Le Christ, rédemption de l’humanisme

(2 Corinthiens 5:11-21)

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Culte du dimanche 6 septembre 2015
prédication du pasteur James Woody

 

Chers frères et sœurs, je pense ne pas être le seul à penser qu’il aurait mieux valu ne pas rentrer de vacances, consulter les informations et s’intéresser à la marche du monde. Horreurs et carnage à tous les étages. Où est l’innocence ? où sont les visions bucoliques d’un monde apaisé, jouissant de tous les bienfaits dont recèle notre planète ? Où sont donc le calme, le luxe et la volupté ?

Le Christ ne nous a-t-il pas réconciliés avec Dieu, selon les termes de l’apôtre Paul dans cette épître aux Corinthiens ? La dette qui courait entre l’humanité et Dieu n’a-t-elle pas été réglée, toujours selon Paul qui écrit que nos offenses ne nous ont pas été imputées ? Quant au ministère de la réconciliation dont il est fait trois fois mention dans ce passage, doit-il rester sans effet ?

Bien souvent, les textes bibliques nous aident à mieux comprendre notre monde, à mieux comprendre ce qui nous arrive, à mieux nous comprendre nous-mêmes. Mais il ne faut pas dédaigner tous ces moments précieux où notre vie, l’actualité, les faits du quotidien, nous aident à mieux comprendre la Bible, à mieux saisir son propos, son intention, ce qu’elle a à nous révéler ou, au contraire, ce qui ne la concerne pas, ce dont elle n’a aucune science.

La réconciliation opérée par le Christ

C’est le cas ici, au sujet de la rédemption dont parle tout ce texte, autrement dit du rétablissement de l’homme dans sa vocation originelle, débarrassé du péché, pour employer le vocabulaire de la Bible. Ce passage biblique laisse entendre qu’il y avait un contentieux entre Dieu et les hommes, et que ce contentieux a été soldé par la mort du Christ. Du moins est-ce ainsi que l’ont compris nombre de théologiens chrétiens au fil des siècles, Anselme de Cantorbéry au premier rang de ceux-ci, et est-ce ainsi que beaucoup le comprennent encore aujourd’hui. Une transaction était nécessaire pour mettre fin à l’ardoise qu’avait contractée des générations de pécheurs, sous-entendu de gens malfaisants, fautifs, coupable de se transmettre cette maladie génétique qu’est le péché. Par le sacrifice parfait de Jésus, être incomparable, mis à mort sur une croix, l’humanité effaçait l’ardoise selon cette théorie.

Si je ne suis pas convaincu que cette théorie soit fidèle à l’Evangile, je suis encore moins convaincu de sa pertinence et son caractère véridique, notamment au regard de l’histoire et plus encore de l’actualité. Je passe rapidement sur le mésusage qui en fait par ses adeptes qui, tout en affirmant que la dette a été réglée, que nous ne vivons plus sous l’emprise du péché grâce au sacrifice expiatoire de Jésus, culpabilisent à outrance, érigent des polices des mœurs, de la pensée, et n’ont que le péché à la bouche. Curieuse manière de témoigner que le péché n’est plus. Je préfère m’attarder sur le fait que cet événement –la mort de Jésus- n’a pas eu un retentissement universel. Ce que je disais en ouverture sur l’état de notre monde met en évidence que nous attendons toujours la réconciliation universelle. L’heure est plutôt au déchirement mondial qu’à la réconciliation. Autrement dit, il n’a pas suffit que Jésus meure pour qu’un règne de paix universelle surgisse de manière absolue. La mort de Jésus n’a donc pas eu un effet direct sur l’ensemble de la création, comme voudraient nous le faire croire les essentialistes qui prennent les lettres de Paul au pied de la lettre, tel des décrets d’application divins qui feraient ce qu’ils disent.

Vouloir nous faire croire qu’une transaction a eu lieu entre notre sphère humaine et la sphère surnaturelle de Dieu, pour mettre un terme au règne du péché, est assez douteux aux vues du résultat que nous observons. Et notre observation compte. Notre expérience compte. Au même titre que les observations et les expériences des rédacteurs de la Bible comptaient à leur époque.

