Ce qui a le plus frappé Jean,
c’est la capacité qu’avait Jésus de devenir meilleur
(Jean 1:1-18 ; Jean 20:30-31)
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Culte du dimanche 31 août 2014
prédication du pasteur Marc Pernot
Aujourd’hui, notre année est bien plus rythmée par « les grandes vacances » que par l’année civile ou par le calendrier liturgique. Le 1er septembre est demain et la rentrée est là. Le, le bulletin est paru, l’équipe du catéchisme commence à se rassembler, vos pasteurs sont revenus de vacances… Alors d’abord : bonne année à vous, bonnes résolutions, bien positives, pleines d’élan. Et pour commencer l’année nous pourrions nous inspirer de l’Évangile selon Jean qui donne en introduction à son témoignage sur Jésus un incroyable discours sur la méthode. Et en conclusion il donne un autre chapitre à ce discours, minuscule celui-là, en 2 versets seulement.
Un point essentiel de l’introduction que donne Jean, c’est cet incroyable :
« Personne n'a jamais vu Dieu. »
C’est phrase est bien libérante. Il y aura toujours des personnes pour dire que leur parole, ou celle de leur église ou que leur religion est la Vérité ultime sur Dieu, sur la vie, sur la prière… ce n’est pas la peine de se laisser impressionner. Jean nous rassure : personne n’a jamais vu Dieu, eux non plus, moi non plus, Moïse non plus. Le rapport que nous avons à la vérité est plus complexe que d’être dans le vrai et le faux. Heureusement que Dieu n’est pas visible. Sinon, nous ne serions pas libres, l’humanité serait dans une secte dont Dieu serait le gourou, le gourou légitime car il est Dieu, lui, mais en étant visible il en serait le gourou quand même, tyrannique, empêchant toute interprétation personnelle. À la moindre question qui se poserait, comment oserions-nous avoir un avis personnel ? Nous irions demander une audience auprès de Dieu qui serait peut-être dans un grand palais en marbre avec des tapis de haute lisse et de l’or partout ; ou qui serait au contraire à l’image de Jésus dans une humble étable. Nous irions demander au Roi des rois des explications sur telle parole, la réponse à la moindre question théologique ou éthique, sur tel projet de loi ou pour savoir si le temps sera meilleur pour partir en vacances en juillet plutôt qu’en août…
Peut-être même que Dieu serait assis là, dans une des stalles du chœur de l’Oratoire à écouter, se grattant la gorge et fronçant les sourcils dès que le pasteur raconte un peu n'importe quoi. Où serait alors la liberté d’interprétation ? Où pourrait être l’effort de recherche personnelle qui est la clef d’une vraie sincérité ? Quelle place resterait-il pour le caractère personnel du témoignage, tissé de ce que nous avons vécu avec la personne dont nous témoignons, Dieu, Jésus, la vie ?
« Personne n'a jamais vu Dieu. », donc Moïse n’a pas vu Dieu non plus, nous dit Jean. Il est pourtant écrit dans la Bible que Moïse a rencontré Dieu « face à face » (Ex 33:11, 23), et qu’il l’a vu au moins de dos, en passant. Tout le monde connaissait très bien cette histoire de Moïse et donc quand Jean nous dit que « personne n’a jamais vu Dieu », il nous dit que cela n’a pas de sens de lire la Bible au pied de la lettre, que ce que raconte la Bible doit être interprété.
C’est déjà un point important du discours sur la méthode que nous propose Jean pour commencer l’année, dans notre recherche de Dieu. Mais Jean étoffe son dossier sur le statut de la Bible. Il nous dit que c’est Moïse qui nous a donné la Loi, la Torah, il ne nous dit pas que Moïse aurais transmis la Torah que Dieu ou qu’un ange lui aurait soufflée. Non, Jean présente La Torah comme un témoignage personnel de Moïse sur Dieu. La Torah elle-même est donc une interprétation donnée par son auteur, et cette interprétation ne peut pas être prise à la lettre. C’est libérant.
