Cours d'instruction religieuse (1944-1946)
Pasteur André-Numa Bertrand
Oratoire du Louvre
Deuxième 2ème année
II -La vie divine dans les âmes
Chapitre I - Les sources de la vie divine
Pourquoi l'homme est-il religieux
? Pourquoi ne s'enferme-t-il pas dans les préoccupations
purement matérielles ou intellectuelles, mais cherche-t-il
au-dessus de lui la raison d'être de son existence et de celle
du monde ? Pourquoi croit-il en Dieu ?
Cette question, que nous allons étudier dans ce chapitre,
ne doit pas être posée ainsi : Peut-on démontrer
l'existence de Dieu ?. La religion a été une rencontre
avec Dieu avant d'être une réflexion sur Dieu ; celui-ci
a été cherché, trouvé et adoré,
avant que son existence ait été démontrée.
Nous cherchons ici ce qui a fait de l'homme un être religieux.
1- Le besoin religieux
La place que la préoccupation religieuse occupe dans l'histoire
humaine prouve que ce besoin est profondément ancré
dans le cur de l'homme. « Mon âme a soif de
Dieu » chantait le Psalmiste. Cette soif est très
vivante en certaines âmes ; dans d'autres elle se réduit
à un désir assez vague, dans d'autres enfin elle
semble éteinte. Il faut donc voir si le besoin qu'elle
révèle n'est qu'une illusion ou s'il est vraiment
essentiel à l'homme.
a) Le besoin religieux naît d'abord d'une impression de
faiblesse et de solitude qui nous saisit devant le monde. Sommes-nous
seuls dans un univers aveugle et sourd ? ou le monde est-il gouverné
par une pensée, une volonté que nous pouvons rejoindre
?
Nous avons le sentiment qu'un monde gouverné par Dieu
serait plus compréhensible à notre esprit et plus
rassurant pour notre cur qu'un monde purement mécanique.
La forme la plus simple du besoin religieux, c'est le désir
de trouver derrière le monde une Pensée à
laquelle il obéit.
b) D'autre part, l'homme se trouve dépaysé dans
un monde qui ne lui donne pas ce qu'il ne peut s'empêcher
de chercher : le bonheur, le bien, l'idéal. A certains
égards, il se sent supérieur à ce monde dans
lequel il se voit si faible ; il le juge et le condamne, il cherche
au dessus de lui, en Dieu, le but véritable de sa vie,
de son action.
Le vrai besoin religieux est le besoin de donner à notre
vie et à nous-mêmes une loi en un Maître plus
puissant que le monde et surtout plus juste.
c) Mais la forme la plus haute du besoin religieux, c'est le
besoin du salut. Dès le moment où nous savons qu'il
y a une loi de notre vie, nous constatons que nous ne pouvons
pas la réaliser. Elle exige que nous soyons ce que nous
ne sommes pas. Une vie nouvelle doit naître en nous, et
nous ne pouvons pas créer une vie autre que celle que nous
avons reçue ; créer est l'acte d'un Dieu. Y a-t-il
donc un Dieu qui puisse nous sauver de nous-mêmes et de
notre misère ?
Telle est la vraie question religieuse. J'ai besoin de quelqu'un
qui m'apporte une vie plus haute ; Dieu peut-Il et veut-Il être
celui-là ?
C'est à cette question que nous allons chercher une réponse,
en étudiant ce que le monde, ce que notre cur, ce
que Jésus-Christ ont à nous dire au sujet de Dieu.
Psaume 42, 2-12 Mon âme soupire après Toi
Psaume 63, 2- 9 Mon âme a soif de Toi
Genèse 28, 10-22 Dieu était là...
Psaume 25, -14 Mon âme Te cherche
Psaume 14, 1- 7 Un monde sans Dieu
Psaume 27, 1- 5 Dieu est ma lumière
Psaume 23 Dieu, mon berger
2- Le Mystère du monde
On entend souvent dire « L'origine du monde est un mystère
qui ne s'explique que par l'existence d'un Dieu qui a tout créé
; il est clair que Dieu existe, car le monde doit avoir un auteur
».
Ce raisonnement n'est pas faux, mais il est un peu sommaire
et ne donne à l'idée de Dieu un sens religieux que
si on ajoute
a) quelques remarques sur le mystère,
b) quelques considérations sur le monde que l'on prétend
expliquer.
a) Les adversaires de l'idée de Dieu disent en effet
que celle-ci est peu à peu rendue inutile par les progrès
de la connaissance. Tant qu'on ne connaît pas la cause réelle
d'un fait, on le trouve mystérieux et on l'attribue à
l'action de Dieu ; puis une fois que la science l'a expliqué,
il n'y a plus de mystère et on ne parle plus de Dieu. Ainsi
chaque jour la science fait reculer le mystère, et Dieu
par la même occasion.
Cette vue est radicalement fausse. Plus nous connaissons le
monde, plus nous découvrons en lui de mystères ;
la science ne nous place pas devant un univers simple où
tout est compréhensible ; chaque problème qu'elle
résout soulève d'autres questions plus complexes
; la découverte de l'électricité, par exemple,
a expliqué un certain nombre de phénomènes,
mais elle a ouvert devant nous un monde nouveau, plein de mystère
et d'inconnu. L'idée que nous nous faisons du monde est
beaucoup moins simple que celle que s'en faisaient les anciens,
et l'appel à une pensée directrice y est plus nécessaire
encore.
b) Nous trouvons en effet dans le monde de l'ordre, et un ordre
que nous pouvons comprendre et deviner. Nous sommes donc autorisés
à penser qu'il y a à l'origine du monde une pensée,
et une pensée à laquelle la nôtre est apparentée,
puisque nous pouvons la comprendre.
Nous trouvons en outre dans le monde la vie, mystère
bien plus merveilleux encore que l'ordre, et d'autant plus troublant
que chacun de nous la porte en lui-même. Le monde de la
vie nous apparaît comme une seconde création superposée
à la première, et nous sommes autorisés à
penser que la réalité qui est à l'origine
du monde porte en elle le secret de la vie comme celui de l'ordre.
Enfin nous trouvons dans le monde l'esprit. C'est là
le suprême mystère : Que l'homme ait la faculté
de penser, de raisonner, et aussi d'aimer, d'espérer, de
craindre, de croire, voilà qui nous donne une idée
incomparable de la réalité dont il est issu.
Le spectacle du monde est donc, pour qui sait le comprendre,
la révélation d'une réalité mystérieuse,
raison d'être des choses et de nous-mêmes, qui ne
peut avoir introduit dans le monde l'ordre, la vie et l'esprit,
que si elle est elle-même Ordre, Vie et Esprit.
Genèse, 1, 1-25 Dieu créateur du monde
Genèse 1,26 à 2,3 Dieu créateur de
l'homme
Job 38, 1-25 Dieu ordonnateur du monde
Psaume 96, 1-8 & 11-15 Dieu maître du monde
Actes 17, 22-31 La vie est en Lui
Psaume 139, 1-12 Dieu connaît nos curs
Jean 4, 19-26 Dieu est Esprit
3- Le Mystère de l'Homme
Nous avons trouvé dans le monde l'ordre, la vie et la
pensée ; mais il suffit de regarder en nous-même
pour y trouver la vie de l'esprit sous des formes bien plus caractéristiques
que la pensée elle-même.
a) ll y a d'abord en nous le mystère du Devoir, plus
profond que celui de la raison. L'homme sent en lui une force
qui le domine et qui n'est pas lui, puisqu'il cherche à
lui échapper. Cette forme lui impose une volonté
à laquelle il lui est toujours possible de désobéir,
mais qu'il est contraint de respecter, d'honorer et d'approuver
même alors qu'il n'y souscrit pas. C'est la force du devoir.
Nous appelons Dieu cette volonté qui nous commande.
b) Plus haut que le devoir, il y a l'Idéal. Le devoir
est une consigne et nous ne pouvons pas enfermer toute notre vie
intérieure dans un certain nombre de défenses. Il
y a des beautés morales qu'aucune règle n'impose,
qui sont comme la poésie de la vie spirituelle, et que
nous ne pouvons pas ne pas rechercher : l'amour, le sacrifice,
et d'un mot l'Idéal.
On s'est souvent étonné de voir l'homme poursuivre
un idéal qui, par sa nature, échappe à ses
atteintes. Pourquoi ne se contente-t-il pas du devoir qui est
une chose nette et précise ? On s'est moqué du caractère
insatiable de l'âme humaine. mais précisément
l'homme est fait pour l'infini et rien de ce qui est fini ou imparfait
ne peut le contenir. Il a soif de perfection.
Ici Dieu nous apparaît comme une beauté qui nous
attire.
c) Enfin nous trouvons en nous le sens de l'adoration ou tout
simplement le sentiment religieux. L'homme n'est satisfait ni
par la sécheresse du devoir, ni par le vague d'un idéal
qui recule à mesure qu'on s'en approche ; il lui faut une
perfection réalisée, vivante, et trouvant sa puissance
dans sa perfection même. L'homme cherche au-dessus de lui
une Personne, un Dieu qui explique la voix intérieure du
devoir et l'attrait souverain de l'idéal, qui explique
surtout le sens de l'adoration que nous portons en nous-mêmes.
Tout le monde ne connaît pas l'adoration ; mais tout le
monde connaît un sentiment qui en est très voisin
et qui peut nous aider à comprendre sa nature ; c'est l'admiration,
c'est-à-dire la joie désintéressée
de se sentir dominé et dépassé, de trouver
devant nous quelque chose et quelqu'un qui nous fasse sentir,
en même temps que notre infériorité, la possibilité
d'y échapper.
Dieu nous apparaît, de ce point de vue, comme la sainteté
qui nous humilie et en même temps nous relève.
d) Ainsi l'homme porte en lui-même un triple mystère
; mais c'est un mystère lumineux ; et l'on comprend que
l'homme trouve son repos et sa paix dans la connaissance d'un
Dieu qui commande, qui inspire, et qui, malgré sa sainteté,
n'est pas loin de notre misère.
Psaume 119, 1-34 Dieu, auteur de la Loi
Romains 1, 18-25 Quand on abandonne Dieu
Proverbes 1, 7-35 Détournez-vous des niaiseries
Proverbes 3, 1-19 La sagesse est précieuse
Job 28, 1-16 La sagesse est en Dieu
Psaume 119, 97-176 Dieu, but de la vie
Jean 4, 5-15 Dieu seul désaltère l'âme
4- Le Mystère de Dieu (Le problème du Mal)
Nous avons vu que la vision autour de nous de ce qui est, et
plus encore la vision en nous de ce qui doit être, nous
conduisent l'une et l'autre, vers l'idée d'une Pensée
et d'une Volonté qui porte en soi la raison d'être
du monde et le but de notre vie. C'est cette personne que nous
appelons DIEU.
a) Cela aussi est un mystère, qui résume tous
les autres, et devant lequel notre pensée s'arrête,
impuissante. Nous comprenons que cette affirmation de Dieu est
nécessaire, mais en même temps nous éprouvons
que cette idée nous dépasse infiniment et déborde
les capacités de notre esprit.
Cependant ce Dieu mystérieux nous apporte un apaisement
; nous ne sommes pas livrés au hasard ; le monde a un sens,
notre vie a un but ; nous trouvons une certaine sécurité
à penser que nous ne vivons pas dans le royaume du hasard,
mais dans la maison de l'Esprit.
b) Seulement, aussitôt que nous voulons aller plus loin,
nous sommes arrêtés par une difficulté redoutable
: l'idée de Dieu nous vient à la fois de la nature
(ce qui est) et de la conscience (ce qui doit être) ; mais
la nature et la conscience ne parlent pas le même langage.
Dans la nature nous voyons que Dieu a institué des lois
impitoyables, qui n'ont aucun égard à la valeur
morale des êtres et des choses ; notre conscience réclame
au contraire, un Dieu qui donne à chacun ce qui lui est
dû. Le monde nous donne le spectacle d'un ordre admirable
du point de vue matériel, mais d'un désordre effroyable
au point de vue moral. L'idée que nous pouvons nous faire
de Dieu d'après ce qui arrive ne satisfait pas notre conscience,
et le Dieu que réclame notre conscience paraît sans
pouvoir sur le monde.
Voilà le plus troublant de tous les mystères ;
c'est ce qu'on appelle le problème du mal ; si Dieu règne,
pourquoi y a-t-il tant de mal dans le monde ? .
c) Ce problème est le plus grave que puisse se poser
un chrétien. Beaucoup d'esprits sincères s'écartent
du christianisme parce qu'ils ne parviennent pas à comprendre
comment un monde comme le nôtre peut être l'uvre
de Dieu, que les Psaumes - et Jésus lui-même - nous
présentent comme veillant sur nous avec bonté.
