Que l’humanité est touchante, souvent !

( Marc 14 :1-9 ; Marc 16 :1-7 )

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Culte du dimanche de Pâques 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

N'est-ce pas étonnant ce que dit Jésus de cette femme : « Je vous le dis en vérité, partout où l'Évangile sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu’elle a fait. »

C'est étonnant qu'un simple gaspillage de parfum soit ainsi comparé avec l'Évangile du Christ. Et c’est même plus que cela, car Jésus nous dit que le geste de cette femme doit être ajouté à l'Évangile partout où il sera annoncé, comme pour le compléter... comme si ce que le Christ avait dit et fait, y compris les événements célébrés à Pâques, ne suffisaient pas en eux mêmes pour dire l'essentiel, qu'il fallait y ajouter le témoignage de cette femme.

Femme de Béthanie mettant du parfum sur la tête de JésusComment comprendre cela, qu’est-ce que le geste de cette femme, un simple gaspillage de parfum aux yeux des apôtres a apporté, qu’est-ce que ça peut nous apporter ?

  • La première raison possible est que ce geste a été historiquement essentiel pour Jésus dans sa mission particulière.
  • La seconde raison possible est que ce geste de la femme est une indispensable clef d’interprétation de Pâques, un mode d’emploi de l’Évangile.

Pour Jésus, le geste de cette femme a pu être important. C’était certes sa mission de manifester le prix que chaque personne a aux yeux de Dieu, l’attachement du Père pour ce monde et pour chacun de ses enfants… Mais souvent les évangiles nous montrent un Jésus un petit peu désespéré devant ces pharisiens intégristes, devant ses disciples qui ne comprennent rien à rien, devant ces personnes qui à peine deux secondes après s’être réjouies d’apprendre le pardon de Dieu trouvent normal de ne rien laisser passer à leurs frères et sœurs…

Mais en cette femme qui, vraiment, nous dit Jésus, « a fait ce qu’elle pouvait », il y a de quoi être touché. Il y a de quoi être réconcilié avec l’humanité. Oui, quand on voit cette femme faire ce qu’elle peut, malgré les gens qui la critiquent et se moquent, on sent que l’humanité en vaut la peine. C’est vrai qu’il y a tant de péché, de faiblesse, de mensonge, de colère et de haine en ce monde, il y a tant de rancœur, de mauvaise volonté et de brutalité. C’est vrai, mais un seul geste de bonté gratuite, un seul geste de gratitude, un seul geste de tendresse peut nous réconcilier avec la vie, avec l’humanité. Et pour peu qu’on y fasse un peu attention, il y a mille occasions de s’émerveiller ainsi, mille occasion de se dire, en regardant le geste de quelqu’un : comme c’est touchant ! Et de se sentir joyeux, réconcilié avec la vie, avec l’humanité.

Tenez, hier, par exemple, nous avions ici la « nuit de l’éthique », que nous avons organisée avec Olivier Abel. En entrée de cette nuit, nous avions la chance d’avoir un des meilleurs sonneurs de trompe de chasse de France, qui est venu bénévolement, juste comme ça, alors qu’il n’avait aucun rapport avec l’Oratoire, juste pour rendre service, juste pour le geste, avec humilité alors qu’il est un des un des meilleurs. N’est-ce pas touchant ? Ce ne sont pas seulement les 3 notes de trompe de chasse qui ont alors embelli le monde, mais c’est le geste et c’est notre étonnement touché de voire quelqu’un simplement faire ce qu’il peut. Telle autre personne s’était inscrite à la nuit de l’éthique pour suivre des leçons de philosophie, et finalement a passé la nuit tout entière au service de tous à gérer l’intendance, n’est-ce pas touchant ? Est-ce que ça ne réconcilie pas avec l’humanité ? Si cette bonne volonté existe, tout est possible. C’est une question de démarche, de liberté, de générosité. Et ces conférenciers qui acceptent de préparer et de donner une conférence en pleine nuit, des personnes qui n’ont rien à prouver par ailleurs. Aucun de ces gestes n’est grand chose, et pourtant, comment ne pas y voir cette impulsion essentielle, ce souffle de vie qui consiste à un moment donné, de « faire ce que l’on peut », de le faire sans y être obligé, par grâce, sans peur du ridicule.

