Je pouvais tellement la sentir, cette question, à l’instant, en montant les marches qui conduisent à cette chaire, avec effroi, et en me demandant comment j’allais arriver jusqu’en haut. Qui suis-je, pour monter ces marches ? Moïse se l’est posée aussi.

Dans cette séquence, il n’est pas chez lui. Il n’est jamais chez lui, d’ailleurs, Moïse, où qu’il soit. Enfant, il est abandonné, confié au fleuve. Adulte, il vit chez des étrangers. Sa fuite ne le ramène pas à demeure, mais le laisse des décennies sur la route, en plein désert. C’est l’éternel déplacé, Moïse, l’adopté par excellence. Ici, adopté par les Madianites, peuple allogène, et par leur prêtre qui lui permet même d’épouser sa fille. Il fait ce qu’on lui demande, le berger, fait paître le troupeau d’un autre.

Il ne suit pas la route. Il fait dévier les bêtes, jusqu’au mont Horeb – Sinaï, Montagne de Dieu. À peine arrivé, lui apparaît le messager du Seigneur. Mais ce n’est pas si simple. Le texte multiplie les noms, comme un jeu de piste, pour nous perdre en chemin. On ne sait pas bien qui ou quoi apparaît. Et d’ailleurs le messager n’est pas désigné comme celui d’Elohim, dieu de la Montagne, dont on vient de parler, mais – de quoi ? D’un nom qui manque, un symbole, quatre lettres comme un carré, imprononçables. Comme présentation, c’est tordu. Que fait l’apparition ? Elle appelle. Moïse, par son nom. Là, pas d’équivoque. Moïse répond. Je regrette un peu la traduction par « Je suis là ». Car la tradition donne « Me voici ! ». Et j’aime cette réponse. Emmanuel Lévinas, philosophe, a fait de ces mots le motif d’une méditation, sans cesse reconduite. Il y a de quoi. Moïse n’est pas le seul à répondre « Me voici » quand on l’appelle. Ils sont nombreux. Dans le livre de la Genèse, Abraham appelé par Dieu[i], ou son fils[ii], ou l’Ange[iii]. Isaac[iv], Esau[v], Jacob[vi], Joseph[vii]. Dans son livre, Samuel, six fois[viii], Achija[ix], Jonathan [x]. Le soldat convoqué par Saül[xi], et Melphiboseth, fils de Jonathan[xii]. Et dans leurs textes éponymes Job[xiii], le psalmiste[xiv], et la lignée des prophètes, Esaïe, quatre fois, dont une en réponse à la nation qui ne l’appelle pas, et il se présente, répétant comme dans le vide me voici, me voici[xv] en face de ce silence. Ezéchiel[xvi], Zacharie[xvii], Malachie [xviii]. Et dans Esaïe encore, Dieu lui-même pour fermer la marche, au temps messianique, quand le prophète l’appelle, « et l’Eternel répondra, tu crieras et il dira “Me voici !” »[xix] On comprend que Lévinas ait eu de la tendresse pour ces mots.

Ici se déroule une scène extraordinaire, moitié cinéma moitié comédie. Côté cinéma, voyons le décor. C’est dans la montagne, au milieu des buissons – pas une forêt verdoyante, le désert n’est pas loin, les buissons, ce n’est déjà pas mal. En voici un très étonnant. Il brûle – ce qui peut se comprendre, le soleil doit taper – mais ne se consume pas. Phénomène digne de happer la curiosité de Moïse, et la nôtre : ce feu qui brûle sans détruire, se nourrit de sa propre ardeur, laissant intact ce qu’il enflamme, feu sans destruction, feu inextinguible, puisque sa matière tient. Moïse décide de faire un détour, pour voir. La caméra le suit : souvent il faut faire un détour pour aborder ces choses transcendantes. Le Seigneur (enfin, le tétragramme imprononçable) le voit faire un détour, pour voir. Il va être déçu, Moïse, parce qu’il ne verra rien de clair. Mais il va entendre. Le tétragramme – drôle de bête dans les dunes – l’appelle. Moïse, Moïse. Coucou ! Et Moïse, alors : Me voici ! D’emblée, sans attendre. Sans délai, sans chicaner. Il ne demande pas : qu’est-ce que tu es, toi, là – comme Horatio, l’ami d’Hamlet sur les murailles d’Elseneur quand une étrange apparition se montre aussi [xx]. Il dit d’emblée, tout à trac : me voici. On l’appelle, il répond. Il se présente. Quelle belle façon d’être. Partagée par cette cohorte de patriarches, de rois, de prophètes au long des textes, d’inconnus aussi, messagers, soldats. Expression si intense – me voici – que je la lie à une posture physique. Là, debout, bras légèrement écartés, mains ouvertes, découvrant le corps sans protection. Comme s’il ne s’agissait pas seulement de l’âme, mais du torse, des membres. Comme s’il n’y avait pas d’exposition vraie de l’âme sans une ouverture physique. Je m’avance, me présente, m’expose. Tel l’enfant qu’on appelle, qui s’avance et répond : présent.

