Même les 10 commandements sont faits pour être abrogés, éventuellement.(Exode 20:1-17 et 24 :7 ; Ésaïe 33:14-15 ; Michée 6:8 ; Amos 5:4)(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo) Culte du dimanche 13 septembre 2015 Avec les enfants de l’éducation biblique, nous commencerons cette année en lisant les premières pages de la Bible qui parlent de la création par Dieu. En un souffle, une parole, Dieu dit « que la lumière soit ! Et la lumière fut » (Genèse 1). Mais pour créer l’humain, même pour Dieu, il va falloir plus qu’une petite parole. Et il n’a même pas fini d’avoir à nous parler pour nous créer. Selon Moïse, Dieu donne l’essentiel sur deux grandes tables de pierre, il donne dix paroles mondialement connues, appelées parfois « les 10 commandements », un peu à tort car la première des 10 paroles n’est pas un commandement mais une présentation de Dieu comme source de libération. Moïse rapporte donc ces tables de la Loi aux hébreux, il leur en fait la lecture, et ils répondent :
Tout ce que l’Éternel a dit,
C’est un libre choix de leur part. Rien ne les y oblige. Bravo, donc aux hébreux pour toute cette bonne volonté. Et fait, l’essentiel peut-être, en toute chose, c’est de mettre de la bonne volonté, du cœur. Mais quand même, quand on y fait attention, cet engagement des hébreux est assez bizarre, il est même triplement bizarre : 1èrement quand les hébreux disent à Dieu « tout ce que tu as dit, nous le ferons », c’est bizarre car certains commandements dit par Moïse sont clairement impossibles à suivre parfaitement, en particulier le 10e « Tu ne convoiteras rien de ce qui appartient à ton prochain ». Ce n’est pas évident ! Il est parfois possible de décider de ne pas suivre notre désir, mais comment choisir de ne pas désirer ? Le désir est quelque chose qui vient de plus profond que notre volonté. L’auteur du livre de l’Exode sait bien que pas une seule personne ne peut être parfaite. Mais justement. Ce verset signifie « ô Éternel, notre Dieu, nous avons vraiment envie de bien faire, et de suivre ta parole ». C’est une déclaration de bonne volonté. Nous ferons ensuite ce que nous pourrons, et pour le reste nous savons compter sur le pardon de Dieu, sur la tendresse et la miséricorde de l’Éternel. D’ailleurs, si les hébreux peuvent avoir cette confiance, c’est qu’effectivement, « les 10 paroles » données par Moïse ne sont pas que des commandements mais elles comprennent cette annonce de Moïse : Dieu pardonne jusqu’à 1000 générations, et il visite, il accompagne, il soutient ceux qui chutent. La 2ème chose bizarre, c’est que les hébreux disent « Tout ce que tu as dit, nous le ferons et nous l’écouterons. ». Les mots semblent dans le mauvais ordre. Normalement, il vaudrait mieux d’abord écouter ce que Dieu dit avant de vouloir le faire. Et ici, les hébreux disent l’inverse. D’abord faire puis écouter. Comment comprendre cela ? Peut-être que cela veut dire que devant la difficulté de faire le bien, nous pouvons dire avec les hébreux à Dieu : nous ferons ce que nous pourrons et pour le reste nous comptons, ô notre Dieu, sur l’aide de ta Parole, pour nous pardonner, pour nous guider, pour nous libérer aussi par ta Parole qui peut attendrir notre cœur, réjouir notre espérance, libérer nos énergies. Ce « Tout ce que tu as dit, nous le ferons et nous l’écouterons. », cela peut aussi vouloir dire que la révélation de Dieu est progressive, qu’elle accompagne l’humanité, et qu’elle nous accompagne personnellement en fonction de notre avancée ? Nous pouvons donc commencer par faire ce que l’on a compris de la volonté de Dieu, pas après pas, avancer ainsi. C’est comme au cours des études, on suit d’abord les cours à l’école primaire, puis au collège, puis au lycée, avant d’attaquer la préparation de l’agrégation, par exemple. Dans un sens, les 10 commandements sont la base élémentaire du bien vivre. Par exemple ne pas tuer, ne pas voler, ne pas tromper ceux qui nous aiment et qui nous donnent la vie, et de faire une place à Dieu dans notre cœur... c’est un peu élémentaire, comme conseils. Mais apparemment, c’est quand même utile de le rappeler, car même cela, nous avons parfois un peu de mal à le maîtriser. C’est vrai que c’est tout simple, tout évident ce commandement « tu ne tueras pas ». Deux mots seulement en hébreu, six lettres en tout pour ce verset qui est à mon avis le plus court de la Bible. Ne pas trop tuer les autres est la base de ce que l’on peut attendre d’une personne humaine. Et pourtant, nous voyons même aujourd’hui, peut-être 30 siècles après Moïse, que ce n’est pas mal de rappeler cette évidence du caractère sacré de la vie de tout être humain, quel qu’il soit ! Rappeler « tu ne tueras pas », c’est comme réviser la conjugaison du verbe être