Ascension du Christ

(Actes 1:1-11)

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Culte du jeudi 2 juin 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication à deux voix des pasteurs Marc Pernot et James Woody

 

L'Ascension :
Conjuguer le ciel et la terre

prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœur, ce texte joue sur la tension entre le ciel et la terre. D’un côté le ciel, le lieu de Dieu qui, dans cet épisode, accueille le ressuscité, de l’autre, la terre et ce sol que nous, les humains, nous foulons de nos pieds. D’un côté le ciel, son immatérialité apparente, sa grâce, les rêves qu’il nous autorise, et de l’autre, la terre, sa dureté, sa pesanteur, sa réalité.

Dans une certaine mesure tout oppose le ciel et la terre qui, pourtant, ne font qu’un seul et même univers.

Le ciel

Cela peut sembler un peu enfantin de considérer que Dieu est au ciel. Cela peut sembler encore pire de considérer que le ressuscité est monté dans le ciel où il a été enveloppé d’une nuée. Et pourtant cette image me plaît et elle me parle. Le ciel évoque l’infini, l’incommensurable. Le ciel me fait rêver, me fait songer. Le ciel m’entraîne vers un au-delà, vers des méditations que l’on pourrait qualifier de métaphysiques et qui m’interrogent sur la place de l’homme dans l’univers, sur le sens de la vie, sur la création, sur l’histoire, sur la pérennité de l’Univers et donc de notre monde.

Le ciel, pour parler du lieu de Dieu, est une image qui me convient bien car le ciel évoque l’insaisissable, cette atmosphère qui échappe toujours à ma main qui se resserre sur elle. Le ciel me ramène à une juste place, modeste. Le ciel dépasse largement mes capacités intellectuelles, mes capacités à faire le tour de ce qui m’environne. Le ciel est plus grand que moi, plus grand que mon entendement. Et puis, lorsque mes yeux scrutent le ciel, en dehors des nuages et parfois des aéronefs qui le traversent, je ne vois rien, rien d’autre qu’une sorte de rien absolu. Lorsque le ciel est dégagé de toute nuée, il est comme parfaitement transparent. « Circulez ! il n’y a rien à voir », en quelque sorte.

Le ciel est une image qui me parle merveilleusement bien du lieu de Dieu, de ce lieu pour Dieu que je ne vois pas, que je ne parviens jamais à saisir, qui est toujours au-delà de ce que je pense et crois. Le ciel, loin d’être une image enfantine, me dit des choses qui me semblent justes au sujet de Dieu. Que le ressuscité de Pâques y fût élevé m’évoque le fait que lorsque Dieu agit, ce n’est pas visible à l’œil nu, que cela dépasse mon imagination et qu’il ne m’est pas possible d’en conserver quelque relique que ce soit. Le ciel me parle de ce Dieu qui m’attire vers plus grand que moi.

La terre

N’est-ce pas humiliant, dès lors, de considérer la terre comme le lieu de l’Homme ? N’est-ce pas humiliant, dès lors, de considérer que l’Homme est juste bon à la matérialité, au fini, juste bon à se cogner contre toutes les limites de notre monde, qu’il s’agisse des lois de la physique qui se rappellent toujours à notre bon souvenir, qu’il s’agisse des lois de la biologie qui nous travaillent constamment au corps, des lois du terrain qui posent ravins, montagnes, océans, comme autant d’obstacles qui s’imposent à nous ?

Et comme si cela ne suffisait pas, le récit de Luc met en scène deux hommes vêtus de blanc qui rappellent les deux anges de Pâques, qui étaient au tombeau tout juste vidé de la mort qu’il est censé maintenir, au moment où Marie arriva pour embaumer le corps de Jésus. Et ces deux hommes disent, justement : « circulez ! il n’y a rien à voir dans le ciel », comme s’ils voulaient nous remettre le nez dans notre bourbier, nous empêcher de nous élever, nous-aussi, vers ces hauteurs célestes où l’âme respire le bon air divin.

