Chercher et trouver celui qu’aime ma vie( Cantique des cantiques 3:1-4 ) (écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo) Culte du dimanche 18 août 2013 à l'Oratoire du Louvre Le Cantique des cantiques, qui est un poème d’amour souvent assez cru, a bien failli ne pas être intégré à la Bible. Certains rabbins juifs et théologiens chrétiens le plaçaient au-dessus de tout, l’appelant le « le livre Saint des saints », d’autres trouvaient que ce livre mériterait une interdiction au moins de 18 ans. Les églises étaient alors comme la télévision maintenant, les images d’un massacre de centaines de personnes en Égypte passent aux informations à l’heure du dîner de famille, mais il n’est pas question de montrer le moindre sexe. Mais, finalement, le Cantique des cantiques a été intégré officiellement dans la Bible au IIIe siècle, c’est parce qu’il est une magnifique méditation sur l’amour fou de Dieu pour l’homme et de l’homme pour son Dieu. L’alliance de la grâce et de la foi est une histoire d’amour, l’histoire de Dieu qui cherche l’homme et de l’homme qui cherche son Dieu, son bonheur et sa vie. C’est de cela que parle ce texte que nous lisons ce matin. Un poème d’amour, qui dit la beauté et la sainteté de l’amour de Dieu, mais aussi de l’amour humain, le couple étant bien digne de servir de parabole à cette alliance faite d’amour fou, également, entre Dieu et l’homme. Chercher celui que nous aimonsSur mon lit, pendant les nuits, Chercher, au moins chercher quelque chose. C’est le premier conseil que nous propose ce texte, et il est excellent. Salomon nous propose de chercher celui que nous aimons. Dans certaines traductions, il y a marqué de chercher « celui qu’aime mon cœur », mais ce n’est pas ici seulement un amour sentimental dont il est question. D’autres traductions disent de chercher « celui qu’aime mon âme », mais ce n’est pas seulement un amour spirituel dont il est question quand nous aimons Dieu. C’est notre être tout entier, c’est notre vie dans toutes ses dimensions, de corps, de cœur, d’intelligence, d’âme qui est ici mise en route par l’amour. Cette recherche de ce que nous aimons ne consiste donc pas chercher à assouvir notre désir de l’instant, mais à chercher ce à quoi aspire réellement notre être. Mais la phrase « J’ai cherché celui que mon être aime » est à double sens :
Salomon nous propose donc une double recherche, une recherche de l’objectif et celle du chemin vers cet objectif. Ou pour reprendre la métaphore de ce livre : d’abord choisir avec qui nous voudrions avoir un enfant, et ensuite de lui faire la cour. Le texte nous dit de chercher notre amour « pendant les nuits » au pluriel, car il n’y a pas qu’une sorte de ténèbre qui puisse assombrir notre vie, il y a des nuits spirituelles de manque de foi, des nuits de la connaissance par le doute et les hésitations, des nuits existentielles de découragement et de la stagnation. Des nuits de l’accumulation des petits et grands problèmes de notre vie quotidienne. Dans tous les cas, ce texte nous propose une piste pour réveiller l’aurore, dans une recherche de ce qu’aime véritablement notre être. S’il y a des nuits de ténèbres, la nuit a également un côté positif, elle évoque le temps du repos mais aussi la torride nuit d’amour qu’évoque ce livre et qui est évoqué à la fin de notre passage d’aujourd’hui. Le lit évoque l’une comme l’autre de ces activités, le repos et la sensualité. Elles sont faites pour être des temps de bénédiction et non pas des sources de désordre. Dans ce début du texte où celui que l’on aime est absent, le lit et la nuit évoquent plus un temps de méditation. La nuit est comme un sabbat dans nos 24 heures. Alors que la journée est le temps de l’action, la nuit est un temps