Il s’avance, Moïse. Il voulait voir. Mais là, il entend. La foi vient par l’oreille, dit Luther[xxi]. Maintenant l’interlocuteur l’arrête. Attends, n’avance pas trop vite. Déchausse-toi. La terre où tu vas marcher est sacrée, ou sainte. On dit que le sacré se définit par l’interdit de toucher. Ici c’est le contraire. Cette terre, parce qu’elle est sainte, il faut y poser la peau. Non la salir de la poussière de ses semelles, mais la palper de la plante des pieds et des orteils nus. Et voilà que la voix se présente aussi. Question de politesse. On n’appelle pas les gens sans expliquer un peu d’où on sort. « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. » Dans cette phrase, insolemment célèbre, je n’entends pas en priorité « je suis Dieu », comme une révélation. Qui voulez-vous que ce soit, cette parole surgie d’un buisson en flammes qui brûle sans cesse et ne brûle rien ? J’entends plutôt : ne t’affole pas. On se connaît. Je suis de la famille. Je suis celui-là, ou cela qu’honorent tes pères, tes ancêtres, tous les tiens. Rien d’autre. Keep cool. La situation est particulière, mais sous contrôle. Moïse détourne le visage. Il ne veut plus voir. Entendre, passe encore. Mais voir, non. Il a compris la leçon de Luther. La vision trompe. À une voix (une bonne voix, familière, aimante), on peut se fier. Avoir foi. Il y a un côté Jeanne d’Arc, chez Moïse.

Mais comme présentation, c’est court. Et comme explication d’un phénomène si étrange, encore plus. Il ne me suffit pas, semble ajouter celui ou cela que nous appelons Dieu, d’invoquer notre passé commun. Ce qui m’occupe, c’est le présent. Je vois le peuple sous les fers, la souffrance de l’oppression. Je suis venu le libérer. Je suis le Dieu de l’émancipation, de la fin des tortures. C’est ce qui me qualifie, mieux qu’aucun nom. Je suis le Dieu qui ne supporte pas l’injustice et les chaînes. Tu vas me les sortir de là.

Jusqu’à cet instant, tout allait bien. C’était réconfortant, tonique. Mais le dernier appel complique tout : « Maintenant, va, je t’envoie auprès du pharaon ; fais sortir d’Egypte mon peuple, les Israélites ! » Là, Moïse bloque. Il va faire des histoires. Il est compliqué, Moïse. Il crée des problèmes, des obstacles, soulève des objections. Quelque chose l’arrête. Il lance la question qui fâche. « Qui suis-je ? », demande-t-il, pour que tu me charges d’une telle mission ? Alors arrive la scène de comédie. Dieu, au début, reçoit la chose avec calme. Il rassure. Il reprend le ton de la familiarité, de l’ami qu’on connaît bien. « Dieu dit : Je serai avec toi ». Ne t’inquiète pas. Je ne vais pas te laisser tout seul. Je t’accompagne, je viens avec. Mieux : je te donne des attestations. « Voici quel sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie : quand tu auras fait sortir d’Egypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne. » Cette montagne où nous sommes, que le peuple connaît si bien. Une fois sortis (mais après, voyez le roublard, il faut sortir d’abord), vous viendrez ici, le peuple sera en terre connue, il te reconnaîtra. Mais tu me les sors de là, presto. Aucune réponse, vous le noterez, à la question de Moïse « qui suis-je ? », ou « pourquoi moi ? » Commençons de l’apercevoir : cette question n’intéresse pas le transcendant, la transcendance. Il (le transcendant) ou elle (la transcendance) ne lui concède pas un mot. Il passe outre. Pourquoi ?

