Notre salut commun et
le combat pour la foi

( Lettre de Jude )

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Culte du dimanche 21 août 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

En ce dimanche proche du 24 août, nous faisons mémoire annuellement d’un des plus terribles événements de notre histoire de France, qui a eu lieu dans la nuit du 23 au 24 août 1572, des milliers d’êtres humains furent massacrées dans ce quartier de Paris parce qu’ils étaient protestants. Massacre qui a tant réjoui le roi Charles IX et le pape Grégoire XIII qu’ils ont fait frapper de bien jolies médailles en mémoire de ce massacre.

L’histoire est un livre d’éthique et de philosophie, c’est aussi un livre de théologie si l’on sait y discerner les signes de l’action de Dieu. L’histoire est un gros livre qui peut blesser s’il est lancé sur la tête de son prochain, mais qui peut aussi édifier s’il est lu.

Pour accompagner notre mémoire de ces épouvantables haines meurtrières, je vous propose de lire un livre de la Bible qui est rarement lu, la lettre de Jude. En effet, dans cette lettre, Jude nous dit :

« Je voulais vous parler de notre salut commun,
je me suis senti obligé de vous appeler
au combat pour la foi ».

Un « combat pour la foi », cette idée est délicate, elle est même dangereuse et elle est, ou devrait être, choquante, car l’histoire nous apprend que tant de crimes ont été baptisés de combat pour la foi, tant même de crimes contre l’humanité ont été présentés comme combat pour la justice, ou pour une idéologie.

« Je voulais vous parler de notre salut commun, je me suis senti obligé de vous appeler au combat pour la foi » nous dit Jude, et c’est effectivement ce qu’il fait d’une bien belle et juste façon dans la première phrase de cette lettre qu’il nous adresse.

« Jude, serviteur de Jésus-Christ et frère de Jacques, à ceux qui sont aimés en Dieu le Père
et qui, par IX, sont gardés et appelés :
que la miséricorde pour vous, la paix et l’amour
 puissent être multipliés. » (1-2)

Il commence donc par parler du salut, de ce salut qui nous est commun à tous, nous dit-il, et qui consiste à être aimé, gardé et appelé par Dieu en Jésus-Christ. Il est très étrange de constater que dans la plupart des éditions de la Bible, l’ordre des mots «aimés, gardés et appelés » a été changé par le traducteur de la Bible. Quand un traducteur se permet de changer, c’est pour glisser une idée qui lui semble importante. Si l’on met en 1er que nous sommes « appelés » avant d’être « aimés et gardés par Dieu » il peut y avoir comme une réserve au fait d’être aimé et gardé par Dieu, celle d’avoir été appelé, ou celle de s’être senti appelé, ou d’avoir répondu à l’appel de Dieu par la foi… Alors que ce n’est pas cela que dit Jude, mais bien, en vérité que nous sommes déjà aimés par Dieu, que nous sommes même « absolument gardés » en Christ, nous dit Jude. Voilà notre salut dont il nous parle avec force, c’est pour lui comme une gourmandise de nous dire cela. Il y revient encore dans les derniers mots de sa lettre avec ce cri de louange à Dieu pour le salut qu’il nous donne :

À celui qui peut vous préserver de toute chute
et vous faire paraître devant sa gloire irréprochables
et dans la plaine joie, à Dieu seul, notre Sauveur,
 par Jésus-Christ notre Seigneur, soient gloire, majesté, force et puissance… (24-25)

Jude confirme ainsi la conviction qu’il a de notre salut : nous sommes aimés par Dieu et Dieu a la force de nous garder pour la vie éternelle, il le fera. Il n'y a donc rien à craindre de Dieu, et les passages qui peuvent sembler une menace pour certains dans cette lettre ne sont donc, et toute cohérence, que l'annonce d'une purification qui est pour chacun de nous un véritable bienfait. Dieu nous aime et nous garde. L’appel est donc en surplus.

Nous sommes appelés par Dieu :

  • nous sommes appelés tout court, Dieu nous appelle par notre nom, un nom que lui seul connaît et qu’il nous chuchote au cœur, un nom qui fait de nous un enfant irremplaçable pour lui.
  • et Dieu nous appelle à combattre un bon combat avec Jésus-Christ. C’est un appel au bénévolat. Dieu ne marche pas à coup de chantage, du genre si tu fais ça, je te donnerai ça. Il ne fonctionne pas à coup de menaces : si tu fais ceci ou si tu ne fais pas cela, je te renierai. L’amour vrai est sans condition.