au présent de l’indicatif. On l’apprend à l’école primaire. Une fois que l’on a assimilé les bases, on peut essayer de les mettre en pratique, comme le disent les hébreux, et se préparer à entendre la suite. Par exemple avec Jésus d’aller au delà de ne pas tuer, en n’injuriant pas les autres, puis même en cherchant à les aimer et les servir ? Donc, avec les hébreux, commençons déjà par essayer de faire ce que disent les 10 paroles : un peu de confiance en Dieu, ne pas trop tuer notre prochain, ne pas trop trahir les autres, et enfin espérer maitriser un peu notre propre désir. C’est déjà un bon exercice pour essayer de vivre bien. Et puis comme les hébreux, c’est une bonne idée de se mettre à l’écoute ce que Dieu a encore à nous apprendre, ce qu’il a à nous dire aussi de plus spécifique pour notre temps, notre pays, notre propre vie ? C’est incroyable qu’après avoir ainsi posé les tables de la Loi de façon aussi solennelle, avec Dieu qui donne lui-même des tables gravées de sa propre main sur la montagne de l’Horeb au milieu des éclairs et de la fumée, le livre de l’Exode nous suggère qu’il y a encore autre chose à écouter directement, pour aller plus loin. En réalité, la Bible elle même n’a jamais idolâtré la Bible. C’est pourquoi les prophètes se sont exprimés ensuite pour proposer d’autres listes de commandements de Dieu, comme nous l’avons entendu. Car cela aussi est curieux dans la belle réponse des hébreux : « Tout ce que tu as dit (au passé) nous l’écouterons (dans le futur) ». C’est bizarre car ce que l’Éternel a dit (dans la Loi de Moïse), les hébreux, et nous-mêmes, l’avons déjà entendu et bien entendu. Alors pourquoi promettre de l’écouter dans le futur ? C’est que tout n’est pas dit quand on a entendu les mots de la Bible. Il reste à interpréter ce qui est dit pour trouver ce que Dieu veut nous dire à nous à travers ce texte. , il y a donc pleins d’interprétations particulières de la Bible, la question est de recevoir celle qui est juste pour nous à tel moment de notre vie. Il y a sur ce point une grande différence entre des intégristes qui sont figés dans une unique interprétation de la Bible valable pour tout le monde, et les libres hébreux que nous voyons ici, qui lisent la Bible et se mettent ensuite à l’écoute de ce que Dieu veut leur dire, et proposent une interprétation personnelle, circonstanciée, comme nos prophètes. Il y a ainsi une seule Bible, mais de multiples interprétations, heureusement. À l’église, au culte, au catéchisme, nous pouvons lire la Bible ensemble, nous pouvons aider chacun à mieux comprendre ce qui est marqué. Mais nous devons absolument aider chacun à se sentir libéré par Dieu, comme le dit la 1ère des 10 paroles, libéré pour écouter lui-même, directement, ce que Dieu lui dit. Depuis 3000 ans c’est cette liberté qui se manifeste dans les débats infinis entre rabbins, et plus encore dans la liberté que Jésus donne à ses disciples qui choquent les intégristes (Matthieu 15:2), prenant même bien des libertés par rapport au Sabbat (4e des 10 commandements). Tout simplement, Jésus nous invite à nous placer personnellement dans l’écoute dans un cœur à cœur avec Dieu. Comme les prophètes qui vivaient eux aussi cette liberté de foi et de conscience. Ils ont osé proposer leur propre version de ce que Dieu attend de nous, leur propre version de l’essentiel. L’Exode proposait un texte en 10 paroles, Ésaïe en propose un en 6 paroles, le prophète Michée propose un texte en 3 paroles seulement, et Amos, le paysan prophète amateur, nous propose lui un condensé de l’essentiel en 1 seul commandement génial. Selon la Bible elle-même, la Bible est à interpréter, nous pouvons partir de ces textes et oser en tirer une interprétation personnelle dans l’écoute de ce que Dieu va nous dire dans notre conscience. La Loi de Moïse contient plein de bonnes, d’excellentes choses. Une partie est prête à l’emploi, nous pouvons continuer à essayer de la vivre. Mais peut-être qu’une partie convenait au contexte de l’époque, à la psychologie et à la foi du peuple hébreu dans le désert, et doit être adaptée, interprétée, ou abrogée, comme ne se privent pas de le faire les prophètes eux-mêmes, et Jésus plus encore. Voilà un excellent exercice de libre responsabilité, grâce à Dieu. La proposition de Moïse, en 10 parolesLa proposition de Moïse comporte 3 grandes parties. La première concerne Dieu, la seconde concerne la relation aux autres, et la troisième concerne la relation à soi-même, à notre propre désir. Déjà, ce plan est excellent, et il est repris par Jésus dans son fameux triple amour : aimer Dieu, son prochain et soi-même (Marc 12:31). Ce que Moïse propose comme relation à Dieu est excellent, commençant ainsi sur une courte théologie présentant