Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue( Jean 11:1-44 ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du dimanche 5 juin 2011 à l'Oratoire du Louvre Le chapitre 11 de l'Évangile selon Jean nous raconte la résurrection d’un homme complètement mort. Cela pose des questions. Si Jésus ressuscite son ami mort, pourquoi ne fait-il pas un petit miracle pour ceux que j’aime et qui sont malades, ceux qui sont morts ? Pourtant, il y a plus de miracles dans les pires sectes que dans les églises non ? Et bien non. Je crois que Christ est source de miracles dans nos vies. Mais de quel miracle parle t-on dans ce récit spectaculaire de la résurrection de Lazare ? Ce récit est assez long car l’évangéliste Jean a pris la peine de faire plusieurs parenthèses qui ne sont pas là pour rien. Elles apportent des indices qui nous aident à comprendre quels miracles, quelle résurrection Dieu nous offre en Christ. Plusieurs indices qui nous invitent à comprendre ce récit de façon spirituelle.
Et la clé, c’est cette question qu'il nous pose ici : « Crois-tu cela ? » ou plus précisément : « Fais-tu confiance ? » car le verbe utilisé n'est pas ici celui de la connaissance mais celui de la confiance. Il est difficile d'être persuadé ou même de seulement imaginer ce que pourrait être une vie éternelle, bien sûr. Mais on peut très facilement « faire confiance » en cette résurrection dont parle ici Jésus. Mais peut-être que ce terme de « résurrection » fait dérailler notre imagination, ce mot a été inventé de toutes pièces par de fâcheux théologiens car dans le texte il n'y a bien sûr que le mot tout simple et tout quotidien de « se mettre debout » comme on se lève le matin de son lit ou qu'on se lève de table. Or c’est un fait d’expérience, partagée par des milliards de gens, que Dieu est source de vie et d'élévation, ou source de relèvement quand nous sommes tombés. C'est donc possible, oui, de faire confiance en Dieu comme une force qui met l’homme debout. Même celui qui n’a jamais vécu cela peut au moins se poser des questions face à cette foule de témoignages, et commencer à avoir un brin de début d’espérance… et cette espérance-là est déjà une sorte de confiance sur laquelle Dieu peut commencer à travailler, si je puis dire. La résurrection dont parle ici Jésus est pour nous et pour aujourd’hui, nous dit ce récit. Or, nous sommes tous plus ou moins malades quelque part mais nous ne sommes quand même pas mort. S'il nous faut ressusciter aujourd'hui d'entre les morts, cela ne peut être qu’au sens spirituel, existentiel et moral. Ce récit nous dit ce que le Christ entend par résurrection c'est un processus spirituel qui nous donne la vie, cet éveil qui permet au bébé de s’élever au dessus des brumes de l’inconscience, ce processus qui nous permet de traverser ces enfermements qui nous retiennent dans les filets de la mort. Enfermements multiples, comme la peur peut-être, ou le sentiment que notre vie n’a aucun but, ou une certaine culpabilité, une souffrance, une solitude qui nous enferme sous terre, sans foi, sans espérance, sans arriver à aimer ni à se laisser aimer... Dans ce cadre où la résurrection est une question spirituelle plus que physique, que vient faire ce récit de la réanimation de Lazare ? Jésus le dit à deux reprises, cette réanimation de Lazare est un excellent signe qui nous est donné pour que nous ayons confiance (v.15, v.42), et qu'en ayant confiance nous nous ouvrions à ce processus de résurrection. Qu'importe donc ce qui est arrivé au corps de Lazare, je n'en sais rien. C’est très vraisemblable que Jésus a fait des miracles physiques, d’ailleurs souvent malgré lui. Mais ce qui est certain c’est que ce récit est livré avec son propre mode d’emploi pour le lecteur : cette histoire est à comprendre comme un signe qui nous concerne directement, un signe d’une résurrection spirituelle qui nous est offerte, comme un miracle, comme une chose inouïe que nous ne saurions espérer, mais que Dieu rend possible en Christ. Lisons donc cette histoire comme parlant de notre propre résurrection. 1) L'histoire commence par la maladie de Lazare et l’absence du Christ, qui est en dehors du pays et en danger de mort. La transposition est facile à faire sur le plan spirituel en suivant ce que nous dit Jésus ici, nous sommes malades de notre manque de confiance en Dieu. Nous sommes ainsi faits, ce manque de confiance en Dieu est un manque de confiance originel, bien sûr, puisque à notre naissance nous sommes comme un petit animal égocentrique, et que nous ne pouvons approfondir cette confiance que pas à pas, tout au long de notre vie. Du coup nous sommes plus ou moins dans les ténèbres, mais ça se soigne, nous dit ce texte... 2) Les sœurs de Lazare ne restent pas indifférentes à sa maladie, et elles envoient chercher Jésus. Elles ne lui demandent rien, seulement de venir. Dans notre prière, c'est vraiment une chose que nous pouvons demander à Dieu, qu'il vienne auprès de nous, même et surtout quand nous sommes au plus bas dans le péché, ou dans la détresse. Ce récit nous dit que Dieu est un ami qui ne nous abandonnera pas, il viendra, il pleurera, il nous dira quoi faire, il agira lui aussi... et nous ressusciterons. Le « faire confiance » essentiel que nous propose Jésus comme clé de la résurrection, c'est cela aussi : ne pas dire à Dieu ce qu'il devrait faire pour nous, mais lui demander simplement de venir, de faire au mieux, et de nous dire quoi faire. 