Mais le mal existe et nous sommes appelés à un combat. Un combat par la foi et pour la foi (par la fidélité pour une plus grande fidélité).

Ce n’est pas obligatoire mais Dieu nous propose de lutter en ce monde avec lui et par lui, de s’engager un peu ou beaucoup, nous sommes libres mais nous sommes appelé, invité à avoir un rôle, une place dans cette grande œuvre. Chacun selon ce que lui indiquera sa foi, ses forces, son talent propre, en faire pousser une fleur, ou en reconnaissant une souffrance abandonnée, ou en transportant des montagnes.

Jude nous le dit, sans détour : des hommes vraiment mauvais se sont glissés, infiltrés ! Qu’entend-il par là ? Nous ne sommes pas dans un film de James Bond avec des espions russes infiltrés au MI6. La vie est plus complexe que ça. Oui, il y a des gens méchants, des haineux, des malades, des pervers… à des degrés divers, et ils font partie de l’humanité comme nous. Le mal s’est aussi comme infiltré en nous-mêmes, et le combat contre le mal commence là. C’est ce que nous dit Jude dans la première phrase de sa lettre, si l’on regarde bien.

Il nous parle d’abord en 3 mots de notre salut commun puis il nous dit : « que la miséricorde, la paix et l’amour vous soient multipliés ». S’il dit ça, c’est que nous avons encore une marge de progression dans ce domaine. Jude nous appelle donc à un combat à l’intérieur de nous-mêmes, un combat que nous pouvons faire en confiance puis que nous en vallons la peine, notre vie en vaut la peine, même si nous avons du mal à voir comment, Dieu le sait et il est pour nous un allié hyper fiable à nos côté.

Nous avons besoin de miséricorde, c’est à la fois une tendresse maternelle qui nous rend plus vivant, et aussi une grâce royale qui nous pardonne et qui nous établit. Nous avons besoin de miséricorde pour avancer, et ceux qui sont autour de nous ont aussi besoin de miséricorde : de ces gestes de tendresses et de vrai respect, de ces petits gestes qui nous ressuscitent un peu.

La paix intérieure est un combat, un combat pour chasser le mal en nous, chasser cette part incompréhensible en nous qui nous fait du mal, quelle qu’elle soit. Que la paix se multiplie en nous : c’est une grâce, c’est aussi un combat que nous menons en nous-mêmes et un combat dans lequel Dieu peut nous aider, et un combat dans lequel nous pouvons aider les autres. Car le mal n’est pas qu’en nous, il est aussi dans le monde, évidemment.

Nous sommes appelés à un combat pour la foi et par la foi. Mais pas n’importe comment, nous dit Jude : pas comme une brute, pas d’une manière injurieuse, pas sans savoir de quoi on parle. Jude nous dit que même l’archange Michel a fait preuve de doigté quand il a lutté contre le diable, c’est pour dire !

L'archange Michel lorsqu'il luttait contre le diable
n'osa pas porter contre lui un jugement injurieux,
mais il dit : Que le Seigneur te corrige ! (v.10)

Voilà déjà une piste que nous donne Jude. L’enjeu, c’est d’abord, avec l’aide de la Parole de Dieu, de sauver le prophète qui sommeille en nous, l’arracher des griffes du mal, sauver le petit Moïse qui sommeille en chacun de nous. L’en jeu c’est que ce salut qui nous est commun à tous (v.3), nous dit Jude, ce salut c’est de le laisser vivre et s’exprimer en ce monde dans la vie de chacun. Ensuite, nous dit ce récit, oui, nous sommes donc appelé à lutter contre le mal, mais sans injure, sans chercher à corriger l’autre de force mais en le remettant à Dieu pour qu’il l’aide à progresser. C’est d’ailleurs ce que fait Jude pour nous au début de sa lettre, en nous rappelant l’amour de Dieu et en nous souhaitant qu’avec son aide nous puissions grandir.

