Quatre choses à éviter, quatre seulement
et un million de bonnes possibilités

( Jérémie 13:1-11 )

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Culte du dimanche 21 novembre 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

La semaine dernière, nous avons travaillé quelques grands textes du livre du prophète Jérémie avec les enfants, et le pasteur James Woody nous a donné ici une belle et intéressante prédication sur Jérémie et la ceinture de lin qui pourrit. Simultanément, nous étions avec les enfants dans la salle haute pour réfléchir sur ce même texte. Nous travaillons toujours ainsi afin que les enfants et le reste de la famille puissent en discuter ensemble par la suite. James et moi travaillons ainsi en parallèle sur le même texte un dimanche par mois. Nous avons souvent des approches différentes mais complémentaires. James a travaillé plutôt la 2e partie de ce texte où l’on voit Dieu enseigner Israël par le discours. Je vous propose une autre approche de ce texte en lisant en détail, dans la première partie, les différents éléments des aventures de cette ceinture de lin.

Pourquoi est-il dit précisément que Jérémie doit acheter une ceinture (et non simplement la prendre), pourquoi est-ce qu’il ne doit pas la tremper dans l’eau, pourquoi doit-il la cacher ? Etc. Dans des textes comme celui-ci, il faut se méfier des petits détails apparemment inutiles.

Les enfants de 7 à 10 ans étaient donc réunis dans la salle haute et, après avoir relu ce récit de la ceinture de lin qui pourrit, je leur ai demandé quelle conclusion ils pouvaient en tirer pour notre vie aujourd’hui, qu’est-ce qui pourrait être comme cette ceinture de lin et qui finit par pourrir et ne plus être bonne à rien ?

  • Un enfant a répondu : une pomme. Si on la cache quelque part et que l’on revient un mois après, elle sera pourrie et immangeable.
  • Une autre enfant, de 8 ou 9 ans, a ensuite dit : nous, les humains, on pourrit un peu si on oublie trop longtemps de prier, ou si on oublie ses amis.

Effectivement, la ceinture de lin de cette parabole représente l’humain, l’humain dans ses attachements multiples que sont la recherche de Dieu, mais aussi nos attachements humains et l’estime de soi, l’attachement à notre propre être et à notre propre existence.

Il vaut mieux, évidemment que nous puissions nous développer dans ces multiples dimensions, comme un arbre qui pousse et porte du fruit. Ce la nous est aussi naturel qu’à un arbre planté près d’un cours d’eau, mais il existe aussi, nous dit ce texte de Jérémie, il existe seulement quelques petites choses qui peuvent faire que la vie se détériore, que nos attachements pourrissent. C’est ce que Dieu montre ici à Jérémie, il le conduit dans une visite guidée des erreurs à éviter.

C’est assez rare, assez curieux de voir ainsi Dieu souffler à Jérémie de mauvaises idées conduisant à la ruine de la ceinture de lin.

Cette allégorie de la ceinture de lin nous montre qu’il y a quatre choses à éviter, quatre en tout, qui peuvent faire pourrir la vie, pourrir nos attachements.

1ère erreur : penser pouvoir acheter nos attachements

Ainsi m’a parlé l’Éternel, dit Jérémie :
Va, achète-toi une ceinture de lin
et mets-la autour de ta taille.

S’il s’agissait seulement de prendre une ceinture de lin, Dieu aurait bien pu dire « prends une ceinture de lin et mets-la autour de ta taille », mais non, la première erreur est de vouloir acheter l’amour, la première erreur consiste à croire que l’on pourrait acheter l’amour de Dieu, que l’on pourrait acheter l’amour des autre, ou que l’on pourrait acheter sa propre estime de soi-même.

Et cette expérience de Jérémie nous propose une autre façon de vivre, et même à une façon d’être qui est centrée sur la grâce seule.

Si on fait un cadeau à quelqu’un, un cadeau qui vient du fond du cœur : c’est magnifique et c’est fécond. Mais si on fait un cadeau ou si l’on rend service à quelqu’un en espérant qu’il nous aimera plus pour autant… c’est le même cadeau, il a le même prix pour nous, mais ce geste est comme un ferment de pourriture dans notre attachement à cette personne, un ferment de pourriture même pour notre propre cœur.

Cela vaut pour la relation à Dieu, bien entendu. Si on pense acheter les faveurs de Dieu en allant au culte : et bien c’est raté. D’abord parce que Dieu nous aime de toute façon au maximum possible, mais ensuite parce que c’est alors à soi-même que l’on pense en allant au culte ou en priant Dieu, et l’on transforme Dieu en marchand de soupe. Ce n’est pas une disposition favorable pour évoluer et pour entrer dans une meilleure relation à Dieu, une relation faite de confiance, de gratitude, de bonne volonté, de joie et d’espérance.

