La triple métamorphose

(Matthieu 17:1-9)

(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 13 mars 2016
prédication du pasteur James Woody

Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)

Chers frères et sœurs, ce texte biblique est traditionnellement intitulé la transfiguration, ce qui est une habitude qui remonte à la traduction latine de la Bible. Dans le texte grec, le verbe qui dit la transfiguration de Jésus est « metamorphoomai » qui donnera en français « métamorphoser ». Par conséquent, autant parler de métamorphose, nous serons plus proche du texte biblique d’une part et plus proche aussi de notre vie quotidienne où il n’est jamais question de transfiguration, mais si souvent de métamorphoses. Ceci pour ramener cet épisode des évangiles dans notre quotidien plutôt que d’en faire un épisode hors du commun avec une patine de surnaturel qui ne convient pas. De plus, je vous propose de ne pas nous en tenir à une métamorphose, celle de Jésus, mais d’observer qu’il y a une triple métamorphose : celle du messie, celle des Ecritures et celle des disciples.

Métamorphose 1

L’évangéliste Matthieu commence son récit par indiquer que nous sommes six jours après. Six jours après quoi ? Six jours après une explication entre Jésus et Pierre sur l’identité de Jésus et sur le pouvoir de pardonner qui est confié à Pierre, dès à présent, et non dans un monde après la mort (Mt 17/19). Si nous nous souvenons qu’en Lv 23/27, 34 la fête des tentes est six jours après la fête de Kippour, c'est-à-dire la fête dite du grand pardon, nous comprenons l’allusion faite par Matthieu, puisqu’il sera question de tentes dans très peu de temps. Quel est l’intérêt de placer la métamorphose le jour de la fête des tentes ? L’intérêt est de montrer comment Jésus réagit à la fête des tentes qui est un temps favorable pour l’arrivée du messie qui doit sauver la nation. L’attente du messianisme national est particulièrement forte lors de cette fête, comme l’atteste l’évangile de Jean qui donne les détails de l’ambiance au chapitre 7 : on demande à Jésus de se manifester par des œuvres pour être reconnu (v.3) et on se demande si les chefs d’Israël ont reconnu que c’est lui le christ (v.26).

Matthieu indique de quelle manière Jésus répond à cette attente messianique : il se met à l’écart. Autrement dit, Jésus commence par décevoir l’attente. Une fois de plus, il n’est pas là où on l’attend, ce qui est assez caractéristique de tout ce qui est divin. A vrai dire, Jésus fait mieux que cela : il ne succombe pas à la tentation du pouvoir ; il ne succombe pas aux sirènes qui lui font miroiter la puissance et la gloire. En effet, l’évangéliste a pris soin de construire cet épisode en écho à la troisième tentation que Jésus avait connu au désert, juste après son baptême. Le diable l’avait transporté sur une haute montagne, dans une situation équivalente à celle du chapitre 17, puis il lui avait montré les royaumes du monde et leur gloire. Et Jésus n’avait pas cédé. Il lui avait rétorqué « retire-toi Satan ! » (4/10), phrase qu’il venait de répéter à Pierre, au chapitre précédent, quand nous étions encore à la fête de Kippour (16/23). Tout cet ensemble étant encadré par la formule d’adoption qui retentit au baptême aussi bien qu’au temps de la métamorphose : « celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j’ai mis toute mon affection » (3/17 ; 17/5).

Matthieu fait donc référence de deux manières à la tentation du pouvoir – tentation à laquelle Jésus ne cède pas. Jésus ne sera pas un messie à la manière de ceux qui prétendent être sauveur du monde et qui n’ont en tête que la gloire, le pouvoir, la domination. Elle est là, la métamorphose du messie. Jésus sera définitivement messie à la manière du serviteur souffrant, sans autre puissance que l’amour et l’esprit de service. Cela n’est pas très spectaculaire, mais c’est ainsi qu’il est vraiment possible d’agir pour la liberté de ceux qui nous sont confiés. Et tout, dans son attitude, en fait un homme libre : Jésus métamorphose le messianisme qu’on espérait national, à l’époque, en une attitude personnelle qui est celle de l’homme libre, profondément libre. Jésus est un homme qui est détaché de la tentation du pouvoir, il est détaché du qu’en dira-t-on, il est libre de faire ce qui lui semble juste et bon, indépendamment de toute autre considération. C’est cela être pleinement humain.

Notons au passage que la métamorphose, ici, se distingue des métamorphoses dans la mythologie grecque. Jésus n’est pas métamorphosé en quelque chose d’autre, soit qu’il aurait été puni, soit qu’il chercherait à se cacher. Ainsi, Daphné se métamorphose en laurier, Aréthuse est transformée en fontaine.

Dans le cas présent, Jésus devient plus lui-même. Comment ne pas dire, avec Matthieu qui précise que son visage resplendit comme le soleil, que la personne de Jésus est ici portée à son incandescence ?

Métamorphose 2

La deuxième métamorphose concerne la Bible. Lors du séjour sur la montagne, les trois disciples voient Moïse et Elie en plus de Jésus, alors que ce sont des personnages du premier testament que le récit biblique a fait disparaître depuis un bon moment. Moïse et Elie ont ceci de caractéristique d’être deux figures emblématiques du premier testament, Moïse pour le pentateuque, la Torah, la loi, et Elie pour les prophètes. Dire Moïse et Elie, c’est dire la loi et les prophètes, ce qui est une manière de nommer le début de la Bible hébraïque. La troisième partie, ce sont les écrits, la sagesse, qui n’a pas encore de figure représentative à l’époque. Et que fait Pierre ? Il propose de faire trois tentes ici même, une pour Moïse, une pour Elie, une pour Jésus. Pierre propose de fixer les trois grandes figures qu’il a devant lui. « Il est bon que nous soyons ici » clame-t-il, indiquant qu’il entend s’installer.