Dieu comme nous libérant et nous accompagnant quand nous en sommes pas en forme, faisant le mal. C’est très libérant et c’est très proche de ce que Jésus montrera de Dieu. Moïse nous indique ensuite comment faire place à Dieu dans notre vie. Dans cette partie, le langage n’est plus très adapté à notre époque : pas grand monde se fabrique une idole en pierre, en bois ou métal pour adorer cette statue dans un coin du salon. Nos fausses adorations sont différentes, et les plus chrétiens n’en sont pas immunisés, eux, c’est dans leurs certitudes trop arrêtées qu’ils sculptent leurs idoles. Pour un autre le risque est ailleurs, une addiction quelconque, par exemple, ou sa propre mélancolie. Et c’est la force de ce langage ancien, il en devient poétique, nous obligeant à nous interroger devant Dieu et grâce à Dieu : quelles sont mes idoles, dont Dieu cherche à me libérer ? De même pour le reste, qu’est-ce que veut dire « prendre le nom de l’Éternel en vain » ? Il y a bien des interprétations mais personne ne le sait exactement. Pourtant, les 10 commandements n’ont pas l’air de rigoler là dessus ! Là encore, cela appelle à creuser en nous-mêmes ce qui peut être tordu ou pas assez développé dans notre façon de vivre notre foi, quelle qu’elle soit. Quant au respect du sabbat, il interroge la place que nous laissons dans notre agenda pour prendre un repos qui nous fasse vraiment du bien, qui nous permette de nous laisser créer par Dieu. Pour le reste, la morale proposée par Moïse est essentielle, mais un peu basique. On peut aller plus loin que simplement ne pas faire de mal aux autres. C’est ce que propose Jésus en parlant d’aimer et servir notre prochain. La proposition d’Ésaïe en 6 parolesMais c’est déjà ce que propose un peu Ésaïe dans son résumé en 6 points seulement, quand il invite à « marcher en faisant des choses justes et disant des choses droites ». Faire et dire de bonnes choses, c’est plus qu’éviter d’en faire de mauvaises. Pour le reste, Ésaïe met en garde contre les mauvaises influences qui peuvent nous entraîner dans de mauvaises choses. Quatre de ses 6 points essentiels selon lui concernent cette question. Le prophète Ésaïe ne marque pas cela pour rien, c’était sans doute le gros problème des personnes à qui il s’adresse. Ou c’était peut-être son problème personnel à lui, Ésaïe. C’est possible que cela soit notre problème aussi à nous ? Mais pas forcément, alors, on peut passer, mais lire cette page d’Ésaïe nous a permis de nous poser la question et de nous mettre en garde. C’est bien précieux, à y penser. La proposition de Michée, en 3 parolesLe prophète Michée, va plus à l’essentiel. « Faire ce qui est droit, aimer la miséricorde et marcher humblement avec son Dieu ». On retrouve l’action juste proposée par Ésaïe, on retrouve l’idée de cheminer avec Dieu et grâce à Dieu développée par Moïse. Mais le point central que propose Michée « aimes la miséricorde » est génial. Il ne nous demande même pas d’être capable de vivre cette bonté active qui est le propre de Dieu, mais simplement d’aimer cette bonne façon d’être, y penser et se laisser inspirer par cette qualité, cette valeur, cette façon d’être divine. Peut-être est-ce tout simplement ce qui a donné envie à Michée de s’intéresser à Dieu, et de cheminer ainsi chaque jour avec la prière comme moteur pour avancer et grandir, pour vivre, tout simplement ? Enfin, la proposition d’Amos, en 1 seule paroleAmos, lui, ne semble finalement retenir que cela, comme si c’était la clef de tout le reste, la clef de la vie : chercher Dieu. Même l’athée, même celui qui n’a jamais senti la présence de Dieu, même celui qui doute de l’existence même de Dieu peut le chercher. Il n’y a que l’intégriste qui ne cherche plus Dieu, il croit l’avoir trouvé. Ou l’intégriste athée qui ne le cherche pas non plus. Chaque prophète arrive à un résumé un peu différent de l’essentiel, mais le geste est le même, sentir la vie, remonter ce fleuve de la vie vers la source, jusqu’à ce que soit plus qu’un ruisseau, puis une petite source qui coule au creux d’un rocher... il s’agit de la source qui a donné la liberté à Moïse, qui a donné à Ésaïe de tenir bon, qui a donné à Michée de marcher humblement, et qui a donné vie à Amos... Cette source a bien des noms, bien des effets, elle a donné vie à bien des personnes, à Jésus lui-même. Et pour vous, quelle est la source, quelle est la phrase, l’idée, l’inspiration qui vous a rendu plus vivant, qui ouvre votre cœur et balaye vos idoles, brise un peu vos chaines ? Cherchez-la, cette source, et vous vivrez. Vous pouvez réagir sur cet article du blog de l'Oratoire,
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Pasteur dans la chaire de
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