propice à la méditation et à la paix, alors que l’on est tranquille dans son lit. Par notre recherche de ce qu’aime notre âme, ce temps peut devenir celui d’un supplément de lucidité, un temps comparable à celui du désert pour les hébreux, un temps de libération et d’écoute. Chercher ce qu’aime notre être. C’est chercher Dieu, bien entendu, car notre être a la connaissance, comme la mémoire de sa source, notre vie a soif de notre source. Nous cherchons Dieu en tâtonnant, dit l’apôtre Paul (Actes 17:27), car nous sommes comme dans la nuit, comme un enfant qui n’a pas encore tout à fait ouvert les yeux, et pourtant nous pouvons chercher Dieu et l’effleurer car il est si proche et qu’il nous a faits. Chercher qui Dieu est pour nous, et comment nous pourrions le vivre, dans la réflexion, l’émotion, l’action. Si l’on regarde ce que Paul dit de sa démarche profonde, nous voyons qu’il cherchait Dieu, et continuait à le chercher encore bien que l’ayant trouvé, bien entendu puis « qu’il est la source de la vie, du mouvement et de l’être » (Actes 17:28) Mais Paul cherche aussi une autre chose : Je m’efforce d’avoir constamment Et donc, oui, chercher ce qui nous fait du bien, chercher Dieu et son salut, mais aussi faire en sorte de pouvoir se regarder dans la glace, si je puis dire, pouvoir se dire que l’on a travaillé sur le but de notre vie mais dans la sincérité et dans la droiture. La question n’est pas de se faire bien voir des gens. Ce n’est pas le style des hommes et des femmes de la Bible, et vraiment pas le style de Jésus, ni de Paul. Chercher ce qu’aime notre être, en profondeur, et en sincérité. Sans gâcher les occasions, en tenant bon dans les bons comme dans les mauvais jours, nuit après nuit, tant qu’il le faut... J’ai cherché ainsi celui qu’aime ma vie, Cela ne veut pas dire que cela n’ait servi à rien de le chercher dans la nuit, mais qu’il y a d’autres étapes après cette première. Se lever, sortir et rencontrerJe me lève alors et je fais le tour de la ville, La recherche de la rencontre des autres est une seconde étape, une occasion de découvrir leurs multiples points de vue sur Dieu et sur ce qui peut être pour l’homme une source de vie. Cette 2e étape apporte d’abord un changement de perspective, complémentaire de la première. L’objectif reste le même « chercher celui qu’aime ma vie à moi » mais avec maintenant un décentrement essentiel.
La 2e étape est donc de chercher en rencontrant les autres, en dialoguant avec eux « dans les rues et sur les places », voir comment les autres passent, cheminent, et voir comment ils se retrouvent en un même endroit pour discuter et vivre ensemble. Cette 2e recherche, elle aussi, est conclue par un : J’ai cherché ainsi celui qu’aime ma vie, Cela ne veut pas dire que cela n’ait servi à rien de le chercher avec les autres, mais qu’il y a d’autres étapes après ces deux premières. Passer par la connaissance et la dépasserJ’ai été trouvé par les gardes Les gardes patrouillent sur les remparts de la ville, à la limite entre la civilisation et la nature sauvage. Les gardes ce sont les philosophes et les théologiens, les religieux et les savants, les poètes et les artistes. Ils gardent vraiment quelque chose. Même si nous ne les cherchons pas, nous dit le texte, ce sont eux qui nous trouvent. Et en effet, cette mémoire nous rejoint par la bouche des bien-pensants, par les trésors de la culture, par « l’inconscient collectif », par ce qui passe pour être les « vérités éternelles » qu’il faudrait absolument croire au risque d’être en dehors de la Vérité (selon les gardes). Salomon nous invite à ne pas nous formaliser de leur ingérence dans notre quête, mais plutôt à les interroger et à écouter ce qu’ils ont à dire. Avez-vous vu celui mon être