Etre humain

Si nous décidons que nous ne pouvons pas en rester au stade de la théologie sacrificielle, nous devons chercher à comprendre ce que l’apôtre Paul désignait par ce ministère de la réconciliation pour faire ensuite le chemin en sens inverse et éclairer notre vie de ce qui sera alors le message lumineux de nos archives bibliques.

L’apôtre Paul parle de la connaissance non charnelle du Christ ; il parle aussi de sa parole de réconciliation, de nouvelle création, des choses devenues nouvelles ; il est question de Dieu en Christ et de Christ homme comme nous, ce qui signifie, par transitivité, de Dieu en nous.

Cela nous aide à mieux comprendre ce que Paul désigne par « Christ ». S’agissant de Jésus qu’il nomme par ailleurs, il ne considère pas Jésus de Nazareth comme un être supranaturel, doté d’une nature spécifique. Tout au contraire, pour Paul, dire que Jésus est Christ, c’est attester que Jésus est pleinement humain. La nature de Jésus est radicalement humaine. Jésus est humain comme nous caressons parfois l’espoir de l’être nous-mêmes. Cette humanité ne se caractérise pas par la chair qui peut tellement varier d’un humain à l’autre, que ce soit par la couleur, par la forme, le volume, l’amplitude. Cette humanité se caractérise par sa profondeur, ce que Paul nomme Dieu. La profondeur de l’être, Christ, était en Jésus. Jésus a témoigné de ce qu’est être profondément humain. Mieux que cela, Jésus a révélé qu’il était possible d’être profondément humain, sans se renier, sans fuir ses responsabilités, sans transiger en fonction de l’opinion des uns, sans tergiverser lorsque d’autres auraient hésité.

Jésus fut Christ en ce qu’il fut humain selon le portrait qu’en tracent les textes bibliques. Et il fut progressivement conscient de cela, par des interactions successives avec celles et ceux qu’il a rencontrés. Si les évangiles ne disent pas grand-chose de l’enfance, son ministère commence par la première révélation apportée par Jean le Baptiste qui fait retentir à ses oreilles des paroles dignes d’une vocation. Nous pouvons aussi apprécier sa rencontre avec la femme cananéenne, qui lui fait prendre conscience que sa mission ne s’arrête pas aux frontières d’Israël, que la profondeur notre humanité ne se limite pas au clan dans lequel nous sommes nés ou à la communauté dans laquelle nous avons grandit. Jésus, effectivement, ne sera pas seulement fils d’Israël, mais fils de l’homme, fils d’Adam, selon le terme hébreu. Et c’est en ce sens qu’il est véritablement Christ. Les interactions de Jésus avec ses disciples sont autant d’occasions pour lui, de se révéler, de se découvrir, y compris lorsqu’il leur demande : « et vous, qui dites-vous que je suis ? » qui est une question à la fois rhétorique et porteuse de sens, pour lui qui écoute ce que les autres disent, comme peu savent le faire. Plus Jésus rencontre les individus qui croisent sa route plus il s’humanise, plus il est Christ, au point que, sur la croix, un centurion romain dira de lui qu’il était vraiment fils de Dieu, Christ, profondément humain.

Le Christ Jésus nous a réconciliés avec Dieu comme des amoureux peuvent nous réconcilier avec la vie de couple ou des croyants généreux qui pensent la religion peuvent nous réconcilier ave la foi. Le Christ Jésus nous a réconcilié avec Dieu, avec la profondeur de notre humanité, en nous révélant qu’il était effectivement possible de vivre selon la dynamique de l’amour, cet amour qui nous presse, dit l’apôtre Paul, cet amour qui anime tous les disciples de Jésus, qu’ils se reconnaissent comme tels ou non, car les disciples de Jésus sont les fils d’homme qui sont, eux aussi, ambassadeurs d’une vie menée au grand air de la liberté des enfants de Dieu, cette liberté qui ne s’abîme ni dans les intérêts particuliers, ni dans les peurs ancestrales.