Les tentes de la fête des tentes, sont le souvenir des habitations précaires après la sortie d’Egypte. La tente est l’habitation des nomades, de ceux qui ne se figent pas en terre. C’est l’habitation usuelle des scouts qui ne campent dans un endroit que pour un temps. La tente est la demeure idéale pour ne pas demeurer, pour être prêt au départ, prêt à poursuivre la route. Pierre est en train de pervertir la tente en en faisant un lieu définitif. Pierre pose que la loi et les prophètes et ce que représente Jésus devraient être institués. L’attitude de Pierre pose les bases de ce que nous appellerons le canon des Ecritures, cette liste qui établit quels sont les livres qui composent la Bible et l’ordre dans lequel ils sont classés. A une époque où cette liste n’est pas encore définitive, l’attitude de Pierre indique ce qui pourrait être imaginé.

Cette envie de fixation va se métamorphoser puisqu’au lieu de s’installer, ils vont tous redescendre de la montagne. Alors qu’ils étaient tombés face contre terre, les disciples sont relevés pas Jésus qui les rassure et leur permet de reprendre la route. Jésus ne deviendra donc pas un livre ou une partie de la Bible. Selon la parole qui est prononcée en complément de la phrase du baptême, il sera question d’écouter et non de lire Jésus. Cela change bien des choses. Car ce n’est donc pas dans un texte que nous trouverons l’Evangile, mais dans l’écoute. Autrement dit, l’Evangile n’est pas dans la Bible, il n’est pas non plus dans la bouche du prédicateur, il est dans l’oreille de celui qui écoute.

Métamorphose 3

La troisième métamorphose concerne plus directement les disciples. C’est pour eux qu’est la véritable métamorphose, d’ailleurs. Car Jésus, nous l’avons vu, n’a été que lui-même, un peu plus lui-même, ne se reniant pas en fonction de la situation. Ce sont les disciples qui ont été métamorphosés et plus particulièrement leur vision. Cela était déjà arrivé, autrefois, du temps de Moïse, justement. En Ex 34/29, 35 le visage de Moïse rayonne, tel celui de Jésus dans cet épisode. Un problème de traduction, dans l’Exode, a d’ailleurs métamorphosé Moïse en homme avec des cornes dans des tableaux ou une fameuse sculpture de Michel Ange. En hébreu, rayonner, c’est le verbe qaran. Le latin a translittéré ce mot par cornatus, ce qui a pu faire penser que Moïse était cornu, alors qu’il était rayonnant.

Toujours est-il que ce sont les disciples, ou les Hébreux autrefois, qui changent de regard sur la situation, sur la personne qui se tient face à eux. Ni Moïse ni Jésus n’émettent d’ondes ou de particules qui leur donneraient un aspect lumineux. En revanche, ceux qui les regardent les voient d’une nouvelle manière, ils les voient comme jamais.

Cela nous arrive à chaque fois que nous découvrons un nouveau trait de personnalité chez quelqu’un. C’est le cas chez les disciples qui voient un Jésus vraiment libre, qui ne cède pas à la tentation du pouvoir, qui est donc épris de justice par-dessus tout et notamment par-dessus ses intérêts personnels. Les disciples découvrent que Jésus ne court pas les honneurs ou les premières places, qu’il ne cherche pas à prendre un poste. Il agit inconditionnellement. Et cela renouvelle considérablement leur regard sur la personne. En ouvrant autrement les yeux, ils voient Jésus riche d’une nouvelle qualité : il est insoumis à la force du pouvoir. Il avait refusé de vendre son âme au diable pour obtenir un poste au gouvernement juste après son baptême, il ne mettra pas non plus en place de théocratie, ni ne participera pas à la moindre dictature. Les disciples découvrent un homme qui n’a pas d’autre ambition que le service. Cela change tout pour eux, même s’ils n’en prennent pas encore toute la mesure, même s’il leur faudra l’électrochoc de la crucifixion pour comprendre que ce Jésus ne courait vraiment pas après les honneurs et qu’il était libre à l’égard de tout et de tous, ce qui lui permettait d’aimer, vraiment, sans arrière pensée, sans calcul.

Les disciples vivent une métamorphose qui ne s’accomplira vraiment que dans l’aurore de Pâques. Pour le moment, ils ne peuvent pas encore parler de résurrection au sens plein du terme : ils ont encore de vieux réflexes conditionnés. Pierre n’est toujours pas libre, notamment de la peur qui le fera trahir Jésus par trois fois. Les disciples ont juste été relevés par Jésus de leur frayeur. Ils ont vécu un début de résurrection. Mais le meilleur est encore à venir.

Amen

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Matthieu 17:1-9

Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean, son frère, et il les conduisit à l’écart sur une haute montagne.

2 Il fut transfiguré devant eux; son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière.

3 Et voici, Moïse et Elie leur apparurent, s’entretenant avec lui.

4 Pierre, prenant la parole, dit à Jésus: Seigneur, il est bon que nous soyons ici; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie.

5 Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit. Et voici, une voix fit entendre de la nuée ces paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection: écoutez-le!

6 Lorsqu’ils entendirent cette voix, les disciples tombèrent sur leur face, et furent saisis d’une grande frayeur.

7 Mais Jésus, s’approchant, les toucha, et dit: Levez-vous, n’ayez pas peur!

8 Ils levèrent les yeux, et ne virent que Jésus seul.

9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre: Ne parlez à personne de cette vision, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts.

(NEG)

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 07:38)

(début de la prédication à 07:38)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot

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