Et par la même occasion, Jean indique aussi le statut du livre qu’il présente à son lecteur, un statut modeste. « Personne n’a jamais vu Dieu », nous dit-il, et donc pas Moïse, pas lui non plus, Jean. Ce qu’il a vu, nous dit-il, c’est Jésus de Nazareth. Et que Jésus nous a fait connaître Dieu. Vraiment. Pourtant, Jean rapporte plus loin dans son livre ce dialogue :
Philippe dit (à Jésus) : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. Jésus lui dit: Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu, Philippe,
celui qui m’a vu, a vu le Père. (Jean 14:8-9)
Il y a donc écrit dans le même Évangile selon Jean à la fois que « personne n’a jamais vu Dieu » et « qui a vu (Jésus) a vu le Père ». Jean se place lui-même et place son livre dans la même situation que celle qu’il inflige à Moïse et à sa Torah. Il faut l’interpréter.
Les paroles, les gestes, la façon d’être de Jésus font connaître Dieu, donc dans un sens, Jésus le donne à voir, mais pas au sens objectif du terme. Jésus, sa façon d’être, ses paroles et ses actes sont en eux-mêmes une interprétation de Dieu. Et quand Jean nous dit qu’il témoigne de ce Jésus, il s’agit donc de son interprétation personnelle sur l’interprétation que Jésus apporte de Dieu. Et maintenant, quand nous lisons l’Évangile selon Jean, c’est une troisième couche d’interprétation que nous sommes amenés à apporter. Et aucune interprétation, bien entendu, ne pourra en faire le tour, ni de l’Évangile selon Jean, et encore moins de Jésus, et encore encore moins de Dieu. Ce prologue de Jean est un des textes les plus commentés du monde, la Bible elle même ouvre à une multitude d’interprétations, par exemple, la Boseb, une Bibliothèque Œcuménique à Paris ne comprenant que des livres portant sur la Bible comporte plus de 45.000 livres. Et c’est bien la moindre des choses, car quand il est écrit dans le livre de l’Exode que Moïse rencontrait Dieu « face à face », il faudrait mettre des pluriels aux mots « faces », ce mot est toujours au pluriel en hébreu. Dieu est un être à mille facettes comme un diamant. Et chacun de nous a de multiples regards. De sorte que tout témoignage est précieux, car chacun permet d’approcher la réalité complexe qu’est un être vivant, particulièrement quand c’est Dieu, de sorte que quand on en a eu une expérience, on ne peut dire honnêtement qu’on l’a vu. C’est un témoignage, une interprétation selon un point de vue qui est nécessairement personnel et complexe comme nous le sommes et comme Dieu l’est encore plus. Demain nous dirions encore un peu autre chose, et nous trouverons autre chose qui nous parle dans le même passage biblique.
Ne nous laissons donc pas impressionner par l’interprétation des autres. Le monde et même Dieu ont besoin de notre interprétation personnelle. D’ailleurs Jean insiste sur le fait que c’est une communauté, un « nous » qui a reçu ce que transmets Jésus comme connaissance de Dieu.
La Parole a été faite chair,
elle a planté sa tente parmi nous,
et nous avons contemplé sa gloire,
Puis :
Personne n'a jamais vu Dieu.
Celui qui nous l'a fait connaître,
c'est le Fils unique qui est dans le sein du Père.
C’est donc un « nous » qui a reçu cette connaissance, mais Jean n’apporte que son témoignage, qui ne peut pas faire le tour de la question, son témoignage est partiel et orienté, nous dit-il dans sa conclusion (20 :30-31) et son témoignage s’ajoute à ceux de Matthieu, de Marc et de Luc et de tant d’autres à son époque où le souvenir de la personne historique qu’est Jésus était encore frais dans les mémoires. Toute lecture de l’Évangile est ainsi une interprétation parmi d’autres d’une interprétation d’une interprétation de Dieu.
Cela relativise notre petite interprétation, même quand le Saint Esprit nous a un peu éclairé. Mais cela dit l’importance de s’ouvrir soi-même à cette richesse du « nous » pour sans cesse enrichir cette connaissance unique de Dieu qui nous vient du Christ.