La confiance en autrui

Le Christ nous a réconciliés avec Dieu en résorbant la faille que chacun connaît en son for intérieur, cet écart si pénible entre les intentions et les faits, entre la volonté et les effets, entre ce que nous pourrions être et ce que nous sommes à un moment donné. Le Christ Jésus a révélé qu’il était possible d’être humain, vraiment. Ce faisant, il nous a redonné confiance en nous, confiance en notre capacité à être profondément humain, confiance en notre capacité à résister à endosser les habits usés du barbare, confiance en notre capacité à nous parer des habits neufs des créatures restaurées dans leur nature authentique.

Le Christ Jésus nous a réconciliés avec Dieu, avec notre capacité à faire resplendir l’humanité, quitte à paraître hors de sens pour le commun des mortels qui ne voient d’intérêt que dans ce qui concourt à leur propre intérêt. Le Christ Jésus nous a – tous – réconciliés avec Dieu, abolissant les clivages d’autrefois, réduisant les distances culturelles, transgressant les conventions établies distinguer ceux de l’intérieur de ceux de l’extérieur. Le Christ Jésus nous a réconciliés de telle manière que nous participions tous d’une même humanité, portée à son incandescence, une humanité sans astérisque qui établirait des exceptions pour certains dont on ne veut pas entendre parler.

Cette réconciliation, si elle fonde la confiance en soi à la suite de ce qu’a vécu Jésus qui s’est affirmé comme un être souverainement libre, elle fonde aussi la confiance en autrui, qui participe de notre humanité commune. En Jésus-Christ, c’est la rédemption de l’humanisme qui se joue : l’autre, celui qui croise mon regard, est ressuscité en tant qu’être humain à part entière. Plus personne n’est considéré comme un être de seconde zone ; personne n’est réduit à n’être qu’un ceci ou un cela, un sans papier ou un réfugié, un indigène ou un immigré de troisième génération. Il n’y a même plus ni homme ni femme, dans la réconciliation opérée par Jésus-Christ qui restaure l’intégrité notre humanité. Celui-ci est mon frère, celle-là est ma sœur, qui s’inscrit dans la volonté du Père céleste, qui a trouvé sa place au sein d’une famille qui ne connaît ni le sang, ni la langue, ni la religion pour dire l’identité. La Christ Jésus a réconcilié notre humanité en la sauvant d’une fragmentation mortifère. C’est cela que nous pouvons célébrer de mille manières, aussi bien par le culte qui symbolise cette rédemption de la fraternité élargie, que par des actions concrètes, au quotidien, qui incarnent cette vérité évangélique dont nous sommes les ambassadeurs : comme Jésus nous l’a révélé, comme il l’a incarné, nous sommes capables d’être humain, pour nous-mêmes, et pour les autres.

Amen

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre © France2

Lecture de la Bible

2 Corinthiens 5:11-21

Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à convaincre les hommes; Dieu nous connaît, et j’espère que dans vos consciences vous nous connaissez aussi.

12 Nous ne nous recommandons pas de nouveau nous-mêmes auprès de vous; mais nous vous donnons l’occasion de vous glorifier à notre sujet, afin que vous puissiez répondre à ceux qui tirent gloire de ce qui est dans les apparences et non dans le coeur.

13 En effet, si je suis hors de sens, c’est pour Dieu; si je suis de bon sens, c’est pour vous.

14 Car l’amour de Christ nous presse, parce que nous estimons que si un seul est mort pour tous, tous donc sont morts;

15 et qu’il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux.

16 Ainsi, dès maintenant, nous ne connaissons personne selon la chair; et si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette manière.

17 Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles.

18 Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation.

19 Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même en n’imputant point aux hommes leurs offenses, et il a mis en nous la parole de la réconciliation.

20 Nous faisons donc les fonctions d’ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous; nous vous en supplions au nom de Christ: Soyez réconciliés avec Dieu!

21 Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu.

Traduction NEG