Cette humanité si touchante, elle s’est exprimée ce jour-là aux pieds de Jésus, et cela l’a touché, lui a donné du courage. Et en mettant en avant la mémoire du geste de cette femme, le Christ nous invite à voir que l’Évangile n’est pas seulement le regard de Dieu sur le monde, mais que l’Évangile est ce regard que nous pouvons avoir sur le monde, à l’image de Dieu. L’Évangile, c’est qu’en vérité, le monde est beau, c’est que l’humanité est touchante. Tel est le regard que Dieu a sur le monde et il est dans la vérité. Pour s’en rendre compte cela il suffit d’ouvrir les yeux et de regarder, de saisir comme Jésus nous y invite ici, la lumineuse beauté d’une personne qui, à un moment donné, fait ce qu’elle peut.

Pourtant, les disciples ont raison, pourtant, le geste de la femme est discutable. Quel gaspillage que ce parfum hors de prix répandu pour un homme comme Jésus qui apparemment ne devait pas être particulièrement du genre à se poudrer et à se parfumer, si ? Mais en critiquant ainsi, ils s’aigrissent encore un peu plus et ils passent à côté de la beauté du geste de cette femme, ils passent à côté de la beauté de la vie, ils passent à côté de l’Évangile vécu qui consiste à avoir cette tendresse qu’a Dieu pour nous, ce regard qui saisit la beauté d ‘un geste, d’une intention.

Pour Jésus, le geste de cette femme a pu être important. L’humanité n’est pas mauvaise, ou elle n’est pas seulement, elle n’est pas totalement mauvaise, mais l’humanité est adorable. Tout n’est pas perdu, tout est possible. Le geste de cette femme est surprenant, libre, absolument imprévisible. Ce geste est porteur d’une naïve tendresse qui s’exprime comme elle peut. Ce geste est un hommage à ce qu’elle a reçu du Christ, elle a reçu de lui quelque chose qui lui a donné cet enthousiasme, cette volonté de faire un geste malgré les ricanements et la critique des aigris en tout genre, des jugeurs, des donneurs de leçons. Elle a reçu du Christ quelque chose qui l’a rendue plus vivante, plus créatrice, plus libre, porteuse d’émerveillement et de tendresse. Le Christ l’a ressuscitée.

Cette femme a pu faire que Jésus croit en la résurrection, que Jésus sache que par sa vie n’est pas perdue, n’est pas ratée.

Cette femme a eu pour lui un geste de reconnaissance et de tendresse. C’est peut-être possible de vivre sans recevoir de geste de tendresse, sans que personne ne nous montre la moindre reconnaissance, mais c’est dur, c’est une souffrance, c’est une croix pire que la croix et les clous. Jésus a été sensible au geste de reconnaissance et de tendresse de cette femme. Et cela lui a fait du bien à ce moment difficile pour lui. Même quand on est Jésus-Christ, on n’est pas un pur esprit, ou plus précisément, précisément parce qu’il est Jésus Christ, il n’était pas un pur esprit, mais il était un homme en communion avec Dieu, et donc un homme ayant besoin comme chacun de reconnaissance et de tendresse.

L’apôtre Paul a dit que parfois, en exerçant l’hospitalité, on pouvait recevoir un ange sans le savoir. En fait, cela arrive plus souvent qu’il n’y paraît. Mais parfois aussi, avec un geste de reconnaissance et de tendresse nous pouvons aider une personne à être assez forte pour accomplir sa vocation. Ce jour-là, Jésus de Nazareth a reçu la force d’aller au bout de sa mission de Christ grâce à un geste un peu ridicule, un peu fou, mais qui disait la reconnaissance et la tendresse.

L’importance qu’a eu le geste de cette femme pour Jésus mériterait donc à lui seul qu’on se souvienne d’elle. Mais il y a plus que cela encore dans ce geste, il est comme un mode d’emploi bien utile qui doit accompagner l’Évangile du Christ.

C’est comme pour un four à micro-onde, l’essentiel est bien la machine en elle-même, mais elle n’est pas vendue sans un manuel qui explique comment s’en servir et ce qu’il ne faut surtout pas faire. Par exemple, nous précisent tous les manuels de fours à micro-onde, il ne faut pas s’en servir pour réchauffer son bébé, parce que la chaleur de ce four n’est pas comme celle d’un radiateur.

Jésus nous dit que l’Évangile doit être annoncé accompagné de la mémoire du geste de cette femme.

En effet, la mort et la résurrection du Christ peuvent être mal compris, comme une micro-onde peut être mal utilisé. La mort de Jésus a pu aussi être comprise comme un mépris du corps, un détachement de la vie en ce monde, un encouragement à l’ascétisme, à devenir de purs esprits, ou à considérer comme mauvais les joies et les plaisirs qu’offrent la vie en ce monde. Où encore à considérer que Dieu prendrait plaisir, ou aurait eu besoin des souffrances du Christ pour racheter nos fautes…

Ces interprétations sont manifestement contraires à mille passages de la Bible, paroles et gestes de Jésus… Mais il y a toujours un malheureux pour trouver un verset ou deux dans un coin de l’Écriture qui justifie à ses yeux l’idée du sacrifice expiatoire ou le mépris de la vie en ce monde, ou je ne sais encore quelles choses horribles. Non, Dieu ne prend plaisir en aucune souffrance. Dieu veut que la vie en ce monde soit belle, joyeuse, et libre.