C’est à cela que servent bien des activités de l’église. Non à recevoir une interprétation qui serait LA bonne, mais à nous ouvrir à autre chose que notre seule interprétation. Et en étant ici, ensemble, chacun pensant personnellement avec ce qu’il est, nous pouvons puiser une humilité (mon interprétation n’est qu’une interprétation, parmi la diversité des sensibilités et des histoires). Et nous pouvons, j’espère recevoir aussi en venant ici la fierté d’être digne d’avoir chacun notre interprétation, et d’être capable de la faire vivre, évoluer, grâce à Dieu.
Dans un sens, plus les années et les millénaires passent depuis Jésus, plus il est loin de nous et plus cette chaîne d’interprétations et leur dispersion pourraient affaiblir la connaissance de Dieu reçue en Christ ? Au contraire, le trésor de millénaires de débats d’interprétations est une richesse et un approfondissement croissants. Et nous avons à participer à cet enrichissement, à le traduire pour notre époque pour que « nos faces » voient ce que Jésus-Christ nous donne à connaître « des faces » de Dieu.
Mais justement, Jean donne ici son interprétation de ce qui est essentiel dans ce que Jésus apporte à l’humanité. Ce qui a le plus touché Jean n’est pas une révélation au sens d’une Loi, d’une connaissance. Jésus n’a pas donné l’équation de Dieu.
C’est la seconde mise au point que Jean apporte sur la Bible, et sur ce dont il se prépare à témoigner dans son Évangile.
La Loi, la Torah, a été donnée par Moïse,
la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
Ce qu’apporte Jésus est d’un autre ordre. Cette paire de mots que Jean dit et répète ici « la grâce et la vérité » est bien connue dans la Bible, elle apparaît plus d’une trentaine de fois dans le premier testament pour dire la bonté et la fidélité de Dieu pour nous. Sa bonté pour aujourd’hui (la grâce) et sa bonté qui ne se lasse jamais (la fidélité). Le mot « vérité » est ici une traduction trompeuse car elle laisse penser à quelque chose comme une connaissance, une théologie, une morale qui aurait été révélée par le Christ, qui serait comme un nouveau Moïse amélioré. Mais non, ce qui se manifeste de Dieu en Christ, ce n’est pas une vérité en ce sens, c’est une manière d’être, nous dit Jean.
Cela se confirme d’ailleurs quand Jean présente la Parole de Dieu qui s’incarne en Christ. Jean insiste pour dire que cette Parole est la parole créatrice de Dieu (rma), ce n’est pas une parole qui est de l’ordre de la connaissance comme les dix paroles des tables de la Loi de Moïse (rbd).
Donc la Parole de Dieu qui s’incarne en Christ, cette Parole de Dieu qui vient, qui plante sa tente « parmi nous, en nous, au milieu de nous » c’est une façon d’être qui est positive, dynamique, créatrice.
Et comment est-ce que cela se manifeste en Christ ? Voici le témoignage de Jean :
Personne n'a jamais vu Dieu.
Le Fils unique, qui est dans le sein du Père,
nous l'a fait connaître.
Ce Christ qui nous fait connaître Dieu, comment Jean nous le présente-t-il? Qu’est ce qui l’a bouleversé, lui faisant découvrir Dieu et sa Parole ? Jean montre ce Christ comme un fils que Dieu est en train d’engendrer, d’enfanter, un fils qui est encore dans le sein du Père. Ce n’est donc pas tant ce que Jésus enseigne, ni ses guérisons, ni ses actes signifiants qui révèlent Dieu, tout cela est très bien, mais ce ne sont que des fruits de ce que Jésus est à un moment donné dans une situation donnée. Ce qui manifeste profondément Dieu en Jésus, selon Jean, c’est le fait que Jésus soit et demeure en genèse, qu’il est fils de Dieu et qu’il continue de plus en plus à le devenir, de façon unique et particulière. Et effectivement, quand on regarde l’Évangile, il y a bien des passages où Jésus évolue, et évolue non sans peine. Quand il combat contre les tentations. Quand Marie le pousse à passer à l’action. Quand il refuse d’être roi. Quand il renvoie les disciple pour aller prier seul. Quand il les interroge sur ce qu’ils pensent qu’il est, lui, Jésus. Quand il entend Dieu sur la montagne et en redescend, quand il dit oui à Gethsémanée, quand il pleure avec Marthe sur la mort de son ami, quand une femme le persuade de guérir quand même son enfant, quand le jeune homme riche part et l’abandonne… et mille autres passages qui montre Jésus comme Fils encore dans le sein du Père, Dieu engendrant en lui des capacités sans cesse nouvelle à être bon et fidèle, mais aussi lui donnant d’aider ceux qui le rencontrent à le devenir un peu plus eux-mêmes. Cette capacité d’évolution chez un homme comme Jésus qui était déjà vraiment impressionnant, c’est ce qui a frappé Jean. Son interprétation est que Jésus a manifesté Dieu comme source de création, et comme Père. La capacité à devenir meilleur qu’a eu Jésus est une interprétation de ce qu’est Dieu. Et c’est cela que Jean interprète pour nous ici, cette « connaissance » de Dieu n’est pas une connaissance livresque.
