Une histoire de la Bible
où un puits discute
et où un rocher marche sur ses pattes
( Nombres 21 :4-20 ; 1 Corinthiens 10 :1-14 )
(écouter l'enregistrement) (voir la vidéo)
Culte du dimanche 7 août 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot
Dieu serait un être immuable disent certains théologiens… La Bible est plus nuancée que cela sur la question (voir aussi la prédication précédente). Certes, la Bible compare souvent Dieu à un solide rocher en granit, mais il arrive à ce rocher de marcher, nous dit la Bible ! Dieu est comme un rocher qui marche par amour pour son peuple, par amour pour l’humanité, par amour pour chacun de nous. C’est ce que nous dit l’apôtre Paul dans un intéressant commentaire d’un passage du livre des Nombres. Ce commentaire est intéressant à plus d’un titre. D’abord pour le témoignage que Paul nous offre ainsi sur Dieu, sur le salut qu’il nous offre en Christ. Mais c’est intéressant aussi pour nous aider dans notre lecture de la Bible, pour comprendre un peu comment ces textes étaient lus à l’origine et ce que la venue du Christ a changé à cette lecture.
L’apôtre Paul continue, comme les rabbins de l’époque à faire une lecture allégorique de la Bible. Elle n’est pas un recueil de vieilles histoires qui concernent le passé, mais que tout cela a été écrit pour nous, que ces textes trouvent leur accomplissement dans le temps présent, dans notre propre vie, dans notre être.
Mais la lecture chrétienne de la Bible que nous montre Paul évangélise cette lecture juive de la Bible. Non, Dieu n’est pas un dieu violent, jaloux, tout puissant ni immuable. Non, Dieu ne tue pas ceux qui chutent ou critiquent. À la lecture du commentaire de Paul on remarque que ce n’est pas Dieu qui serait source de tentations, de difficultés, ou de punitions. Paul se démarque sur ce point d’une lecture littéraliste du livre des Nombres, selon Paul, Dieu n’est pas source de ce qui nous tue, mais il nous offre des moyens d’en sortir, il nous ouvre des chemins, il nourrit notre être pour nous donner de la force, il nous abreuve de sa propre vie, offerte.
Nous voici donc en prise avec une histoire complètement surréaliste. Une histoire où l’on voit un puits qui discute, un puits, qui est également un rocher, qui marche pour suivre les hébreux dans le désert, puis sur des montagnes, des vallées et des plaines. Dieu est un rocher, cela donne en partie raison aux théologiens qui affirment haut et fort que Dieu serait immuable. Vu ses qualités, il nous semble que Dieu devrait être immuable comme un solide rocher. Mais en réalité non, Dieu évolue, c’est aussi surprenant que de voir un rocher qui marche, aussi surprenant que de voir un puits qui discute et qui se déplace, lui aussi. Mais c’est comme ça. Sa fidélité est solide et inaltérable comme le diamant, son amour est stable comme le granit. Mais Dieu est vivant et mobile.
Suivons donc la lecture que l’apôtre Paul donne ici de l’exode du peuple hébreu dans le désert. Je ne sais pas si l’apôtre Paul a jamais pensé que les hébreux avaient été matériellement nourris avec de la manne, et si c’était un fait matériel que le rocher dont coulait une source les suivait dans le désert d’étape en étape. En tout cas ce n’est pas cela qui importe pour Paul, il insiste pour dire que l’aliment qui les a nourris était spirituel et qu’ils buvaient un breuvage spirituel qu’ils ont reçu d’un rocher spirituel qui était le Christ, le salut de Dieu qui s’est bien plus tard incarné en Jésus de Nazareth. Paul propose donc de lire cette histoire de l’Ancien Testament comme une allégorie parlant de notre vie intérieure mais aussi celle des hébreux eux-mêmes dans leur cheminement. Avec Moïse, ils ont reçu 4 choses essentielles, 2 baptêmes et 2 aliments. Et cela est écrit pour nous :
Les hébreux ont été baptisés dans la nuée ardente
Cela évoque cette source de lumière qu’est Dieu, qui nous permet de voir clair dans ce monde, voir de nos propres yeux au-delà des apparences la vraie valeur des êtres, la vraie valeur de notre propre existence, de chaque jour de notre vie. Ce baptême dans la nuée c’est une étape de notre création comme un peu à l’image de Dieu.