Jude nous donne ensuite des exemples de combats de brutes. D’abord, Caïn qui tue son frère. La comparaison de Jude est tellement vraie : si nous nous prenons pour un chevalier blanc croyant combattre le bon combat de la foi contre les impies, si nous le faisons comme une brute et sans respect pour l’autre nous nous croyons être Abel mais nous sommes en réalité Caïn. Nous sommes Balaam, le prophète qui était disposé à maudire si ça lui rapportait quelque chose, ou les rebelles qui voulaient être Moïse à la place de Moïse… Nous prenant pour l’archange Michel, si nous le faisons d’une manière non respectueuse pour la personne en face de nous, même dans sa maladie et son péché, alors c’est d’une certaine façon comme si le mal en nous avait mis la main sur notre Moïse intérieur, sur notre côté vraiment vivant et prophétique, ouvert à la dynamique de miséricorde qu’est Dieu. Soyons plutôt Michel, Moïse et Abel.

Jude applique ensuite cela à l’église, il y a des personnes pleines de foi dans l’église mais qui sont en fait des calamités. Pour nous aider à nous reconnaître, Jude reprend les grands symboles de la foi biblique : ces signes de bénédiction que sont le repas de communion (les agapes), mais aussi la nuée (normalement porteuse de pluie bienfaisante), l’arbre (portant de bons fruits), l’eau paisible pleine de bons poissons, les astres qui sont là pour nous éclairer et nous guider…. Oui, nous devrions être comme cela dans le monde, mais même bien croyants, quand nous sommes sans respect pour la personne en face, nous sommes des signes de bénédictions sans bénédiction, errants dans l’obscurité.

… des personnes qui murmurent,
qui se plaignent de leur sort,
qui marchent selon ce qui leur passe par la tête,
qui ont à la bouche des paroles hautaine....
Mais vous, bien-aimés, souvenez-vous des choses annoncées d'avance
par les envoyés de notre Seigneur Jésus-Christ. (v.16-17)

Encore une fois, évidemment, il ne s’agit pas de reconnaître seulement dans l’autre l’incarnation de cette tendance qu’exprime Jude ici. Avec l’appel à aller au combat pour la foi il nous met en garde, tous, de cette pente glissante, si glissante même quand il s’agit de combattre pour le bien contre le mal. La fin justifie si vite à nos yeux les moyens. Mais « souvenons-nous » de la manière dont Dieu se comporte avec nous.

Ce n’est pas qu’entre nous que nous avons cette tendance à combattre de façon injurieuse et brutale, c’est également vis-à-vis de nous-mêmes, nous dévalorisant, nous injuriant nous-mêmes, au lieu de garder avec grande tendresse et soin sur ce qui est merveilleux en nous-mêmes pour l’appeler à se multiplier, avec la grâce de Dieu.

C’est donc une bonne, une excellente idée qu’a Jude de commencer en rappelant que nous sommes tous aimés, gardés et appelés par Dieu. Même le salaud en face est donc, que ça nous plaise ou non, une personne que nous ne pouvons traiter comme une bête brute. Nous ne sommes pas appelés pour rabaisser, mais pour vivre de « notre salut commun »

Comment combattre alors pour la foi ? Jude, enfin, nous propose une petite méthode (v.20-23).

1) En vous édifiant vous-mêmes sur votre très sainte foi,
et priant par le Saint-Esprit,
gardez-vous dans l'amour de Dieu,
en attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ...

Le premier chantier qui nous est confié dans le combat contre le mal, c’est ainsi nous-mêmes. Mais Jude ne conseille pas d’abord de combattre le mal qui est en nous-mêmes mais plutôt de construire en partant de ce qu’il y a de meilleur en nous-mêmes, de construire avec l’aide de Dieu, dans la prière, dans la confiance, dans l’espérance de sa bénédiction.

Mais ce « édifiez-vous vous-mêmes » c’est aussi nous édifiez mutuellement et le conseil que donne Jude est valable aussi pour aider les autres : dans l’amour, d’une façon constructive, sur ce qu’ils ont de meilleur, avec le souffle créateur de Dieu.

2) Ensuite, nous dit Jude : Reprenez ceux qui contestent,
ayez miséricorde de ceux qui hésitent, doutent,
sauvez-en d'autres en les arrachant du feu.

Alors et alors seulement, tenter de relever ce qui ne va pas, mais pas comme une brute, avec miséricorde, en sauvant ce qui est bon, en l’arrachant du feu.

3) Pour d'autres, enfin,
ayez une pitié mêlée de crainte,
haïssant la tunique souillée par la chair.