« Si Dieu est bon, Il n'est pas tout puissant ; s'Il est
tout-puissant, Il n'est pas bon. ». Cette formule, qu'on
lance volontiers contre une certaine piété, ne va
pas au fond des choses ; mais tous les raisonnements qu'on pourra
lui opposer n'effaceront jamais le scandale de la souffrance imméritée.
Ce qu'il faut chercher, ce n'est pas une réponse à
une attaque habile, c'est une forme de piété qui
domine d'assez haut ce terrible problème.
Psaume 1, 1 6 Le juste est toujours heureux
Psaume 73, 2-22 Le méchant est toujours puni
Job 5, 6-27 La souffrance voulue de Dieu
Job 9, 2-24 Dieu est-il indifférent ?
Ézéchiel 18, 22-32 L'homme qui ne comprend
pas
Psaume 34, 12-19 Dieu protège les justes
Psaume 22, 1-12 La plainte du malheureux
Les lectures de cette semaine expriment les idées imparfaites
des croyants de l'Ancien Testament et leur trouble devant les
problèmes du mal, avant que Jésus nous eût
révélé la signification véritable
de la souffrance.
5- Le Dieu de Jésus-Christ
Essayons de voir si la conception de Dieu sur laquelle est fondée
la piété de Jésus-Christ ne nous permettrait
pas d'échapper aux difficultés soulevées
par le problème du mal.
a) Jésus constate comme nous l'indifférence des
lois de la nature ; il sait bien que Dieu fait lever son soleil
pour les méchants comme pour les bons ; mais au lieu d'y
voir un scandale, il y voit une marque de la bonté de Dieu
qui traite tous ses enfants de la même manière. Il
ne veut pas d'un Dieu partial qui ne ferait pleuvoir que sur les
champs du juste.
Il repousse résolument la vieille idée israélite
que les malheurs sont toujours des châtiments. Par là,
il libère l'âme devant la souffrance d'autrui et
donne libre cours à la pitié (voir page19).
b) La volonté de Dieu à l'égard des hommes
est toujours bonne, mais elle n'est pas seule à s'exercer
dans le monde ; parce qu'une chose arrive, cela ne prouve pas
qu'elle est voulue de Dieu ; bien des malheurs au contraire arrivent
parce que le hommes ne respectent pas la volonté de Dieu.
Jésus ne dit pas comme le Psalmiste « Dieu règne
» ; il nous apprend à prier : « Que ton règne
arrive », car il sait qu'actuellement la volonté
de Dieu ne se fait pas sur la terre comme au ciel. Les hommes
ont introduit dans le monde des germes de désordre, en
sorte que le spectacle du monde ne nous donne pas, par lui-même,
une idée exacte de Dieu.
c) La religion de Jésus ne sera donc pas une adoration
de la nature, mais un appel de la conscience en Dieu qui aura
le dernier mot. Elle nous invite à rétablir dans
le monde la volonté de Dieu, c'est-à-dire l'ordre,
l'harmonie et l'amour ; et elle nous promet que le Maître
du monde travaillera avec nous si nous savons travailler avec
lui.
Le Chrétien est le disciple du Juste crucifié
; il ne s'étonne donc pas qu'il y ait de l'injustice dans
le monde ; mais il se dresse contre cette injustice au nom de
Dieu par qui seul, elle pourra être vaincue.
d) La piété n'est pas pour Jésus un moyen
d'expliquer la douleur, de savoir d'où elle vient ; elle
est plutôt un moyen de savoir où elle nous conduit
et ce que Dieu attend de nous dans notre souffrance.
Le christianisme n'est pas une religion de résignation
à tout ce qui arrive, comme si tout événement
nous révélait forcément la volonté
de Dieu ; c'est une religion de foi, de travail de conquête
spirituelle, tournée vers l'avenir. Elle ne dissipe pas
tous les mystères et ne nous donne pas une formule pour
reconnaître si un événement de notre vie exprime
ou non la volonté de Dieu ; mais elle nous aide à
comprendre et à situer un monde où nous avons pour
mission d'établir le règne de notre Père.
Job 39, 36 à 42, 6 Le mystère qui nous dépasse
Matthieu 5, 33-48 Sur les bons comme sur les méchants
Jean 9, 1- 7 « Pourquoi est-il aveugle ? »
Jean 9, 24-39 « Maintenant, je vois »
Luc 3, 33-49 La suprême injustice
Jean 14, 1-11 Ayez confiance
Jean 3, 6-21 L'amour, secret du monde
6- Le Mystère du Christ
La vie intérieure de Jésus nous a mis en présence
d'une piété pour laquelle le problème du
mal ne se pose pas et qui domine les contradictions que notre
pensée ne peut résoudre. Mais nous jugerions bien
superficiellement les choses si nous pensions que par là
tout est éclairci.
La Personne du Christ nous place au contraire en présence
d'une série de problèmes qui, par leur profondeur
même, ont exercé sur les âmes un attrait incomparable
et les ont courbées devant ce que l'apôtre Paul appelle
« le Mystère du Christ ».
a) La vie et la mort de Jésus ont définitivement
ruiné dans les esprits l'idée que tout ce qui arrive
est juste, parce que tout est conforme à la volonté
du Dieu saint. Le problème posé par le gouvernement
du monde est moins simple que cela. Et cependant, jamais la foi
en la justice de Dieu ne s'est aussi puissamment imposée
à nous que depuis la crucifixion du Juste ; jamais la foi
en la présence de Dieu à nos côtés
n'a été affirmée avec autant de force que
par la victime du Calvaire.
b) Ce qu'il y a de paradoxal et de mystérieux dans ce
fait s'accentue encore lorsqu'on voit ce que Jésus a promis
à ses disciples et quels résultats il a obtenus.
Le but de la vie, pour l'homme que guide son instinct, c'est le
bonheur ; pour Jésus, le but de la vie c'est le service
de Dieu. Donner sa vie est peu de choses, si par là on
s'assure qu'elle ne sera pas une vie perdue, mais une vie sauvée.
L'homme n'est pas sur la terre pour chercher le bonheur, mais
pour donner à sa personne la plus haute valeur possible
en servant Dieu et les hommes. Les « heureux » c'est-à-dire
ceux qui réalisent leur véritable destinée,
ce sont les pauvres, les purs, les pacifiques, les persécutés,
etc...
c) Il serait incompréhensible que cette prédication
ait conquis le monde, si ceux qui ont suivi Jésus n'avaient
vu en lui qu'un prédicateur admirable, assez convaincu
pour rester fidèle à ses idées jusqu'à
la mort. Mais malgré le désordre du monde, ils ont
vu en Jésus la preuve que la création de Dieu avait
un but ; que le monde n'était pas un monde manqué,
puisqu'on pouvait y trouver une âme capable de porter en
soi une pareille grandeur et de la faire naître chez les
autres.
Ils ont vu dans la personne, la vie, la mort, le triomphe du
Christ, la preuve que Dieu Lui-même s'était engagé
dans cette aventure tragique qui s'appelle l'histoire, et qu'Il
voulait la conduire à son terme.
d) Ceux qui ont vu en Jésus-Christ « un Dieu qui
souffre et qui meurt » ont employé une expression
qui peut paraître étrange et incompréhensible
; mais la vérité qu'ils ont voulu exprimer demeure
éternelle : que dans la souffrance et la mort du Juste,
il y a une puissance de Dieu pour le salut du monde.
La justice de Dieu n'est pas une chose toute faite qu'il établit
par sa propre volonté, à la manière des lois
naturelles ; c'est le but sublime qu'Il a assigné à
sa création et vers lequel Il la conduit Lui-même
à travers la douleur et le mystère, par le chemin
que trace sur notre terre la souffrance de ceux qui savent «
donner leur vie pour la sauver ».
Matthieu 5, 3-10 Le vrai bonheur
Luc 1, 68-79 Le premier cantique à sa gloire
Marc 11, 7-33 L'autorité mystérieuse de Jésus
Marc 10, 35-45 La « gloire » offerte par Jésus
II Corinth. 11, 23-32 La « richesse » offerte
par Jésus
Jean 1, 1-18 Le Christ, principe de vie
Coloss. 1, 15-23 La divinité du Christ
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Chapitre II - Les étapes de la vie divine
Au point de départ de
la vie divine, il y a l'appel de Dieu que tout homme trouve dans
son cur comme une aspiration souvent confuse et indistincte,
mais qui a pris une forme précise dans la conscience des
grands croyants et qui a trouvé dans la personne de Jésus
son incarnation définitive.
Par quelles étapes l'homme qui veut répondre à
cet appel va-t-il s'acheminer vers la vie divine ? C'est ce que
nous allons examiner maintenant.
1- La Repentance
Le premier pas de l'homme dans la vie spirituelle, c'est la repentance,
c'est-à-dire le jugement de ses torts envers Dieu et la
résolution de revenir à Lui.
a) Pour un homme qui vit sans respect pour les lois de Dieu
et sans souci de le servir, la repentance est une condamnation
radicale de toute sa vie qui est une vie perdue, un amer regret
de son passé sans valeur, une décision de s'adonner
désormais à une vie meilleure.
Beaucoup de grands croyants (saint Augustin, Pascal, etc...)
sont ainsi entrés dans la vie chrétienne par une
repentance qui a été une véritable métamorphose.
b) L'homme qui a toujours essayé de répondre à
l'appel de son Dieu, connaît aussi la repentance, car il
lui arrive de se laisser entraîner par ses mauvais penchants.
Se repentir d'une faute, c'est d'abord reconnaître sincèrement
sa faute, ne rien faire pour tromper les autres ni pour nous tromper
nous-mêmes sur notre valeur morale ; c'est ensuite la regretter,
en éprouver une honte véritable ; c'est enfin prendre
la décision de ne pas laisser se renouveler pareille défaillance.
c) Mais le chrétien qui compare sa vie quotidienne à
celle que Dieu attend de lui, ne condamne pas seulement certaines
fautes particulières ; il sait que son existence toute
entière et sa personne même ne sont pas ce qu'elles
devraient être. Il se sent pécheur, c'est-à-dire
infidèle à l'appel qu'il a reçu et indigne
d'être aimé de Dieu tant qu'il n'aura pas ouvert
son cur et reconnu sa misère.
La repentance est alors un retour à une attitude plus
filiale envers Dieu, à une vie mieux consacrée à
son service.
C'est ainsi que Jésus a compris le péché
et la repentance ; il nous les a représentés dans
la Parabole de l'Enfant Prodigue, non comme une désobéissance
et un regret, mais comme un éloignement et un retour.
d) Ce qui fait la valeur unique de la repentance, c'est qu'elle
est un acte de sincérité, un effort pour nous voir
tels que Dieu nous voit. Par là elle est le premier acte
de la vie religieuse, la condition même de la prière,
de l'appel à Dieu et à son pardon.
Ainsi à la base de tout, il y a la repentance, et quand
on va au fond de la repentance, on trouve la sincérité,
en dehors de laquelle l'homme ne peut avoir de contact avec Dieu.
Psaume 51, 3-14 « Aie pitié de moi »
Psaume 32, 1- 7 L'aveu donne la paix
Matth. 3, 1-11 Repentez-vous
Jérém. 13,15-25 Ceux qui ne veulent pas se
repentir
Sophonie 1, 6-18 Le tremblement des pécheurs devant
Dieu
Rom. 9, 14-24 Qui me délivrera de moi-même?
Luc 16, 11-24 Mon Père, je ne suis pas digne
2- La Foi
La repentance ne peut être pour nous le point de départ
d'une vie nouvelle que si cet accent de sincérité
est le témoignage de la confiance avec laquelle nous acceptons
le jugement de Dieu sur notre vie et sur notre personne. C'est
pourquoi Jésus a toujours lié le salut (l'entrée
dans la vie divine) à deux conditions inséparables,
la repentance et la foi.
a) La foi est l'acte de confiance par lequel l'homme ouvre son
cur à Dieu et s'en remet à Lui de prononcer
sur son passé et sur son avenir ; elle n'est complète
que lorsque l'homme s'abandonne tout entier et livre le fond même
de sa personne.
« Ta foi t'a sauvé » dit Jésus aux
malades et aux pécheurs ; car l'homme ne peut être
sauvé (renouvelé et introduit dans la vie divine)
que par un mouvement de son cur.
b) On voit que la foi n'est pas seulement l'affirmation de certaines
idées ou doctrines ; l'homme qui se confie en Dieu accepte
les décisions qui sont conformes à sa volonté,
aussi bien que les affirmations conformes à sa vérité
; affirmer que Dieu existe, ce n'est pas encore avoir foi en Dieu.