aime ? Non, bien sûr. Ils ne peuvent pas avoir vu celui que mon être à moi aime puisqu’ils en sont moi. Ils ont peut-être, et c’est souvent le cas, aperçu et saisi ceux que leur cœur à eux aimait, Dieu, mais il ne le possèdent pas pour autant et ils ne peuvent savoir ce que Dieu voudrait être pour moi. Il est mon Roméo et je suis sa Juliette, et dans cet amour il y a quelque chose d’extraordinairement subjectif aussi. À peine les avais-je dépassés, Nous ne pouvons trouver Dieu qu’en dépassant les gardiens du temple, les maîtres de théologie et de religion. Nous ne pouvons trouver la sagesse qu’en dépassant les philosophes… Il faut les « dépasser », littéralement en hébreu, il faut passer par eux et nous en éloigner pour trouver. Tenir, naître à nouveau, puis laisserÀ peine les avais-je dépassés, Cette étape semble plus facile, puisque l’objectif est atteint. Sauf que… une double, une triple difficulté survient à ce stade (aujourd’hui, on ne dit plus une difficulté, mais on dit un défi). Le 1er défi est d’abord de savoir que nous avons trouvé celui qu’aime notre vie, de le reconnaître alors que nous le cherchions à tâtons et qu’il n’est jamais tout à fait comme nous l’avions fantasmé. Dieu est toujours une surprise. Nous avons en quelque sorte Dieu en mémoire quand nous cherchons le bonheur, et pourtant Dieu est au-delà de notre mémoire, dit Saint Augustin. (Confessions, livre 10) De sorte que nous désespérons parfois de le trouver, ajoute Blaise Pascal, auquel Dieu répond : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais pas déjà trouvé » (553e Pensée) Reconnaître, saisir et ne pas lâcher celui qu’aime notre âme est le 1er défi, à ce stade de la foi. Le 2ème défi est de ne pas s’arrêter à cette reconnaissance, à cette embrassade, à cet amour, mais : J’ai trouvé celui que mon être aime. C’est également ce que Jésus propose selon ce que nous dit Jean dans son livre. Ne pas seulement savoir que la Parole et la Lumière de Dieu a été manifestée en chair et en os en Jésus-Christ mais le recevoir de sorte que nous devenions enfant de Dieu (Jean 1:12-13). Car si Dieu nous donne ainsi le pouvoir de devenir son enfant, mais ce n’est qu’une possibilité offerte. C’est ce que Jésus apprend également à Nicodème, venu lui aussi lors d’une nuit précieuse. Il ne suffit pas de rencontrer le Christ et de savoir qu’il porte la vie, encore faut-il « naître de nouveau, naître d’en haut ». Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Et bien oui, en fait. Comment Nicodème, savant et pieux lecteur de la Bible n’a t-il pas lu le Cantique des cantiques ? Je ne le lâcherai pas celui que mon être aime Salomon nous invite ainsi à honorer notre père et notre mère de nous avoir donné la vie, Il nous suggère aussi de demander à Dieu, de contraindre Dieu à entrer dans ce processus de génération de ce que nous sommes, et de donner vie à notre façon de vivre et d’espérer. Il fallait dépasser les gardiens du savoir pour arriver à notre propre expérience de Dieu, il fallait dépasser même notre propre amour de Dieu pour nous laisser féconder par lui. Il reste une difficulté, un défi : c’est de nous séparer de Dieu alors de Dieu le temps d’une respiration. Ne pas rester scotché ni dans les jupes de notre mère ni dans celles de Dieu. Il nous donne la vie pour que nous en vivions. J’ai trouvé celui que mon être aime. Dieu, notre amour, est un amant à saisir à étreindre dans la nuit. Quand vient le jour, vient le temps d’aller au boulot, le temps de nous réconcilier avec les autres dimensions de notre existence, celles qui tirent leur fécondité de cette rencontre avec Dieu, en pensée, en paroles et en actes. Amen.Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire |
Pasteur dans la chaire de
|