Il pleure sur la ville (pour les Rameaux)(Luc 13:34-35 ; Luc 19:35-47)(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous) Culte du dimanche 20 mars2016 Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)Pleurs et résurrectionDans cette page de l’Évangile, nous voyons Jésus changer le niveau de son action. Avant, il se contentait de former quelques disciples et d’agir au gré de l’occasion qui se présente, voyant quelque chose, ou interrogé par quelqu’un, il apporte simplement une réponse qui se transforme en une prédication, un geste, une parabole. Mais après quelques années, ça n’avance plus tellement. On voit au chapitre 10 de ce même Évangile selon Luc qu’il y a peut-être seulement 70 disciples, en plus du cercle de ses 12 plus proches. Le livre des Actes de apôtres 1:15 nous parle de 120 disciples de Jésus après sa mort. Ses amis pharisiens restent cramponnés à leurs habitudes ancestrales. Il n’est pas reconnu non plus par l’institution, elle aime rarement ceux qui sortent du lot, ses chefs y voient comme une menace à leur parcelle de pouvoir. Que faire ? Jésus décide de changer de braquet. Il risque le tout pour le tout. Et il aura effectivement le tout pour le tout. Finie l’action modeste, artisanale, familiale. Il analyse la situation. Une belle occasion se présente à l’occasion de la fête de Pâque qui rassemble à Jérusalem des croyants engagés venant des 4 coins de l’Empire. Ils ont soif de Dieu puisqu’ils viennent. Comme nous ce matin, ils ont fait un voyage pour venir, peut-être sont-ils prêts aussi à cheminer dans leur manière de vivre et d’espérer ? Jésus lance l’opération « rameaux ». Ce sera un échec. Et Jésus en pleure. Encore une fois, ses disciples comprennent de travers, les pharisiens rejettent sa façon de voir, et les autorités ne se sont même pas déplacées. Jésus est seul. Tout seul. Mais ce n’est pas sur lui-même qu’il pleure mais sur ce monde qu’il n’arrive pas à toucher, sur cette carapace qui blinde l’humanité, qui l’enserre, l’étouffe, et fait passer les gens à côté de la vie. Mais au lieu d’en vouloir à tout le monde, au lieu d’abandonner son projet, Jésus pleure sur la ville et ce qu’il exprime semble ne laisser aucun espoir : « tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée ! ». C’est bien tard, c’est trop tard ? Mais déjà le mot suivant montre Jésus poursuivre, il entre au cœur de la ville dans le Temple. D’où lui est venue cette force pour rebondir, pour tenter un autre geste, une autre façon de les toucher au cœur et leur faire connaître la Paix ? Dans cette façon de faire que Jésus montre ici, nous avons un exemple de vie. Pour notre propre vie. Et c’est aussi un bel exemple pour notre église. Pensons aux gens, et soyons inventifs pour créer de nouveaux projets afin de porter la paix dans ce monde. Ce n’est pas grave si parfois nous connaissons l’échec. Les gens sont comme ils sont, ça ne sert à rien de leur en vouloir. Jésus s’adapte, parfois dans l’humilité en se laissant surprendre par une personne, parfois dans le courage de se lever, dans toute sa singularité pour poser un geste fort. Ce n’est pas facile, mais c’est comme ça quand on a conscience d’avoir une vocation, ce qui devrait être le cas pour chacun de nous, il nous faut en même temps : avoir la juste conscience de notre propre valeur (afin de pouvoir la mobiliser) et avoir de l’humilité devant cette vocation qui vient de Dieu et qui nous dépasse. Avoir la force et l’audace d’inventer des gestes nouveaux et l’humilité devant les échecs pour modifier notre plan de route... Mais tout dans cette histoire des Rameaux nous dit que Jésus n’est pas seul. Il ne vient pas seulement « au nom du Seigneur », comme le disent les disciples, mais il est visité par lui, de sorte qu’il est plusieurs fois ressuscité dans ce récit, pour se relever et repartir autrement. En voyant Jésus pleurer sur la ville, pleurer sur son propre échec, j’ai envie de dire, de lui dire, qu’il n’est pas si seul, et qu’il n’a pas échoué, pas encore. Même si nous pourrions être bien plus nombreux, plus enthousiastes et plus responsables, nous sommes quand même là ce matin, nous sommes sortis de notre lit, nous nous sommes déplacés, ici et partout dans le monde, des centaines et des centaines de millions de personnes comme nous, pour ce dimanche des Rameaux. Tout n’est donc pas raté, tout n’est pas perdu dans cet effort désespéré du Christ pour sauver le monde. Mais en même temps, tout reste encore à faire à notre génération