Ne pas haïr ou mépriser l’homme, mais parfois ses actes monstrueux… Quand à l’homme, oui, au pire il peut nous inspirer de la crainte et de la pitié. Que Dieu nous soit en aide à tous.

Amen.

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
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Lecture de la Bible

Lettre de Jude

Jude, serviteur de Jésus-Christ, et frère de Jacques, à ceux qui ont été appelés, qui sont aimés en Dieu le Père, et gardés pour Jésus-Chris t: 2 que la miséricorde, la paix et l’amour vous soient multipliés!

3 Bien-aimés, alors que je désirais vivement vous écrire au sujet de notre salut commun, je me suis senti obligé de vous envoyer cette lettre pour vous exhorter à combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes.

4 Car il s’est glissé parmi vous certains hommes dont la condamnation est écrite depuis longtemps, des impies, qui changent la grâce de notre Dieu en dérèglement, et qui renient notre seul maître et Seigneur Jésus-Christ.

5 Je veux vous rappeler, à vous qui savez fort bien toutes ces choses, que le Seigneur, après avoir sauvé le peuple et l’avoir tiré du pays d’Egypte, fit ensuite périr les incrédules; 6 qu’il a réservé pour le jugement du grand jour, enchaînés éternellement par les ténèbres, les anges qui n’ont pas gardé leur dignité, mais qui ont abandonné leur propre demeure; 7 que Sodome et Gomorrhe et les villes voisines, qui se livrèrent comme eux à la débauche et à des vices contre nature, sont données en exemple, subissant la peine d’un feu éternel. 8 Malgré cela, ces hommes aussi, entraînés par leurs rêveries, souillent pareillement leur chair, méprisent l’autorité et injurient les gloires.

9 Or, l’archange Michel, lorsqu’il contestait avec le diable et lui disputait le corps de Moïse, n’osa pas porter contre lui un jugement injurieux, mais il dit: Que le Seigneur te réprime! 10 Eux, au contraire, ils parlent d’une manière injurieuse de ce qu’ils ignorent, et ils se corrompent dans ce qu’ils savent naturellement comme les brutes.

11 Malheur à eux! car ils ont suivi la voie de Caïn, ils se sont jetés pour un salaire dans l’égarement de Balaam, ils se sont perdus par la révolte de Koré.

12 Ce sont des écueils dans vos agapes, faisant impudemment bonne chère, se repaissant eux-mêmes. Ce sont des nuées sans eau, poussées par les vents; des arbres d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés; 13 des vagues furieuses de la mer, rejetant l’écume de leurs impuretés; des astres errants, auxquels l’obscurité des ténèbres est réservée pour l’éternité.

14 C’est aussi pour eux qu’Hénoc, le septième depuis Adam, a prophétisé en ces termes: Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, 15 pour exercer un jugement contre tous, et pour faire rendre compte à tous les impies parmi eux de tous les actes d’impiété qu’ils ont commis et de toutes les paroles injurieuses qu’ont proférées contre lui des pécheurs impies.

16 Ce sont des gens qui murmurent, qui se plaignent de leur sort, qui marchent selon leurs convoitises, qui ont à la bouche des paroles hautaines, qui admirent les personnes par motif d’intérêt.

17 Mais vous, bien-aimés, souvenez-vous des choses annoncées d’avance par les apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ. 18 Ils vous disaient qu’au dernier temps il y aurait des moqueurs, marchant selon leurs convoitises impies; 19 ce sont ceux qui provoquent des divisions, hommes sensuels, n’ayant pas l’Esprit.

20 Pour vous, bien-aimés,

  • vous édifiant vous-mêmes sur votre très sainte foi, et priant par le Saint-Esprit, 21 maintenez-vous dans l’amour de Dieu, en attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle.
  • 22 Reprenez les uns, ceux qui contestent;
  • 23 sauvez-en d’autres en les arrachant du feu;
  • et pour d’autres encore, ayez une pitié mêlée de crainte, haïssant jusqu’à la tunique souillée par la chair.

24 Or, à celui qui peut vous préserver de toute chute et vous faire paraître devant sa gloire irréprochables et dans l’allégresse, 25 à Dieu seul, notre Sauveur, par Jésus-Christ notre Seigneur, soient gloire, majesté, force et puissance, dès avant tous les temps, et maintenant, et dans tous les siècles! Amen !