Cela vaut également pour l’estime de soi-même. Si nous nous couvrons d’or et de magnificence, d’honneur et de grades en pensant avoir moins l’impression de ne pas valoir grand chose… et bien c’est raté, le simple fait de penser acheter ainsi un petit peu d’estime de soi-même nous décentre de notre véritable valeur, qui est infinie et qui appartient à l’invisible. Alors, dans cette mauvaise perspective, chaque jour qui passe, chaque incident de la vie nous atteint dans le sentiment de notre propre dignité. Un petit découvert, un peu de chômage, un pépin de santé ou les signes de l’âge qui vient… ces chocs viennent alors comme pourrir notre estime de nous-mêmes alors que ça ne devrait absolument pas.

Non, l’amour ne s’achète pas, il se prend.

Dieu nous aime, c’est sa liberté, c’est son plaisir, sa joie, son espérance. Ce n’est pas à acheter et nous ne lui devons rien pour autant. Et si nous l’aimons nous aussi ce n’est pas un devoir, c’est là encore une grâce, nous l’aimons parce que nous l’aimons, parce qu’aller vers lui est pour nous une source de joie, parce que nous sommes heureux de le rendre heureux ainsi, parce que cela nous donne de la force de le prendre et de le garder tout contre nous, comme une ceinture que nous portons en chemin.

L’Évangile c’est la fin de ces théologies utilisées par les sectes pour menacer les hommes et les femmes. Il n’y a absolument rien à craindre de Dieu. Son attachement pour nous n’est pas à acheter. « Prenez et mangez » nous dit le Christ : prenez cet attachement de Dieu pour vous, prenez son amour et faites en votre ceinture, votre joie, votre force, votre façon d’être avec les autres.

« La grâce de Dieu me suffit » dit l’apôtre Paul
(2 Corinthiens 12:9)

En Christ, nous pouvons prendre et vivre cette grâce.

2e erreur: ne pas laver nos attachements

Ainsi m’a parlé l’Éternel, dit Jérémie :
Cette ceinture de lin, ne la trempe pas dans l’eau.

La deuxième erreur, c’est de ne pas faire un peu de lessive. La logique de la grâce, si importante, si fondamentale pour tous nos attachements, ne doit pas pour autant nous faire oublier que nos attachements doivent être lavés, purifiés.

Jésus reçoit le baptême de Jean-Baptiste, ce baptême-là est un signe de conversion et de purification alors que notre baptême au nom du Christ est plutôt un signe de la grâce de Dieu. Le Christ demande ce signe de purification, cela nous appelle à purifier notre relation à Dieu, à sans cesse affiner cette relation.

Nos attachements aux autres aussi doivent être régulièrement lavés, purifiés. Aimer l’autre tel qu’il est ce n’est pas faire semblant que tout va bien et qu’il est parfait. Au contraire. Quand on aime, ou quand on est aimé vraiment par grâce, il est alors possible de purifier notre relation de ses artifices, de ces petits faux-semblants, laver ce qu’il y a de sale. Sinon, cela pourrit. Le mot ceinture qui est utilisé ici, c’est la pièce de vêtement qui est la plus proche du corps, comme nos sous-vêtements aujourd’hui. Non lavés, même sans être particulièrement un cochon, la situation risque de devenir critique. Ce n’est donc pas un reproche qui nous est fait ici, mais juste parce que la vie est comme cela. Avec le temps, ce qui était une bonne relation, une bonne foi, un bon lien dans le couple, une bonne relation entre des parents et des enfants… cela doit être un peu passé à la lessive pour ne pas pourrir.

Et donc la grâce, oui, mais aussi un peu de lessive, un peu de réforme.

Ce psaume 1er, qui pourrait passer pour une menace d’être détruit si nous sommes trop méchant, ce psaume est au contraire une promesse et un appel à ce qui est méchant en chacun de nous soit comme balayé, purifié, lavé d’un souffle pour que ce qui est juste en chacun puisse se développer. C’est ainsi que Dieu nous aime et est attaché à nous.

3e erreur : ne pas rester fidèle à nos attachements

L’Éternel dit ensuite à Jérémie :
Prends la ceinture que tu portes à la taille,
lève-toi, va vers l’Euphrate,
et cache-la dans la fente d’un rocher.

La troisième erreur consiste à détacher la ceinture pour un certain temps et de la cacher dans un trou, bien loin, de la mettre en exil hors de notre sphère, même temporairement.

Il faut de la fidélité et de la pureté dans nos attachements. Si l’on a des idéaux, si l’on a une foi et qu’à l’occasion on se compromet, si on compose avec sa conscience, il y a là un ferment de moisissure. Bien sûr, nous ne pouvons vivre en ce monde et rester parfaitement purs. Mais il y a des limites, il y a des choses que l’on ne fait pas sans prendre le risque de pourrir sa foi, sa conscience, ses amitiés, son couple, sa famille. C’est comme ça.