Les hébreux ont été baptisés dans la mer
C’est une libération de ce qui en nous est évoqué par le méchant pharaon de l’histoire de l’Exode. Mais en fait c’est une purification de chacun de nous, car nous avons tous cette tentation qu’incarne le pharaon de cette histoire. C’est la tentation de n’espérer que sur la seule industrie humaine pour nous sauver, la tentation de ne voir son salut que selon cette dimension-là, psychologique, biologique, terrestre et non spirituelle. Je ne dis pas que les Égyptiens pensaient comme ça, mais c’est ce qu’évoque la figure de l’Égypte du pharaon, c’est un type, une allégorie. C’est le 2e service que Dieu nous offre selon Paul, après avoir été éclairé, c’est d’être purifié du matérialisme. Deux services sont encore offerts, deux services qui ne sont pas seulement extérieurs mais faits pour nous vivifier de l’intérieur :
Les hébreux ont été nourris
Ils ont été nourris d’un aliment spirituel nous savons que cette nourriture est un questionnement, et que c’est pour cela que le pain donné aux hébreux dans le désert s’appelle de la manne, littéralement du « qu’est-ce que c’est que ça ? ».
Et les hébreux ont été enfin abreuvés
Ils ont été abreuvés d’un breuvage spirituel à cette source, à ce rocher spirituel qui les suivait dans le désert. Ce rocher qu’est donc le Christ, la Parole de Dieu réellement présente à nos côtés comme Jésus a marché avec ses disciples. Ce rocher, cette source, ce Christ, c’est la dynamique même de Dieu, c’est le cheminement, la fidélité et la vie (Jean 14) qui s’offre à nous pour qu’elle irrigue notre être, lui donne une paix intérieure, une joie et une vigueur vivifiante.
Dieu nous donne ces 4 dons spirituels, mais nous dit Paul, ces quatre dons de Dieu ne suffisent pas à sauver la plupart des hébreux. Paul insiste, ils ont tous reçu les quatre dons de Dieu pour les sauver, la lumière spirituelle, la purification, la nourriture du questionnement et le breuvage spirituel donné par le Christ… mais il reste la part de liberté de l’homme.
Certains croyants se demande qui sera sauvé ? Est-ce que Dieu pardonne ceci ou cela ? Comment nous juge-t-il ? La question n’est pas du tout là. Dieu est au-delà du pardon, il aime tout simplement chacun de ses enfants et ne cesse jamais de tout faire pour leur donner la vie, bien entendu. Dieu fait tout pour donner la vie à chacun : sa lumière est offerte généreusement à tous, nous dit Paul. Tous ont été purifiés par le regard positif de Dieu, par cet amour qu’il a manifesté en Christ. Tous ont reçu de lui comme nourriture cette infinie source de bonnes questions que le Christ nous invite à nous poser dans l’Évangile, et tous ont reçu en lui l’eau vive de l’Esprit… En Christ, tout est accompli, par grâce, mais ce tout reste à saisir par la foi. Et personne ne peut avoir la foi à la place d’un autre. La question n’est pas celle d’être inscrit dans un grand livre au ciel, notre nom est effectivement inscrit en Dieu. La question n’est pas d’être béni par Dieu, il nous bénit vraiment mais la question est de vivre de ses bénédictions. La lumière ne vaut que si l’on ouvre les yeux. Et quand l’on voit enfin la vraie valeur de la vie, l’incroyable merveille qu’est chaque être humain, si l’on comprend le vrai sens que peut prendre une vie humaine par ce souffle… c’est très bien mais il ne suffit pas de savoir cela ni même de l’avoir vu. Encore faut-il en vivre. Et pour que cela soit possible, nous dit Paul, tout est une question de foi, mais encore faut-il préciser ce qu’est ici la foi, c’est la foi au sens de l’espérance en Dieu, pour qu’il nous fasse évoluer aujourd’hui, concrètement.
La question n’est pas d’être au bénéfice du pardon de Dieu, mais de laisser infuser en nous cette source de vie qu’est Dieu. La question est d’entrer dans cette dynamique que crée une juste adoration. C’est ce que l’on voit dans le texte des Nombres que commente Paul. C’est par un regard d’espérance vers le salut de Dieu que l’on est sauvé des serpents. C’est par un cantique que l’on peut vivre de ce puits mystérieux.