et à chaque génération, et même chaque jour : « Si seulement (nous dit Jésus), toi aussi en ce jour, Il nous reste donc à saisir sa prédication, et qu’elle nous change, qu’elle nous donne envie de nous bouger pour changer le monde et bâtir la paix, comme lui. Nous avons été visité, nous dit Jésus, et cela devrait tout changer pour nous. Et de là tout changer pour le monde. Ce n’est pas la première fois que Jésus pleure sur la ville. Déjà un peu plus tôt et annonçant ce jour des Rameaux, il disait : Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes Jésus se compare à une poule qui veut rassembler ses poussins, sans en oublier un seul. C’est trop mignon, je n’aurais pas osé cette image. « Vous n’avez pas voulu », dit Jésus, ce serait le pire le pire. Aux Rameaux, il tempère, il nous comprend mieux, peut-être, il nous dit : « tu n’as pas connu », pas vraiment connu » que tu as été visité par Dieu. Parce que d’expérience, Jésus sait que quand on a connu Dieu, on est comme un poussin qui a reconnu sa maman poule, on ne refuse pas son aile, et que comme naturellement on entre en paix sous son aile. C’est pourquoi nous sommes, nous dit-il, nous et notre monde dans cette angoisse, dans cet enfermement qu’il connaît précisément aussi à cet instant de détresse : « viendra sur toi des jours où tes ennemis t’encercleront, te prendront à la gorge et te presseront de toutes parts ; ils t'écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée. » Mais alors, à cet instant, Jésus se sent manifestement visité. Il prend conscience qu’il n’est pas abandonné, il est visité. Et alors que le souffle de la dernière lamentation sur la fin de toute espérance pour la ville est encore sur ses lèvres, Jésus se relève de l’échec, et repart une nouvelle fois pour les visiter, aller au cœur du cœur de la ville tenter de faire que les gens s’approchent de la paix. Jésus change donc ici à deux reprises pour tenter de faire connaître ce qu’il vit et ce qui le fait vivre. Voici ton roi qui vientLa première fois, il avait constaté que l’action modeste, artisanale, familiale ne suffisait plus. Avec l’aide de ses disciples il a alors mis en scène une véritable prédication où résonnent de grands textes bibliques de l’histoire du peuple hébreu : Un homme montant à Jérusalem sur un âne, acclamé par une foule rappelle Salomon venant à l’appel de David son père pour que le prophète Nathan lui donne l’onction royale à la barbe de Adoniya qui se serait bien vu roi (1 Rois 1). Des vêtements jetés devant les pas de l’âne, cela rappelle l’épisode où Yéhou est fait roi par le prophète Élisée contre le méchant roi en poste et l’horrible Jézabel (2 Rois 9). Les cris des disciples « Béni soit le roi, celui qui vient au nom du Seigneur » cela rappelle le Psaume 118 et dans l’approche de Jérusalem, c’est un écho à la prophétie de Zacharie 9 annonçant la venue de son roi victorieux des horribles ennemis, et établissant la paix pour son peuple et lui donner une formidable abondance de joie décrite en long et large par Zacharie. Voilà ce que met en scène Jésus avec l’aide de ses disciples. Que celui qui a des yeux pour voir reçoive sa prédication... Dans chacun des textes évoqués par la mise en scène de Jésus il y a par surprise un changement de roi voulu, envoyé par Dieu. Comme dans le chant de Marie, la mère de Jésus, qui elle aussi tisse des versets de la Bible dans le Magnificat pour chanter les retournements dont Dieu est à l’œuvre, y compris dans sa vie à elle. Chacun de ces rois porte la paix à son peuple et c’est pourquoi ils ont reçu l’onction de la part de l’Éternel, même si ces rois sont loin d’être parfaits. Mais comment portent-ils la paix ? Ils viennent visiter leur peuple, montés sur un âne, ce qui est une monture royale pour temps de paix. Mais à l’extérieur ils font la guerre contre le mal et la méchanceté. C’est peut-être pourquoi les disciples de Jésus interprètent tous plus ou moins de travers cette prédication de Jésus. Les uns espèrent convertir Dieu à faire la paix avec nous, comme si c’était nécessaire ! Ils crient « Paix dans le ciel, Et gloire dans les lieux très hauts. » et ils pensent que Dieu, une fois calmé, descendra pour établir la paix sur terre (c’est ce que l’on voit quelques paragraphes avant notre texte Luc 19:11). Encore aujourd’hui, des chrétiens pensent que la mort du Christ aurait servi à convertir Dieu, à lui permettre de nous pardonner, un Dieu qu’il faudrait convertir par la prière et le culte