Certaines idées sont indispensables à la naissance
de la foi ; elles ne sont pas l'objet de la foi. L'objet de la
foi est toujours une Personne en qui on se confie.
c) Les Églises ont souvent abusé de cette idée
que la foi est un abandon de soi-même consenti dans une
confiance absolue, pour demander à leurs fidèles
d'abdiquer entre leurs mains et de leur remettre aveuglément
le soin de leur pensée et de leur vie religieuse.
Mais la foi n'est pas la crédulité, la facilité
à croire ce qu'enseigne votre Église ; il n'y a
rien de plus réfléchi et de moins crédule
que la foi. S'abandonner entre les mains de Dieu, c'est descendre
en soi-même assez profondément pour y rencontrer
le mystère qui domine et protège notre vie intérieure
; se remettre entre les mains des hommes, c'est sortir de soi-même,
appauvrir sa vie spirituelle et renoncer à en assurer la
direction. C'est s'éloigner de Dieu en s'éloignant
de soi-même. Il n'y a donc aucune analogie entre l'acte
de foi et l'abdication de sa liberté spirituelle. d) Ainsi
la foi est simple dans son principe ; mais elle fait naître
en nous toute une floraison de forces spirituelles ; la joie,
la paix, la reconnaissance, l'amour, etc... Elle est la forme
la plus riche de la vie chrétienne, l'attitude inspirée
à l'âme par une confiance absolue en son Dieu.
I Rois 2, 1-10 Une mort dans la foi
I Rois 19, 1- 8 Une foi qui défaille et qui se relève
Marc 7, 24-30 Une foi obstinée
Philip. 1, 12-20 Une foi qui accepte tout
Philip. 3, 12 à 4,1 Une foi qui va de l'avant
Hébreux 11, 1-3 & 32-40 Les victoires de la foi
Romains 8, 31-39 Plus que vainqueurs!
3- La Foi en Jésus-Christ
La piété chrétienne a ceci de particulier
qu'elle associe indissolublement dans sa foi, Dieu à Jésus-Christ,
et les questions posées par le rapport qui existe entre
l'un et l'autre ont toujours occupé une large place dans
la pensée chrétienne.
a) Notons simplement ici que ce mot de « foi » peut
être légitimement employé pour désigner
notre attitude envers Jésus-Christ. Elle exprime la plénitude
et l'intégrité de la confiance que nous avons en
Lui. Avoir foi en Jésus-Christ, c'est croire à la
vérité de sa parole, à l'excellence de ses
directions spirituelles, à la réalité des
espérances qu'il nous offre, à la fécondité
de l'idéal qu'il nous propose.
La véritable preuve de cette confiance, c'est l'obéissance
à ses commandements « Vous êtes mes disciples,
si vous faites ce que je vous commande ».
b) Les sentiments du chrétien envers son Maître
pourraient s'exprimer dans les termes les plus divers ; nous pourrions
parler de notre admiration, de notre reconnaissance, de notre
amour, etc... Si nous préférons parler de notre
foi, c'est pour marquer le caractère religieux du lien
qui nous unit à Jésus-Christ. Tous les termes dont
nous pourrions user pour d'autres que Lui, nous paraissent insuffisants,
si beaux et si vrais qu'ils soient.
Les chrétiens ont donc employé des termes tels
que Maître, Seigneur, Sauveur, qui expriment leur attitude
devant Jésus, la place qu'Il a prise dans leurs curs
et le rôle qu'Il joue dans leur vie. Il est essentiel de
savoir quelles expériences les grands chrétiens
et particulièrement les Apôtres ont mises sous ces
mots, et de leur donner nous-mêmes dans notre vie tout le
sens qu'ils comportent.
c) En dehors de ces titres, il y en a d'autres, comme ceux de
Fils de l'Homme ou de Fils de Dieu par lesquels nous essayons
de dire non seulement ce que Jésus est pour nous, mais
ce qu'Il est aux yeux de Dieu. Il est évident que dans
ce domaine, nous ne pouvons jamais exprimer qu'une part de la
réalité et dire comment Jésus nous apparaît
dans ses rapports avec Dieu.
La personne de Jésus est trop haute, trop belle et trop
grande, pour que nous puissions la comprendre tout entière
; il y a en Lui quelque chose qui dépasse l'humanité
et nous met en contact avec Dieu ; c'est ce qu'on a exprimé
en l'appelant Fils de Dieu ; et en même temps il y a en
Lui quelque chose de si profondément humain que nous le
sentons très près de nous, c'est pourquoi on l'a
appelé Fils de l'Homme.
d) Nous pouvons dire en conclusion qu'en Jésus nous trouvons
la véritable nature de l'homme, non tel qu'il est mais
tel qu'il devrait être selon la volonté de Dieu.
En même temps nous trouvons en Lui tout ce que notre esprit
peut connaître de Dieu, sa sainteté, son amour. Nous
ne parlerions pas de notre foi en Lui, si nous n'avions été
dominés par sa Personne et éveillés par Lui
à une vie nouvelle, si nous n'avions pas éprouvé
ainsi qu'Il participe à l'action créatrice de Dieu.
Chaque chrétien doit exprimer cette foi par les mots qui
lui paraissent les plus conformes à l'expérience
des croyants à travers les siècles et ses propres
expériences.
Marc 5, 21-34 « Ta foi t'a sauvée »
Marc 5, 35-43 « Ne crains point, crois seulement »
Jean 5, 1-11 Un croyant
Marc 8, 27-33 « Tu es le Christ »
Jean 10,1-6 & 11 « Je suis le bon berger »
Jean 4, 31-42 Pourquoi on croit en Lui
Éphés. 3, 13-20 « Je fléchis
les genoux »
4- La Discipline Morale
La foi du chrétien crée spontanément en
lui le désir d'une vie supérieure ; elle lui donne
le goût du contact avec Dieu, en sorte que le fruit naturel
de la foi est une vie conforme à la volonté de Dieu,
à ce que le Nouveau Testament appelle « la justice
» et nos contemporains « la vie morale ».
L'opinion courante est sévère pour les hommes
qui se disent chrétiens et ne savent pas imposer à
leur vie de chaque jour la simple discipline de la vie morale
; on pense généralement qu'une foi sans fruits n'est
pas une foi sincère. Cela ne mérite pas d'être
appelé une foi ; ce n'est rien du tout.
a) Le chrétien n'a pas besoin qu'on lui demande d'observer
la discipline morale ; il l'accepte joyeusement, parce que c'est
la volonté d'un Dieu qu'il aime. La loi de Dieu n'est pas
pour lui une servitude, elle est ce que l'épître
de Jacques appelait « la loi de la liberté »,
c'est-à-dire la conséquence naturelle et joyeuse
de notre consécration à Dieu et de notre amour pour
Lui. L'Évangile rejoint ainsi la morale ; il obtient de
nous les mêmes actes ; mais ceux-ci sont inspirés
par d'autres sentiments ; le chrétien n'est pas un homme
qui obéit, c'est un homme qui aime ; il n'exécute
pas une consigne, il suit un idéal dont la beauté
l'a séduit.
b) Alors, comment se fait-il que Jésus se déclare
plus exigeant en fait de justice (de moralité). que les
scribes et les pharisiens ? Ce n'est pas qu'il nous impose une
loi plus compliquée ; c'est qu'il veut pénétrer
au-delà des actes jusqu'aux sentiments. Il ne veut pas
que nous dominions seulement nos mauvais penchants, mais que nous
les supprimions. Il ne condamne pas seulement la violence, mais
la haine et la colère. Une morale qui réglerait
nos actes sans changer nos curs ne saurait le satisfaire.
Cette distinction entre la moralité des actes et la pureté
du cur nous permet de fixer les limites d'une morale sans
religion. La loi peut me demander de contenir mon impatience ;
Dieu seul peut changer mon cur, si je l'ouvre à son
action par la foi. Un homme trouvera toujours raisonnable que
vous lui demandiez de bien régler sa conduite ; il trouvera
absurde et impossible que vous lui demandiez de changer son cur,
si Dieu n'est pas là pour l'aider. Une morale profonde
est nécessairement une morale religieuse.
c) Ce caractère intime et profond de la morale de Jésus
ne doit pas nous faire croire qu'elle ne dépasse pas la
discipline de la vie personnelle et qu'elle ignore les problèmes
de la vie sociale. La préoccupation de Jésus est
au contraire de créer entre les hommes des rapports normaux,
elle est donc essentiellement sociale.
Seulement Jésus sait que la source de la vie est dans
le cur de l'homme ; il sait qu'on a rien fait aussi longtemps
qu'on n'a pas changé les curs ; il sait aussi que
le chrétien doit combattre tout ce qui empêche le
développement de la vie intérieure. Non seulement
il tirera les conséquences pratiques de sa foi, dans tous
les domaines, mais il combattra tout ce qui fait peser sur l'homme
la domination brutale des choses : paupérisme, alcoolisme,
etc...
Ainsi la discipline morale n'apparaît plus comme une contrainte,
mais comme l'effort par lequel l'homme s'efforce de se mettre
lui-même et de mettre le monde au service du Dieu auquel
il a voué sa foi.
Matthieu 5, 17-24 Mieux que les scribes
Jacques 2, 14-24 Les uvres de la foi
Jacques 1, 19-27 La piété pratique
Éphés. 4, 25 à 5, 2 Imitateurs de Dieu
Romains 12, 9-21 Un programme
Philip. 1, 27 à 2, 4 Digne de l' Évangile
I Pier. 3, 8-17 Ayez une bonne conscience
5- L'Amour Chrétien
a) L'idéal chrétien est celui d'un monde fondé
sur l'amour ; et la forme la plus haute de la discipline morale
qu'un chrétien puisse poursuivre est celle qui consiste
à vaincre son égoïsme et à aimer ses
frères.
Ce qui montre que cet idéal est bien celui qu'il faut
opposer à notre misère, c'est qu'en remontant à
la racine de nos vices, nous y trouvons toujours l'égoïsme.
Vaincre cet égoïsme, aimer les hommes, renoncer à
soi-même, s'oublier soi-même, autant d'expressions
qui désignent, avec des nuances diverses, l'uvre
que le chrétien est appelé à poursuivre.
b) L'idée chrétienne d'un monde fondé sur
l'amour se heurte à l'objection de ceux qui pensent que
le monde ne peut et ne doit être fondé que sur la
justice, car la justice est, dit-on, une chose fixe, toujours
égale, tandis que l'amour est variable et capricieux. Les
relations entre les hommes ne peuvent être réglées
que par la justice.
Il y a là une double confusion : d'abord il ne s'agit
pas de supprimer la justice au nom de l'amour ; il s'agit de l'éclairer,
de la vivifier par la générosité du cur.
L'amour suppose la justice ; avant de donner aux hommes quelque
chose de ce qui est à nous, il faut naturellement commencer
par leur donner ou leur laisser ce qui est à eux. Mais
précisément une société où
chacun serait âprement occupé à poursuivre
ses droits propres ne pourrait pas subsister. Ensuite il n'est
pas vrai que la justice soit plus fixe que l'amour ; les hommes
ont des idées différentes sur la justice ; ils savent
tous ce que c'est que l'amour. Il ne s'agit pas de substituer
le caprice à la règle ; il s'agit de bâtir
sa vie sur cette force à la fois souple et une qu'est l'amour.
c) Ici nous trouvons pour notre propre compte ce principe d'héroïsme
que nous avons rencontré dans la piété de
Jésus.
L'Évangile est merveilleusement simple, c'est-à-dire
facile à comprendre ; cela ne signifie pas que la vie chrétienne
soit facile à réaliser. C'est précisément
parce qu'elle offre un idéal difficile qu'elle est capable
d'enthousiasmer les curs.
On dit parfois que l'idée du renoncement est contraire
à la nature de l'homme. Le renoncement à notre égoïsme
(qui n'est pas le renoncement à la vie, qui en est même
le contraire) est en réalité la réalisation
de notre vraie nature. Mais il est contraire à la nature
égoïste et artificielle que nous nous sommes faits.
En ce sens, il y a quelque chose d'héroïque qui est
fait pour attirer les âmes nobles, bien plus qu'une morale
facile.
Et d'ailleurs un joug que l'on porte avec amour est toujours
léger, et le chrétien a toujours devant lui, lorsqu'il
s'agit de renoncer à quelques-uns de ses droits ou de ses
biens, l'exemple de Celui qui a renoncé au plus élémentaire
de tous les droits, le droit de vivre, et qui en donnant sa vie
par amour pour les hommes, a créé le plus grand
courant d'héroïsme que l'humanité ait connu.