On peut donc aller se promener du côté de Babylone, aux limites de ce qui est juste, mais pas y enfouir ses attachements, ne pas y perdre son âme, ne pas mettre entre parenthèse sa foi.

Tu ne commettras pas l’adultère, nous dit la Loi de Moïse. Certes. Ce n’est pas pour minimiser l’adultère physique qui est certainement une très mauvaise idée, mais il y a aussi des adultères de la foi, des adultères de l’amitié, des adultères par rapport à sa propre dignité d’être humain, des adultères contre notre propre avenir. Ce sont de mauvais germes.

4e erreur : trop longtemps oublier nos attachements

Un grand nombre de jours après, l’Éternel me dit :
Lève-toi, va vers l’Euphrate, et là, prends la ceinture que je t’avais ordonné d’y cacher.

La 4e et dernière chose à éviter, c’est l’oubli. Les choses vont de soi, nous avons la foi et c’est bien. Dieu existe quelque part dans nos croyances, peut-être même dans une véritable expérience de foi. C’est bien, on est tranquile, on n’y pense plus trop pendant de longs jours. Et bien cela finit par se rouiller, par pourrir.

Il en est de même de nos attachements de couple, des liens avec nos proches, de nos amitiés, de notre santé, de la conscience de notre propre dignité. Dans tous les cas, un attachement, même le plus véritable, ça s’entretient ou ça pourrit. Ça se visite, un attachement, pour écouter ce qu’il a à nous dire, pour écouter ce dont l’autre a besoin, voir comment il a évolué, comment il évolue, ce qu’il espère…

Jérémie nous propose donc 4 choses à éviter, 4 seulement : ça laisse de la marge

À y réfléchir, c’est formidable que Jérémie nous propose ainsi d’éviter quatre choses, et quatre seulement, car cela nous laisse une liberté infinie. Cela fonde même notre liberté, car il n’y a que quatre choses à ne pas oublier de ne pas faire dans nos attachements, et ils ne pourriront pas mais grandiront et porteront du fruit.

Ce qui est traduit ici par pourri, c’est un verbe qui signifie être incapable d’avancer, de prospérer, de réussir.

L’infini est si grand que quand on lui retire quatre, l’infini reste l’infini. Il nous reste mille chemins possibles, mille projets selon notre sensibilité, Dieu ne sait pas toujours par avance qui sera notre ami de toujours, ni même parfois qui sera l’homme ou la femme de notre vie, ni si nous aurons de enfants ou si nous choisirons une autre façon de vivre une vraie fécondité de vie… Dieu nous laisse libre, évidemment, de nos attachements. Lui, il est et il reste attaché. Et il nous aide à vivre nos attachements, il s’offre pour nourrir leur croissance et leur fécondité.

Enraciné en lui, comme le dit le Psaume 1er, tout ce que fait l’homme réussit, il grandit, il est florissant, il porte son propre fruit en son temps. Des fruits de grâce, de bonté, de fidélité et de persévérance.

Amen

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
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Lecture de la Bible

Jérémie 13:1-11

Ainsi m’a parlé l’Eternel: Va, achète-toi une ceinture de lin, et mets-la sur tes reins; mais ne la trempe pas dans l’eau. 2 J’achetai la ceinture, selon la parole de l’Eternel, et je la mis sur mes reins.

3 La parole de l’Eternel me fut adressée une seconde fois, en ces mots: 4 Prends la ceinture que tu as achetée, et qui est sur tes reins; lève-toi, va vers l’Euphrate, et là, cache-la dans la fente d’un rocher. 5 J’allai, et je la cachai près de l’Euphrate, comme l’Eternel me l’avait ordonné.

6 Plusieurs jours après, l’Eternel me dit: Lève-toi, va vers l’Euphrate, et là, prends la ceinture que je t’avais ordonné d’y cacher. 7 J’allai vers l’Euphrate, je fouillai, et je pris la ceinture dans le lieu où je l’avais cachée; mais voici, la ceinture était gâtée, elle n’était plus bonne à rien.

8 La parole de l’Eternel me fut adressée, en ces mots: 9 Ainsi parle l’Eternel: C’est ainsi que je détruirai l’orgueil de Juda Et l’orgueil immense de Jérusalem. 10 Ce méchant peuple, qui refuse d’écouter mes paroles, Qui suit les penchants de son coeur, Et qui va après d’autres dieux, Pour les servir et se prosterner devant eux, Qu’il devienne comme cette ceinture, Qui n’est plus bonne à rien! 11 Car comme on attache la ceinture aux reins d’un homme, Ainsi je m’étais attaché toute la maison d’Israël Et toute la maison de Juda, dit l’Eternel, Afin qu’elles soient mon peuple, Mon nom, ma louange, et ma gloire. Mais ils ne m’ont point écouté.