Mais Jésus affronte un dilemme terrible, celui de devoir choisir entre ces deux excellentes dimensions que sont la chair et l'esprit. Il comprend qu'il va devoir maintenant choisir entre les deux. Il sent qu'il va choisir de privilégier l'Esprit, le spirituel, l'amour. Il sent donc qu'il va devoir sacrifier la vie du corps et cela est un drame. Mais comment faire autrement, pour lui, puisque d'autres ont choisi de le placer devant cette alternative ?

C'est vrai qu'en allant jusqu'au bout il témoigne de l'amour infini de Dieu pour chacun de nous, même du plus pécheur. C'est bien l'Évangile dont il témoigne ainsi, mais comment faire pour que ce sacrifice ne passe pas pour un suicide ? Comment faire pour que les générations suivantes qui entendront le récit de sa vie ne pensent pas que le corps n'est rien, que la vie en ce monde ne vaut pas tripette, qu’il est bon de la sacrifier ? Ce serait une catastrophe parce que c'est faux, parce que l'Évangile ce n'est pas cela du tout, c’est l’inverse. L’Évangile c’est que Dieu a tant aimé le monde qu’il fait tout pour lui, que Dieu aime tant chacune de nos vies, qu’il nos élans de tendresse, nos humbles gestes de bonne volonté, qu’il aime l’odeur d’un parfum offert, qu’il en est infiniment ému et touché.

Jésus aime Dieu, il aime l'amour de Dieu pour nous, mais il aime aussi la vie, il aime vivre avec les gens, manger avec eux, discuter, convaincre et parfois se laisser convaincre, il aime donner un coup de main, faire ce qu’il peut, il aime recevoir un geste de reconnaissance et d’amitié. Bref, oui, l'Évangile c'est que la vie est faite pour être belle les uns avec les autres, les uns par les autres, et que Dieu veut notre bonheur. Comment faire donc, pour que son sacrifice ne soit pas source de mort, mais seulement de vie ?

Cette femme soulage le Christ de cela. Son geste est un témoignage de l'importance qu'a pour elle cette vie qu'il va devoir sacrifier, la vie biologique. Jésus a besoin que ce message soit entendu, c'est un complément indispensable à son propre témoignage à lui. L'ensemble des deux témoignages, le sien et celui de cette femme se complètent magnifiquement. Lui, le Christ apporte sa part essentielle d’Évangile, la primauté de la grâce de Dieu sur tout autre réalité. Elle, cette femme anonyme montre l'importance de la vie en ce monde. L’infinie beauté de la vie en ce monde.

C’est pour faire mémoire de la beauté de la vie, découverte en Christ que trois autres femmes, Marie-Madeleine, Marie et Salomé, et nous à leur suite nous avançons le matin de Pâques.

Amen.

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Marc 14:3-9

Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme entra, pendant qu’il se trouvait à table. Elle tenait un vase d’albâtre, qui renfermait un parfum de nard pur de grand prix; et, ayant rompu le vase, elle répandit le parfum sur la tête de Jésus.

4 Quelques-uns exprimèrent entre eux leur indignation: A quoi bon perdre ce parfum? 5 On aurait pu le vendre plus de trois cents deniers, et les donner aux pauvres. Et ils s’irritaient contre cette femme.

6 Mais Jésus dit: Laissez-la. Pourquoi lui faites-vous de la peine? Elle a fait une bonne action à mon égard; 7 car vous avez toujours les pauvres avec vous, et vous pouvez leur faire du bien quand vous voulez, mais vous ne m’avez pas toujours. 8 Elle a fait ce qu’elle a pu; elle a d’avance embaumé mon corps pour la sépulture. 9 Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu’elle a fait.

Marc 16:1-7

Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d’aller embaumer Jésus. 2 Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever. 3 Elles disaient entre elles: Qui nous roulera la pierre loin de l’entrée du sépulcre? 4 Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée.

5 Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d’une robe blanche, et elles furent épouvantées. 6 Il leur dit: Ne vous épouvantez pas; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié; il est ressuscité, il n’est point ici; voici le lieu où on l’avait mis. 7 Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée: c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.