Moïse ne se laisse pas démonter. Il est coriace. Fin dialecticien, il rétorque. Admettons. Soit. « Supposons que j’aille vers les Israélites et que je leur dise : “Le Dieu de vos pères (bon, j’ai compris, celui de la famille) m’a envoyé vers vous.” S’ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ? » Moïse retourne la question. Dieu n’a pas voulu répondre sur lui, Moïse, sa qualification, sa propriété – il renvoie la question à l’envers, l’adresse à Dieu lui-même, lui demande son nom. C’est singulier, cette demande. Parce que Dieu pourrait sembler avoir déjà répondu. D’abord en disant : je suis Dieu, ce qui n’est tout de même pas mal. Puis en précisant, celui de tes pères, d’Abraham, Isaac, Jacob. Le dieu connu, le Dieu du peuple. Si les Israélites ne reçoivent pas ces informations comme suffisantes, serait-ce alors que le nom de Dieu, le nom « Dieu » n’est pas vraiment un nom, une identité au sens où Moïse la réclame, et où les Israélites vont l’exiger ? Le nom Dieu dit-il autre chose que le nom de Dieu ? Et la lignée, la filiation, la tradition du peuple ne suffisent pas plus à satisfaire ce désir de nomination. Pourquoi ? Que lui manque-t-il, à Moïse, dont il pense que cela manquera aux Israélites, dans ces attributs que Dieu a déjà fournis ?

Alors là, Dieu s’énerve. Moïse l’énerve, et cela se reproduira. Plus bas, le texte indiquera que Dieu, littéralement, se met en colère [xxii]. Moïse renâcle, rechigne, objecte, tergiverse, refuse, conteste, et tout de même il y a des limites. Que voulez-vous, je ne sais pas si c’est en raison de ma pratique du théâtre, mais la réplique qui vient, je l’entends presque dans la bouche de Raimu. Comment ça, « qui es-tu » ? Je n’arrête pas de te le dire. ça ne te suffit pas, cabochard ? « Je suis – qui je suis. » C’est une des fameuses traductions proposées pour ce passage. Et le futur que choisit la Nouvelle Segond sonne pareil. Quand on te le demandera, « je serai – qui je serai. » On pourrait ajouter : Na – pour rester poli. Et puis c’est bon maintenant. ça commence à bien faire. Dieu est lancé. Je suis qui je suis. Je suis comme ça. Il est question de s’en accommoder. Et s’ils te le redemandent, voici ce que tu vas leur dire. Qui t’a envoyé ? « C’est ainsi que tu répondras aux Israélites : “Je serai” m’a envoyé vers vous. » C’est qui ? C’est « je suis ». Voilà. On imagine la tête des Israélites. Qui t’envoie ? C’est M. Je suis. Débrouillez-vous avec ça. Et Dieu réitère : « “C’est le tétragramme, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui m’a envoyé vers vous.” C’est là mon nom pour toujours. » Ce qui veut dire, si les mots ont un sens : je suis cela, rien d’autre. Je l’ai dit, je n’en dirai pas plus. Il va falloir s’y faire. Je suis le fait d’être, l’acte d’être, et de l’annoncer, ainsi, à la première personne.

Vertigineuse réponse, en vérité. Car, au-delà du refus – de donner un nom qui identifie – l’interlocuteur répond que ce qui le définit, c’est cette union du verbe être et de la première personne. Dieu se rassemble tout entier dans cette fantastique jonction : il y a, ou il y aura, de l’être, et l’être dit je. Mais, si c’est bien cela que Dieu est (ce fait de dire : je suis, ou je serai), si c’est ce qui pose et constitue Dieu, alors, pour tout autre, pour n’importe qui d’entre nous, dire « je suis » c’est se confondre avec la position divine. C’est prétendre parler du point de vue transcendant. Si Dieu est « Je suis », alors dire « Je suis » c’est se prendre pour Dieu.

Peut-être cette frayeur, de se substituer au point de vue divin, saisit-elle le Christ. D’abord, il cède à la tentation de questionner l’opinion. « Au dire des gens, qui suis-je ? ». Les réponses semblent flatteuses, personne n’a entendu dire qu’il est un faussaire : « Ils lui dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, l'un des prophètes. » Pourtant cela ne le satisfait pas. Vous allez dire : bien sûr, ce n’est pas ce qu’il est vraiment, et que nous savons bien, nous, qui venons ici chaque semaine. Alors il demande aux disciples : « Et pour vous, qui suis-je ? Pierre lui dit : Toi, tu es le Christ. ». Voilà la bonne réponse. Tout est dans l’ordre. Et c’est à ce moment, devant cette réponse, que le Christ s’emporte. « Il les rabroua, pour qu'ils ne disent rien à personne à son sujet. » Ce nom, même à le supposer juste, il ne faut pas le répandre. Pourquoi ce secret, quand Jésus va s’exposer, jusqu’à la mort, devant tous ? Peur un instant de ce qui va suivre ? Je ne le pense pas. Mais accepter le « je suis », quelque attribut qui l’accompagne, c’est se placer dans la position de Dieu. À cette demande plus tard, le plus souvent il répondra : c’est toi qui le dis. L’être ne se dit pas en première personne, sauf par Dieu. C’est ce qui le définit : première personne, même de la Trinité. C’est peut-être l’ombre de cette usurpation de point de vue (qui suis-je), qu’a sentie Jésus, et qui l’a fait frémir.