I Cor. 13, 1-13 L'amour ne passera jamais
I Jean 3, 1-11 Aimons-nous les uns les autres
I Jean 3, 13-24 Que notre amour soit pratique
Luc 10, 30-37 L'amour en action
Philém. 1, 4-20 L'amour engendre la bonté
Rom. 14, 1-13 L'amour engendre la largeur d'esprit
Marc 12, 41-44 L'amour engendre le sacrifice
6- La Conversion
On désigne souvent par le mot de conversion l'entrée
dans une Église ou le passage d'une Église dans
une autre ; c'est là sa signification la plus superficielle.
En réalité, la conversion véritable est l'ensemble
des changements par lesquels nous nous tournons vers Dieu.
a) La question fondamentale de la vie est en effet de savoir
vers qui on est orienté, où l'on va, quel but on
a donné à sa vie. Est-ce que je vis pour moi ou
pour les autres ? Voilà la question qui me juge et qui
fixe ma véritable valeur. Un homme doit avoir un but dans
la vie, et la valeur de sa vie dépend de la valeur de ce
but et de la fidélité avec laquelle il est poursuivi.
Et qu'on ne dise pas ; c'est une question sans importance, que
bien des hommes ne pensent pas à se poser. Il est certain
que le plus grand nombre de nos contemporains ne se pose pas clairement
la question ; mais dans la pratique, tout le monde est bien obligé
de lui donner une réponse par sa conduite. Un égoïste
ne dit peut-être pas : « je ne vis que pour moi seul
» ; mais il le fait ; et c'est là sa réponse
à la question concernant l'orientation de sa vie.
b) La conversion n'est pas nécessairement un changement
brusque ; c'est souvent un lent développement régulier,
et il ne faut pas appliquer sans réflexion à des
hommes qui ont été élevés dans un
milieu chrétien ce que saint Paul, par exemple, écrivait
à des païens qui avaient tout à changer dans
leur vie. Mais il vient toujours une heure où l'homme se
rend compte des changements que l'Évangile a produits dans
sa vie et de ceux qu'il doit y apporter encore ; c'est l'heure
de sa « seconde naissance », non pas celle du corps
mais celle de l'esprit.
c) La conversion crée en effet dans la vie de l'homme
un changement si profond que Jésus l'appelle « une
nouvelle naissance », c'est-à-dire la naissance en
nous d'un homme nouveau, d'une personnalité nouvelle.
Y a-t-il donc tant de différences entre les chrétiens
et ceux qui ne le sont pas ? entre ceux qui sont passés
par la conversion et ceux qui l'ignorent ? Le plus souvent, on
dit que les chrétiens sont « des hommes comme les
autres ». Assurément, le fait d'entrer dans une Église
chrétienne ne nous change pas automatiquement ; mais celui
qui a décidé de marcher sous la direction de Jésus
donne par là une valeur à sa vie bien plus haute.
En même temps qu'il prend conscience de sa faiblesse personnelle,
ce qui le garde de l'orgueil, il prend aussi conscience de la
beauté du but qui est offert à sa vie et il se garde
ainsi de la médiocrité.
d) L'éducation religieuse a précisément
pour but d'attirer l'attention des jeunes gens sur cette orientation
nouvelle à donner à leur vie, et sur l'importance
qu'elle présente pour ceux qui ne veulent pas se résigner
d'avance à la médiocrité spirituelle.
Genèse 32, 22-30 Conversion de Jacob
Luc 19, 1-10 Conversion de Zachée
Actes 29, 9-20 Conversion de saint Paul
Actes 16, 25-34 Conversion du geôlier de Philippe
Jean 3, 1-10 Naître de nouveau
II Cor. 5, 14-19 Devenir un homme nouveau
Éphés. 4, 17-24 Revêtir l'homme nouveau
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Chapitre III - Les instruments de la vie divine
Pour assurer dans son cur le développement de la
vie divine, le chrétien dispose de ressources diverses
; tantôt il s'appuie sur les institutions et les traditions
que l'Évangile a engendrées, tantôt il met
en uvre ses propres forces intérieures, tantôt
il accueille une initiative de Dieu à son égard.
1- L Église
La réalisation de notre idéal religieux étant
liée à la prédication de Jésus-Christ,
il faut d'abord que nous soyons mis en rapport avec lui. Ce rôle
appartient à l'Église.
a) L'Église est la suite des générations
chrétiennes qui nous rattachent à Jésus-Christ.
Si l'Évangile n'était qu'un enseignement, il suffirait
d'un livre pour le transmettre et nous n'aurions pas besoin de
l'Église. Mais l'Évangile est une puissance de vie,
le christianisme est une forme de vie, et il faut que cette vie
soit transmise par des âmes vivantes.
L'Église est la série ininterrompue des âmes
chrétiennes qui ont transmis la vie divine de Jésus
à nous.
b) L'Église constitue, pour chaque génération,
le milieu dans lequel la vie chrétienne se développe
et se reproduit.
Ce résultat ne s'obtient pas seulement par la prédication
et l'enseignement mais aussi par l'organisation du ministère,
de la vie religieuse, et de l'effort social.
L'Église reçoit l'homme dès sa naissance
par le baptême ; elle collabore à son éducation,
elle consacre sa maturité spirituelle en l'unissant à
Jésus-Christ par la communion, elle bénit son foyer,
elle sanctifie ses deuils. Ainsi elle s'efforce de faire des membres
de l'Église un seul corps, et de les unir entre eux en
les unissant à Jésus-Christ.
Mais elle doit aussi s'efforcer de créer autour d'elle
le milieu social le mieux fait pour aider au développement
de la vie spirituelle, et enlever du chemin où marchent
les hommes tout ce qui peut les éloigner de Dieu : la corruption,
la misère, la guerre, l'isolement, etc...
c) Que devons-nous penser des Églises particulières
entre lesquelles se partagent la chrétienté ? Il
faut éviter de croire, soit qu'elles sont radicalement
mauvaises sauf la nôtre, soit qu'elles se valent toutes.
En toutes, il y a quelque chose de l'Évangile, mais toutes
ne sont pas également fidèles. Il faut être
ni sectaire, ni indifférent.
Nos Églises protestantes ne sont pas parfaites ; mais
telles qu'elles sont elles constituent d'admirables champs de
travail. Aucun autre milieu n'offre autant de possibilités
pour le développement de la vie spirituelle.
La qualité essentielle de l'Église protestante
est de ne vouloir d'autre Maître que Jésus-Christ,
d'autre enseignement que l'Évangile, d'autre autorité
que Dieu et sa parole. Les Églises perdraient toute leur
valeur si elles oubliaient que Dieu est plus grand qu'elles, et
qu'il y a partout des curs croyants, sauvés par son
amour.
Actes 20, 17-35 Le ministère dans l'Église
I Cor. 12, 4-21 L'unité organique dans l'Église
Rom. 12, 1-8 Diversité des dons dans l'Église
I Cor. 1, 10-17 Nécessité de l'union dans
l'Église
Éphés. 4, 1-7 &11-15 Unité du corps
du Christ
I Cor. 8, 5-13 Dieu seul compte
Luc 14, .5-21 Tous invités
2- Le Culte public
Toutes les Églises ont institué des cultes publics,
c'est-à-dire qu'elles ont fixé des moments où
elles invitent leurs fidèles à se réunir
pour chercher dans l'expression commune de leurs sentime
nts religieux, un moyen de les fortifier et de les approfondir.
a) N'y a-t-il donc pas entre les sentiments des nombreuses personnes
qui se réunissent dans un même temple, une telle
diversité qu'il est impossible de les réunir toutes
dans un même culte, et de les associer aux mêmes pensées
?
Assurément le culte public ne peut à lui seul
répondre à tous les besoins de tous les fidèles
; mais il y a cependant à toute piété chrétienne
un fond commun, sans lequel la propagation du christianisme serait
incompréhensible. La soif de Dieu, la repentance, la foi
sont des sentiments qui se retrouvent à la base de toute
piété chrétienne.
b) Le culte public a d'abord pour but de donner plus de force
à nos sentiments par le fait qu'ils sont éprouvés
en commun et exprimés, par exemple dans les chants, d'une
manière collective.
Il a pour but aussi de rapprocher les membres de l'Église
et de développer entre eux la fraternité et la communion
d'esprit, par l'expression de leurs sentiments chrétiens.
Enfin il doit être l'école du culte privé.
Pour cela il faut que nous prenions l'habitude d'aller au culte,
non seulement pour écouter ce qu'on voudra bien nous dire,
mais avec le désir d'y apporter nous-mêmes notre
collaboration active. Il ne faut pas seulement apporter au culte
une âme ouverte à ce que dit le pasteur, mais surtout
une âme ouverte à ce que Dieu veut nous dire, et
capable d'entendre les voies intérieures.
c) A côté de cet élément d'adoration,
qui est le plus important, le culte protestant contient, dans
la prédication, les directions essentielles nécessaires
à l'approfondissement de notre piété personnelle.
Notre culte a l'avantage d'être clair, accessible à
tous, et surtout d'être biblique. On lui a souvent reproché,
peut-être sans assez de réflexion, d'être froid,
trop austère. Comme dans tous les cultes possibles, ce
qu'on y trouve dépend surtout des dispositions qu'on y
apporte. On reproche avec plus de raison au culte protestant d'être
trop intellectuel. Il risque par là de donner une importance
exagérée au prédicateur.
Du reste, les impressions varient d'un fidèle à
l'autre, et chacun doit s'efforcer de se faire une idée
du culte qu'il désire d'après ses propres besoins
spirituels et non d'après les préjugés souvent
sans fondement.
Luc 4, 16-30 Le culte à Nazareth
Ésaïe 1, 10-17 Le culte que Dieu aime
Psaume 84, 1-15 L'amour du sanctuaire
Ésaïe 53, 7-16 Beauté de la prédication
Jérém. 5, 16-21 La prédication, avertissement
de Dieu
Jacques 2, 1- 9 La fraternité dans le culte
Psaume 150 Chantez!
Ézéch. 3, 6-21 Avertis-les!
3- La Bible
Le rôle de la Bible dans l'histoire du monde chrétien
et particulièrement dans les Églises de la Réforme,
est absolument unique ; aucun livre religieux ne saurait le remplacer
non seulement parce qu'elle est le seul document que nous ayons
sur la personne de Jésus, mais parce qu'elle exprime les
expériences religieuses les plus profondes du Sauveur,
de ses précurseurs et de ses disciples. Elle est à
la fois le témoin et l'organe de son influence sur les
âmes.
a) Nous avons vu que l'Église était l'organe de
transmission de la vie chrétienne ; la Bible est l'organe
de contrôle de cette vie. Parmi les formes multiples que
revêt à travers les siècles et dans les peuples
divers, la vie issue de Jésus-Christ, la Bible permet de
reconnaître quelles sont celles qui sont conformes à
l'esprit des origines, et d'assurer ainsi la permanence du type
primitif de la vie spirituelle, telle que Jésus l'a voulue.
C'est ce qu'on appelle son autorité. Cette autorité
n'appartient pas à la lettre de la Bible, mais à
l'Esprit de Jésus-Christ, qui s'exprime par elle. La seule
autorité pour nous, c'est Jésus-Christ ; et si nous
parlons de l'autorité de la Bible, c'est parce qu'elle
nous met en contact avec le Sauveur. L'autorité n'appartient
jamais à un texte, mais toujours à une personne.
b) L'idée que la Bible fait autorité amène
beaucoup de chrétiens à la considérer comme
un recueil de paroles destinées à mettre fin aux
discussions entre chrétiens, en leur imposant les solutions
révélées par Dieu lui-même. L'autorité
de la Bible s'exerce dans un domaine plus profond, et se manifeste
par sa fécondité. Nous ne pensons pas qu'il suffise
qu'une phrase soit tirée de la Bible pour que la pensée
qu'elle exprime s'impose à notre esprit. Mais lorsque nous
nous plaçons loyalement en face de la Bible et de l'idéal
religieux qui s'y trouve exprimé, nous devons reconnaître
la supériorité de cet idéal et par conséquent
accepter que son influence s'exerce sur nous. Nous ne lisons pas
la Bible pour y chercher des vérités abstraites,
mais pour nous rapprocher de Dieu et de Jésus-Christ et
apprendre à leur rester fidèles. La Bible nous révèle
son autorité par l'influence qu'elle exerce sur notre vie.
c) Cette autorité de la Bible vient de ce qu'on appelle
son inspiration. Nous sentons dans ses pages quelque chose de
plus qu'humain ; elle ne nous apparaît pas comme le livre
d'une race ou d'une époque, mais comme le livre de l'humanité.