pour nous le rendre favorable, régler nos problèmes domestiques... et attendent toujours la venue du Christ pour établir la paix finale et universelle. Les disciples de Jésus y sont manifestement encouragés par les actes puissants que fait Jésus. Pauvre Jésus, il croyait par ses actes encourager chacun à le suivre pas à l’admirer en spectateur. Que chacun se sente visité personnellement par Dieu, pour embaucher chacun de nous, et se mette à faire fructifier ses propres talents, comme chacun de ces hommes évoqués par Jésus dans sa prédication mise en scène, des hommes bien peu dignes d’être rois mais choisis par Dieu, oint d’huile par un prophète, littéralement devenus ainsi un christ capable de construire la paix pour le peuple qui leur est confié pour qu’il l’aime et fasse reculer le mal. Dans la foule qui acclame Jésus, certains se trompent autrement, ils espèrent au contraire que le Christ va les rassembler pour aller en découdre contre les Romains. Comme cet apôtre de Jésus qui est appelé Simon le Zélote, et qui appartenait aux réseaux de résistance contre l’armée d’occupation, et peut-être aussi Judas l’Iscariot qui peut vouloir dire Jésus le Sicaire. C’est vrai que ces rois à qui Jésus fait allusion dans sa mise en scène ne sont pas que des gentils rois se promenant au pas de la mule en bénissant leur peuple d’un geste doux de la main, ce sont aussi des chefs de guerre contre les méchants. Ces disciples là vont être déçus par Jésus car l’action violente n’est pas son style. Ils espéraient finalement pouvoir crier « Dieu est avec nous », alors que Jésus nous invite à entrer dans un « nous avec Dieu », « toi avec Dieu », ce qui est presque la même chose mais pourtant exactement l’inverse. Ce que propose Jésus avec cette histoire, ce n’est ni être dans les seuls Allélyuah et tout attendre de Dieu, ni agir comme un sanglier furieux en prétendant le faire au nom de Dieu. Ce n’est pas non plus s’incruster dans une tradition comme les Pharisiens, ni confondre Dieu et son son institution comme le sanhédrin... Jésus pleure : « ah si tu connaissais, toi aussi, en ce jour, que la paix est à la portée de ta main ! Mais maintenant c'est caché à tes yeux. » Il viendra sur toi des jours où tes ennemis te rempliront d’angoisse... et t'écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visité. » Ma maison sera une maison de prièreAlors Jésus se lève en entre au cœur du cœur de Jérusalem pour y rétablir la prière à Dieu. Et y chasser tout ce qu’il y a comme appât du gain en nous. Pour se laisser enfin visiter par Dieu. Jésus enseigne ensuite dans le Temple tous les jours. Pourtant, le texte ne nous dit rien de cet enseignement, c’est qu’il est à écouter, chacun dans sa prière, chacun dans le temple de son propre corps et dans ce corps qu’est le rassemblement de quelques personnes, en paix dans l’écoute du seul et même Dieu. Et se laisser ainsi visiter par lui, personnellement. Se laisser oindre d’huile, se laisser devenir responsable d’une mission, conscient de ses propres talents à gérer, à faire fructifier. C’est là que Jésus puise cette force de bâtir des projets nouveaux, et d’avoir la force de rebondir, en allant personnellement, au cœur du cœur, dans la prière. Voilà ce qui bâtit la Paix. Pas seulement la paix au sens du grec classique d’absence de guerre. Mais la paix bien plus large au sens de l’hébreu, la construction d’une façon d’être élevée, aboutie. En réunissant ses forces et ses talents, en s’assemblant avec les autres pour former un bel ensemble, une maison de prière ouverte à tous (un Oratoire). Exactement à l’inverse de cet implosion qu’évoque Jésus dans cette destruction de la ville barricadée, « étroissée », étranglée et dont il ne restera bientôt pas pierre sur pierre parce que toi, tu n’as pas connu le temps où tu as été visité. Mais maintenant que Jésus est arrivé à montrer où doit se situer le premier geste de effort de transformation du monde en remettant la prière au cœur de la vie, « tout le peuple était suspendu à ses lèvres. » Pour le salut du monde. Amen Vous pouvez réagir sur cet article du blog de l'Oratoire,
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Pasteur dans la chaire de
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Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 08:45)(début de la prédication à 08:45) film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot Si vous avez des difficultés pour regarder les vidéos, voici quelques conseils. |