Les serpents brûlant sont une image de nos tentations personnelles qui nous tirent vers le bas, nous empoisonnent et nous tuent. Ces tentations sont humaines, elles ne viennent pas de Dieu. Et selon Paul, à la différence du texte des Nombres, ce sont nos tentations qui nous tuent, ce n’est pas la volonté de Dieu qui, elle, reste encore et toujours tournée vers la vie de chacun de ses enfants. Mais Paul est bien d’accord avec le livre des Nombres pour dire qu’un simple et vrai regard d’espérance vers le salut de Dieu nous conserve en vie. Paul souligne cela en disant que Dieu prépare toujours pour chacun le moyen de sortir de la tentation. C’est ce que nous dit aussi Jésus à plusieurs reprises, en particulier dans le Notre Père, malheureusement si mal traduit que l’on pourrait penser que c’est Dieu qui nous tente ! Au contraire, Dieu nous secourt de ces quatre dons relevés par Paul. La tentation sera toujours là, elle est une faiblesse, voire une tare qui nous est personnelle, une écharde dans notre chair. Mais nos tentations doivent et peuvent être combattues, et Dieu est notre allié dans cette guerre.
Dieu nous propose d’aller plus loin encore, à sa suite, lui qui est cheminement. La nuée qu’évoque Paul évoque encore une fois le côté dynamique de Dieu qui nous devance. Paul reprend cela un peu plus loin dans cette même 1e lettre aux Corinthiens, il nous dit que le « cheminement par excellence » (12:31) est de « poursuivre l’amour » (14:1), ce cheminement fondamental, cet amour qui avance et même qui court en avant, c’est Dieu ! Dieu est donc en lui-même dynamique et mobile. Mais il est aussi, par amour dépendant de notre propre mouvement, il se fait alors un humble puits, un humble petit rocher qui marche pour que nous ne mourrions pas de soif sur notre route, il nous suit même dans nos errements improbables.
Poursuivez l’amour (14 :1) et fuyez l’idôlatrie (10 :14), nous dit Paul. C’est un bon résumé de ce que propose le célèbre et mystérieux cantique du puits du livre des Nombres. Ils arrivèrent à Béer, nous dit le texte, littéralement ils arrivent dans un lieu qui s’appellent « le puits ». Depuis toujours, les rabbins font eux aussi une relecture allégorique de ce puits et ils disent qu’il s’agit du puits de la Torah, le puits de la Parole de Dieu. Paul commente cela en disant que c’est le Christ qui est effectivement Parole et acte de Dieu pour nous donner la vie.
l’Eternel dit à Moïse: Rassemble le peuple,
et je leur donnerai de l’eau.
Nous rassembler pour espérer cette eau, c’est ce que nous faisons en ce moment. Là où deux ou trois sont réunis pour parler de Dieu, les questions prennent du relief, les idoles de nos dogmes étroits ont des chances de se fendiller (à condition que l’on accepte de débattre dans un esprit d’ouverture et d’évolution personnelle possible). Se rassembler c’est aussi se rassembler soi-même, attendre Dieu dans sa vie non seulement par le culte, non seulement de toute sa tête, mais d’y mettre aussi son cœur, sa vie quotidienne, d’y mettre une volonté de changer…
Et se mettre alors à chanter le cantique du puits. Les traducteurs ont essayé de le rendre le moins étrange possible, mais cela lui fait perdre bien de son sens. Littéralement, il est écrit :
Monte, puits ! Répondez-lui !
Puits, que des princes ont creusé,
Que les hommes de bonne volonté ont creusé,
Avec le sceptre, avec leurs bâtons !
C’est par grâce que le puits se déplace pour nous accompagner, et jamais Dieu ne se lassera de s’offrir ainsi à notre service pour nous donner le bonheur et la vie de l’eau fraîche dans nos déserts. Mais pour boire de cette eau, il faut une foi simple et toute concrète :
il faut ouvrir la bouche et prier ce chant : « monte dans mes membres, dans ma vie, dans mon cœur, toi, la présence de Dieu, la source de la vie, comme en Christ ».
Ensuite, nous dit le cantique, il est bon d’entendre les questions que nous pose le puits, que nous pose Dieu en Christ, et d’y répondre tous ensemble, de rassembler les différentes facettes de notre être pour lui répondre en vérité, en espérance.
Il faut aussi s’unir des forces que nous disposons pour creuser. Un sceptre et des bâtons de marche, pour creuser du sable c’est un peu comme de boire sa soupe avec une fourchette, ce n’est pas très efficace, mais c’est comme le premier pas que fait le fils prodigue vers son père (Luc 15), c’est un pas de bonne volonté et de confiance, d’espérance, c’est un premier geste d’action dans le monde (comme le bébé roi que nous sommes), ou au moins, un début de bonne volonté, comme puisatier de la Parole jaillissante de Dieu.
