Sauvez-vous de cette génération perverse !( Luc 7:18-35 ; Matthieu 12:38-45 ; Actes 2:36-47 ) (écouter l'enregistrement - culte entier) Culte du dimanche 16 mars 2014 à l'Oratoire du Louvre Sauvez-vous de cette génération perverse ! Frère et sœurs, cette radicale exhortation de l’apôtre Pierre le jour de la Pentecôte a joué, et joue encore, un rôle considérable dans l’histoire. Opposer la communauté chrétienne à la société, dont il faut se garder, oui pourquoi pas, mais en quoi, de quoi ? Car il ne nous est pas détaillé ici ce qu’est une génération perverse (tordue, dévoyée). Avec quoi faut-il rompre pour être Eglise ? C’est une question qui touche à notre vie quotidienne, à nos engagements, à des choix de société. Nous allons être sollicités pour des élections, et il est vraisemblable que, pour une part au moins, nos choix sont influencés par notre lecture biblique. Il se trouve qu’il existe dans les Evangiles 3 propos de Jésus sur sa « mauvaise génération ». Il y a le texte de Luc, avec la parabole des enfants qui ne veulent pas jouer. Et il y a aussi dans l’Evangile selon Matthieu cette génération mauvaise et adultère qui demande un signe, et il ne lui en sera pas donné d’autre que celui de Jonas. Et puis ces 8 démons qui viennent en force envahir une maison purifiée, image de ce qu’il en ira pour cette génération mauvaise. La petite parabole des enfants interpelle les chrétiens et les Eglises : ne sommes-nous pas enclins à être comme des enfants boudeurs qui refusent de jouer avec les autres enfants sur la place publique ? Ces enfants ne veulent participer à aucun jeu, et c’est inquiétant parce qu’un enfant qui ne joue pas est malade, ces enfants ne veulent participer à rien, ni au jeu de la noce, au son de la flûte, ni à celui de l’enterrement avec le chant d’un service funèbre : « Nous avons joué de la flute et vous n’avez pas dansés. Nous avons entonné des cantiques funèbres et vous ne vous êtes pas lamentés… ». Incroyable pour Jésus. Illogique. Absurde. Voici donc une première leçon contre la tentation de l’abstentionnisme. Attention à ne pas être une génération qui trouve des prétextes pour ne pas faire vraiment partie de la communauté humaine. C’était d’ailleurs ce que l’on reprochait à Jésus, sa liberté de comportement et ses fréquentations populaires : « Le fils de l’Homme est venu, mangeant et buvant, et l’on dit c’est un glouton et un buveur, un ami des collecteur de taxes, et des pécheurs… ». Il n’y avait pas chez lui, comme si souvent pour nous, d’un côté le sacré, de l’autre le profane. Et peut-être pourrait-on dire que chez lui, le sacré, c’est-à-dire là où Dieu est présent, se trouve justement dans la vie des hommes et des femmes de leur temps. Le sacré, cela se vit en bonne compagnie, dans la vie, les épreuves et les joies des hommes et des femmes de notre temps. Et en ce temps où une partie de la société pousse à ce que le sacré soit relégué dans la sphère du privé, nous nous souvenons qu’il ne faut pas opposer société terrestre et Eglise, assemblée des saints. Le culte ne se limite pas à une cérémonie, c’est une attitude fondamentale. Le culte est autant dans la vie que la vie dans le culte, et c’est pourquoi, par exemple, Jean Calvin avait simplifié la liturgie, afin d’atténuer le contraste entre sacré et profane, de sorte que l’attitude cultuelle s’étende à toute la conduite, à toutes les démarches du chrétien. Et puis, deuxième élément, comment les chrétiens vont-ils participer à la vie de la cité ? On pourrait penser que le propre des chrétiens, comme des autres cultes d’ailleurs, serait de demander l’intervention de Dieu pour la cité, pour y mettre du sien. C’est ce que demandaient à Jésus les gens de sa génération, sous la forme d’un signe. La participation des chrétiens à la vie publique se concevrait bien sous cette forme : prier pour que des signes s’imposent à notre société, là où la vie est particulièrement difficile. Or la réponse de Jésus est étonnante, car il qualifie de « génération méchante et adultère » sa propre génération qui demande des signes. Il leur répond qu’aucun autre signe que celui de Jonas ne leur sera donné. Jésus fait ainsi référence à l’action du prophète Jonas qui avait pour mission