Avoir faim et soif de justice( Évangile selon Matthieu 5 :1-12 ; 1 Pierre 3:8-18a ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du 26 avril 2009 à l'Oratoire du Louvre Dès le début de l’Évangile, Jésus nous donne ces huit essentielles promesses de bonheur, et il en consacre deux à notre rapport à la justice. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, C’est vrai que nous sommes profondément attachés au sentiment de justice. Même pour un tout jeune enfant, il n’y a rien qui le choque plus que l’injustice. Tout dépend de ce que nous entendons par justice. La norme du bien et du mal, du juste et de l’injuste peuvent varier et évoluer. Par exemple, il a été considéré longtemps comme juste que les femmes n’aient pas le droit de vote, c’est évidemment inimaginable pour nous aujourd’hui. Sur ce point, nous avons progressé, nos yeux se sont ouverts. Mais aujourd’hui, sur quelle injustice nos yeux sont-ils encore fermés ? Ce n’est pas facile car il y a une réelle difficulté à transgresser ce qui nous semble juste aujourd’hui pour avancer, pas à pas, pour nous réformer sans cesse. Ayons donc, comme nous le propose Jésus, faim et soif de justice. Faire de la théologie, c’est chercher à se donner une définition de Dieu. Du même coup c’est une façon de rechercher ce que serait la justice par excellence.
Qui est Dieu, qu’est-ce que la justice, et comment combattre en ce monde pour la justice ? Ces trois questions forment ainsi une seule et même question. Il est donc essentiel de purifier la source, de chercher à mieux connaître Dieu, puis de travailler sur la cohérence entre cette pensée, nos projets, la façon de les mener et nos petits actes concrets de la vie de tous les jours. C’est un humble travail quotidien de réflexion et de méditation, avec le plus de lucidité possible. Jésus nous invite à mieux connaître Dieu et à suivre Dieu dans sa manière d’être. Et Jésus nous invite même à faire l’expérience de Dieu et se laisser inspirer par sa façon d’être, se laisser créer par lui comme plus juste. C’est ainsi que nous pouvons comprendre cet appel de Jésus à avoir « faim et soif de justice », c’est une espérance, une recherche et une ouverture pour que Dieu puisse nous nourrir de sa justice. Finalement, avant d’être le chevalier blanc qui établit la justice dans le monde, nous pouvons commencer par humblement chercher à nourrir un petit peu notre propre capacité à être juste. Nous avons là une idée que l’on retrouve souvent dans l’Évangile. Avant même d’être source de salut il faut se laisser sauver, avant d’être capable du pardon il faut avoir soi-même reçu le pardon, avant d’être capable d’aimer il faut d’abord avoir intégré le fait que nous avons été aimés et que sommes aimés. C’est ce que l’on voit dans bien des textes fondamentaux des évangiles :
Ayons donc faim et soif de justice, de cette justice qui nous dépasse et nous précède en Dieu, et mangeons-la, assimilons-la, qu’elle nous rende plus fort, plus créateur, plus juste. Buvons-la aussi et qu’elle calme notre fièvre, ce mal être qui nous conduit sans cesse à avoir une conduite perturbée, injuste. La première lecture possible de cette béatitude revient à espérer être un petit peu plus juste nous-mêmes, avant de combattre pour la justice. Ensuite nous pouvons vivre cette béatitude dans un autre sens : avoir faim et soif de justice, c’est rechercher ce qui est juste, avoir faim et soif de contempler la moindre trace de justice ou de justesse (ce qui revient au même dans la Bible). C’est bien comme cela que vit Dieu, lui. C’est comme ça qu’il arrive à nous aimer. Il va à la pêche de ce qui est juste en nous, ou même seulement de ce qui pourrait un jour dans le meilleur des cas être un petit peu source de bien en nous. Il le déniche, le reconnaît et cherche à le mettre en valeur. Avoir faim est soif de justice c’est faire preuve de bienveillance, faire preuve d’amour, c’est vivre de la grâce. Il y a un vrai bonheur, déjà, à vivre cela. Paul reprend cette idée en nous invitant à « examiner toutes choses, et à retenir ce qui est bon » (1 Thessalonicien 5:21) Ne pas juger rapidement, aux seules apparences, mais examiner, bien examiner en ayant faim et soif de ce qui est juste, même si ce n’est que comme un germe minuscule, même si ce n’est que comme une potentialité, une espérance de possible justice future. Examiner et retenir ce qui est bon. Si souvent, nous passons à côté de trésors, ou nous examinons et nous ne retenons que ce qui est