On comprend alors, un peu, que le grand interlocuteur laisse pendante la question du nom. Il n’est pas avare de réponses. Mais il se refuse à l’identification, au nom propre. Tout comme il a laissé en plan la question de Moïse sur lui-même : qui suis-je ? Comme s’il disait : laisse cela (qui suis-je, qui es-tu), laisse-le moi, c’est mon affaire. Disons-le maintenant : peut-être « qui suis-je ? » n’est pas, pour nous, une bonne question. Pas une question sur le vivant, sur la vie. Mais une injonction d’identifier, d’assigner une figure. Peut-être cette question est-elle sans avenir, et d’ailleurs sans passé aussi, sans présent vivant. La quête juste n’est pas de s’identifier, mais de vivre. D’entendre l’appel, et d’y répondre. Responsable de son écoute, de sa réponse, de sa vie, de son troupeau, d’être le gardien de son frère, de ses bêtes, du peuple et de sa liberté. Peut-être, plutôt que de clamer qui suis-je ?, et : quel est ton nom ?, vaut-il mieux entendre l’appel, et répondre : me voici. Se présenter, c’est-à-dire : être devant. Délaisser l’obsédant qui suis-je, et ses chicanes, pour s’avancer, en ouvrant les bras, en desserrant les mains, en présentant le corps dans sa fragilité offerte.

C’est pourquoi, lorsque je me demandais tout à l’heure, avec effroi, comment j’arriverais à monter les marches conduisant à cette chaire, et qui suis-je, moi petit juif du troupeau, pour gravir ces degrés, plutôt que de ressasser la question fausse, et au fond pernicieuse, la meilleure réponse était sans doute de me laisser porter, soulever, ou élever par le texte que j’avais en main (mais c’était lui qui me tirait, me treuillait), jusqu’à me présenter devant vous, chers frères et sœurs qui me faites la grâce de l’accueil, et devant la transcendance qui nous rassemble, et en écartant les bras, ouvrant les pognes, tenter d’entendre avec chacun, chacune de vous, fraternellement, ces mots, ces lignes, ces pages, qui nous élèvent, nous font monter.

Amen.

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
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Lecture de la Bible

Exode 3:1-18

1 Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, qui était prêtre de Madiân ; il mena le troupeau au-delà du désert et arriva à la montagne de Dieu, à l’Horeb. 2 Le messager du Seigneur lui apparut dans un feu flamboyant, du milieu d’un buisson. Moïse vit que le buisson était en feu, mais que le buisson ne se consumait pas. 3 Moïse dit : Je vais faire un détour pour voir ce phénomène extraordinaire : pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? 4 Le Seigneur vit qu’il faisait un détour pour voir ; alors Dieu l’appela du milieu du buisson : Moïse ! Moïse ! Il répondit : Je suis là ! 5 Dieu dit : N’approche pas d’ici ; ôte tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sacrée. 6 Il ajouta : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se détourna, car il avait peur de diriger ses regards vers Dieu.

7 Le Seigneur dit : J’ai bien vu l’affliction de mon peuple qui est en Egypte, et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses tyrans ; je connais ses douleurs. 8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et pour le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays, un pays ruisselant de lait et de miel, là où habitent les Cananéens, les Hittites, les Amorites, les Perizzites, les Hivvites et les Jébusites. 9 Maintenant, les cris des Israélites sont venus jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que les Egyptiens leur font subir. 10 Maintenant, va, je t’envoie auprès du pharaon ; fais sortir d’Egypte mon peuple, les Israélites !

11 Moïse dit à Dieu : Qui suis-je pour aller auprès du pharaon et pour faire sortir d’Egypte les Israélites ? 12 Dieu dit : Je serai avec toi ; et voici quel sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie : quand tu auras fait sortir d’Egypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne.