d’aller dire à Ninive qu’elle allait être jugée si elle ne changeait pas de politique. Au 7° siècle avant notre ère, Ninive était la capitale de l’Assyrie, pays réputé pour avoir écrasé les petits peuples voisins. Or très curieusement, le roi et les habitants de Ninive vont écouter ce petit prophète étranger et changer de comportement. Et de la même manière, dit Jésus, c’est la reine du Midi, de Saba (le Yémen actuel autrement dit une reine africaine, et donc à l’époque païenne), c’est la reine du Midi qui fait preuve de sagesse, car elle, elle s’est déplacée et a écouté. Il n’y aura pas d’autre signe que celui de Jonas, qui, fuyant ses responsabilités a failli en perdre la vie mais fut rendu à la vie pour sa mission. Comment participer ? Non pas en demandant des signes, et encore moins des miracles, au Dieu vivant, mais en accueillant nous-même l’Evangile qui est bonne nouvelle pour ce monde qu’il a tant aimé. Celui qui écoute l’Evangile reçoit le seul signe qui vaille d’être donné, celui de Jonas et, partant, celui de Jésus à travers sa mort et sa résurrection. Enfin, un troisième propos de Jésus sur sa génération est tout aussi étonnant pour sa génération, qu’il qualifie de mauvaise, avec la parabole d’un homme délivré d’un démon (c’est-à-dire de quelque chose qui le déshumanise), mais chez qui le démon revient avec 7 démons encore plus mauvais, comme on s’installerait dans une maison vide, balayée et bien arrangée. En participant activement à la vie de la cité, les chrétiens doivent se garder de l’illusion du nettoyage et du rangement, de la propreté, voire de la pureté. En participant aux débats et à la vie de notre cité, ils ne sont pas à l’abri de céder à des simplifications abusives. Attention à ne pas être une génération qui range ses valeurs en assignant une place à chaque chose et à chacun, attention à ne pas qualifier de dieu ses démons intérieurs, particulièrement ceux qui désignent l’extérieur, l’étranger, comme bouc émissaire de nos problèmes de vie communautaire. Et c’est pourquoi notre Eglise protestante unie de France appelle à attester de notre foi dans le dialogue et la confiance. Dans nos débats ecclésiaux comme dans ceux dits de société, faisons-le en refusant les positionnements à priori qui n’écoutent plus la Bible, le témoignage intérieur du St Esprit, et l’autre. Mauvaise génération donc que celle qui demandent des signes au lieu d’écouter, que celle qui boude les joies et les peines des hommes en ce monde, que celle qui placent leurs propres valeurs au-dessus de tout. En disant cela, je pense à cette génération d’aujourd’hui, qui se dit elle-même perdue. Il y a une quinzaine de jours, ont été publiées les premières analyses d’une très vaste enquête à laquelle 210.000 jeunes majeurs ont répondu en ligne, ce qui est tout à fait exceptionnel. Interrogés sur la façon dont ils se perçoivent, ces jeunes que la société a baptisé de génération Y ou Internet, disent que ce sont les mots « sacrifiée » ou « perdue » qui leur viennent le plus souvent à l’esprit… génération perdue, sacrifiée… Pour autant ils aiment leurs familles, disent que le travail est important dans leur vie, et s’engagent dans un militantisme de terrain. Mais ils ont majoritairement le sentiment de ne pas avoir de place dans cette société, de subir et de ne pouvoir faire leurs preuves, de montrer qui ils sont. On ne s’étonnera pas qu’ils ne croient plus à la politique (et ce n’est pas l’actualité de ces jours-ci qui va inverser cela !) ni qu’ils se méfient à 60% des institutions religieuses. Cette génération qui se dit elle-même perdue, comment faire pour qu’elle se sente retrouvée ? A nous de témoigner de ce que nous avons reçu. Le contraire de l’abstention, qui est défiance, le contraire du signe, qui fait preuve, le contraire du mot d’ordre qui impose, c’est la confiance donnée. Et c’est par elle qu’on dira : « heureuse génération » celle qui participe à la vie de la cité, parce que c’est dans ce monde, en Jésus le Christ, que le Dieu vivant est venu habiter et côtoyer l’humanité, c’est dans ce monde que tu as des prochains à aimer. Amen Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire |
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