Le texte des Nombres déroule alors en conclusion un itinéraire mystérieux que les rabbins juifs et les pères de l’église chrétienne lisent comme un cheminement spirituel, avec Dieu et par Dieu :
- « Dans le désert » : c’est à l’écart que l’homme se recentre dans le dialogue avec Dieu.
- à Matthana « il a été donné » : Dieu a donné son amour et l’eau de sa Parole, l’homme a donné sa foi et son chant.
- à Nahaliel : « l’héritier de Dieu » avec Christ
- à Bamoth : « pour la mort », non la mauvaise mort, mais la mort dé la source du péché et de la souffrance en nous.
- pour arriver au sommet d’où nous touchons à la terre promise, à la vie éternelle.
Amen.
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Lecture de la Bible
Nombres 21:4-20
Le hébreux partirent de la montagne de Hor par le chemin de la mer Rouge, pour contourner le pays d’Edom. Le peuple s’impatienta en route, 5 et parla contre Dieu et contre Moïse: Pourquoi nous avez-vous fait monter hors d’Egypte, pour que nous mourions dans le désert? car il n’y a point de pain, et il n’y a point d’eau, et notre âme est dégoûtée de cette misérable nourriture.
6 Alors l’Eternel envoya contre le peuple des serpents brûlants; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël.
7 Le peuple vint à Moïse, et dit: Nous avons péché, car nous avons parlé contre l’Eternel et contre toi. Prie l’Eternel, afin qu’il éloigne de nous ces serpents. Moïse pria pour le peuple.
8 L’Eternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie. 9 Moïse fit un serpent d’airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d’airain, conservait la vie.
10 Les enfants d’Israël partirent, et ils campèrent à Oboth. 11 Ils partirent d’Oboth et ils campèrent à Ijjé-Abarim, dans le désert qui est vis-à-vis de Moab, vers le soleil levant. 12 De là ils partirent, et ils campèrent dans la vallée de Zéred. 13 De là ils partirent, et ils campèrent de l’autre côté de l’Arnon, qui coule dans le désert en sortant du territoire des Amoréens; car l’Arnon est la frontière de Moab, entre Moab et les Amoréens.
14 C’est pourquoi il est dit dans le livre des Guerres de l’Eternel: ...Vaheb en Supha, et les torrents de l’Arnon, 15 et le cours des torrents, qui s’étend du côté d’Ar et touche à la frontière de Moab.
16 De là ils allèrent à Beer (le Puits). C’est ce puits, où l’Eternel dit à Moïse: Rassemble le peuple, et je leur donnerai de l’eau.
17 Alors Israël chanta ce cantique:
Monte, puits! Chantez en son honneur!
18 Puits, que des princes ont creusé,
Que les grands du peuple ont creusé,
Avec le sceptre, avec leurs bâtons!
19 Du désert ils allèrent à Matthana;
de Matthana, à Nahaliel;
de Nahaliel, à Bamoth;
20 de Bamoth, à la vallée qui est dans le territoire de Moab, au sommet du Pisga, en regard du désert.
1 Corinthiens 10:1-14
Frères (et sœurs), je ne veux pas que vous ignoriez que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous passé au travers de la mer,
2 qu’ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer,
3 qu’ils ont tous mangé le même aliment spirituel,
4 et qu’ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ.
5 Mais la plupart d’entre eux ne furent point agréables à Dieu, puisqu’ils périrent dans le désert.
6 Or, ces choses sont arrivées pour nous servir d’exemples, afin que nous n’ayons pas de mauvais désirs, comme ils en ont eu.
7 Ne devenez point idolâtres, comme quelques-uns d’entre eux, selon qu’il est écrit: Le peuple s’assit pour manger et pour boire; puis ils se levèrent pour se divertir.
8 Ne nous livrons point à la débauche, comme quelques-uns d’entre eux s’y livrèrent, de sorte qu’il en tomba vingt-trois mille en un seul jour.
9 Ne tentons point le Seigneur, comme le tentèrent quelques-uns d’entre eux, qui périrent par les serpents.
10 Ne murmurez point, comme murmurèrent quelques-uns d’entre eux, qui périrent par l’exterminateur.
11 Ces choses leur sont arrivées pour servir d’exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles.
12 Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber!
13 Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter.
14 C’est pourquoi, mes bien-aimés, fuyez l’idolâtrie.
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