C'est qu'elle est le Livre de Dieu, car les hommes qui l'ont écrites
étaient remplis de son Esprit, fidèles à
sa Parole, et tout entiers orientés vers Lui. Tandis que
chez les meilleurs d'entre nous, les préoccupations personnelles
ou égoïstes se font jour sans cesse, ils ont apporté
dans leur vie entière une telle soumission à l'Esprit
qui les inspirait, que l'on trouve sans peine à travers
les inexpériences de la parole humaine, la Parole de Dieu
qui retentissait dans leur cur.
Cette inspiration n'est pas toujours égale à elle-même
; mais elle se révèle aux curs droits par
une évidence joyeuse et convaincante que Calvin appelait
« le Témoignage intérieur du Saint-Esprit
».
Genèse 4, 2-16 Le premier crime
Genèse 24,34-54 Une idylle près des sources
I Samu. 7, 31-37 & 42-51 L'héroïsme juvénile
Job 13, 3-12 Le poème du désespoir
Marc 4, 21-34 Les paraboles du Seigneur
Marc 10, 46-52 Une guérison
Apoc. 5, 1-14 Une vision grandiose
La Bible ne contient que fort peu de paroles relatives à
sa propre autorité ou à sa propre valeur. Nous donnons
ici l'indication de quelques lectures montrant la diversité
des récits qu'elle renferme.
4- La Prière (1)
La prière est une des grandes forces spirituelles de l'humanité
; la plus grande parce qu'elle est à la fois la plus haute
et la plus simple. Elle exprime ce qu'il y a de plus instinctif
dans l'âme des tout-petits, comme ce qu'il y a de plus sublime
dans l'âme de Jésus.
Quelle que soit la forme dans laquelle elle s'exprime, elle
est toujours l'attente d'une âme qui cherche son Dieu et
veut rejoindre sa volonté.
a) La forme la plus naturelle de la prière, c'est la
demande. A l'éveil de la vie religieuse, elle fut d'abord
le cri instinctif de la peur ou de l'intérêt, et
il ne faut pas avoir honte de ce caractère intéressé
de la prière à son origine ; il faut seulement la
purifier et l'embellir dans l'esprit où l'a fait Jésus
lui-même.
Pour le chrétien aussi, la prière est un refuge
; mais à l'angoisse devant les forces matérielles
du monde, se substitue l'angoisse devant les grands problèmes
et devant les périls de la vie religieuse. La peur peut
être noble si c'est la peur de manquer à son devoir.
Enfin le chrétien peut purifier sa prière de tout
égoïsme en l'élargissant, en priant pour dissiper
non son angoisse propre, mais l'angoisse du monde, comme Jésus
le fait dans les trois premières demandes du Notre Père.
b) La demande prend le nom d'intercession lorsqu'elle s'adresse
à Dieu en faveur de personnes autres que celle qui prie.
Intercéder auprès de Dieu pour ceux que nous aimons
est chose naturelle ; même si nous ne demandons pas pour
eux une chose précise, nous parlons d'eux à Dieu,
nous les plaçons sous sa garde et nous les lui confions.
Tandis que l'âme qui prie semble souvent trouver en elle-même
la paix qu'elle reçoit, l'exaucement de la prière
d'intercession apparaît nécessairement comme un don
de Dieu, dont la fidélité répond à
notre appel ; et c'est un magnifique privilège de pouvoir
tout demander pour ceux à qui nous ne pouvons peut-être
rien donner.
c) On se demande souvent quels sont les biens pour lesquels
un chrétien a le droit de prier, et c'est en effet une
question qu'on ne peut éviter de se poser. On a dit parfois
: il faut prier seulement pour les biens spirituels car les biens
matériels ne sont pas dignes d'être demandés
à Dieu. C'est là une conception très noble,
mais un peu étroite.
Si la prière est l'état d'une âme qui s'ouvre
à Dieu, il n'est pas permis de lui interdire ainsi certains
domaines ; le croyant doit prier pour ce qu'il a dans le cur,
et montrer à Dieu son âme telle qu'elle est, ou bien
il finira par tomber dans l'hypocrisie. Le chrétien doit
seulement veiller à ne rien garder dans le cur qu'il
ne puisse faire passer dans sa prière.
C'est notre prière qui doit purifier notre cur,
et non pas notre réflexion qui doit purifier artificiellement
notre prière.
Il n'est pas possible de dresser une liste des prières
permises et des prières interdites au chrétien,
sans aboutir à des choses inhumaines. La même prière
qui est choquante pour un homme peut être légitime
et même nécessaire sur les lèvres d'un autre.
La seule règle que l'on puisse donner est celle-ci : «
Dis à ton Dieu tout ce que tu as dans le cur ; mais
prends garde de ne conserver dans ton cur que des pensées
dignes d'être portées devant Dieu ».
Luc 1, 45-55 Un cantique qui est une prière
Matth. 6, 5-10 Vous donc, priez ainsi
Psaume 31, 10-19 En toi je me confie
I Rois 8, 23-40 Que tes yeux soient sur nous
I Rois 8, 41-51 Exauce et pardonne
Lament. 3, 19-58 Attendre en silence
Psaume 124, 1-5 Notre aide est au nom de Dieu
5- La Prière (2)
Nous avons envisagé jusqu'à présent la prière
comme une demande ; essayons maintenant de voir ses autres formes
et d'en dire les caractères généraux. On
peut ainsi préciser divers aspects de la prière
; la prière n'exprime pas toujours devant Dieu nos besoins,
mais parfois simplement nos pensées.
a) La prière d'adoration, dans laquelle le croyant se
borne à exprimer le sentiment que lui inspire la puissance,
la sagesse ou la bonté de Dieu. Certains psaumes sont d'admirables
exemples de cette forme de la prière, qui n'est souvent
qu'une méditation trop ardente pour rester silencieuse.
La prière n'a pas pour but d'imposer à Dieu notre
volonté, mais de nous mettre en état d'accepter
et de réaliser la sienne ; il est donc naturel qu'elle
se repose dans la contemplation des perfections adorables de Dieu.
Plus que tout autre, cette prière doit être d'une
sincérité absolue et ne rien contenir qui dépasse
l'expression spontanée de nos sentiments, et ressemble
à un artifice littéraire.
b) La prière d'humiliation, qui est la contrepartie de
la prière d'adoration. Au lieu d'exalter Dieu, l'homme
s'abaisse lui-même ; ainsi dans les deux cas, il marque
la distance infinie entre Dieu et lui. Jésus en fait le
type de la prière qui justifie (le Pharisien et le Péager).
Ici encore, il faut prendre garde que ce que nous disons de notre
misère corresponde bien à un sentiment réel
et sincère de nos fautes, de nos torts envers Dieu.
c) La prière d'action de grâces ou de remerciements,
par laquelle le croyant exprime à Dieu sa reconnaissance
pour les bienfaits qu'il a reçu de Lui. Cette prière
correspond à un sentiment trop naturel pour qu'il soit
nécessaire de l'expliquer. On peut se demander quels sont
les biens pour lesquels on doit remercier Dieu ; ce sont tous
ceux dont nous avons le droit de penser en toute conscience qu'ils
viennent de Lui. Cependant, il ne faut pas oublier que nos bonheurs
sont souvent des privilèges et il faut en remercier Dieu
de telle sorte que ceux qui en sont privés puissent entendre
notre prière sans en être froissés. Il y a
des remerciements qu'on pourrait traduire ainsi : « Mon
Dieu, je te remercie de ce que ce sont les autres qui souffrent
et pas moi ». Une telle prière n'a pas de sens dans
le cur d'un chrétien.
d) Enfin il est permis de se demander si la prière est,
comme on l'a dit souvent, un devoir. Ce mot ne paraît pas
heureusement choisi. Un devoir est une chose qu'il faut faire,
même si elle vous ennuie ; la prière n'existe vraiment
que dans la joie, la spontanéité, la liberté.
C'est plutôt un privilège, et le plus glorieux de
tous. Ce qui est un devoir, ce n'est pas de prier à tel
moment de la journée si notre cur ne nous y porte
pas ; c'est de cultiver en soi l'esprit de prière, de prendre
l'habitude de chercher Dieu, de considérer comme le signe
d'une vie religieuse insuffisante et d'une âme sans élan
les heures de sécheresse où notre cur ne ressent
pas le besoin de trouver Dieu et de lui parler. D'ailleurs la
prière ne prend pas toujours la forme d'une parole précise
et articulée ; elle n'est parfois qu'un soupir, une larme
; tout effort de l'âme pour rencontrer Dieu est une prière
et mérite d'être recherché.
Psaume 104, 1-10 Adoration
Psaume 145, 5-15 Louange
Néhémie 9,32-37 Humiliation
Luc 18, 8-14 La prière qui justifie
Psaume 103, 1-14 Mon âme, bénis lÉternel
I Tim. 2, 1- 8 Invitation à la prière
Psaume 116, 1-15 Action de grâces
6- L' Esprit de Dieu
Si la prière est un entretien de l'âme avec Dieu,
il est naturel qu'après la demande de l'homme, nous envisagions
la réponse de Dieu. Pour le chrétien qui a fait
de la prière «la respiration de son âme»,
la réalité de cette réponse ne fait aucun
doute ; l'exaucement de la prière est une expérience
triomphale qui domine sa vie intérieure, et il lui paraîtrait
ridicule d'avoir à démontrer ou même à
légitimer sa foi. Elle est liée à tout ce
qu'il sait de l'amour de Dieu pour lui. Le Père ne laisse
pas tomber dans le silence l'appel de son enfant.
a) A ceux qui n'ont pas cette certitude intérieure, n'avons-nous
rien à dire pour éviter qu'ils nous croient victimes
d'une illusion, comme si ceux qui écoutent Dieu n'entendaient
en réalité que l'écho de leur propre voix
?
Remarquons d'abord que si la réponse que nous croyons
recevoir à nos prières est une simple illusion,
tout homme qui prie est dans l'erreur et ce sont les hommes qui
ne prient pas qui sont dans la vérité. Il est donc
à prévoir que ceux qui vivent dans l'erreur auront
moins de force, de paix et de joie que les autres, puisque leur
vie est fondée sur une illusion. Or c'est le contraire
qui se produit.
Il est d'ailleurs absurde de penser que c'est nous-mêmes
qui nous donnons ce que nous demandons, dans nos prières,
alors que nous prions précisément parce que nous
n'avons pu le trouver en nous-mêmes.
b) Cependant lorsque nous demandons à Dieu une chose
précise, devons-nous croire qu'il nous la donnera certainement
?
Dieu sait mieux que nous ce qui est bon, et lorsque nous prions
il faut toujours le faire comme Jésus, en ajoutant : «
Que ta volonté soit faite et non la mienne ». Notre
rôle n'est pas de commander mais d'obéir. Il faut
donc nous attendre à ce que Dieu réponde souvent
à nos prières en nous donnant autre chose que ce
que nous lui demandons ; et il faut laisser notre âme ouverte
à d'autres réponses que celle que nous désirons
et demandons.
c) Mais comment se fait-il que l'abîme qui nous sépare
de Dieu n'empêche pas notre prière d'avoir un écho
dans son cur ?
C'est que la prière n'est pas une initiative de l'homme.
ce n'est pas nous qui avons eu l'idée de nous tourner vers
Lui, c'est Dieu qui a mis dans nos curs l'instinct de la
prière et nous invite ainsi à nous tourner vers
Lui. Ce que nous appelons notre demande est déjà
une réponse à l'appel de notre Dieu.
Dieu n'est pas seulement dans la réponse ; il est déjà
dans la prière ; c'est son Esprit qui nous
pousse vers Lui. Il n'est pas étonnant que la prière
aille jusqu'à Dieu, puisqu'elle vient de Lui.
Nous retrouvons la grande pensée qui est au fond de l'Évangile,
que ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est Lui qui
nous a aimé le premier.
Psaume 107, 1- 9 Délivrés de la faim
Psaume 107, 10-22 Délivrés des ténèbres
Psaume 107, 32-42 Délivrés de la tempête
Marc 14, 32-43 Ta volonté, non la mienne
II Cor. 12, 1-10 Ma grâce te suffit
Ésaïe 55, 6-11 Dieu n'exauce pas en vain
Romains 8, 26-30 L'Esprit soupire en nous
7- La Communion avec Jésus-Christ
Le mot de communion que nous employons pour désigner le
lien qui nous unit à Jésus, indique d'emblée
qu'il ne s'agit pas pour nous de copier ses actes, mais de nous
approprier le principe même de sa vie. « Porter en
nous la vie divine qui s'est manifestée dans la personne
de Jésus », nous avons toujours dit que c'était
là ce qui faisait de nous des chrétiens. Il est
donc inutile de souligner davantage que nous sommes ici au centre
même de la vie chrétienne, et que nous devons retrouver
dans la communion avec Jésus-Christ ses éléments
fondamentaux, l'amour, la foi et l'espérance.
a) La première chose qui frappe dans la personne de Jésus,
c'est la puissance d'amour que révèlent sa vie et
sa mort ; et il est impossible que cet amour n'éveille
pas chez le chrétien un amour semblable.