3) Jésus demande alors « Où l'avez-vous mis ? » Excellente question. Qu'avons-nous fait de notre frère souffrant ? L'avons-nous enterré dans un coin pour qu'il ne nous dérange pas avec son odeur de mort ? Qu'avons-nous fait de cette part de nous-même qui est souffrante et que nous laissons pourrir dans un coin ? Qu’avons-nous fait de nos injustices passées, les nôtres et celles de notre peuple, celles de notre parti, de notre église, de notre famille ? Les voilons-nous sous de faux prétextes pour nous justifier à nos propres yeux : il y a là un risque de gangrène, un poison de mort. « Où l’avez-vous mis ? » nous dit Jésus, dans quels placards avez-vous caché vos cadavres ? Déjà un peu ressuscitées elles-mêmes, dans leur début de confiance, les deux sœurs vont alors trouver la force d'inviter Jésus à s'avancer encore plus près de celui qui est et qui reste son ami, et il ira. Il ira enfin au chevet de notre problème car cela a pris un temps trop long pour ce qui nous semble juste, c'est peut-être décevant pour nous qui croyons si souvent que Dieu est un magicien. Mais il lui faut du temps pour nous amener à la vie. Il nous faut du temps, non pour convaincre Dieu de se rendre présent sur le lieu de notre mal, mais plutôt pour que nous, nous ayons suffisamment de confiance pour lui demander de venir là, précisément où ça ne va pas dans notre existence. Cela demande une double confiance, confiance dans la capacité de Dieu à faire quelque chose, et confiance dans sa capacité à nous aimer malgré cette puanteur, comme seul un véritable ami peut le faire. 4) « Enlevez la pierre » dit alors Jésus. Ils hésitent, « Seigneur, il sent déjà ». C'est bien commode un tombeau étanche pour ne pas avoir honte de ce que nous sommes, honte devant Dieu, devant les autres, mais surtout, honte à nos propres yeux. Pourtant, il faut aller au fond des choses. Le Christ peut nous y aider, avec cette confiance qu'il nous donne dans l'amour de Dieu nous n'avons plus à avoir peur de laisser entrer sa lumière dans nos tombeaux. Ce sont justement nos parts d'ombres qui ont besoin de sa lumière. « Seigneur, viens voir » et je serai ressuscité. Si l'on veut un peu aider les autres, comme ceux qui aiment Lazare le font ici, il ne faut pas avoir peur de ce qui sent mauvais. Ce serait assez insupportable et inutile si nous étions seuls. Nous avons déjà bien du mal à résoudre nos propres problèmes, que pourrions nous faire pour aider les autres ? Mais accompagnés par le Christ c'est là qu’ensemble nous « verrons la gloire de Dieu ! » (v.39-40) Mais d’abord, pour que nos proches aient ce début de confiance nécessaire, il faut qu'ils aient une idée de l'amour de Dieu et qu'ils cessent alors un peu d'avoir peur de sa lumière sur leurs coins de ténèbres (Jean 3:19). Nous avons là une descente aux abîmes grâce à Dieu, une descente au cœur du lieu où séjourne en nous la mort. Si Jésus peut y aller c'est parce qu'il est appelé par les proches de Lazare, et ce sont eux qui roulent la pierre (ce n'est pas Lazare qui pouvait faire ces deux choses). Le rôle de nos proches est essentiel. Parfois, il est possible pour une personne de s'en sortir par elle-même dans une relation directe avec Dieu, comme Marthe qui commence à ressusciter dans sa démarche solitaire vers Jésus et dans un dialogue intime avec lui. Mais parfois on ne peut pas s'en sortir tout seul, même avec l'aide de Dieu, et nous avons besoin des autres pour qu'ils amènent le Christ à notre porte, pour qu’ils enlèvent les lourdes pierres qui font obstacle entre lui et nous, et les fines bandelettes qui nous empêchent d'avancer. 5) Alors, enfin, Dieu nous ressuscite un peu. Jésus prie pour dire à tous que c'est à Dieu qu'en revient la gloire, même pas à lui. La religion, la théologie, les sacrements ne sauvent pas, ils sont des appels du Christ, des roulages de pierre, un débobinage de bandelettes. Mais la vie vient de Dieu. Elle arrive comme un miracle, nous dit ce récit, comme quelque chose qui est absolument impossible à nos seules forces, même avec l'aide de bons amis solidaires de notre mal. 6) Puis Jésus s'adresse à Lazare pour lui proposer de sortir. Et Lazare sort. Cela Dieu ne peut pas le faire à notre place, comme il ne peut nous forcer à être libre, ni à ouvrir les yeux, ni à nous servir de ce cœur qu'il veut animer, ni à avoir confiance en lui si nous ne voulons pas voir ce que le Christ a accompli. 7) Puis Jésus dit encore « Détachez le et laissez-le aller. » Encore un message de liberté. On est loin des sectes qui libèrent d’une chose pour mettre leurs clients sous une autre dépendance. Si nous aidons les autres, c’est pour qu'ils soient libres et autonomes, à l'image de Dieu qui nous donne la vie mais aussi la liberté. Amen.
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