mauvais, pour critiquer, pour exclure, ou pour nous décourager nous-mêmes. Ce n’est absolument pas ce que fait Dieu, ni Jésus. Par exemple, selon ce même Évangile de Matthieu 13, Jésus nous parle de l’action de Dieu sous les traits d’un semeur qui part de bon matin et qui jette à tour de bras des semences sur toutes sortes de terrains. Il a certainement vu, notre bon semeur, les ronces et les pierres qui risquent fort de compromettre le bon développement de ce qui est juste et bon. Mais voilà, malgré les ronces et malgré les pierres, il a aperçu quelques centimètres cubes de bonne terre, une espérance de début de quelque chose qui permet d’espérer. Ce n’est donc pas par naïveté que l’Évangile nous propose de vivre en examinant toute chose et en ne retenant que ce qui est bon. Jésus n’est pas débile, c’est le moins qu’on puisse dire, il sait bien que nous sommes tous faits aussi de ronces, de pierres, de mauvaises herbes, et même de terribles démons. Une première pédagogie possible consisterait à examiner toute chose, à retenir ce qui est mal et à chercher à l’enlever, à arracher les broussailles et à dépierrer avant de semer. Jésus propose plutôt de partir de ce qui est bien, d’examiner toute chose en ayant soif de découvrir la moindre parcelle de justice possible dans le futur, et d’y semer à la volée de bonnes semences. Un peu plus loin dans ce même évangile Jésus revient dans une autre parabole sur cette question, on voit encore une fois des combattants pour la justice sous la figure d’agriculteurs qui cette fois-ci sont tristes de voir un champ où sont mêlés des mauvaises herbes et de jolis épis de blés, Jésus nous dit que ce serait une erreur fatale de vouloir arracher les mauvaises herbes en pensant pouvoir laisser les épis de blés. Jésus nous propose ainsi une théologie, une notion de la justice, et une façon de combattre pour la justice. Il nous propose de nous attacher au bien, et de vaincre le mal par le bien. Examiner toute chose et retenir le mal, même si c’est pour chercher à l’arracher, c’est encore un mal supplémentaire, c’est encore du meurtre, c’est encore de la haine. Cela fait souffrir tout le monde, et cela ne fait en réalité qu’empirer le mal. Dans une autre parabole encore, Jésus compare cette erreur au fait de chasser un esprit impur d’une personne, on a l’impression de faire quelque chose de formidable. Jésus nous raconte la suite avec cette petite histoire : « Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos, et il n’en trouve pas. Alors il dit: Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti; et, quand il arrive, il la trouve vide, balayée et ornée. Il s’en va, et il prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, ils entrent dans la maison, s’y établissent, et la dernière condition de cet homme est pire que la première. Il en sera de même pour cette génération méchante. » Matthieu 12:43-45 Jésus nous propose donc de vaincre le mal par le bien. Un royaume divisé contre lui-même ne peut survivre, nous dit-il, le bien ne peut vaincre le mal par le mal. Il nous faut plutôt, comme Dieu lui-même, chercher à surmonter le mal par le bien. Nous pouvons, comme lui et grâce à lui, tourner notre cœur, nos pensées, nos regards vers le bien, allant à la pêche de ce qui est bien chez les autres, dans notre monde et en nous même ; examiner et retenir ce qui est bien pour s’en réjouir et pour partir de là, pour semer là, fort de cette promesse qu’avec Dieu une seule bonne graine dans une bonne petite terre en produit 30, 50 ou 100 autres. Il n’y a aucune efficacité, ni aucune joie à persécuter les autres pour la justice. Le mal semble parfois atteint dans un premier temps, par la violence des coups, des critiques, des calomnies, du mépris, des injures, et des fâcheries… on croit avoir gagné des points, chassé déjà un démon, mais aussitôt d’autres se profilent derrière, engendrés par le premier, accompagnés de souffrances, de mal être et de cris, de violences nouvelles. Jésus nous dit qu’il vaut bien mieux, pour tout le monde, combattre pour la justice en étant persécuté soi-même plutôt qu’en ayant persécuté. Il nous le montre par sa vie et par sa mort, il nous le montre par sa vie qui nous fait avancer même 2000 ans après sa mort. Le mal et le bien, le juste et l’injuste existent en chacun de nous, ils co-existent dans nos relations, dans notre église, dans notre société. Nous ne pouvons l’ignorer et ne rien faire.
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