Cet amour qui s'éveille en présence de la vie
et surtout du sacrifice de Jésus est ce qui peut nous incliner
le plus fortement à faire effort pour lui ressembler. Aucun
commandement, aucune exhortation, ne pénétrerait
à la même profondeur dans nos âmes.
b) Dans cet amour, il y a déjà de la foi, c'est-à-dire
une confiance absolue dans l'excellence et la fécondité
des directions spirituelles de Jésus. Chercher à
faire de la vie de Jésus notre vie, c'est s'abandonner
entièrement à son influence, c'est reconnaître
que rien ne peut venir de son cur qui ne soit excellent
pour le nôtre.
Une telle attitude n'est possible que si derrière l'influence
de Jésus, nous reconnaissons l'influence de Dieu lui-même.
Cette identité de la volonté de Jésus et
de la volonté de Dieu, que nous avons trouvée à
la base de la piété de Jésus, a été
exprimée de bien des manières par les penseurs chrétiens.
Le fond de toutes ces formules, c'est qu'en faisant de la vie
de Jésus, le principe de notre vie nouvelle, nous ne recevons
pas seulement en nous la plus belle des forces humaines, mais
la force même de Dieu.
c) Nous comprenons maintenant ce que saint Paul voulait dire
lorsqu'il appelait Jésus « Christ notre espérance
».
Lorsqu'on réfléchit, on se rend compte en effet
que la communion entre Jésus et nous, n'est possible que
si nous considérons Jésus comme une personnalité
encore capable d'agir, s'il est pour nous non un mort mais un
vivant. La communion est le signe à la fois de la mort
et de la résurrection du Sauveur. C'est au nom de son corps
rompu et de son sang répandu qu'il nous invite à
le suivre ; cela signifie que son sacrifice a été
un des moyens les plus efficaces de créer entre Lui et
nous une communion intime de nos âmes, en sorte que sa mort
même est le moyen décisif dont il se sert pour faire
naître en nous une vie semblable à la sienne. Comme
les premiers disciples, c'est en rompant le pain avec Lui que
nous reconnaîtrons que le Seigneur est vivant.
Ces hautes vérités sont représentées
dans l'Église chrétienne dans la cérémonie
de la Sainte-Cène (le Saint Repas), dans laquelle nous
retrouvons avec l'émotion des souvenirs chrétiens
les plus précieux, trois sentiments fondamentaux de la
vie chrétienne : l'amour, la foi et l'espérance.
Luc 22, 7-20 Faîtes ceci en mémoire de Moi
Jean 5, 16-21 Il donne la vie
Luc 10, 38-42 Aux pieds de Jésus
Marc 10, 13-16 Ceux dont le cur Lui est ouvert
Rom. 6, 1-14 Mourir et vivre avec Lui
Marc 6, 30-44 Donnez-leur vous-même à manger
Jean 6, 25-35 Donne-nous de ce pain là
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Chapitre IV - Les privilèges de la vie divine
Jésus apportait aux
hommes « la Bonne Nouvelle » : Dieu les aime et veut
les ramener à Lui ; même s'ils se sont égarés
loin de la maison paternelle, ils peuvent, comme l'Enfant Prodigue,
y revenir et retrouver leurs privilèges d'enfants de Dieu
; ils peuvent être sauvés.
Tout l'ensemble de la pensée chrétienne est dominée
par la question du salut. Qu'est-il ? Comment nous est-il assuré
? Dans quel rapport est-il avec la vie, la mort, la résurrection
de Celui que nous appelons « Notre Sauveur » ? Telles
sont les pensées qui se posent de siècle en siècle
devant l'Église.
1- Quest-ce que le Salut ?
La plupart des chrétiens se représentent le salut
comme la conséquence d'un jugement favorable porté
sur nous par Dieu au terme de notre vie. Tout homme doit comparaître
devant Dieu pour être justifié ou condamné,
à l'entrée de la vie mystérieuse qui sera
pour lui une vie de salut ou de perdition.
Cette idée n'est pas entièrement fausse, mais
elle est très incomplète. Le salut n'est pas une
chose que nous devrions recevoir seulement dans un autre monde
; c'est à la fois une réalité de la vie présente
et une promesse pour la vie éternelle. Être sauvé,
ce n'est pas être « acquitté » à
la fin de sa vie (ce qui nous laisserait dans le doute jusqu'à
ce jour) ; c'est être changé aujourd'hui et pour
toujours, d'une façon dont on ne peut douter ; c'est être
arraché à notre vie de pécheur pour être
introduit dans la vie d'enfant de Dieu en vue de laquelle nous
avons été créés.
Aux coupables qu'il ramène à Dieu, Jésus
dit : « Ta foi t'a sauvé, tes péchés
te sont pardonnés » : il ne dit jamais : Ta foi te
sauvera, tes péchés te seront pardonnés ;
et cependant les paraboles parlent de la croissance, semblable
à celle des plantes, par laquelle on arrive au salut.
C'est que le salut est à la fois une chose d'aujourd'hui
et une chose de demain ; l'enfant qui vient de naître le
porte en lui, mais il n'en possède pas toute la richesse
; bien des fonctions de cette vie, et des plus hautes, lui sont
d'abord refusées ; aimer, vouloir, penser ne viendront
que plus tard.
L'homme qui a senti s'éveiller en lui la vie que Jésus
donne, possède déjà le salut ; il est né
à une vie nouvelle ; ni la repentance ou la foi, ni le
culte ou la prière, ne sont pour lui ce qu'ils étaient
autrefois ; Dieu, le monde et la vie ont pour lui un sens nouveau.
Seulement ce changement a des prolongements infinis ; le pécheur
entré dans le salut ne le possède pas encore dans
sa plénitude ; il l'aura seulement lorsqu'il sera parvenu
« à la stature du Christ », ambition qui dépasse
nos possibilités pour la vie présente. L'idée
du salut ouvre donc des perspectives sur la vie éternelle
; il n'est pas limité aux horizons terrestres, il est nécessairement
éternel comme le jugement de Dieu. Seulement ce n'est pas
à notre mort ou au jugement dernier, que Dieu le prononcera
sur nous, c'est à chaque heure de notre vie, et le salut
n'est pas autre chose que la vie avec Dieu, pour le temps et pour
l'éternité.
Ésaïe 40,1 8 Promesse de salut
Éphés. 2, 1-10 La Miséricorde de Dieu
Luc 7, 36-50 Va en paix
Luc 15, 1-10 A la recherche des perdus
Luc 19, 1-10 Le salut, aujourd'hui
Luc 13,23-30 Le jugement
Luc 9, 23-27 Sauver sa vie
2- L'uvre de notre Salut
L'Évangile n'est pas seulement une promesse, il est aussi
une invitation : « Venez à Moi ! » Dieu offre
aux hommes le salut ; les uns l'acceptent, les autres non. Il
y a donc deux volontés en face l'une de l'autre, celle
de Dieu et celle de l'homme, soit qu'elles s'accordent, soit qu'elles
s'opposent. Quelle est la part de chacune dans l'uvre de
notre salut ?
Peu de questions ont divisé les Églises autant
que celle-là ; et cela se comprend car l'attitude du chrétien
devant Dieu dépend forcément de la façon
dont il croit pouvoir accéder au salut.
a) Le catholique considère le salut comme la récompense
accordée à ceux qui ont obéi aux commandements
de Dieu et de l'Église. C'est donc l'homme qui est l'auteur
de son salut ; « il fait son salut » à force
de bonnes uvres propres à lui valoir des «
mérites » qui compensent et rachètent ses
péchés. C'est la doctrine du salut par les uvres
(voir page 30).
Cette conception a le tort de considérer le péché
d'une façon assez artificielle, comme « un acte qui
mérite un châtiment » ; elle considère
moins la vie profonde du chrétien que ses actes, et envisage
la justice de Dieu d'une façon toute humaine, comme une
balance entre les bonnes et les mauvaises actions. La bonté
de Dieu et la foi n'y paraissent qu'au second plan, par le fait
que Dieu veut bien attribuer les mérites du Christ à
ceux qui ont foi en Lui.
b) Pour combattre cette doctrine et pour écarter toute
idée de mérite, les Réformateurs et surtout
Calvin ont professé la doctrine de la « prédestination
», qui répond à certains aspects de la pensée
de saint Paul : Dieu a décidé de toute éternité
qui serait sauvé et qui serait réprouvé ;
et comme tous sont pécheurs et méritent la condamnation,
nous n'avons qu'à admirer sa bonté dans ceux qu'Il
sauve et sa justice dans ceux qu'Il condamne. Dans l'uvre
du salut Dieu est tout et l'homme rien.
Cette conception est de nature à donner à la vie
chrétienne un parfait désintéressement ;
puisque ses uvres bonnes sont inutiles à son salut
qui est déjà acquis, le chrétien ne s'attend
pas à être payé ; elles sont le fruit de sa
reconnaissance et de son amour. C'est ce qui fait la grandeur
de cette idée.
c) Cependant la plupart des protestants considèrent l'idée
de prédestination comme l'exagération d'une idée
juste. Ce qui est essentiel, c'est bien de sauvegarder le désintéressement
du chrétien ; mais il n'est pas nécessaire pour
cela de réduire à zéro son travail et sa
personnalité elle-même.
L'Évangile est une invitation ; ce n'est pas moi qui
m'invite, c'est Dieu et s'Il ne m'invitait pas, je resterais dans
ma misère ; le salut est la vie du Christ en nous et cette
vie ne peut venir que de Lui ; nul ne s'engendre soi-même
à la vie. Si Dieu m'offre le salut, c'est parce qu'il m'aime
et que je suis fait pour être son enfant. C'est ce qu'on
appelle la doctrine du salut par la grâce : le salut est
un don gratuit de Dieu. Mais ce don, l'homme doit se l'approprier
et en cultiver les fruits, et d'abord l'accepter, croire au pardon
qui lui est offert ; c'est pourquoi la formule évangélique
complète, c'est le salut par grâce par le moyen de
la foi. Une vieille femme convertie par la Mission disait : la foi c'est la main du cur, c'est-à-dire l'organe
par lequel il saisit le salut.
Il ne s'agit plus ici d'un châtiment ou d'une récompense
que l'on aurait mérité, mais d'un don reçu
par la foi, d'une vie nouvelle qui commence ; le péché
est l'éloignement de Dieu, l'état d'une âme
qui est déchue de sa dignité d'enfant de Dieu ;
le salut est le retour à cette filialité divine,
par la grâce de l'amour divin.
Rom. 6, 12-23 Les fruits de la vie nouvelle
Rom. 9, 14-24 La prédestination
Éphés. 4, 17-24 L'homme nouveau
Luc 17, 7-10 Sans mérites
Luc 15, 20-24 ll était perdu et il est retrouvé
Éphés. 3, 1-12 Fils adoptifs par Jésus-Christ
Coloss. 1, 3-14 Fortifiés par la puissance de Dieu
3- Jésus, notre Sauveur
Tous les chrétiens, à quelque Église qu'ils
appartiennent, s'accordent pour appeler Jésus « notre
Sauveur » ; il importe cependant qu'ils mettent sous ce
titre des idées aussi précises que possibles, tout
en respectant le mystère qui recouvre à nos yeux
l'action de Dieu et ses desseins miséricordieux à
l'égard de l'humanité.
a) Il ne suffit pas de dire que, historiquement, c'est Jésus
qui est au point de départ de ce grand mouvement de foi
en l'amour sauveur que représente le christianisme, qu'il
en est le héraut et le messager. Certainement Jésus
est l'annonciateur de l'amour divin, mais il est plus que cela,
il en est le porteur ou comme dit la Bible, l'incarnation. «
Dieu était en Christ, amenant le monde à la réconciliation
avec Lui » dit saint Paul. Il faut laisser à l'amour
que Jésus a témoigné aux hommes son caractère
magnifiquement humain, humain par la faiblesse, la souffrance
et la mort qu'il a fait peser sur le Crucifié ; mais il
faut aussi savoir qu'il n'est pas seulement l'amour humain le
plus beau que l'on puisse concevoir, qu'il est l'amour même
de Dieu venant à la rencontre d'une humanité pécheresse.
b) Lorsque l'Église affirme que nous sommes sauvés
par les souffrances et par la mort du Christ, lorsque Jésus
dit lui-même qu'il est venu pour servir et donner sa vie
en rançon, que faut-il entendre par là ?