Je ne crois pas, justement, que ces deux hommes vêtus de blancs cherchent à nous humilier en nous privant d’un regard tourné vers le ciel. Leur question vise celui qui s’est arrêté pour regarder le ciel, celui qui a arrêté sa course, celui qui s’est figé, celui qui a cessé d’avancer. Leur question vise l’Homme qui regarde le ciel pour suivre du regard le souvenir du maître de l’Evangile au lieu de poursuivre son chemin, au lieu de poursuivre son action. Il ne s’agit pas pour ces hommes de nous priver du ciel ou de nous séparer de Dieu : il s’agit plutôt de nous éviter une sorte de fascination qui arrête notre élan, qui met un terme à nos pensées vagabondes.

Je crois que si l’évangéliste Luc met en tension le ciel et la terre, c’est pour que cette tension soit maintenue au sein même de notre existence, pour que nous conjuguions l’infini du ciel et le concret de la terre, pour que nous conjuguions les idées que suscite notre observation du ciel et le réel auquel la terre nous ramène, que nous fassions preuve à la fois d’idéalisme et de pragmatisme. Ou, pour le dire avec Raphaël Picon (Evangile et liberté, juin-juillet 2011), « il nous reconduit sur terre, là où nous rejoint un Dieu sans mythe, un Dieu sans barbe, celui du désir, de l’éveil et de la créativité, ce Dieu qui, incognito, nous anime à travers tout ce qui continue de nous rendre vivants jusqu’à la mort ».

Amen

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L'Ascension :
Convertir son espérance

prédication du Marc Pernot

La résurrection du Christ est certainement le point culminant de chacun des 4 évangiles. Il est donc légitime que cette résurrection soit le point central de la foi chrétienne. Le problème c’est que nous ne sommes pas très à l’aise avec cette notion. Le fait que ce soit présenté comme un point central de la foi n’est pas fait pour nous mettre à l’aise. Nous sommes pleins de bonne volonté, nous voudrions croire au mieux ce point que l’on nous dit central, essentiel, particulier au christianisme. Et ce verset de l’apôtre Paul, répété avec force par les bien pensants met une pression terrible sur les épaules des peuples : « Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est alors vaine, et votre foi aussi est vaine ! » (1 Cor. 15:14)

Pourtant notre hésitation est légitime, et le doute est non seulement permis mais normal. La preuve, c’est que dans le récit de l’Ascension donné à la fin de l’Évangile selon Matthieu, il est précisé :

Les onze disciples allèrent en Galilée,
sur la montagne que Jésus leur avait désignée.
Quand ils le virent, ils l'adorèrent.
Mais ils eurent des doutes.

Certaines versions « corrigent » pudiquement le « ils eurent des doutes » en « certains eurent des doutes », mais c’est bien ce qui est marqué et si les apôtres du Christ eurent unanimement des doutes, nous avons bien le droit d’en avoir de ce doute des apôtres qui n’est pas un rejet du Christ, mais qui est une interrogation, une liberté d’appropriation.

Mais qu’entendre par cette fameuse résurrection du Christ ?

  • Certaines personnes pensent que Jésus est revenu dans son corps, en chair et en os pendant 40 jours.
  • D’autres personnes pensent que Jésus vit dans nos cœurs, que son message de foi d’espérance et d’amour vit en nous.

On a le droit d’avoir son opinion personnelle, les textes des évangiles tiennent en réalité les deux versions à la fois. Le Christ ressuscité y est présenté à la fois comme très corporel, mangeant des poissons et pouvant être touché (Jean 20), mais en même temps, nous voyons dans ces récits que ses proches ont du mal à reconnaître Jésus, qu’il passe à travers les portes fermées et disparaît en un clin d’œil (ce qui ressemble plus à une expérience de foi des disciples qu’à une rencontre physique).

Le récit de l’Ascension réunit les croyants des deux opinions. De toute façon, nous dit ce récit, maintenant, Jésus est vivant autrement qu’en chair et en os ici-bas. Après l’Ascension nous sommes tous à la même enseigne sur ce plan. Par conséquent, semble nous dire ces récits de l’Ascension : qu’importe si la présence du Christ ressuscité était d’abord en chair et en os ou s’il était seulement vivant dans le cœur des témoins. De toute façon, nous sommes tous maintenant dans un temps où le Christ est venu et où il n’est plus là physiquement. Maintenant, c’est à vous de parler, c’est à vous d’aimer ce monde que Dieu aime, d’avoir de bon projets, c’est à vous d’aller chercher la brebis perdue en son nom, c’est à vous d’attendre le fils prodigue, à vous d’annoncer l’amour dont Dieu aime, c’est à vous de faire corps ensemble grâce au Christ.