La question, nous dit Jean, c’est de recevoir ce même pouvoir qu’avait Jésus « de devenir enfant de Dieu ». Être, comme Jésus un enfant que Dieu est en train d’engendrer, d’enfanter, un enfant qui est encore dans le sein du Père. Jean écrit son évangile pour cela. Comme il le dit aussi dans la conclusion de son Évangile (Jean 20:30-31) :
Ces choses ont été écrites, nous dit Jean,
afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom.
Avec un verbe croire qui signifie « faire confiance », suggérant une espérance et non un savoir sur le Christ. C’est pour cela que nous sommes ici ce matin, les uns avec les autres, la Bible au milieu et notre effort d’interprétation personnelle, et notre prière. Pour que chacun puisse ainsi s’ouvrir à un engendrement. Et la bonne religion pour vous, la bonne façon de prier, la bonne paroisse, la bonne fréquence pour aller au culte… ce sera celle que vous sentirez vous permettre de devenir, grâce à Dieu, un petit peu meilleur, dans le sens de la bonté et de la fidélité. Sans cela, ce n’est pas la peine.
Personne n’a jamais vu Dieu, mais nous pouvons le « connaître » de deux façons, nous dit Jean :
- Directement, en expérimentant Dieu comme source d’engendrement de notre être.
- Et nous pouvons entrer dans cette communauté d’interprètes de ce que Christ révèle du Père, le Christ en train d’être engendré.
Et ces deux sources se complètent et se nourrissent mutuellement. Amen.
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Lecture de la Bible
Jean 1:1-18
1 Au commencement était la Parole,
et la Parole était à Dieu,
et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Toutes choses ont été faites par elle,
et rien de ce qui a été fait
n’a été fait sans elle.
4 En elle était la vie,
et la vie était la lumière des hommes.
5 La lumière luit dans les ténèbres,
et les ténèbres ne l’ont pas reçue.
6 Il y eut un homme envoyé de Dieu:
son nom était Jean.
7 Il vint pour servir de témoin,
pour rendre témoignage à la lumière,
afin que tous aient confiance par lui.
8 Il n’était pas la lumière, mais il parut
pour rendre témoignage à la lumière.
9 Cette lumière était la véritable lumière,
qui, en venant dans le monde,
éclaire tout homme.
10 Elle était dans le monde,
et le monde a été fait par elle,
et le monde ne l’a pas connue.
11 Elle est venue chez les siens,
et les siens ne l’ont point reçue.
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue,
à ceux qui croient en son nom,
elle a donné le pouvoir
de devenir enfants de Dieu,
lesquels sont nés,
13 non du sang,
ni de la volonté de la chair,
ni de la volonté de l’homme,
mais de Dieu.
14 Et la parole a été faite chair,
et elle a habité parmi nous,
pleine de grâce et de vérité;
et nous avons contemplé sa gloire,
une gloire comme la gloire du Fils unique
venu du Père.
15 Jean lui a rendu témoignage,
et s’est écrié : C’est celui dont j’ai dit :
Celui qui vient après moi m’a précédé,
car il était avant moi.
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude,
et grâce pour grâce.
17 Car la loi a été donnée par Moïse,
la grâce et la vérité
sont venues par Jésus-Christ.
18 Personne n'a jamais vu Dieu.
Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l'a fait connaître.
Jean 20:30-31
Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d’autres miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre.
31 Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. |
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