Il est certain que la vie d'abaissement volontaire, de service
et de sacrifice qui fut celle de Jésus trouve son couronnement
sur la Croix. La mort de Jésus n'est pas un événement
fort, une sorte d'accident de l'histoire ; elle est impliquée
dans sa vocation, comme lui-même l'indique dans la parabole
des vignerons. L'amour descendant dans le royaume du péché,
sait qu'il y trouvera la souffrance et la mort ; et il l'accepte
parce que les hommes ne peuvent connaître autrement la profondeur
de leur péché et la générosité
de l'amour de Dieu.
c) Toutefois ce n'est pas la souffrance elle-même qui
nous sauve, mais l'amour dont elle est le gage et le témoin.
Quand on dit que la mort de Jésus paie le rachat de nos
fautes, il ne faut pas raisonner comme s'il nous sauvait du châtiment,
de la souffrance que nous avons méritée et qu'il
paierait Dieu pour que celui-ci ne nous le réclame pas
; il nous sauve du péché lui-même, prend sur
lui cette souffrance qui est nécessairement au point de
départ de tout relèvement et que, depuis la Crucifixion,
l'Église a toujours appelée « la mort à
nous-mêmes ».
d) Ainsi la mort de Jésus ne serait rien pour nous si
elle n'entraînait pas en nous la mort du vieil homme, comme
sa résurrection n'aurait pas de sens si elle n'éveillait
pas en nous une vie nouvelle ; comme dit saint Paul, « le
chrétien doit mourir avec Jésus-Christ et ressusciter
avec Lui » Tous les mots que l'on emploie pour exprimer
la signification de la mort du Christ : rançon, rachat,
rédemption resteront de pâles images, incapables
d'exprimer toute la richesse du sacrifice de Jésus, tant
que nous n'aurons pas éprouvé la réalité
du lien qui unit à la mort du Crucifié, notre mort
à la vie intérieure, comme à sa résurrection
la naissance en nous de la vie divine.
Ésaïe 52,13 à 53, 3 L'homme de douleur
Ésaïe 53, 4-10 Il a porté nos douleurs
Matt. 20,17-28 En rançon
Marc 12, 1-12 C'est le Fils, tuons-le
Jean 1, 24-34 L'agneau de Dieu
Éphés. 2, 11-22 Il est notre paix
Coloss. 3, 1-11 Ressuscitons avec le Christ
4- Lespérance d'outre-tombe
La vie nouvelle à laquelle le chrétien a été
éveillé par Jésus-Christ ne saurait être
considérée par celui qui la porte en lui comme limitée
aux quelques années que nous avons à vivre sur la
terre ; elle porte en elle une espérance d'éternité.
a) Mais cette espérance d'une vie après la mort
n'est-elle pas inadmissible du fait que tout exercice de la pensée
est lié au fonctionnement du cerveau ?
On entend dire : « La science démontre que la pensée
ne saurait exister sans le cerveau ». Une pareille façon
de parler n'est pas exacte. Tout ce qu'on peut dire scientifiquement,
c'est que pour des êtres organisés comme nous sommes,
il n'y a pas de manifestations de la pensée sans l'intermédiaire
du cerveau. Supprimez le cerveau, vous supprimez la manifestation
de la pensée, mais supprimez-vous son existence ? La science
n'en sait rien. Encore cela n'est-il vrai que pour des êtres
organisés comme nous le sommes et l'existence d'une vie
se déroulant dans une autre organisation n'est pas un problème
d'ordre scientifique.
b) Si la vie à venir apparaît comme possible, avons-nous
le droit de dire qu'elle est réelle ?
Il faut d'abord renoncer à certains arguments insuffisants
et même fâcheux.. Par exemple, il ne faut pas dire
que s'il n'y a pas une vie future, le devoir est une duperie ;
quand même nous mourrions tout entiers, la vérité
vaudrait toujours mieux que le mensonge.
Il faut aussi prendre garde que la plupart des arguments que
nous invoquons ne prouvent pas la réalité de la
vie future ; ils montrent seulement que cette foi particulière
est impliquée dans notre foi de chrétien. Par exemple
lorsqu'on dit qu'il doit exister ailleurs un monde juste, parce
que celui-ci est trop injuste, cela signifie seulement que si
le monde est l'uvre d'un Dieu juste, il doit comporter plus
de justice que nous n'en pouvons trouver dans le monde actuel.
De même l'idée que nos affections ne peuvent être
brisées pour jamais, n'est juste que si l'amour vient de
Dieu parce que Dieu est amour. En réalité, la foi
que nous avons en la vie future dépend de celle que nous
avons en la valeur et la dignité de la vie humaine. On
voit combien il est faux de dire que l'espérance d'une
autre vie nous détourne de celle-ci, puisque c'est dans
la mesure où nous comprenons la grandeur de la vie humaine
que nous croyons à sa prolongation après la mort.
On comprend aussi que l'espérance éternelle s'épanouisse
surtout dans les milieux chrétiens, où la valeur
de l'âme n'est pas jugée d'après nos «
vies perdues », mais d'après la victoire à
laquelle Jésus nous appelle.
c) Quelle idée peut-on se faire d'une vie au delà
de la mort ?
Il y a dans l'amour une protestation instinctive contre la mort
; l'espérance d'outre-tombe portera donc le plus souvent
sur le revoir de ceux qui se sont vraiment aimés dans la
vie présente. Pour le chrétien, l'espérance
éternelle est étroitement liée à l'idée
du salut. Les images du ciel et de l'enfer dans lesquelles se
résument souvent la pensée biblique relativement
à l'avenir ne doivent pas être prises au sens matériel.
Le ciel est l'état d'une âme à qui la vie
avec Dieu est accordée ; l'enfer est l'état d'une
âme à qui la vie avec Dieu est refusée. Encore
parait-il difficile de penser que cette séparation puisse
se prolonger éternellement et que Dieu, par les moyens
innombrables dont dispose sa puissance et son amour, ne ramène
pas à Lui les enfants prodigues dont il attend le retour.
Job 14, 1-16 Là où l'on meurt sans espérance
Job 19, 15-27 Malgré tout, j'espère
Psaume 30, 1-12 Enseigne-nous à compter nos jours
Psaume 130 (De profundis) Mon âme espère
Jean 11, 17-31 Je suis la résurrection et la vie
Jean 11, 32-44 Jésus pleure
II Cor. 4, 13-18 Regarder aux choses invisibles
5- Christ, notre Espérance
a) S'il est vrai que l'idée de la vie future s'impose
à nous par le contraste entre l'étroitesse de la
vie présente et l'ampleur de nos ambitions spirituelles,
il paraîtra naturel que la personne de Jésus et la
valeur unique de son âme devienne pour nous la grande preuve
de la destinée éternelle de l'âme humaine.
En fait, la résurrection de Jésus a été
le vrai point de départ de la foi en une vie que la mort
ne saurait détruire ; les récits qui la concernent
sont la plus haute expression de l'impossibilité pour l'âme
chrétienne de se résigner à la mort, c'est-à-dire
à la séparation de ceux qui s'aiment et à
la destruction des valeurs humaines.
Il faut donc analyser ce récit avec le plus grand soin,
en se rappelant que la distinction entre l'âme et le corps,
qui nous est si familière, était étrangère
aux disciples, et qu'ils ne parlaient pas comme nous d'une mort
apparente et partielle, mais d'une mort provisoire.
b) Nous possédons quatre récits de la Résurrection,
un dans chaque Évangile. Deux autres documents essentiels
éclairent, sinon les faits eux-mêmes, du moins leur
signification religieuse ; le premier se trouve à la fin
de l'Évangile selon saint Luc, l'autre dans la première
Épître aux Corinthiens (1 Cor. 15). Ce sont d'ailleurs
les plus anciens.
c) Le fond des quatre récits évangéliques
reste le même ; mais les détails diffèrent
suivant la distance où les écrivains se trouvent
des événements ; et l'on peut dire au sujet du tombeau
vide : autant il est certain qu'il s'est passé quelque
chose de décisif au matin de Pâques, autant il est
impossible de reconstruire ce qui s'est passé.
d) Le récit des disciples à Emmaüs, qui se
trouve à la fin de l'Évangile selon saint Luc (Ch.
34) constitue un des rares témoins de l'époque où
l'Église doutait encore de la réalité de
la résurrection et en cherchait la signification religieuse.
Dans une forme admirable de poésie et d'émotion,
ce récit affirme que tous les témoignages relatifs
au tombeau vide ne peuvent pas fonder la foi, aussi longtemps
qu'on demande simplement si on l'a vu ou si on ne l'a pas vu.
La foi s'affirme lorsqu'on renonce à voir Jésus
par les yeux du corps, mais qu'on le cherche par la communion
du cur avec Lui.
e) Saint Paul enfin nous a laissé un chapitre plein d'une
haute et pénétrante pensée, où :
1°- Il ne dit rien du tombeau vide ni des visions des femmes
; par contre il parle de la vision dont il eut lui-même
le privilège sur le chemin de Damas, dans les mêmes
termes que celles qui éclairèrent les apôtres
au matin de Pâques.
2°- L'apôtre présente des remarques profondes
sur le caractère spirituel de la résurrection, tant
en ce qui concerne Jésus qu'en ce qui nous concerne nous-mêmes.
3°- Il lie étroitement la résurrection du
Christ et celle du croyant : le sort du Christ, c'est ce que nous
espérons pour nous-mêmes ; ce que nous attendons
pour nous-mêmes, c'est ce que nous affirmons pour le Christ.
Pour lui, il est essentiel de savoir ce qui s'est passé
le jour de Pâques, puisque Christ est notre espérance
; mais il est plus essentiel encore de réaliser cette espérance
et de savoir que Christ est ressuscité dans nos curs.
Marc 15, 42 à 16,7 Le tombeau vide
Jean 20, 11-18 On a enlevé mon Seigneur
Jean 20, 19-29 Heureux ceux qui n'ont pas vu
Jean 21, 15-19 Pais mes agneaux
Luc 24, 13-35 Emmaüs
I Cor. 15, 3-13 La résurrection du Christ
I Cor. 15, 35-57 Notre résurrection (sauter 39-41
& 51-52)
6- L'espérance du Royaume de Dieu
L'espérance personnelle du chrétien pour la vie
à venir n'est pas toute l'espérance chrétienne.
Comme l'individu, le monde doit être sauvé, et un
christianisme qui ne serait qu'un christianisme d'outre-tombe
serait un christianisme incomplet.
a) Ce que nous espérons pour notre terre, c'est le royaume
de Dieu, c'est-à-dire une terre où Dieu règne,
où sa volonté se fasse comme au Ciel. Cette espérance
est si essentielle pour le chrétien qu'elle est répétée
par deux fois au centre de l'Oraison dominicale. Elle date des
Prophètes. Ce sont eux qui l'ont formulée en termes
magnifiques et nous ont proposé comme but de notre travail
sur la terre, une société dans laquelle ce ne sont
pas seulement les individus qui obéissent à la loi
de Dieu, mais aussi les collectivités : Églises,
États, classes sociales.
La question du Royaume de Dieu se pose dans la pensée
chrétienne sous la forme suivante : l'Évangile est-il
seulement le principe de la vie individuelle, ou est-il aussi
celui de la vie sociale ? Elle trouve son équivalent approximatif
dans la pensée laïque sous cette forme : la morale
ne s'impose-t-elle qu'aux individus, ou les collectivités
(États, Églises) ont-elles les mêmes devoirs
?
Nous croyons que l'Évangile a le secret, non seulement
du salut personnel, mais aussi du salut social. Nous croyons donc
au Royaume de Dieu, car si nous ne pouvons pas croire que les
individus soient voués éternellement au mal, pourquoi
le croirions-nous de l'humanité dans son ensemble ?
b) Le Royaume de Dieu étant pour l'histoire humaine un
but final, dont la réalité est subordonnée
aux desseins mystérieux de Dieu, quel doit être actuellement
le programme chrétien ?
D'abord, l'application des principes de l'Évangile à
toute la vie, tant sociale qu'individuelle. Il n'y pas pour la
vie chrétienne de terrain réservé où
elle ne doive pénétrer. Le chrétien n'a pas
deux consciences, une pour la vie individuelle, une pour la vie
sociale. Il va sans dire qu'il ne doit jamais se servir de puissances
contre lesquelles il lutte ; la fin ne justifie pas les moyens.
Nous voulons une humanité dans laquelle il n'y a plus de
haine, plus de violence, plus de mensonges ; nous ne devons donc
recourir ni au mensonge, ni à la violence, ni à
la haine.