13 Moïse dit à Dieu : Supposons que j’aille vers les Israélites et que je leur dise : « Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous. » S’ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ? 14 Dieu dit à Moïse : Je serai qui je serai. Et il ajouta : C’est ainsi que tu répondras aux Israélites : « “Je serai” m’a envoyé vers vous. » 15 Dieu dit encore à Moïse : Tu diras aux Israélites : « C’est le Seigneur (YHWH), le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, qui m’a envoyé vers vous. » C’est là mon nom pour toujours, c’est mon nom tel qu’on l’évoquera de génération en génération. 16 Va, rassemble les anciens d’Israël et dis-leur : « C’est le Seigneur (YHWH), le Dieu de vos pères, qui m’est apparu – le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il a dit : “J’interviens pour vous ; à cause de ce qu’on vous fait en Egypte 17 j’ai dit : Je vous ferai monter d’Egypte, où vous êtes affligés, vers le pays des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des Perizzites, des Hivvites et des Jébusites, un pays ruisselant de lait et de miel.” » 18 Alors ils t’écouteront.

Marc 8:27-30

Jésus sortit avec ses disciples vers les villages de Césarée de Philippe. En chemin, il se mit à demander à ses disciples : Au dire des gens, qui suis-je ? 28 Ils lui dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, l'un des prophètes. 29 Lui leur demandait : Et pour vous, qui suis-je ? Pierre lui dit : Toi, tu es le Christ. 30 Il les rabroua, pour qu'ils ne disent rien à personne à son sujet.

(trad. Nouvelle Bible Segond)

 

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 13:15)

(début de la prédication à 13:15)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot

Si vous avez des difficultés pour regarder les vidéos, voici quelques conseils.

 

Poème « Qui suis-je ? »
Dietrich Bonhoeffer, en prison, juillet 1944.

Qui suis-je ? Souvent ils me disent
Que je sortirais de ma cellule
Détendu, ferme et serein,
Tel un gentilhomme de son château.

Qui suis-je ? Souvent ils me disent
Que je parlerais avec mes gardiens
Aussi libre, amical et clair
Que si j’allais donner des ordres.

Qui suis-je ? De même ils me disent
Que je supporterais les jours de malheur,
Impassible, souriant et fier,
Comme un homme accoutumé à vaincre.

Suis-je vraiment celui qu’ils disent de moi ?
Ou seulement cet homme que moi seul connais ?
Inquiet, nostalgique, malade, pareil à un oiseau en cage,
Cherchant mon souffle comme si on m’étranglait,
Avide de couleurs, de fleurs, de chants d’oiseaux,
Assoiffé d’une bonne parole et d’une proximité humaine,
Tremblant de colère devant l’arbitraire et l’offense mesquine,
Agité par l’attente de grandes choses,
Craignant et démuni pour des amis dans un lointain sans fin,
Si las, si vide que je ne puis prier, penser, créer,
N’en pouvant plus et prêt à l’abandon ?

Qui suis-je ? Celui-là ou celui-ci ?
Aujourd’hui cet homme et demain cet autre ?
Suis-je les deux à la fois ? Un hypocrite devant les hommes
Et devant moi un faible, méprisable et piteux ?
Ou bien ce qui reste en moi ressemble-t-il à l’armée vaincue,
Qui se retire en désordre devant la victoire déjà acquise ?

Qui suis-je ? Dérision que ce monologue.
Qui que je sois, tu me connais, je suis tien, ô Dieu !

Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission,
Lettres et notes de captivité
, trad. Bernard Lauret et Henry Mottu,
nouvelle éd. Labor et Fides 2006, pp. 414-415.



Notes :

[i] Gn 22,1.

[ii] Gn 22,7.

[iii] [iii] Gn 22, 11.

[iv] Gn 27, 18.

[v] Gn 27, 1.

[vi] Gn 31, 11 et 46, 2.

[vii] Gn 37, 13.

[viii] 1S 3,4 ; 1S 3, 5; 1S3, 6 ; 1S 3, 8 ; 1S 3,16.

[ix] 1S 14, 7.

[x] 1S 14, 43.

[xi] 2S 1, 7.

[xii] 2S 9, 6.

[xiii] Jb 13,18.

[xiv] Ps 40.8.

[xv] Es 6.8, 8.18, 52.6, et 65.1.

[xvi] Ez 25.7, 36.6.

[xvii] Za 2.13.

[xviii] Ml 2.3.

[xix] Es 58.9. (Trad. Segond 21).

[xx] Hamlet , I, 1, v. 44.

[xxi] Cf. Rm, 10.17.

[xxii] Ex 4.14.