De toute façon, nous disent ces textes de l’Ascension : il nous faut faire le deuil de la présence de Jésus de Nazareth, comme les premiers témoins ont dû le faire. Le deuil que les apôtres doivent porter à la mort de Jésus, ce n’est pas tant la mort d’un ami que la perte d’une espérance, ou plutôt la perte d’une fausse espérance. Car en réalité, bien qu’ils aient vécu avec Jésus plusieurs années, il ne semble pas qu’il était vraiment pour eux comme un ami, sauf pour quelques-uns comme Jean, Lazare ou Marthe, comme Marie-Madeleine et Marie, sa mère, bien entendu. Mais pour la plupart des gens, Jésus était trop impressionnant, trop bizarre aussi pour être vraiment un copain pour la plupart des gens. C’est plutôt leur espérance que ses disciples pleurent à sa mort, comme le disent les pèlerins d’Emmaüs : « Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël » (luc 24 :21). C’est ce que disent également les apôtres à l’Ascension : « Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ? » Tous, ils attendent que Jésus arrange nos affaires en ce monde, que Jésus mette plus de justice, plus de paix, qu’il mette du pain sur notre table et de la chance dans notre vie, de bonnes récoltes, pas de voleurs, des amis fidèles… Le problème, c’est que ça ne marche pas comme ça.

C’est normal de souhaiter tout plein de bonnes choses pour ceux que nous aimons (et un peu pour nous aussi quand même), c’est une bonne idée de présenter cette espérance à Dieu, et de lui demander son aide. Mais, nous dit l’Ascension, ça ne marche pas comme ça, ce n’est pas Dieu qui va faire pleuvoir des pains sur la table du pauvre, ce n’est pas Dieu qui fait pleuvoir sur les terres asséchées de nos campagnes, ni fera la paix entre nous. Pourtant, il ne demande pas mieux, évidemment. Mais le Christ n’est plus sur terre, il est au ciel. À l’Ascension, Christ nous appelle à devenir adultes, et à la Pentecôte l’Esprit-Saint nous aide à le devenir.

Vous recevrez une puissance,
le Saint-Esprit survenant sur vous,
et vous serez mes témoins. (Actes 1:8)

Le Saint-Esprit, ou pour parler autrement, la puissance d’évolution qu’est Dieu, nous donnera des yeux pour voir, des oreilles pour entendre notre monde. Notre prière sera donc une prière qui est une espérance tournée vers Dieu en tant que puissance d’évolution pour nous rendre collectivement et personnellement plus humain, que nous soyons plus aimants, plus clairvoyants, plus habiles et plus enthousiastes pour prendre notre part dans le salut du monde… C’est effectivement ce qui arrivera aux apôtres, et c’est en vue de cela que nous sommes ici à notre tour.

L’Ascension nous invite à convertir notre espérance, à convertir, purifier ce que nous attendons de Dieu, à purifier notre prière. En Christ, nous naissons à la vie adulte.

Amen

 

Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire

Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Actes 1:1-11

Théophile, j’ai parlé, dans mon premier livre, de tout ce que Jésus a commencé de faire et d’enseigner dès le commencement 2 jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir donné ses ordres, par le Saint-Esprit, aux apôtres qu’il avait choisis.

3 Après qu’il eut souffert, il leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.

4 Comme il se trouvait avec eux, il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il; 5 car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit.

6 Alors les apôtres réunis lui demandèrent: Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël?

7 Il leur répondit: Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. 8 Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.

9 Après avoir dit cela, il fut élevé pendant qu’ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux.

10 Et comme ils avaient les regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’en allait, voici, deux hommes vêtus de blanc leur apparurent, 11 et dirent: Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel.

Matthieu 28 (fin de cet évangile)

Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait désignée.

17 Quand ils le virent, ils l’adorèrent. Mais ils eurent des doutes.

18 Jésus, s’étant approché, leur parla ainsi: Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre.

19 Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, 20 et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit.

Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.