Ensuite la réalisation d'une société où
la vie chrétienne soit possible. Il y a des milieux où
l'épanouissement d'un cur pur, l'affirmation d'une
conscience droite, sont impossibles. Le chrétien doit être
l'adversaire de tout ce qui rend impossible ou seulement plus
difficile l'éclosion de la vie chrétienne dans les
âmes.
c) La grande arme du chrétien, c'est l'amour. Jésus
n'a voulu combattre que par lui, et pour vaincre le débordement
de la haine il s'est cantonné sur le terrain du renoncement
et du sacrifice. Le chrétien doit s'inspirer du même
esprit. Cela ne veut pas dire qu'il renonce à se dresser
contre le mal, et qu'il accepte tout en courbant la tête
; cela veut dire qu'en luttant contre les ennemis de Dieu il aura
soin de ne pas se laisser envahir par la haine et perpétuer
ainsi en lui ou autour de lui les sentiments mêmes qu'il
voulait détruire. Ceux qui ont voulu prendre à la
lettre les paroles de Jésus sur le devoir de ne pas résister
au méchant se sont trompés ; l'Évangile n'est
pas un code mais un esprit, et l'amour doit être viril ;
ce n'est pas lorsqu'il refuse de les punir qu'un père aime
le mieux ses enfants. Le chrétien travaille à l'établissement
du Royaume de Dieu sur la terre en donnant dans sa vie la première
place à l'effort désintéressé et en
préparant par l'amour la création de personnalités
chrétiennes capables de travailler elles-mêmes à
l'avènement d'une société fondée sur
la justice et sur l'amour chrétien.
Deut. 6, 4-25 Une terre où Dieu régnerait
Ésaïe 5, 18-24 Ce que Dieu a en horreur
Jérém. 7, 21-28 Le royaume du mal
Jérém. 9, 23-24 Fondement du Royaume de Dieu
Ésaïe 62, 1- 9 Paix et sécurité
I Pier. 1, 10-16 La sainteté, fondement du Royaume
Apoc. 21, 22 à 22, 5 La Jérusalem céleste
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Conclusion
1- Pourquoi et comment nous sommes Religieux
Lorsque nous nous interrogeons nous-mêmes sur les raisons
que nous avons d'être religieux, nous voyons que les raisons
qui nous poussent vers la piété ne sont pas empruntées
au raisonnement, mais à notre vie morale. On peut dire
d'un mot, que c'est l'impossibilité de nous enfermer dans
une vie sans idéal.
a) L'homme ne peut pas vivre avec l'idée que sa vie n'a
pas de sens, qu'elle s'en va au hasard et que le soin de son existence
matérielle ou de ses occupations professionnelles est toute
sa vie. Nous sentons bien que notre vie est quelque chose de plus
que cela. Aussi l'homme a-t-il toujours cherché à
donner un sens à sa vie.
Mais est-il libre de lui donner le sens qui lui plaît
? L'idéal, la destinée à laquelle nous sommes
appelés, ne sont-ils que le reflet de nos fantaisies personnelles
? N'y a-t-il pas une loi de la vie, qui est en nous mais vient
de plus haut que nous ? Toute la question religieuse est là.
Un homme est religieux quand il sait que sa vie ne lui appartient
pas, et quand il vit en conséquence. L'idée du devoir
nous conduit aux portes de la vie religieuse ; l'idée de
l'idéal, de la destinée, nous y introduit pleinement,
car un idéal c'est une pensée ou une volonté
qui domine notre vie.
C'est donc à vrai dire la manifestation d'un Dieu. Dieu
pour nous n'est pas un étranger qui est à l'origine
lointaine du monde ; c'est une force qui est en nous, c'est comme
dit l'Écriture, un Esprit, une Lumière, un Amour.
C'est sous cette forme là que nous saisissons Dieu d'une
façon vivante et pratique ; nous sentons que toute notre
vie est liée à Lui, et que s'il fallait renoncer
à ce Dieu de nos âmes, il faudrait renoncer en même
temps à l'idéal, à l'idée que la vie
a un sens et à tout ce qui ouvre à notre vie des
perspectives sur l'au-delà.
b) La piété à laquelle nous aboutissons
ainsi, que sera-t-elle ?
D'abord elle sera pratique et active. Notre religion ne consiste
pas en théories sur Dieu, et encore moins en cérémonies
ou en pratiques. Elle sera une orientation de la vie, une forme
qui nous aidera à mieux vivre, à vivre comme un
homme qui sait qu'il a une destinée à remplir et
qui s'y applique. Nous ne connaissons Dieu que par le fait qu'il
nous change. Un Dieu qui nous laisserait dans notre misère
morale, nous n'aurions pas le droit de dire que nous le connaissons.
La vraie religion c'est celle qui change le cur et élève
le croyant.
Notre piété sera large, car rien de ce qui élève
l'homme ne peut le séparer de ses frères. Si la
religion est en nous quelque chose de vivant, la façon
dont nous la comprenons dépend évidemment de notre
vie et de nos expériences. Il est donc naturel que chacun
ait sa foi. Si nous ne savons pas comprendre et respecter une
religion autre que la nôtre, c'est que notre cur est
plein de nous-même et non pas de Dieu. Il n'y a rien de
plus large que l'idée de Dieu, en qui doivent se rejoindre
tous les croyants, même ceux dont la foi s'ignore ou se
cherche encore. « Dieu, dit l'Écriture, est plus
grand que notre cur ».
Enfin notre piété sera joyeuse et libre. Il n'y
a pas de religions qui écrasent l'homme devant Dieu. Elles
répondent à un certain côté de la réalité
religieuse ; mais elles en négligent l'essentiel. L'idée
de Dieu pour nous ne doit pas opprimer et rétrécir
notre vie, car Il nous appelle à collaborer avec Lui. Mais
ceci nous introduit déjà sur le terrain de l'Évangile
et du christianisme.
2- Pourquoi et comment nous sommes Chrétiens
Ce qui a entraîné le cur des hommes, ce qui
les a détachés des traditions religieuses d'ordre
inférieur dans lesquelles ils étaient enracinés,
ce qui les a éveillés à la vie de l'esprit,
c'est la personne de Jésus.
a) Si l'on étudie la prédication de Jésus
par fragments, on s'aperçoit que tout ce qu'il a dit d'essentiel
se retrouve ici ou là dans les écrits de l'Ancien
Testament ; ce qui est original, c'est la personnalité
qui s'exprime dans cette prédication et en fait l'unité
profonde.
Historiquement, le christianisme ne s'est pas constitué
autour de la parole de Jésus, mais autour de sa vie, ou
plutôt de sa personne ; il s'est présenté
tout de suite comme la religion de ceux qui prêchent Jésus,
et non de ceux qui prêchent comme Jésus.
Il est encore pour nous la piété de eux qui vivent
de Jésus et par conséquent veulent le suivre et
lui ressembler. La vie que nous portons en nous vient de Lui et
par conséquent doit être de même nature que
la sienne et nous conduire au même but.
S'il est vrai que la religion est née en nous du sentiment
qu'il existe pour l'homme une destinée morale, et qu'il
y a par conséquent un type normal de l'humanité,
on peut dire que nous sommes chrétiens parce que nous avons
reconnu dans la personne de Jésus l'image de l'humanité
fille de Dieu.
b) Quelles sont les caractéristiques de cette humanité
? ou si l'on préfère comment comprenons-nous notre
qualité de chrétien ?
· Ce qui caractérise l'humanité chrétienne,
c'est d'abord la prédominance accordée sur toutes
les autres à l'idée de sainteté ou de perfection.
Nous avons dans la vie des intérêts multiples ; le
christianisme affirme que l'intérêt spirituel, c'est-à-dire
moral ou religieux, doit primer tous les autres. Il ne faut pas
dire qu'il supprime ou condamne tous les autres, car Dieu ne veut
pas régner sur un désert, mais sur une âme
aussi riche que possible ; il faut dire qu'il les domine et même
qu'il les inspire. Il est légitime que nous fassions une
place à l'intérêt familial, national, intellectuel,
artistique, etc..., mais notre Sire Dieu premier servi.
· Le christianisme a d'ailleurs une notion particulière
de la sainteté ou de la perfection ; pour lui elle ne consiste
pas en l'obéissance, mais dans l'amour. Dieu est conçu
comme Père ou comme Sauveur, non comme législateur
seulement. Mais ces deux idées ne s'excluent pas. L'amour
domine et inspire l'obéissance, il ne la supprime pas.
Le chrétien n'est pas sous la loi mais il n'est pas non
plus « sans loi », comme dit saint Paul.
C'est sur la puissance de l'amour que compte le christianisme
pour éliminer du monde ce qui est contraire à la
sainteté ; pour lui le mal n'est pas vaincu tant que le
coupable est simplement châtié, mais seulement lorsqu'il
est relevé et sauvé.
· L'originalité du christianisme est donc de s'emparer
de toute la vie sans en rien sacrifier, mais en dominant, en inspirant
tout par la puissance pacificatrice de l'amour. Il n'est donc
pas essentiellement une Église, ni un rite, ni une croyance
; il est une conception de la vie et de la valeur relative des
choses.
Et c'est parce qu'il trouve et parce qu'il place au centre de
la vie une réalité qui a une valeur éternelle,
qu'il permet à l'humanité d'envisager une destinée
par-delà les limites de la vie terrestre.
3- Pourquoi et comment nous sommes Protestants
Être protestant ce n'est pas professer une religion particulière,
c'est être chrétien d'une certaine façon.
Nous décrirons seulement ici les principaux traits du christianisme
que nous avons trouvés dans les Églises de la Réforme
française et qui sont nos raisons de les aimer.
Nous ne prétendons pas que ces traits ne puissent se
trouver ailleurs, ni qu'ils se trouvent nécessairement
dans toutes les Églises protestantes ; nous disons seulement
qu'en fait, nous les avons trouvés dans notre Église
et que notre devoir est de travailler à les y maintenir.
a) Ce qui nous plaît d'abord dans le protestantisme, c'est
qu'il laisse la première place et même toute la place
à Jésus-Christ. Pas d'autre autorité que
la sienne, pas d'intermédiaire.
On peut dire que c'est la forme la plus chrétienne du
christianisme, ou comme on dit souvent, la plus évangélique,
la plus fidèle à l'Évangile. Cette fidélité
est le principe du protestantisme, et c'est ce qui explique la
place qu'occupe la Bible dans la pensée et la piété
protestante. La Bible est le lien permanent entre Jésus
et nous, et l'instrument d'un contrôle toujours possible
pour chaque fidèle, sur la conformité des enseignements
de l'Église et de la prédication de Jésus-Christ.
b) Le protestantisme serait donc infidèle à lui-même
et infidèle à Jésus-Christ s'il se laissait
détourner de l'esprit largement humain qui se manifeste
dans l'Évangile et dans la vie de Celui qui l'a prêché.
Ce que nous aimons dans le protestantisme authentique, c'est
qu'il est et veut être une religion qui ne nous sépare
de personne. S'il veut fonder une Église qui constitue
un milieu favorable à la vie chrétienne et un instrument
pour la prédication de l'Évangile, il ne prétend
pas enfermer le christianisme et l'Évangile dans cette
Église, et déclarer qu'en dehors d'elle il n'y a
point de salut.
Un catholique qui garde l'esprit libéral et considère
les chrétiens non-catholiques comme des égaux ne
peut le faire qu'en abandonnant les principes les plus fermes
de son Église. Un protestant manquerait au contraire à
son premier devoir, s'il ne gardait un respect fraternel pour
toutes les formes de la piété chrétienne.
Le principe libéral est aussi essentiel au protestantisme
que le principe évangélique.
c) Par une application naturelle, le protestant est conduit
à porter son attention sur des réalités plus
profondes que l'appartenance à une Église déterminée
ou l'adhésion de l'esprit à une croyance. Le protestantisme
est la religion de la vie intérieure et de l'action pratique
par laquelle celle-ci se manifeste ? « Ce qui sert en Jésus-Christ,
c'est d'être une nouvelle créature ». Tout
le reste n'a de valeur que comme moyen de stimuler ou la vie intérieure,
ou l'action pratique.
Les actes du culte, l'adhésion à l'Église,
ne sont rien s'ils ne servent pas à développer en
nous l'adoration ou la consécration. Cela seul a une valeur
devant Dieu, qui atteint à notre cur ou qui en jaillit.
Ainsi malgré tous les déficits actuels d'un protestantisme
que nous devons sans cesse travailler à améliorer,
nous sommes protestants parce que nous trouvons dans cette forme
de christianisme une religion qui nous unit à Jésus-Christ,
qui ne nous sépare de personne, et qui assigne pour but
à notre effort l'épanouissement de notre vie intérieure
et de l'action chrétienne qui en manifeste la réalité.
Réagissez sur le blog de l'Oratoire, c'est un espace où vous pouvez faire profiter les autres de vos propres réflexions...
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